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Rozsudek
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE KOS c. SLOVÉNIE
(Requête no 77769/01)
ARRÊT
STRASBOURG
30 mars 2006
DÉFINITIF
30/06/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kos c. Slovénie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J. Hedigan, président,
B.M. Zupančič,
L. Caflisch,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 mars 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 77769/01) dirigée contre la République de Slovénie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Janez Kos (« le requérant »), a saisi la Cour le 27 novembre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par des avocats du cabinet Verstovšek. Le gouvernement slovène (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. L. Bembič, procureur général de l’Etat.
3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant alléguait que la procédure interne à laquelle il était partie avait connu une durée excessive. Il dénonçait aussi en substance l’absence de recours interne effective qui lui eût permis de se plaindre de la durée déraisonnable de cette procédure (article 13 de la Convention).
4. Le 16 septembre 2003, la Cour a décidé de communiquer au Gouvernement les griefs tirés de la durée de la procédure et de l’absence de recours à cet égard. Se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de la requête.
EN FAIT
5 Le requérant, Janez Kos, est un ressortissant slovène, né en 1978 et réside Velenje.
6. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
7. Suite à un accident devant son école, le 21 mars 1997, le requérant, par l’intermédiaire de ses avocats, intenta une action en dommages intérêts contre une compagnie d’assurances devant le tribunal de district (Okrožno sodišče) de Celje.
8. Les 10 octobre 1997, 19 février et 1er juillet 1998, le requérant demanda au tribunal de tenir une audience.
9. Les 11 septembre et 16 octobre 1998, le tribunal tint des audiences.
10. Le 24 novembre 1998, le requérant demanda au tribunal de tenir une audience.
11. Le 22 janvier 1999, le tribunal tint une audience.
12. Le 1er février 1999, un expert médical fut nommé. Le 10 mai 1999, il prépara son rapport.
13. Le 16 décembre 1999, le tribunal demanda à l’expert de compléter son expertise.
14. Les 13 décembre 1999 et 15 mai 2000, le tribunal tint des audiences. L’expert fut demandé de compléter son rapport.
15. Le 15 mai 2000, le tribunal rendit un jugement donnant partiellement gain de cause au requérant et l’exempta du paiement des frais de procédure.
16. Le 10 juillet 2000, le requérant interjeta appel devant le tribunal supérieur (Višje sodišče). La partie défenderesse interjeta également appel.
17. Le 6 septembre 2001, le tribunal supérieur fit droit aux appels de deux parties en modifiant une partie du jugement. Le reste des appels fut rejeté.
18. Le 23 novembre 2001, le requérant introduisit un recours extraordinaire devant la Cour suprême et demanda le déport d’une juge. La partie défenderesse forma également recours.
19. Le 23 octobre 2002, la Cour suprême fit partiellement droit au recours de la partie défenderesse et modifia l’arrêt du tribunal supérieur. Le recours du requérant fut rejeté. La décision de la Cour suprême fut notifiée au cabinet d’avocats du requérant le 18 novembre 2002.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 § 1 ET 13 DE LA CONVENTION
20. Le requérant se plaint de la durée excessive de la procédure. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Tout personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...). »
21. Le requérant dénonce en substance le caractère ineffectif des recours disponible en Slovénie pour se plaindre de la durée excessive d’une procédure judiciaire. L’article 13 de la Convention dispose :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Sur la recevabilité
22. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes.
23. Le requérant combat cette thèse, arguant que les recours disponibles manquaient d’effectivité.
24. La Cour relève que la présente requête est similaire aux affaires Belinger et Lukenda (Belinger c. Slovénie (déc.), no 42320/98, 2 octobre 2001, et Lukenda c. Slovénie, no 23032/02, 6 octobre 2005). Dans ces affaires, la Cour a rejeté l’exception de non-épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement car elle a jugé que les recours dont le requérant pouvait se prévaloir n’étaient pas effectifs. La Cour rappelle qu’elle a constaté dans son arrêt Lukenda c. Slovénie que la violation du droit à un jugement dans un délai raisonnable est un problème systémique qui résulte d’une législation inadéquate et d’un manque d’efficacité dans l’administration de la justice.
25. En ce qui concerne la présente espèce, la Cour estime que le Gouvernement n’a fourni aucun argument convaincant susceptible de l’amener à établir une distinction entre l’affaire à l’étude et les affaires antérieures et donc à s’écarter de sa jurisprudence constante.
26. La Cour constate par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Dès lors, il y a lieu de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Article 6 § 1
27. La période à considérer a débuté le 21 mars 1997, jour où le requérant a engagé une procédure devant le tribunal de district de Celje, et a pris fin le 18 novembre 2002, date à laquelle la décision de la Cour suprême a été notifiée au requérant. Elle a donc duré environ cinq ans et huit mois pour trois degrés de juridiction.
28. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
29. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse, en particulier devant le tribunal de première instance, est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
2. Article 13
30. La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI). Elle relève que les exceptions et arguments soulevés par le Gouvernement ont déjà été rejetés précédemment (voir Lukenda, arrêt précité) et ne voit pas de raison de parvenir a une conclusion différente dans le cas présent.
31. Dès lors, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 13 de la Convention a raison de l’absence en droit interne d’un recours qui eut permis au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
32. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
33. Le requérant réclame 10 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral.
34. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
35. La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 1 000 EUR à ce titre.
B. Frais et dépens
36. Le requérant demande également environ 1 180 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour.
37. Le Gouvernement considère que ces prétentions sont exagérées.
38. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. La Cour relève aussi que les avocats du requérant, qui ont également représenté M. Lukenda dans l’affaire Lukenda précitée, ont soumis près de 400 requêtes qui, hormis les faits, sont pour l’essentiel identiques à celle à l’étude. Dès lors, en l’espèce, compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR pour la procédure devant elle et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
39. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 000 EUR (mille euros) pour dommage moral et 1 000 EUR (mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 30 mars 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger John Hedigan
Greffier Président