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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
4.5.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 34593/05
présentée par SOCIETÀ AGRICOLA INNOCENTI E MANGONI
contre l’Italie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 4 mai 2006 en une chambre composée de :

MM. J. Hedigan, président,
L. Caflisch,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 14 septembre 2005,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, società agricola Innocenti e Mangoni, est une personne morale ayant siège à Pistoia. Elle est représentée devant la Cour par Me A. Cecchi, avocat à Florence.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

La requérante était locataire d’un terrain de 38 451,80 mètres carrés, sis à Pistoia et enregistré au cadastre, feuille 229, parcelle 34. Elle utilisait ce terrain comme pépinière.

Par un arrêté du 20 octobre 1992, le conseil municipal de Pistoia approuva le projet de construction d’une décharge publique sur le terrain dont la requérante était locataire.

Par un arrêté du 18 juin 1983, le maire de Pistoia ordonna l’occupation d’urgence de ce terrain en vue de son expropriation, afin de procéder à la construction de la décharge publique.

Le 14 juillet 1993, la municipalité de Pistoia procéda à l’occupation matérielle du terrain et entama les travaux de construction, qui comportèrent la destruction des plantes faisant partie de la pépinière de la requérante.

Par un arrêté du 24 juin 1994, la municipalité de Pistoia décréta l’expropriation du terrain.

Entre-temps, par un arrêté du 2 octobre 1992, la municipalité de Pistoia avait offert à la requérante la somme de 230 710 000 ITL à titre d’indemnité pour la destruction des plantes au cours des travaux.

Par une lettre du 15 octobre 1993, la requérante refusa cette offre, au motif que la somme offerte était nettement inférieure au dommage réellement subi.

Le 13 septembre 1994, la municipalité de Pistoia offrit à la requérante la somme de 260 000 000 ITL à titre d’indemnité pour la destruction des plantes au cours des travaux.

Par un acte notifié le 13 octobre 1994, la requérante introduisit devant la cour d’appel de Florence une action à l’ encontre de la municipalité de Pistoia, contestant notamment le montant de l’indemnité offerte par la municipalité et demandant aussi une indemnisation pour les dommages à son activité commerciale.

Au cours du procès, une expertise fut déposée au greffe. L’expert évalua à 311 000 000 ITL le montant de l’indemnité due à la requérante pour la destruction des plantes. En outre, il évalua à 20 939 000 ITL le montant du dommage subi par la requérante en raison de la nécessité de transférer son activité commerciale sur un autre terrain, à 32 300 000 ITL le montant du dommage conséquent à l’interruption temporaire forcée de l’activité commerciale, et à 384 518 000 ITL le montant de l’indemnité due aux termes de l’article 17 de la loi no 865 de 1971 au locataire d’un terrain exproprié.

Par un arrêt déposé au greffe le 24 mars 2001, la cour d’appel de Florence condamna la municipalité de Pistoia à verser à la requérante la somme de 311 000 000 ITL, plus intérêts, à titre d’indemnité pour la destruction des plantes au cours des travaux. En outre, la cour d’appel déclara que la requérante n’avait pas droit aux indemnités pour le transfert de l’activité commerciale sur un autre terrain et pour l’interruption temporaire forcée de l’activité commerciale. Enfin, la cour d’appel déclara que l’article 17 de la loi no 865 de 1971 n’était pas applicable au cas d’espèce, étant donné que l’activité exercée par la requérante sur le terrain exproprié ne rentrait pas dans la catégorie d’activités prévue par cette disposition.

Par un recours notifié le 24 avril 2002, la municipalité de Pistoia se pourvut en cassation. Elle faisait notamment valoir que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le locataire d’un terrain exproprié n’avait droit qu’à l’indemnité prévue par l’article 17 de la loi no 865 de 1971. Étant donné que cette disposition n’avait pas été considérée comme applicable au cas d’espèce par la cour d’appel, la municipalité soutenait que la requérante n’avait pas droit au dédommagement pour la destruction des plantes reconnu par la cour d’appel.

Par un arrêt déposé au greffe le 18 mars 2005, la Cour de cassation accueillit le recours de la municipalité et déclara par conséquent que la requérante n’avait pas droit à l’indemnité pour la destruction des plantes.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, la requérante se plaint de la destruction de ses plantes et des dommages à son activité commerciale à la suite de l’expropriation du terrain dont elle était locataire, en l’absence de toute indemnisation.

2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée de la procédure devant les juridictions internes.

EN DROIT

1. La requérante se plaint d’avoir été privée de ses plantes et subi un dommage dans son activité commerciale à la suite de l’expropriation du terrain dont elle était locataire, en l’absence de toute indemnisation. Elle invoque l’article 1 du Protocole no 1, qui se lit ainsi :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur pour observations écrites conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. La requérante se plaint de la durée de la procédure devant les juridictions nationales. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, dispose :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)»

La Cour doit d’abord déterminer si la requérante a épuisé, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention, les voies de recours qui lui étaient ouvertes en droit italien.

La Cour note que, selon la loi no 89 du 24 mars 2001 (« la loi Pinto »), les personnes ayant subi un dommage patrimonial ou non patrimonial peuvent saisir la cour d’appel compétente afin de faire constater la violation de la Convention quant au respect du délai raisonnable de l’article 6 § 1, et demander l’octroi d’une somme à titre de satisfaction équitable.

La Cour rappelle avoir déjà constaté dans plusieurs décisions sur la recevabilité (voir, parmi d’autres, Brusco c. Italie, no 69789/01, 6 septembre 2001, CEDH 2001-IX, et Giacometti c. Italie, no 34969/97, 8 novembre 2001, CEDH 2001-XII) que le remède introduit par la loi Pinto est un recours que les requérants doivent tenter avant que la Cour ne se prononce sur la recevabilité de la requête, et ceci quelle que soit la date d’introduction de la requête devant la Cour. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que la requérante ait fait usage de cette voie de recours.

Ne décelant aucune circonstance de nature à décider différemment dans le cas d’espèce, la Cour considère que cette partie de la requête doit être rejetée pour non - épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief de la requérante tiré de l’article 1 du Protocole no 1 ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Vincent Berger John Hedigan
Greffier Président