Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
20.4.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE CARTA c. ITALIE

(Requête no 4548/02)

ARRÊT

STRASBOURG

20 avril 2006

DÉFINITIF

13/09/2006

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Carta c. Italie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

M. C.L. Rozakis, président,
Mmes N. Vajić,
S. Botoucharova,
MM. A. Kovler,
V. Zagrebelsky,
Mme E. Steiner,
M. K. Hajiyev, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 mars 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 4548/02) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Salvatore Carta (« le requérant »), a saisi la Cour le 1er novembre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Mes E. Musco et F. Moretti, avocats à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. I.M. Braguglia, et par son co-agent adjoint, M. N. Lettieri.

3. Le requérant alléguait qu’une procédure pénale menée contre lui n’avait pas été équitable, étant donné qu’il n’avait pas eu la possibilité d’interroger ou faire interroger un témoin à charge.

4. La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement).

5. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la première section ainsi remaniée (article 52 § 1).

6. Par une décision du 19 mai 2005, la chambre a déclaré la requête recevable.

7. Le Gouvernement a déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire, mais non le requérant (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

8. Le requérant est né en 1958 et est actuellement détenu au pénitencier de Nuoro.

A. L’enlèvement de X et l’enquête préliminaire

9. Le 18 mai 1995, Y fut enlevé. Il fut gardé en captivité dans une grotte jusqu’au 25 octobre 1995, date à laquelle il fut trouvé par la police. Il portait une paire de bottes de cavalier. Y déclara que ces bottes lui avaient été données par ses ravisseurs. La police découvrit que ces bottes provenaient d’une entreprise, appartenant à un certain X. Z, un employé de cette entreprise, fut interrogé par la police. Il déclara que les bottes n’avaient pas été vendues, mais avaient été gardées dans le dépôt de X.

10. La police accomplit plusieurs vérifications et fit un état des lieux proches de l’endroit où Y avait été privé de sa liberté. Elle examina en particulier les différents chemins pour accéder à la grotte.

11. Les 2 mars, 3 juin et 5 novembre 1996, X fut interrogé, d’abord par les carabiniers, puis par le procureur de la République de Cagliari. Il avoua avoir gardé les bottes. Lors de l’interrogatoire par les carabiniers, X fut entendu en tant que témoin (persona che puó riferire circostanze utili ai fini delle indagini), et non en tant qu’accusé. Dès lors, il ne fut pas assisté par un avocat. Toutefois, le parquet de Cagliari estima ensuite que X devait être considéré comme une « personne soupçonnée d’avoir commis une infraction » (indagato). Interrogé en tant que tel par le procureur de la République, X décida de coopérer avec les autorités. Il déclara avoir utilisé les bottes en question au moins deux fois pour se rendre dans deux élevages afin de vacciner le bétail. Un de ces élevages appartenait au requérant, beau-frère de X. Ce dernier déclara également avoir laissé la paire de bottes dans l’élevage du requérant, sans lui mentionner cette circonstance.

12. W, propriétaire du deuxième élevage, fut interrogé par la police. Il déclara qu’il était présent avec d’autres bergers lors des faits décrits par X.

13. Il résulta des vérifications accomplies par la police que l’élevage du requérant était le plus proche de la grotte où Y avait été privé de sa liberté.

B. Le procès de première instance

14. Le 24 octobre 1997, le requérant, X et sept autres personnes furent renvoyés en jugement devant le tribunal de Nuoro pour enlèvement, violation de domicile et port d’armes prohibé.

15. Au cours des débats, plusieurs témoins à charge et à décharge, parmi lesquels Z et W, furent interrogés. X déclara se prévaloir du droit de garder le silence que lui reconnaissait l’article 210 du code de procédure pénale (« le CPP »). Le parquet demanda alors de pouvoir débattre (contestare) les déclarations faites par X pendant l’instruction. Le requérant s’opposa à l’utilisation des procès-verbaux de ces déclarations. Il observa que X aurait dû dès son premier interrogatoire être considéré comme une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction, et être assisté par un avocat. Le tribunal fit droit à la demande du parquet et décida de verser les procès-verbaux afférents au dossier du juge (fascicolo per il dibattimento) et de les utiliser pour évaluer le bien-fondé des accusations portées contre le requérant.

16. Le requérant fit des déclarations spontanées, invoquant son innocence. Il allégua n’avoir jamais vu la paire de bottes litigieuse.

17. Par un jugement du 9 avril 1999, le tribunal de Nuoro condamna le requérant à une peine de vingt-neuf ans d’emprisonnement. X fut relaxé des accusations de complicité en séquestration de personne portées à son encontre, au motif que les éléments à sa charge n’étaient pas suffisants pour établir sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable.

18. Le tribunal observa d’emblée que Y se trouvait dans une grotte située dans une colline jouxtant une vallée où se trouvaient des terres appartenant au requérant ou qui étaient utilisées par celui-ci. La défense avait noté que treize chemins menaient à la grotte en question. Cependant, le chemin le plus évident, suivi par les enquêteurs lors de la libération de Y, et qui, selon les éléments ressortant de la version de ce dernier, avait été suivi aussi par ses ravisseurs n’était pas mentionné. Il ressortait du témoignage d’un agent de police qu’indépendamment du chemin choisi, à un moment donné il fallait passer par un rond point, situé sur le terrain du requérant, d’où les ravisseurs contrôlaient la vallée. Afin de s’approvisionner, les ravisseurs devaient se déplacer pendant les mêmes horaires auxquels le requérant se rendait à sa ferme. De plus, une fois le requérant s’y était rendu entre 20 et 21 heures, c’est-à-dire pendant la période où les ravisseurs effectuaient un « changement de garde » et lorsque aucun intérêt professionnel ne justifiait un tel déplacement.

19. Il ressortait en outre des témoignages de certains bergers que le requérant était le seul à fréquenter la vallée L. au cours de l’été. Or, les ravisseurs étaient restés dans la grotte jusqu’en juin, et seulement après ils avaient commencé à sortir, ce qui démontrait qu’ils ne craignaient pas d’être vus par le requérant. Il ressortait du dossier que le requérant entretenait des relations avec X et certains autres coïnculpés, et la plupart des objets retrouvés dans la grotte provenaient de Dorgali, le lieu où le requérant résidait. Sur la base de ces éléments, le tribunal estima que le requérant avait eu un rôle de « gardien extérieur » dans la séquestration de Y, et que la version de l’intéressé, selon laquelle le crime s’était déroulé à son insu, n’était pas crédible. La contribution du requérant était au contraire indispensable car en effectuant son travail il avait libre accès aux lieux où se trouvait Y, sans faire naître de soupçons.

20. Un élément à charge ayant un poids considérable était constitué également par les bottes de cavalier que Y portait au moment de sa libération. S’agissant de chaussures très particulières, dont seulement deux exemplaires existaient en Italie, une enquête avait tracé leur parcours de la fabrication à la remise à Y. Ils avaient été vendus à l’entreprise C. et étaient parvenus à la filiale de Dorgali, gérée par X. Ce témoin avait déclaré avoir utilisé les bottes deux fois et les avoir ensuite laissées dans la ferme du requérant. Cependant, la version de X était démentie par un autre témoin, selon lequel lors des vaccinations du bétail X portait des bottes en gomme bien plus communes que celles en question. Il était dès lors raisonnable de croire que X avait essayé de fournir une version excluant sa propre responsabilité et permettant au requérant de donner des explications alternatives quant à la manière comment les bottes étaient parvenues à Y. Le tribunal estima qu’en réalité, X avait donné les bottes au requérant. Ce dernier les avait ensuite fait parvenir aux ravisseurs. Par ailleurs, X n’avait aucun intérêt à accuser le requérant. Les autres imprécisions contenues dans ses dépositions étaient minimes et portaient sur des aspects secondaires.

21. Le tribunal écarta l’exception du requérant selon laquelle les déclarations de X ne pouvaient pas être utilisées, au motif qu’il avait été interrogé sans l’assistance d’un conseil. En effet, au moment du premier interrogatoire, les investigations étaient en cours, et X ne pouvait pas encore être soupçonné d’avoir commis une infraction. Il avait donc été à bon droit entendu comme simple témoin.

C. La procédure d’appel

22. Le requérant interjeta appel. Il se plaignit d’avoir été condamné sur la base des déclarations de X, un témoin qu’il n’avait jamais eu la possibilité d’interroger ou de faire interroger. Il contesta également la crédibilité de ces déclarations et allégua qu’elles ne pouvaient être utilisées.

23. Par une ordonnance du 23 mars 2000, la cour d’appel, entérinant le raisonnement suivi par le tribunal, rejeta les exceptions du requérant concernant l’utilisation des déclarations de X.

24. Par un arrêt du 20 avril 2000, la cour d’appel de Sassari réduisit la peine infligée au requérant à vingt-quatre ans d’emprisonnement.

25. Elle observa que la défense avait soutenu que Y aurait pu arriver à la grotte en transitant par des lieux autres que le terrain du requérant. Cependant, au cours de la descente sur les lieux, il avait été établi que, contrairement à la thèse de l’accusé, la route traversant le terrain du requérant pouvait être parcourue par des voitures non équipées. Ayant examiné les plans des lieux, les parcours possibles, ainsi que les détails et les horaires relatés par Y, la cour d’appel conclut qu’il était vraisemblable que les ravisseurs avaient transité par la propriété du requérant. Par ailleurs, le jour de la libération de Y le requérant lui-même, à la demande des carabiniers, avait indiqué le parcours traversant son terrain comme étant celui pour se rendre à la grotte. De plus, Y avait déclaré avoir reçu de ses ravisseurs de la nourriture presque chaude, et la maison du requérant était l’endroit habité le plus proche à la grotte. Par ailleurs, lorsque les carabiniers, soupçonnant que Y se trouvait dans les environs, avaient bloqué un périmètre autour de la grotte, les ravisseurs avaient perdu toute possibilité de s’approvisionner. Cela aurait posé un problème surtout en ce qui concernait l’approvisionnement d’eau. Cependant, cette dernière aurait pu être facilement obtenue d’une citerne appartenant au requérant. Enfin, les ravisseurs avaient abandonné la grotte précisément lorsque les carabiniers étaient entrés sur le terrain du requérant et plusieurs témoignages démontraient que pendant l’été ce dernier était la seule personne pouvant contrôler la vallée toute entière.

26. Pour la cour d’appel, des explications alternatives auraient pu être avancées pour justifier les éléments à charge évoqués ci-dessus. Cependant, ce qui, à ses yeux, permettait de conclure à la culpabilité du requérant au-delà de tout doute raisonnable, était la remise à Y des bottes de cavalier, qui n’auraient pu parvenir à la victime que par l’intermédiaire du requérant. A cet égard, la cour d’appel releva que les déclarations de X contenaient sans doute des mensonges. Ce témoin avait, par exemple, affirmé avoir utilisé les bottes en question, alors qu’il était établi qu’elles étaient neuves lorsqu’elles furent données à Y. Cependant, X était crédible dans la mesure où il mettait en cause le requérant. Les deux hommes avaient en effet d’excellents rapports, et X n’avait aucune raison pour mentir lorsqu’il affirmait d’avoir amené les chaussures chez le requérant. Par ailleurs, mis sous pression par les autorités, X avait choisi une version non complètement défavorable au requérant. En déclarant que les bottes servaient pour vacciner du bétail, il avait permis au requérant de se justifier en alléguant qu’elles avaient été prises par l’une des personnes qui fréquentaient sa ferme.

27. La cour d’appel estima également qu’il n’était pas déraisonnable de croire que les ravisseurs avaient donné à Y des bottes coûteuses et faciles à identifier. Selon la pratique suivie dans ce genre de crimes, au moment de sa libération Y aurait été habillé avec les mêmes vêtements qu’il portait le jour de son enlèvement, et les ravisseurs auraient récupéré les bottes.

28. Les conclusions auxquelles la cour d’appel était parvenue étaient renforcées par les circonstances que la ferme du requérant était la plus proche à la grotte et qu’un chemin secret reliait ces deux endroits. De plus, X avait affirmé en présence de témoins que les collines entourant la propriété du requérant abritaient des grottes et des prisons pour les victimes d’enlèvements.

D. Le pourvoi en cassation du requérant

29. Le requérant se pourvut en cassation, réitérant, pour l’essentiel, les exceptions précédemment soulevées. Il excipa en outre de la violation de l’article 6 § 3 d) de la Convention.

30. Par un arrêt du 10 mai 2001, dont le texte fut déposé au greffe le 13 juin 2001, la Cour de cassation, estimant que la cour d’appel avait motivé de façon logique et correcte tous les points controversés, débouta le requérant de son pourvoi.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

31. La lecture des déclarations émises par un coïnculpé ou par une personne accusée dans une procédure connexe est réglementée par l’article 513 du CPP. Du fait qu’elles ont été lues, ces déclarations sont jointes au dossier du juge et peuvent être utilisées pour décider du bien-fondé de l’accusation.

32. Dans sa première version, cette disposition se lisait ainsi :

« 1. Si l’accusé est contumax ou absent ou bien s’il refuse de répondre aux questions, le juge ordonne, à la demande de l’une des parties, qu’on donne lecture des procès-verbaux des déclarations faites par l’accusé au représentant du parquet, ou au juge au cours des investigations préliminaires ou pendant l’audience préliminaire.

Si les déclarations émanent des personnes indiquées à l’article 210 [il s’agit des personnes accusées dans une procédure connexe], le juge, à la demande de l’une des parties, ordonne, selon les cas, de conduire à l’audience la personne ayant fait les déclarations ou de l’examiner à domicile ou [au moyen d’une] commission rogatoire internationale. S’il n’est pas possible d’obtenir la présence de la personne ayant fait les déclarations, le juge, après avoir entendu les parties, ordonne la lecture des procès-verbaux contenant lesdites déclarations ».

33. Par un arrêt n 254 du 3 juin 1992, la Cour constitutionnelle a déclaré l’article 513 § 2 inconstitutionnel dans la mesure où il ne prévoyait pas que « le juge, après avoir entendu les parties, ordonne la lecture des procèsverbaux des déclarations (...) faites par les personnes indiquées à l’article 210, lorsque celles-ci se sont prévalues de leur faculté de garder le silence ».

34. La loi n 267 du 7 août 1997, entrée en vigueur le 12 août 1997, a modifié l’article 513, prévoyant que les déclarations faites avant les débats par le témoin à charge coïnculpé ne pouvaient être utilisées que si le principe du contradictoire avait été respecté ou, à défaut, si l’intéressé avait donné son accord.

35. Cependant, la Cour constitutionnelle a déclaré cette loi inconstitutionnelle dans la mesure où elle ne prévoyait pas la possibilité d’utiliser les procès-verbaux des déclarations faites au cours de l’instruction par un coïnculpé, lorsque celui-ci refusait de témoigner et l’accusé ne donnait pas son accord à la lecture des déclarations en question (voir l’arrêt no 361 du 26 octobre 1998). C’est à la suite de cet arrêt que le Parlement a décidé d’insérer le principe du procès équitable dans la Constitution elle-même. Les paragraphes 3 à 5 de l’article 111 de la Constitution, dans leur nouvelle formulation et dans leurs parties pertinentes, se lisent ainsi :

« 3. (...) Dans le cadre du procès pénal, la loi garantit que la personne accusée d’une infraction (...) a la faculté, devant le juge, d’interroger ou de faire interroger toute personne faisant des déclarations à sa charge, d’obtenir la convocation et l’audition de toute personne à décharge dans les mêmes conditions que celles citées par l’accusation ainsi que le versement au dossier de tout autre élément de preuve en sa faveur (...).

4. Le procès pénal est régi par le principe du contradictoire concernant l’examen des moyens de preuve. La culpabilité de l’accusé ne peut pas être prouvée sur la base de déclarations faites par une personne qui s’est toujours librement et volontairement soustraite à l’audition par l’accusé ou son défenseur.

5. La loi réglemente les cas où un examen contradictoire des moyens de preuve n’a pas lieu, avec le consentement de l’accusé ou en raison d’une impossibilité objective dûment prouvée ou encore en raison d’un comportement illicite dûment prouvé. »

36. La loi no 63 du 1er mars 2001 a ensuite modifié l’article 513 du CPP, prévoyant que si l’auteur de déclarations faites avant les débats use de sa faculté de ne pas répondre, en règle générale ses déclarations ne pourront être versées au dossier que si les parties donnent leur accord. Cependant, s’il s’avère impossible d’obtenir la présence de l’auteur des déclarations ou de l’interroger, et lorsqu’une telle impossibilité dépend de circonstances imprévisibles, l’article 512 du CPP trouve à s’appliquer. Cette dernière disposition se lit ainsi :

« Le juge, à la demande des parties, ordonne la lecture des actes accomplis par la police judiciaire, par le parquet, par les représentants des parties privées et par le juge dans le cadre de l’audience préliminaire, lorsque, pour des faits ou des circonstances imprévisibles, leur répétition est devenue impossible ».

37. En ce qui concerne la force probante des déclarations émanant d’un coïnculpé ou d’une personne accusée dans une procédure connexe, l’article 192 § 3 du CPP prévoit que celles-ci doivent être « évaluées avec les autres éléments de preuve qui en confirment la crédibilité » (Le dichiarazioni rese dal coimputato nel medesimo reato o da persona imputata in un procedimento connesso (...) sono valutate unitamente agli altri elementi di prova che ne confermano l’attendibilità).

38. Dans ses parties pertinentes et tel qu’en vigueur à l’époque des faits, l’article 500 du CPP était ainsi libellé :

« 1. (...) les parties, pour débattre (contestare) (...) le contenu de la déposition, peuvent utiliser les déclarations faites précédemment par le témoin et versées au dossier du parquet.

(...)

2bis. Les parties peuvent débattre les déclarations du témoin même si celui-ci refuse de répondre ou omet de répondre en tout ou en partie sur les faits contenus dans ses déclarations précédentes.

(...)

4. Quand, suite à la contestation, il y a une différence quant au contenu de la déposition, les déclarations utilisées pour débattre cette différence sont versées au dossier du juge (fascicolo per il dibattimento) et sont évaluées comme preuves des faits qui y sont affirmés s’il y a d’autres éléments de preuve pouvant en confirmer la crédibilité.

(...). »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 ET 3 d) DE LA CONVENTION

39. Le requérant considère que la procédure pénale menée à son encontre n’a pas été équitable. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, se lit comme suit :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

(...). »

A. Arguments des parties

1. Le requérant

40. Le requérant estime que sa condamnation était fondée, dans une mesure déterminante, sur les déclarations de X, un témoin qu’il n’a jamais eu la possibilité d’interroger ou faire interroger. En particulier, avant les débats X avait avoué aux enquêteurs avoir laissé dans l’élevage du requérant les bottes parvenues à la victime de l’enlèvement. Il est vrai que les affirmations de X ont été corroborées par d’autres éléments ; cependant, à eux seuls ces derniers auraient été insuffisants pour fonder une condamnation au pénal.

2. Le Gouvernement

41. Le Gouvernement note que dans le système juridique italien, tout accusé a en principe le droit d’interroger les témoins à charge. Cependant, afin de permettre au juge d’établir les faits, dans certains cas et sous réserve du respect des conditions fixées par la loi, il est possible d’utiliser pour la décision des éléments qui ont été recueillis pendant les investigations préliminaires.

42. L’utilisation des procès-verbaux des dépositions de X à la police et au procureur de la République avait une base légale en droit national, à savoir l’article 500 §§ 2bis et 4 du CPP. Cette disposition, telle qu’en vigueur à l’époque des faits, prévoyait la possibilité de débattre (contestare) de différences entre les déclarations faites par un témoin à l’audience et celles faites précédemment, et trouvait à s’appliquer aussi lorsque le témoin refusait de répondre aux questions posées par les parties.

43. Les juges du fond ne se sont pas bornés à accepter passivement les déclarations de X, mais les ont attentivement évaluées et interprétées. Par ailleurs, le Gouvernement considère que la condamnation du requérant ne s’est pas basée exclusivement sur les déclarations en question, auxquelles les juges nationaux n’ont pas attribué un poids déterminant. Elles ont en effet été corroborées par des nombreux autres éléments, à savoir les circonstances que Y était détenu sur le terrain du requérant, que sur ce dernier se trouvait le chemin vraisemblablement utilisé chaque jour par les ravisseurs et que le requérant avait eu des contacts avec certains de ces derniers.

44. Le Gouvernement rappelle qu’en l’absence de conclusions manifestement arbitraires, la Cour ne saurait substituer sa propre appréciation des preuves à celle des juges nationaux, car il appartient à ces derniers de dire si un élément a eu un poids exclusif ou déterminant. Lorsqu’un élément de preuve à charge n’a pas été considéré comme déterminant au plan interne, la Cour ne doit pas remettre un doute cette évaluation.

45. Le Gouvernement se réfère à l’affaire Jerinò c. Italie (voir décision du 7 juin 2005, no 27549/02), où la Cour a entériné la pratique de lire les affirmations d’un témoin s’étant prévalu de son droit de garder le silence en conjonction avec d’autres éléments. Il s’ensuit que les déclarations faites avant les débats ne doivent être considérées ni comme étant étrangères au contexte probatoire, ni comme étant indépendantes des autres preuves. Elles sont, par contre, confirmées par ces dernières.

B. Appréciation de la Cour

46. Etant donné que les exigences du paragraphe 3 représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 de l’article 6, la Cour examinera les doléances du requérant sous l’angle de ces deux textes combinés (voir, parmi beaucoup d’autres, Van Geyseghem c. Belgique [GC], no 26103/95, CEDH 1999-I, § 27).

47. La Cour rappelle qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le point de savoir si des dépositions de témoins ont été à bon droit admises comme preuves ou encore sur la culpabilité du requérant (Lucà c. Italie, no 33354/96, § 38, CEDH 2001-II, et Khan c. Royaume-Uni, no 35394/97, § 34, CEDH 2000-V). La mission confiée à la Cour par la Convention consiste uniquement à rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable et si les droits de la défense ont été respectés (De Lorenzo c. Italie (déc.), no 69264/01, 12 février 2004).

48. Les éléments de preuve doivent en principe être produits devant l’accusé en audience publique, en vue d’un débat contradictoire. Ce principe ne va pas sans exceptions, mais on ne peut les accepter que sous réserve des droits de la défense ; en règle générale, les paragraphes 1 et 3 d) de l’article 6 commandent d’accorder à l’accusé une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d’en interroger l’auteur, au moment de la déposition ou plus tard (Lüdi c. Suisse, arrêt du 15 juin 1992, série A no 238, p. 21, § 49, et Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-III, p. 711, § 51).

49. A cet égard, comme la Cour l’a précisé à plusieurs reprises (voir, entre autres, Isgrò c. Italie, arrêt du 19 février 1991, série A no 194-A, p. 12, § 34, et Lüdi précité, p. 21, § 47), dans certaines circonstances il peut s’avérer nécessaire, pour les autorités judiciaires, d’avoir recours à des dépositions remontant à la phase de l’instruction préparatoire. Si l’accusé a eu une occasion adéquate et suffisante de contester pareilles dépositions, au moment où elles sont faites ou plus tard, leur utilisation ne se heurte pas en soi à l’article 6 §§ 1 et 3 d). Toutefois, les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l’article 6 lorsqu’une condamnation se fonde, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur des dépositions faites par une personne que l’accusé n’a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l’instruction ni pendant les débats (Lucà précité, § 40, A.M. c. Italie, no 37019/97, § 25, CEDH 1999-IX, et Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A no 261-C, pp. 56-57, §§ 43-44).

50. En l’espèce, le requérant a été condamné pour enlèvement, violation de domicile et port d’armes prohibé. L’un des témoins à sa charge était X, un coïnculpé qui aux débats s’est prévalu de la faculté de garder le silence qui lui reconnaissait la loi italienne. Dès lors, les déclarations qu’il avait faites aux carabiniers et au procureur de la République de Cagliari ont été lues et utilisées pour décider du bien-fondé des chefs d’accusation.

51. La Cour relève que la possibilité d’utiliser pour la décision sur le bien-fondé des accusations des déclarations prononcées avant les débats par des coïnculpés s’étant prévalus de la faculté de garder le silence était prévue par le droit interne de l’Etat défendeur, tel qu’en vigueur à l’époque des faits, à savoir par les articles 500 et 513 du CPP (voir paragraphes 31-35 et 38 ci-dessus). Cependant, cette circonstance ne saurait priver l’inculpé du droit, que l’article 6 § 3 d) lui reconnaît, d’examiner ou de faire examiner de manière contradictoire tout élément de preuve substantiel à charge (Craxi c. Italie, no 34896/97, § 87, 5 décembre 2002).

52. La Cour constate que, en conséquence des circonstances énumérées ci-dessus (voir paragraphes 50 et 51), la défense n’a eu, à aucun stade de la procédure, la possibilité de poser des questions à X. Elle observe cependant que les déclarations de ce témoin n’étaient ni le seul élément de preuve sur lequel les juges du fond ont appuyé la condamnation du requérant, ni un élément déterminant (voir, mutatis mutandis et parmi beaucoup d’autres, Raniolo c. Italie (déc.), no 62676/00, 21 mars 2002, Sangiorgi c. Italie (déc.), no 70981/01, 5 septembre 2002, De Lorenzo, décision précitée, Chifari c. Italie (déc.), no 36037/02, 13 mai 2004, Scheper c. Pays-Bas (déc.), no 39209/02, 5 avril 2005, Jerinò c. Italie (déc.), no 27549/02, 7 juin 2005, Bracci c. Italie, no 36822/02, §§ 57, 13 octobre 2005, et Cipriani c. Italie (déc.), no 37272/05, 9 février 2006). Bien au contraire, il ne s’agissait que d’un des éléments ayant servi à corroborer les autres preuves à charge, qui ont été produites au cours de débats publics et contradictoires (voir, mutatis mutandis, Sofri et autres c. Italie (déc.), no 37235/97, CEDH 2003-VIII). Parmi ces preuves, les juges nationaux ont attribué un poids considérable à l’emplacement de la grotte où Y avait été séquestré, à sa position par rapport aux terrains du requérant, à la nature du travail accompli par celui-ci et aux déplacements qu’il avait effectués pendant la période de captivité de Y. De plus, ont été prises également en compte non seulement les relations qui liaient le requérant à X, mais aussi les liens avec d’autres coïnculpés, et notamment son passage à proximité des gardiens du séquestré, ainsi que les exigences et le comportement des ravisseurs. Selon les juges du fond, le comportement des ravisseurs ne pouvait s’expliquer qu’en supposant une connivence de la part du requérant. Il convient également de noter que d’autres témoins avaient relaté certaines affirmations de X, à savoir que les collines entourant la propriété du requérant abritaient des grottes et des prisons pour les victimes d’enlèvements (paragraphe 28 ci-dessus). Enfin, un agent de police et des bergers qui ne se sont pas soustraits aux questions de la défense, avaient précisé qu’il était nécessaire de passer par un rond point situé sur le terrain du requérant et que celui-ci était le seul à fréquenter la vallée L. au cours de l’été (paragraphes 18 et 19 ci-dessus). Il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre appréciation des preuves à celle des juridiction nationales, ou de se prononcer sur la culpabilité du requérant (Khan c. Royaume-Uni, no 35394/97, § 34, CEDH 2000-V, et García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, CEDH 1999-I, § 28). Elle se borne à observer que, compte tenu des éléments indiqués ci-dessus, on ne saurait conclure que les cours nationales ont fondé la condamnation du requérant, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur les déclarations de X.

53. Par ailleurs, le requérant a eu la possibilité de contester le contenu des déclarations de X (paragraphe 15 ci-dessus).

54. Dans ces conditions, la Cour ne saurait conclure que l’impossibilité d’interroger X a porté atteinte aux droits de la défense au point d’enfreindre les paragraphes 1 et 3 d) de l’article 6 (voir, mutatis mutandis et parmi beaucoup d’autres, Artner c. Autriche, arrêt du 28 août 1992, série A no 242A, pp. 10-11, §§ 22-24, et P.M. c. Italie (déc.), no 43625/98, 8 mars 2001).

55. Il n’y a donc pas eu violation de cette disposition.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,

Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 avril 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren Nielsen Christos Rozakis
Greffier Président