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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE DEFALQUE c. BELGIQUE
(Requête no 37330/02)
ARRÊT
STRASBOURG
20 avril 2006
DÉFINITIF
13/09/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Defalque c. Belgique,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. C.L. Rozakis, président,
L. Loucaides,
Mmes F. Tulkens,
E. Steiner,
MM. K. Hajiyev,
D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 mars 2006,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 37330/02) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Albert Defalque (« le requérant »), a saisi la Cour le 10 octobre 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Me E. Vuylsteke, avocat à Bruxelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. C. Debrulle, Directeur général de la Direction de la Législation et des Libertés et Droits fondamentaux du Service Public Fédéral (SPF) Justice.
3. Le 3 février 2005, la première section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4. Le requérant, est un ressortissant belge, né en 1934. Il est médecin.
Outre ses activités de médecin, le requérant exploitait, au moment des faits, un laboratoire de biologie clinique, un laboratoire de radio‑immunologie, ainsi qu'un service d'imagerie nucléaire et de résonance magnétique nucléaire.
5. Suite à une plainte du 14 mars 1991 d'un médecin qui s'était déclaré « outré de constater qu'un (des ses) patient(s) qui souffrait de lombalgies banales, a[vait] subi une multitude d'examens, les uns plus inutiles que les autres et ce à de seules fins financières », le service du contrôle médical de l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) ouvrit une enquête. Après avoir notifié un procès-verbal de constat le 4 mai 1994, ce service adressa, le 13 octobre 1994, une plainte à charge du requérant au président de la commission de contrôle de l'INAMI (section Hainaut), lui reprochant d'avoir presté un nombre excessif d'actes entre le 12 décembre 1990 et le 12 mars 1991 par la systématisation de prestations relevant de la médecine interne, de la médecine nucléaire, de la biologie clinique et de l'imagerie médicale. Il fut invité à comparaître devant la commission de contrôle le 18 janvier 1995.
6. Le 13 janvier 1995, le requérant déposa une plainte avec constitution de partie civile pour coalition de fonctionnaires et calomnie. Lorsqu'il comparut le 18 janvier 2005 devant la commission de contrôle, le requérant demanda qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue de cette plainte.
7. Par décision du 18 janvier 1995, la commission de contrôle se prononça sur deux incidents de procédures soulevés par le requérant. Ce dernier fit appel de cette décision.
8. Après avoir tenu une audience le 21 mars 1995, la commission d'appel se prononça le 25 avril 1995. Elle confirma d'abord le rejet d'une demande de récusation, constata qu'il y avait lieu à évocation, considéra que le second incident de procédure relevait de l'examen du fond de l'affaire et renvoya l'affaire sine die pour les débats au fond. Après avoir tenu audiences les 5 septembre et 7 novembre 1995, la commission d'appel reprit la cause ab initio quant au fond le 25 avril 1996, en raison de la modification de sa composition. Les plaidoiries des parties furent entendues et le requérant déposa un classeur comportant 446 pages. A la demande de la partie adverse qui désirait étudier le contenu de ce classeur, l'affaire fut mise en continuation à l'audience du 6 juin 1996.
9. Après avoir poursuivi l'examen de l'affaire le 6 juin 1996, la commission d'appel dut à nouveau, du fait du changement de sa composition, reprendre la cause le 19 septembre 1996. Au cours de cette audience publique, l'un des membres magistrats demanda avec insistance que les noms des patients ne soient plus cités par la défense dans le cadre de sa plaidoirie.
10. Le 6 novembre 1996, la commission d'appel instituée auprès du service de contrôle médical de l'INAMI rendit sa décision fondée notamment sur « les premières et secondes conclusions ainsi que les trois notes techniques et en réponse, de même que les classeurs, déposés par [le requérant] les 21 mars 1995, 5 octobre 1995, 25 avril 1996 et 19 septembre 1996 ». Elle suspendit le requérant de la possibilité d'appliquer le tiers payant pendant cinq ans et le condamna à rembourser certaines sommes versées par l'INAMI. Le requérant saisit le Conseil d'Etat le 3 janvier 1997. Il souleva six moyens dans sa requête et deux moyens nouveaux dans son mémoire en réplique.
11. La partie adverse déposa un mémoire en réponse le 10 avril 1997 et le requérant déposa, le 11 juin 1997, un mémoire en réplique comportant deux moyens nouveaux. Un mémoire complémentaire de la partie adverse fut déposé le 27 juillet 1997.
12. Le 17 septembre 1999, le requérant adressa au Conseil d'Etat et à son auditorat un courrier contenant une abondante documentation scientifique.
13. Le rapport de l'auditorat, comportant quatre-vingts pages, fut déposé le 21 août 2001.
14. Par un arrêt du 24 avril 2002, notifié le 6 juin 2002, le Conseil d'Etat rejeta le recours, après avoir soulevé, sans y répondre, la question de savoir si l'article 6 de la Convention s'appliquait au litige. Il rejeta notamment un moyen fondé sur les articles 6 et 8 de la Convention dans lequel le requérant dénonçait l'irrégularité de la procédure du fait qu'elle trouvait sa cause et son origine dans la dénonciation et l'envoi d'un dossier médical par un médecin sans qu'il ait demandé et obtenu l'accord de son patient.
15. Le Conseil d'Etat rejeta également un grief mettant notamment en cause l'impartialité de la commission d'appel du fait de sa composition et dénonçant le dépassement du délai raisonnable, au mépris de l'article 6 de la Convention. Elle se prononça en ces termes :
« Considérant, quant à la première branche, qu'en ce qui concerne le reproche du défaut de garantie d'impartialité, il faut constater que la Commission d'appel, juridiction administrative, était composée, à la date de la décision attaquée, de juges professionnels, de représentants du corps médical et de représentants des organismes assureurs, dont le requérant n'établit pas qu'ils pourraient avoir eu un intérêt personnel à ce que l'I.N.A.M.I. pût récupérer la somme mise à sa charge ; que, aux termes de l'article 144, § 2, avant-dernier alinéa, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, précitée, seuls les magistrats avaient voix délibérative au sein de cette Commission et que la décision devait être prise à l'unanimité (arrêté royal du 12 décembre 1990 déterminant l'organisation de la Commission de contrôle et de la Commission d'appel instituée par l'article 142 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, article 18) ; que l'impartialité de cette juridiction ne peut dès lors être mise en doute ; qu'aucune preuve de partialité ne peut être tirée de ce que, comme l'allègue le requérant, « pour permettre à l'INAMI de répondre aux conclusions du Docteur Defalque, (la commission d'appel) a refusé de prendre l'affaire en délibéré alors que les plaidoiries étaient pourtant achevées » ; qu'en effet, une telle décision ne ressort nullement du procès-verbal de l'audience du 25 avril 1996 qui mentionne seulement la mise en continuation « vu l'heure tardive » ; qu'à supposer même qu'une telle décision eût été prise, elle respectait le principe de l'égalité des armes puisqu'à cette audience le requérant avait déposé une « note – inventaire du dossier déposé pour le Docteur Defalque » de 47 pages, sans compter les pièces dudit dossier auxquelles la note disait se référer ; que, pour le reste, cette juridiction administrative présente toutes les garanties requises et assure un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, la circonstance que le Conseil d'Etat intervient dans un tel litige comme juge de cassation est irrelevante et ne doit pas être examinée ;
Considérant qu'en ce qui concerne le reproche fait à la décision attaquée d'avoir admis que la sanction avait été prise à l'encontre du requérant dans un délai raisonnable, il est de ceux dont le Conseil d'Etat ne peut connaître en cassation administrative ; que c'est aux juridictions de fond qu'il revient d'apprécier, à la lumière des données de chaque affaire, si la cause est entendue dans un délai raisonnable et, dans la négative, de déterminer les conséquences qui peuvent en résulter ; »
16. Le Conseil d'Etat rejeta aussi le quatrième moyen du requérant qui reprochait à la commission d'appel de ne pas avoir respecté l'obligation de motivation. Dans son dernier mémoire, le requérant avait notamment fait observer in fine que les notes annexées aux conclusions qu'il avait déposées ne figuraient pas au dossier administratif, ce qui tendait à établir que la commission d'appel n'y avait pas eu égard et que si elles avaient bien été déposées devant elle, celle-ci ne les avait même pas lues, n'en avait gardé aucun souvenir et même aucune trace.
Le Conseil d'Etat s'exprima comme suit sur ce moyen :
« Considérant, quant à la deuxième branche du moyen, que si le juge doit répondre explicitement ou implicitement à toute demande, toute exception, toute défense et tout moyen formulés par les parties, il n'est pas tenu de les examiner un à un, mais il suffit que, de l'ensemble de la décision, apparaissent les raisons pour lesquelles la demande, l'exception, la défense ou le moyen ont été rejetés ; que le juge n'a pas davantage à répondre point par point à des notes annexées aux conclusions et destinées à les appuyer ; qu'en l'espèce, la motivation de la décision attaquée est précise à propos de chaque moyen de défense du requérant, chacun d'eux étant clairement identifié au point B ; que la Commission d'appel, qui, comme juge du fond, apprécie souverainement et librement la valeur probante des éléments de preuve qui lui sont produits, a pu légalement justifier sa décision en détaillant la méthode d'enquête du Service du contrôle médical, lequel a mis en lumière vingt-six cas lui permettant d'apprécier si « le Docteur Defalque a agi comme un médecin responsable » ; que plus particulièrement, la Commission d'appel a pu juger que la critique visant « l'aberration statistique » consistant à ne relever que 26 cas sur environ 3 600 patients examinés par an, était sans pertinence, dès lors qu'« un praticien doit agir avec conscience pour tous ses actes et non pas simplement pour la majorité ou la presque totalité de ceux-ci » ; que c'est en vain que le requérant reproche à la Commission d'appel de n'avoir pas spécifié les prestations reprochées, dès lors que la loi elle-même ne fait pas de distinction, quant à la sanction, entre le caractère inutilement onéreux et le caractère superflu du traitement ; que c'est encore en vain que le requérant reproche au Service du contrôle médical et à la Commission d'appel d'avoir confondu anamnèse ou examen clinique et affection et plainte du patient, dès lors que la décision attaquée fait la comparaison entre l'examen clinique normal qui doit prendre « plusieurs dizaines de minutes » et l'examen « rudimentaire et très bref, d'une durée d'environ 5 minutes » reproché au requérant, que la même décision conclut que celui-ci « ne pouvait être en mesure de déterminer les actes médicaux et techniques, adéquats et nécessaires, pour traiter ou approfondir valablement le cas de ses patients », qu'elle refuse la vraisemblance de la moyenne, par patient, de « 5 à 10 plaintes supplémentaires » prétendument relevées par le requérant au vu des examens qu'il effectuait, en tenant compte de ce que, « selon les médecins contrôleurs, les médecins traitants et la grande majorité des 26 patients entendus, ceux-ci souffraient de quelques affections bien déterminées » et qu'il est inimaginable de « prétendre que parmi tous les médecins concernés, de près ou de loin par le présent dossier, (le requérant) serait le seul apte à pratiquer une saine médecine », et qu'elle rejette l'argument selon lequel l'existence de plaintes de patients non révélées au médecin traitant serait la preuve du sérieux des examens préalables réalisés par le requérant, alors qu'est précisément critiquée la brièveté des examens auxquels celui-ci procédait ; qu'ainsi, et sans qu'elle doive expressément s'expliquer sur chacun des 26 cas retenus, la Commission d'appel a pu légalement juger qu'« en exerçant son art de cette manière, le Docteur Defalque n'a(vait) pas exercé comme un médecin consciencieux et n'a(vait) certainement pas agi comme l'aurait fait un autre pratiquant placé dans les mêmes conditions de travail » ; qu'ainsi, le requérant n'a pu se méprendre sur les raisons pour lesquelles ses arguments de défense ont été rejetés, fût‑ce implicitement ; que, pour le surplus, les critiques exposées dans la branche du moyen sous la rubrique « A propos des faits » sont irrecevables, le Conseil d'Etat ne pouvant connaître du fond de l'affaire lorsqu'il est saisi, comme en l'espèce, sur la base de l'article 14, § 2, des lois coordonnées le 12 janvier 1973 ;
Considérant, quant à la troisième branche du moyen, que le requérant reproche vainement à la décision attaquée de ne pas justifier les sanctions qui furent prononcées à son encontre, ni leur degré de gravité ; qu'en effet, la décision querellée est légalement motivée sur ces points, dès lors qu'après avoir décrit les faits et les griefs retenus, elle indique les dispositions légales qui énoncent les éléments constitutifs des infractions déclarées établies et les peines, soit les articles 73 et 157 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 ; que les circonstances de fait citées au moyen, en cette branche, soit l'affirmation du profil normal de prescripteur du requérant, le reproche de n'avoir retenu que 26 cas sur 3 000 prestations annuelles, le remboursement ordonné de plus de 1 200 000 francs et l'assimilation de la sanction d'interdiction du tiers payant durant cinq ans à une radiation à vie, n'ont pas été invoquées devant la Commission d'appel ; qu'enfin, il appartenait à la Commission d'appel, juridiction administrative, de décider du degré de gravité de la sanction à infliger au requérant au regard des circonstances concrètes de la cause ; qu'après avoir considéré que « le Docteur Defalque n'a pas exercé comme un médecin consciencieux et n'a certainement pas agi comme l'aurait fait un autre pratiquant placé dans les mêmes conditions de travail », la Commission d'appel a ordonné la récupération totale des dépenses inutilement mises à charge de l'A.M.I., pour les cas retenus, et l'interdiction d'appliquer le tiers payant pendant une période de cinq ans ; qu'en décidant comme elle l'a fait, la Commission d'appel n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; ».
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
17. Les dispositions pertinentes de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, à l'époque des faits de l'espèce, se lisaient comme suit :
Article 142
« § 1er. Auprès du service de contrôle médical est institué une commission de contrôle chargée, sans préjudice des compétences des instances disciplinaires, de constater les manquements aux dispositions de l'article 73 (...)
§ 2. Auprès du service du contrôle médical est institué une commission d'appel ayant pour mission de statuer sur les appels interjetés contre les décisions de la commission de contrôle. »
Article 143
« § 1er. Les commissions visées à l'article 142 sont composées de magistrats, de représentants des organismes assureurs et des dispensateurs de soins.
§ 2. (...) le mandat des présidents et des membres a une durée de six ans ; il est renouvelable.
§ 3. Le mandat de président, de président suppléant, de membre effectif ou de membre suppléant d'une commission visée à l'article 142, est incompatible avec un mandat dans le comité du service de contrôle médical ou un mandat dans une commission de profil comme visée à l'article 30.
§ 4. La commission de contrôle et la commission d'appel sont assistées, chacune, d'un secrétaire effectif et d'un ou plusieurs secrétaires suppléants désignés par le Médecin-directeur général du Service du contrôle médical parmi le personnel de ce service. »
Article 144
« § 1. (...)
§ 2. La commission d'appel visée à l'article 142 § 2, est composée d'un président et d'un président suppléant bilingue, choisis parmi les magistrats des cours d'appel et des cours du travail, à l'exclusion des membres du ministère public.
Elle est, en outre, composée de membres effectifs et de membres suppléants pour moitié de francophones et pour moitié de néerlandophones.
Les membres sont :
a) deux membres effectifs et deux membres suppléants choisis parmi les magistrats des cours d'appel et des cours du travail, à l'exclusion des membres du ministère public ;
b) quatre membres effectifs et quatre membres suppléants, médecins, désignés par les organisations représentatives du corps médical ;
c) quatre membres effectifs et quatre membres suppléants, médecins, désignés par les organismes assureurs.
Seuls les membres magistrats ont voix délibérative.
La Commission d'appel peut se faire assister d'experts. »
18. Aux termes de l'article 18 de l'arrêté royal du 12 décembre 1990 déterminant l'organisation de la commission de contrôle et de la commission d'appel, la décision de la commission d'appel, pour laquelle seuls les membres magistrats ont voix délibérative, doit être prise à l'unanimité.
EN DROIT
19. Le requérant expose que la procédure litigieuse a porté atteinte, sur divers points, à l'article 6 de la Convention dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
(...) »
20. Au vue de l'enjeu du litige, à savoir le droit de continuer à pratiquer la médecine à titre libéral, la Cour estime qu'il y a lieu d'examiner la requête sous l'angle de l'article 6 § 1 précité (cf. arrêts Le Compte, Van Leuwen et De Meyere c. Belgique du 23 juin 1981, série A, no 43, p. 22, § 48 ; Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A no 58, pp. 14-16, §§ 25-29 ; Diennet c. France du 26 septembre 1995, série A no 325-A, p. 13, § 27, et Van Orshoven c. Belgique du 25 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-III, p. 1051, §§ 40‑41).
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION DU FAIT DU CARACTÈRE NON CONTRADICTOIRE DE L'ENQUÊTE MENÉE PAR L'INAMI ET DU CARACTÈRE INCOMPLET DU DOSSIER ADMINISTRATIF DÉPOSÉ DEVANT LE CONSEIL D'ÉTAT
21. Le requérant se plaint d'abord de ce que de l'enquête menée par l'INAMI n'était pas contradictoire. Il explique aussi que le dossier administratif déposé devant le Conseil d'Etat était incomplet : un dossier de 446 pages déposé le 25 avril 1996 n'y figurait pas, de même que ses dernières et troisièmes conclusions (qui comptaient 293 pages avec la note qui en faisait partie intégrante) déposées le 19 septembre 1996.
Sur la recevabilité
22. La Cour rappelle que l'article 35 § 1 de la Convention, s'il doit s'appliquer « avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif » (voir, entre autres, Guzzardi c. Italie, arrêt du 6 novembre 1980, série A no 39, § 72), n'exige pas seulement la saisine des juridictions nationales compétentes et l'exercice de recours destinés à combattre une décision déjà rendue : il comprend aussi l'obligation d'avoir soulevé en droit interne, les griefs que l'on entend soumettre par la suite à Strasbourg (Cardot c. France, arrêt du 19 mars 1991, série A no 200, § 34 ; Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A no 216 C, § 38 ; Gasus Dosier – und Fördertechnik GmbH c. Pays-Bas, arrêt du 23 février 1995, série A no 306 B, § 48).
23. La Cour relève que le requérant n'a pas soulevé de tels griefs dans son recours devant le Conseil d'Etat. Eu égard notamment à la jurisprudence Cardot précitée, la Cour ne saurait considérer que les considérations, au demeurant vagues et imprécises, figurant in fine des développements consacrés au quatrième moyen dans le dernier mémoire du requérant puissent suffire à considérer qu'il se soit plaint, même en substance, devant le Conseil d'Etat du caractère incomplet du dossier déposé devant cette juridiction.
Il s'ensuit que ces griefs doivent être rejetés pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION DU FAIT DE L'INÉQUITÉ DE LA PROCÉDURE D'EXAMEN DE L'AFFAIRE PAR LA COMMISSION D'APPEL
24. Le requérant dénonce le fait que la commission d'appel n'aurait manifestement pas pris la peine d'examiner l'argumentation qu'il a développée devant elle, eu égard à la motivation de la décision du 6 novembre 1996, qu'il juge inadéquate puisque fondée sur des éléments qu'il a réfutés dans ses écrits. La commission d'appel s'est contentée d'y répondre in globo, par de mauvais arguments, sans rencontrer point par point sa défense.
Sur la recevabilité
25. Si l'article 6 de la Convention oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, elle ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (voir Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, § 61). L'étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit s'analyser à la lumière des circonstances de chaque espèce (voir Higgins et autres c. France, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, § 42, et Garcia Ruiz c. Espagne [GC], arrêt du 21 janvier 1999, no 30544/96, § 26, CEDH 1999‑I). La Cour ne saurait entrer dans les détails de la motivation, mais est seulement appelée à examiner si la juridiction saisie a bien eu égard à tous les moyens pertinents et s'ils ont eu une réponse (Ruiz Torija c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 303‑A, § 30).
26. En l'espèce, la Cour constate que dans sa décision du 6 novembre 1996, la commission d'appel s'est prononcée sur base d'une motivation circonstanciée, raisonnable et dépourvue de tout caractère arbitraire. Elle a effectivement examiné tous les moyens décisifs pour l'issue de l'affaire et y a répondu de manière précise et développée. La seul fait qu'elle n'aurait pas répondu séparément et de manière détaillée à chacun des arguments ne saurait suffire à rendre la procédure inéquitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. La Cour rappelle aussi qu'elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne (voir notamment Garcia Ruiz, précité, § 28).
27. L'examen de ce grief ne permet pas en conséquence de déceler une violation de l'article 6 § 1 de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION DU FAIT DE LA PARTIALITÉ DE LA COMMISSION DE CONTRÔLE ET DE LA COMMISSION D'APPEL
28. Le requérant se plaint également que la commission de contrôle et la commission d'appel ne sont pas des tribunaux indépendants et impartiaux, en raison de leur composition, de ce que leur secrétariat est assuré par le personnel de l'INAMI et du fait qu'ils siègent dans les locaux de cet organisme. Si seuls les membres magistrats de la commission d'appel ont voix délibérative, ces personnes y exercent une activité accessoire qui leur procure un complément de rémunération. S'ils sont nommés à vie comme tous les juges en Belgique, leur nomination est limitée à six ans dans le cadre des fonctions qu'ils exercent au sein de la commission d'appel, même si ce mandat est renouvelable. Divers événements intervenus durant la procédure montrent en outre que la commission d'appel a été partiale in concreto en l'espèce. Les éléments sur lesquels il fonde cette affirmation sont le fait qu'il n'a pas pu consulter les dossiers médicaux des médecins traitants auxquels a manifestement eu accès le médecin-inspecteur chargé de l'enquête par l'INAMI, l'intervention d'un membre « de manière hostile » lors de l'audience du 19 septembre 1996, l'abstention de la commission d'appel de nommer un expert alors que la loi le lui permettait, la communication d'un dossier incomplet au Conseil d'Etat et le refus de clôturer les débats à l'audience du 25 avril 1996 pour permettre à l'INAMI de « répondre au classeur » déposé au cours de cette audience.
Sur la recevabilité
29. La Cour rappelle également que, lorsqu'un organe juridictionnel chargé d'examiner des contestations portant sur des « droits et obligations de caractère civil » ne remplit pas toutes les exigences de l'article 6 § 1, il n'y a pas violation de la Convention si la procédure devant elle a fait l'objet du « contrôle ultérieur d'un organe judiciaire de pleine juridiction présentant, lui, les garanties de cet article » (voir, par exemple, les arrêts Albert et Le Compte, précité, § 29, et Bryan, précité, § 40). Constatant que les développements faits par le requérant visent essentiellement la commission d'appel, la Cour n'examinera le grief qu'en ce qui concerne cet organe juridictionnel.
30. S'agissant de l'indépendance de la commission d'appel, la Cour rappelle que, pour déterminer si un organe répond à cette condition, il faut avoir eu égard au mode de désignation des membres, à l'existence de garanties contre les pressions extérieures et au point de savoir s'il y a ou non apparence d'indépendance (cf. notamment les arrêts Delcourt c. Belgique du 17 janvier 1970, série A no 11, § 31 ; Le Compte, Van Leuwen et de Meyere, précité, § 55 ; Bryan c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A no 335‑A, § 37, et Findlay c. Royaume-Uni, du 25 février 1997, Recueil 1997-I, § 73).
31. En l'espèce, la Cour constate que la commission d'appel est une juridiction présidée par un magistrat et que ses décisions sont soumises au contrôle du Conseil d'Etat, juge de cassation. A l'époque des faits, elle était composée respectivement de deux magistrats et huit médecins. Les magistrats étaient désignés parmi ceux exerçant auprès des cours d'appel et des cours du travail, à l'exclusion des membres du ministère public. Pour leur part, les médecins étaient désignés pour moitié par les organisations représentatives du corps médical et pour moitié par les organismes assureurs. Sur ce point, la composition de la commission d'appel est donc paritaire. Le mandat des présidents et des membres avait une durée de six ans, une durée qui, selon la jurisprudence, constitue une garantie d'indépendance (Le Compte, Van Leuwen et de Meyere, précité, § 57). Il était aussi prévu un régime d'incompatibilité avec d'autres mandats, en particulier lorsque celui-ci se serait exercé dans le comité du service de contrôle médical.
Si le nombre des médecins était supérieur à celui des membres magistrats, seuls ces derniers avaient voix délibérative et leur décision devait être prise à l'unanimité. Enfin, le fait que, comme commission de contrôle, la commission d'appel siège dans les locaux de l'INAMI et que son secrétariat soit assuré par le personnel de cet organisme, ne suffit pas non plus, de l'avis de la Cour, à caractériser un manque d'indépendance.
32. La Cour parvient en conséquence à la conclusion que les appréhensions du requérant quant à l'indépendance de la commission d'appel ne sont pas objectivement justifiées.
33. La Cour rappelle que l'impartialité d'une juridiction s'apprécie suivant une double démarche. La première consiste à essayer de déterminer la conviction personnelle de tel ou tel juge en telle occasion ; la seconde amène à s'assurer qu'il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (Gautrin et autres c. France, arrêt du 20 mai 1998, Recueil 1998-III, § 58).
34. Quant à la première démarche, l'impartialité personnelle d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (voir, par exemple, Padovani c. Italie, arrêt du 26 février 1993, série A no 257-B, p. 20, § 26). En l'espèce, la Cour estime qu'aucun des arguments visant l'impartialité subjective des membres de la commission d'appel, dont certains fondent également d'autres griefs du requérant examinés ci-avant, ne laissent transparaître un doute quant à l'impartialité, qu'ils soient examinés ensemble ou individuellement.
35. Quant à l'impartialité objective et organique, elle conduit à se demander, lorsqu'une juridiction collégiale est en cause, si, indépendamment de l'attitude personnelle de l'un de ses membres, certains faits vérifiables autorisent à mettre en question l'impartialité de celle-ci. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l'importance. Il en résulte que, pour se prononcer sur l'existence, dans une espèce donnée, d'une raison légitime de craindre d'une juridiction un défaut d'impartialité, le point de vue de l'intéressé entre en ligne de compte mais ne joue pas un rôle décisif. L'élément déterminant consiste à savoir si les appréhensions de celui-ci peuvent passer pour objectivement justifiées (D.P. c. France, no 53971/00, § 33, CEDH 2004‑I, et Gautrin et autres, précité, loc. cit.).
36. La Cour constate que les arguments soulevés à cet égard se confondent avec ceux mettant en cause l'indépendance des juridictions. Elle rappelle d'ailleurs que les notions d'indépendance et d'impartialité objective sont étroitement liées (Findlay, précité, § 73). Eu égard aux constatations faites à propos de l'indépendance de la commission d'appel, la Cour est d'avis que les appréhensions du requérant quant à l'impartialité objective de cet organe ne sont pas objectivement justifiées.
37. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION DU FAIT DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
38. Le requérant est également d'avis que l'examen de sa cause n'a pas eu lieu dans un délai raisonnable.
A. Sur la recevabilité
39. Le Gouvernement fait valoir à cet égard une exception d'irrecevabilité tirée du non‑épuisement des voies de recours internes. Il se prévaut des arrêts du 19 décembre 1991 de la Cour de cassation belge et du 8 décembre 1994 et fait valoir que le principe d'une justice appropriée dans un délai raisonnable, consacré à l'article 6 de la Convention, impose aux magistrats d'agir de manière déterminée et, par conséquent, sous réserve d'une erreur invincible ou d'une autre cause de justification, la violation de ce principe constitue une faute pouvant engager la responsabilité de l'Etat.
Le Gouvernement soutient que le requérant aurait dès lors dû assigner l'Etat belge devant les juridictions civiles internes pour l'entendre condamner, sur la base de l'article 1382 du code civil, à indemniser le préjudice éventuel subi, cette procédure ayant des chances raisonnables de succès. Faute de l'avoir fait, il n'a, selon le Gouvernement, pas épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 35 de la Convention. A l'appui de sa thèse, le Gouvernement cite plusieurs décisions de juridictions : un arrêt de la cour d'appel d'Anvers du 22 septembre 1998, un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 16 décembre 1999, un jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 27 octobre 2000, un jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 6 novembre 2001 et l'arrêt rendu en appel par la cour d'appel de Bruxelles le 4 juillet 2002, ainsi qu'un jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 18 janvier 2002.
Le requérant conteste cette thèse et fait valoir qu'il ne disposait pas d'un recours effectif pour se plaindre de la durée de la procédure. Il rappelle à cet égard les considérations développées par la Cour dans son arrêt du 15 juillet 2005 (Landesheer c. Belgique, no 50575/99, §§ 30 et 31).
A la lumière de décisions qu'elle a récemment rendues dans le cadre de l'examen des requêtes Panier et Lenardon (Panier c. Belgique (déc.), no 2527/02, 20 octobre 2005 ; Lenardon c. Belgique, no 18211/03, 8 décembre 2005), la Cour estime que la possibilité de mettre en cause la responsabilité de l'Etat pour le dommage causé par l'absence de mesures suffisantes pour assurer que les juridictions puissent statuer dans un délai raisonnable n'avait pas encore acquis, au moment de l'introduction de la requête, un degré de certitude juridique suffisant pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention.
Partant, il ne saurait être reproché au requérant de ne pas avoir usé de ce recours. Il y a lieu en conséquence de rejeter l'exception soulevée par le Gouvernement.
40. La période à considérer a débuté le 4 mai 1994 avec notification du procès-verbal de constat par le service du contrôle médical de l'INAMI et s'est terminée par l'arrêt du 24 avril 2002 du Conseil d'Etat. Elle a donc duré un peu plus de 8 années pour trois degrés de juridictions.
41. La Cour constate que le grief soulève des questions de fait au regard de la Convention qui nécessitent un examen au fond et ne saurait être déclaré manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Constatant par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour déclare recevable cette partie de la requête.
B. Sur le fond
42. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
43. En ce qui concerne le comportement des autorités, la Cour constate que, dans le cadre de l'examen de l'affaire par le conseil d'Etat, le requérant et la partie adverse avaient déposé leurs divers mémoires à la fin du mois de juillet 1997. Ce n'est cependant que le 21 août 2001 que fut déposé le rapport de l'auditorat, un préalable à l'examen de la requête par la juridiction saisie. Un tel délai est a priori déraisonnable et ne saurait être justifié que dans des conditions exceptionnelles. La Cour observe que l'affaire présentait une certaine complexité et que le dépôt de documentation scientifique par le requérant en septembre 1999 pourrait être interprété comme une source de retard. Ces seuls éléments ne sauraient cependant expliquer un laps de temps de plus de quatre ans pour le seul examen du recours par l'auditorat. Aucune autre explication valable de ce délai n'a été fournie par le Gouvernement belge. Il est de jurisprudence constante que l'encombrement chronique du rôle d'une juridiction ne constitue pas une explication valable (voir Probstmeier c. Allemagne, arrêt du 1er juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1138, § 64 ; Olbregts c. Belgique, no 50853/99, § 19, 4 décembre 2003). En effet, l'article 6 § 1 oblige les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que les tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences, notamment celle du délai raisonnable (Portington c. Grèce, arrêt du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VI, p. 2633, § 33 ; Vocaturo c. Italie, arrêt du 24 mai 1991, série A no 206-C, p. 32, § 17).
44. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que la cause du requérant n'a pas été entendue dans un délai raisonnable. Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
V. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
45. Le requérant se plaint également du fait que l'origine de l'enquête menée par l'INAMI réside dans une plainte d'un médecin qui a aussi transmis à l'INAMI le dossier médical d'un patient sans l'accord de celui-ci, il y a manifestement eu violation du droit à la vie privée de ce patient. Il invoque l'article 8 de la Convention.
Sur la recevabilité
46. La Cour rappelle que, par « victime », le texte de l'article 34 de la Convention vise non seulement la ou les victimes directes de la violation alléguée, mais encore toute victime indirecte à qui cette violation causerait un préjudice. Dans le cas d'espèce, elle estime que le requérant ne peut se prétendre victime même indirecte de la violation de l'article 8 de la Convention, qui garantit des droits étroitement liés à la personne du patient du requérant. Par ailleurs, le requérant n'a apporté aucun élément permettant de croire qu'il aurait été personnellement victime d'une atteinte aux droits garantis par cette disposition. En outre, la Cour relève que le requérant n'a jamais mentionné qu'il aurait reçu un mandat de son patient pour agir en son nom devant lui.
47. Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée conformément à l'article 35 § 4 de la Convention.
VI. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
A. Dommage
48. Le requérant réclame 1 434 858,76 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu'il aurait subi, qui recouvre sa perte de bénéfice, sa perte de clientèle, la perte de la valeur du matériel, ainsi que le prétendu indu qui lui fut réclamé à l'issue de la procédure litigieuse. Il réclame aussi 112 000 EUR au titre du préjudice moral
49. Le Gouvernement relève que le requérant reste en défaut d'établir le lien existant entre la durée de la procédure et le préjudice dont il fait état.
50. La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu'il y a lieu d'octroyer au requérant 4 000 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
51. Le requérant demande également 110 061,63 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et 10 500 EUR pour ceux encourus devant la Cour.
52. Le Gouvernement n'a pas fait de commentaires à ce propos.
53. La Cour rappelle que, lorsqu'elle constate une violation de la Convention, elle peut accorder le paiement des frais et dépens exposés devant les juridictions internes, mais uniquement lorsqu'ils ont été engagés « pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation » (voir, notamment, Zimmermann et Steiner c. Suisse, arrêt du 13 juillet 1983, série A no 66, § 36) et qu'un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale, estime raisonnable la somme de 1 400 EUR pour la procédure devant la Cour et l'accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
54. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l'article 6 de la Convention du fait de la durée de la procédure litigieuse et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 de la Convention ;
3. Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 5 400 EUR (cinq mille quatre cents euros) pour dommage moral et frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 avril 2006 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Christos Rozakis
Greffier Président