Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
4.5.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 21461/05
présentée par Maria RIZZELLI et autres
contre l’Italie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 4 mai 2006 en une chambre composée de :

MM. J. Hedigan, président,
L. Caflisch,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mmes I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 8 juin 2005,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérantes, Mmes Maria Rizzelli, Anna Maria Frassaniti et Filomena Rizzelli, sont des ressortissantes italiennes, nées respectivement en 1963, 1932 et 1931 et résidant respectivement à Lecce et Castro (Lecce). Elles sont représentées devant la Cour par Me M. de Stefano, avocat à Rome.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérantes, peuvent se résumer comme suit.

Les requérantes étaient copropriétaires avec une tierce personne d’un terrain sis à Andrano (Lecce) et enregistré au cadastre, feuille 15, parcelle 43.

Par un arrêté du 13 mars 1979, le maire d’Andrano ordonna l’occupation d’urgence d’une partie de ce terrain, à savoir 17 199 mètres carrés, en vue de son expropriation, afin de procéder à la construction d’un terrain de sport.

Le 7 avril 1979, la municipalité d’Andrano procéda à l’occupation matérielle du terrain et entama les travaux de construction.

Par un acte d’assignation du 28 décembre 1985, les requérantes et la tierce personne introduisirent devant le tribunal de Lecce une action en dommages-intérêts à l’encontre de la municipalité d’Andrano. Elles faisaient valoir que l’occupation du terrain était illégale, étant donné que celle-ci s’était poursuivie au-delà de la période autorisée, sans qu’il fût procédé à l’expropriation formelle et au paiement d’une indemnité. Elles demandaient un dédommagement égal à la valeur vénale réévaluée du terrain, ainsi qu’une indemnité pour la perte de valeur de la partie restante du terrain et une indemnité pour non-jouissance du terrain.

Au cours du procès, le 18 novembre 1986, une première expertise fut déposée au greffe. L’expert évalua à 86 000 000 ITL la valeur vénale du terrain en 1980.

Le 22 décembre 1988, une deuxième expertise fut déposée au greffe. L’expert réduisit à 4 730 198 ITL la valeur vénale du terrain en 1980.

Par un jugement déposé au greffe le 24 septembre 1990, le tribunal déclara que la propriété du terrain avait été transférée à l’administration en 1980 en raison de la transformation irréversible de celui-ci, en vertu du principe de l’expropriation indirecte. En outre, le tribunal évalua à 51 597 000 ITL, soit 3 000 ITL le mètre carré, la valeur vénale du terrain en 1980. A la lumière de ces considérations, le tribunal condamna la municipalité d’Andrano à verser aux requérantes et à la tierce personne la somme de 51 597 000 ITL, plus intérêts et réévaluation, à titre de dédommagement pour la perte du terrain, ainsi que la somme de 774 000 ITL, plus intérêts et réévaluation, à titre d’indemnité pour non jouissance du terrain en ce qui concerne les années 1979 et 1980.

Les requérantes et la tierce personne interjetèrent appel de ce jugement devant la cour d’appel de Lecce, contestant notamment l’évaluation de la valeur vénale du terrain effectuée par le tribunal.

Par un arrêt déposé au greffe le 11 juillet 1995, la cour d’appel évalua à 86 000 000 ITL la valeur vénale du terrain en 1980, s’appuyant sur la première expertise déposée au greffe au cours de la procédure devant le tribunal. A la lumière de ces considérations, la cour d’appel condamna la municipalité d’Andrano à verser aux requérantes et à la tierce personne la somme de 86 000 000 ITL, plus intérêts et réévaluation, à titre de dédommagement pour la perte du terrain et confirma la partie restante du jugement du tribunal.

Il ressort du dossier que la municipalité versa aux requérantes et à la tierce personne les sommes dues conformément à ce dernier arrêt.

Par un recours notifié le 29 août 1996, la municipalité d’Andrano se pourvut en cassation.

Par un arrêt déposé au greffe le 23 décembre 1998, la Cour de cassation renvoya l’affaire devant une autre section de la cour d’appel de Lecce, au motif que le montant du dédommagement pour la perte du terrain devait être calculé sur la base des critères énoncés par la loi no 662 de 1996, entre temps entrée en vigueur.

Au cours du procès devant la cour d’appel de Lecce, une expertise fut déposée au greffe. L’expert évalua à 3 439 800 ITL, soit 1 776,51 EUR, la valeur vénale du terrain en 1980.

Par un arrêt déposé au greffe le 17 avril 2004, la cour d’appel de Lecce déclara que le terrain ayant une nature agricole, les critères de calcul du dédommagement prévus par la loi no 662 de 1996 pour les terrains constructibles ne s’appliquaient pas en l’espèce. A la lumière de ces considérations, la cour d’appel déclara que le montant du dédommagement pour la perte du terrain devait correspondre à la valeur vénale de celui-ci en 1980, soit 1 776,51 EUR, plus intérêts et réévaluation. Étant donné que la municipalité d’Andrano avait déjà versé aux requérantes et à la tierce personne les sommes dues conformément au premier l’arrêt de la cour d’appel, cette dernière condamna les requérantes et la tierce personne à rendre à la municipalité la somme constituant la différence entre le montant déjà reçu conformément au premier arrêt de la cour d’appel et le dédommagement auquel elles avaient droit.

Par deux recours des 17 mai et 7 juin 2004, les requérantes et la tierce personne se pourvurent en cassation.

Cette procédure est toujours pendante devant la Cour de cassation.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, les requérantes se plaignent d’avoir été privées de leur terrain de manière incompatible avec leur droit au respect de leurs biens.

2. Invoquant les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1, les requérantes se plaignent de la réduction du dédommagement pour la perte du terrain en raison de l’application à leur cause de la loi no 662 de 1996, entrée en vigueur au cours de la procédure devant les juridictions nationales.

EN DROIT

1. Les requérantes se plaignent de la perte de leur terrain en application du principe de l’expropriation indirecte. Elles invoquent l’article 1 du Protocole no 1, qui se lit ainsi :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur pour observations écrites conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Les requérantes se plaignent de la réduction du dédommagement pour la perte du terrain en raison de l’application à leur cause de la loi no 662 de 1996.

Elles invoquent d’abord l’article 6 § 1 de la Convention, qui, dans ses parties pertinentes, se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

En outre, elles invoquent l’article 1 du Protocole no 1.

La Cour constate que la cour d’appel de Lecce, dans son jugement déposé au greffe le 17 avril 2004, a déclaré que le terrain avait une nature agricole et a reconnu aux requérantes un dédommagement égal à la valeur vénale de celui-ci au moment du transfert de la propriété, plus réévaluation et intérêts. Il s’ensuit qu’aucune réduction du dédommagement conformément aux critères de calcul de l’indemnisation prévus par la loi no 662 de 1996 en ce qui concerne les terrains constructibles n’a eu lieu en l’espèce.

Au vu de ce qui précède, la Cour estime que rien dans le dossier ne permet de déceler une apparence de violation des dispositions invoquées de la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, conformément à l’article 35 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief des requérantes tiré de l’article 1 du Protocole no 1 ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Vincent Berger John Hedigan
Greffier Président