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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.4.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 25053/05
présentée par Jorge de Jesus FERREIRA ALVES et
Rita Duarte Ribeiro da Mota FERREIRA ALVES
contre le Portugal

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 11 avril 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,

E. Fura-Sandström,

D. Jočienė, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 5 juillet 2005,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, M. Jorge de Jesus Ferreira Alves et Mlle Rita Duarte Ribeiro da Mota Ferreira Alves, sont des ressortissants portugais, nés respectivement en 1953 et 1988 et résidant à Matosinhos et Oliveira de Azeméis (Portugal). La deuxième requérante (ci-après « Rita ») est la fille du premier requérant, lequel affirme la représenter. Les deux requérants sont représentés devant la Cour par Me M. Brandão, avocat à Matosinhos.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Rita est issue du mariage entre le premier requérant et H. Suite à la séparation de ces derniers, l’autorité parentale à son égard fut octroyée à sa mère H., par un jugement du tribunal d’Oliveira de Azeméis du 10 juillet 1996, un droit de visite étant accordé au premier requérant.

Le 19 octobre 1998, H. introduisit devant le tribunal d’Oliveira de Azeméis une procédure visant à supprimer le droit de visite du premier requérant. Elle allégua notamment que Rita ne souhaitait pas voir le premier requérant et qu’elle présentait, depuis juillet 1998, des troubles émotionnels après chaque visite à son père. Le premier requérant s’opposa à cette demande.

Le 10 février 1999, eut lieu une tentative de conciliation des parents, sans succès.

Le 17 février 1999, l’agent du ministère public, agissant, conformément à la loi, dans l’intérêt de l’enfant, demanda au juge d’ordonner une enquête sociale sur les parents ainsi qu’un examen médical de Rita. Par une ordonnance du 22 février 1999, le juge suivit les suggestions du ministère public et demanda à l’Institut de réinsertion sociale (« l’IRS ») de procéder à l’enquête sociale en cause. Il rejeta par ailleurs une demande du premier requérant visant à soumettre H. à une expertise psychiatrique, estimant qu’un tel examen ne s’avérait pas « opportun ». Le 11 mars 1999, le premier requérant fit appel contre cette dernière décision, l’examen du recours étant différé jusqu’au jugement final du tribunal, malgré une réclamation du premier requérant devant le président de la cour d’appel de Porto demandant un examen immédiat du recours. Dans une note du 12 avril 1999 adressée, conformément à la loi, au président de la cour d’appel par le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis, ce dernier soutint sa décision antérieure de différer l’examen du recours. Le 26 mai 1999, le président de la cour d’appel rejeta la réclamation.

L’expert médical déposa son rapport le 13 août 1999. Il conclut que Rita souffrait d’un sentiment de culpabilité aggravé par la relation difficile entre ses parents et préconisa un accompagnement psychothérapeutique de l’enfant afin de rendre plus facile la reprise d’une relation normale avec son père, ce qui était difficile en l’état.

Le 26 août 1999, le rapport social sur la situation de H. fut versé au dossier. Le 28 septembre 1998, un rapport social sur la situation du premier requérant fut également versé au dossier.

Le 21 octobre 1999, le juge, sur demande du ministère public, non communiquée au premier requérant, ordonna de soumettre Rita à un deuxième examen médical. L’expert désigné déposa son rapport le 10 mai 2000. Il soutenait les conclusions du premier rapport.

Le 2 février 2000, le premier requérant critiqua l’intervention du ministère public dans la procédure, accusant le procureur d’avoir un comportement « criminel ». Le 15 février 2000, le ministère public se prononça à cet égard, considérant que même si les expressions du premier requérant pouvaient être considérées comme objectivement diffamatoires, il ne leur donnerait aucune suite pour le moment, le dossier de la procédure revêtant un caractère confidentiel. Par une ordonnance du 17 février 2000, le juge constata n’avoir aucune suite à donner à l’incident mais attira l’attention du requérant sur les expressions en cause, soulignant que son comportement pourrait faire l’objet d’une plainte au barreau de l’Ordre des avocats.

Le 17 février 2000, le premier requérant s’éleva contre la participation à la procédure, en tant qu’agent du ministère public, du procureur près le tribunal d’Oliveira de Azeméis. Le premier requérant exposa que ce procureur avait été écarté de la procédure concernant l’octroi de l’autorité parentale par son supérieur hiérarchique, le procureur général du district judiciaire de Porto. Il devait donc être récusé.

Le juge demanda au procureur général du district de se prononcer à cet égard. Prenant connaissance de la demande du premier requérant, le ministère public, par un acte du 3 mars 2000, indiqua ne pas souhaiter se prononcer sur la question et que l’on devait attendre l’avis du procureur général du district. Cette position du ministère public ne fut pas portée à la connaissance du premier requérant.

Le 30 mars 2000, le procureur général du district informa le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis qu’il avait en effet, dans un premier moment, écarté le procureur près le tribunal d’Oliveira de Azeméis de la procédure portant sur l’autorité parentale car ce dernier était à l’époque poursuivi au pénal par le premier requérant. Cette procédure pénale s’étant entre-temps terminée, il ne voyait plus de motif pour le maintenir à l’écart de la procédure en question, raison pour laquelle il avait annulé sa décision antérieure. Le procureur général du district annexa à son information plusieurs documents. Ni l’information en question ni les documents y annexés ne furent portés à la connaissance du premier requérant.

Par une ordonnance du 16 mai 2000, le juge, se référant à l’information du procureur général du district, rejeta la demande de récusation formulée par le premier requérant. Celui-ci fit appel contre cette ordonnance, ce recours devant être examiné en même temps que celui à interjeter, le cas échéant, contre le jugement.

A une date non précisée, le premier requérant demanda, invoquant l’article 6 de la Convention, à être informé des plusieurs interventions du ministère public lors de la procédure.

Par une ordonnance du 6 juin 2000, le juge rejeta la demande. Le juge s’exprima notamment ainsi :

« Il n’y a aucune norme déterminant ou recommandant la notification des interventions du ministère public aux parties. Le système judiciaire portugais ne le permet pas. Le ministère public n’est ni un organe de souveraineté ni une simple partie à la procédure. Il possède un statut différent, consacré par la Constitution ; il appartient aux citoyens de respecter la souveraineté de l’Etat portugais et le système légal et constitutionnel en vigueur, même s’ils ne sont pas d’accord avec un tel système ; ainsi le veulent les règles de la démocratie [et] de l’Etat de droit. »

Le 23 juin 2000, le premier requérant fit appel contre cette décision. Toutefois, par une ordonnance du 28 juin 2000, le juge déclara le recours irrecevable, considérant que l’ordonnance attaquée ne visait que la simple discipline de la procédure (despacho de mero expediente) et qu’elle était par conséquent insusceptible de recours. Le premier requérant déposa une réclamation contre cette dernière ordonnance devant le président de la cour d’appel de Porto. Celui-ci rejeta la réclamation le 23 janvier 2001.

Entre-temps, dans sa décision du 6 juin 2000, le juge ordonna par ailleurs de soumettre le premier requérant et H. à des expertises psychiatriques. Le premier requérant introduisit un appel s’agissant de la partie de cette décision le concernant.

Le 9 juin 2000, le ministère public se prononça sur le contenu des rapports médicaux concernant Rita. Il soutint que la procédure était en état de passer à la phase de jugement et invita le juge à convoquer à l’audience les deux experts auteurs des rapports médicaux en cause. Cet acte du ministère public ne fut pas porté à la connaissance du premier requérant.

Par une ordonnance du 13 juin 2000, le juge fixa l’audience aux 22 et 23 novembre 2000. Suivant le ministère public, il décida par ailleurs de convoquer les deux experts médicaux en question à l’audience.

L’audience n’eut pas lieu les 22 et 23 novembre 2000 en raison de l’absence de l’avocat de H. et de Rita. Par une ordonnance du 31 janvier 2001, le juge décida d’attendre les rapports des expertises non encore effectuées avant de tenir l’audience. Ajournées à plusieurs reprises en raison de l’absence du premier requérant ainsi que de H., les expertises eurent lieu pendant les mois de mai 2001 et de mars 2002 ; les rapports d’expertise furent versés au dossier les 24 et 28 juin 2002.

Par une ordonnance du 8 juillet 2002, le juge demanda à l’IRS de procéder à une nouvelle enquête sociale concernant Rita. Le rapport y relatif fut versé au dossier le 13 décembre 2002. Le juge considéra par ailleurs, rendant sans effet une décision antérieure du 22 février 1999, que l’audience à tenir ne ferait pas l’objet d’enregistrement magnétique. Le 16 septembre 2002, le premier requérant interjeta appel contre cette dernière décision. Le 11 juillet 2003, le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis adressa, conformément à la loi, une note à l’attention des juges de la cour d’appel réaffirmant le bien-fondé de sa décision. Cette note ne fut pas communiquée au premier requérant. Par un arrêt du 23 octobre 2003, la cour d’appel de Porto rejeta le recours.

Les 2 juillet et 15 septembre 2003, le ministère public, se référant aux conclusions du rapport de l’IRS, proposa au juge d’accorder au premier requérant, à titre provisoire, un droit de visite hebdomadaire sur Rita. Ces visites devaient avoir lieu une fois par semaine et dans un lieu public. Invité à se prononcer à cet égard, le premier requérant, le 1er octobre 2003, souligna ne pas avoir reçu notification du rapport de l’IRS, considérant qu’une telle situation portait atteinte à l’article 6 de la Convention.

Le 17 novembre 2003, le juge ordonna de notifier tous les rapports médicaux et sociaux aux parties. Il fixa par ailleurs un droit de visite provisoire. Le 7 janvier 2004, le premier requérant interjeta appel contre cette ordonnance, contestant les termes de ce droit de visite. Par un arrêt du 3 juin 2004, la cour d’appel rejeta le recours.

L’audience eut lieu les 24 mai et 14 juin 2004.

Le tribunal rendit son jugement le 15 juillet 2004. Se fondant notamment sur la déposition de Rita, qu’il considéra éclairée et convaincante, le tribunal accueillit partiellement la demande de H. et limita le droit de visite du premier requérant, sans le supprimer totalement, à deux heures par semaine. Le premier requérant fit appel de ce jugement devant la cour d’appel de Porto.

Par un arrêt du 9 juin 2005, celle-ci rejeta tous les appels interjetés par le premier requérant au cours de la procédure et confirma le jugement attaqué en toutes ses dispositions. S’agissant en particulier de l’appel interjeté contre l’ordonnance du 16 mai 2000, la cour d’appel souligna que le ministère public, même s’il peut devenir un allié ou un adversaire objectif des parties, ne possède aucun pouvoir de décision, qui n’appartient qu’au juge. La cour d’appel considéra ainsi qu’aucune violation de l’article 6 § 1 de la Convention ne pouvait être constatée. Se référant par ailleurs aux autres violations de la Convention alléguées par le premier requérant, la cour d’appel souligna que l’intérêt de l’enfant devait primer sur les intérêts particuliers des parents. Or Rita, âgée de presque 16 ans au moment de son audition, avait clairement indiqué ne pas souhaiter pour l’instant avoir des contacts approfondis avec son père, sans exclure un changement de sa position à l’avenir ou d’autres contacts, comme par exemple par messagerie électronique instantanée. Pour la cour d’appel, il n’y eut donc aucune violation des articles 3, 6, 8, 13 et 14 de la Convention ou des articles 2 du Protocole nº 1 et 5 du Protocole nº 7.

B. Le droit et la pratique internes pertinents

Aux termes des articles 668 § 4 et 744 du code de procédure civile, le juge du tribunal de première instance peut, avant d’envoyer l’appel à la juridiction ad quem, revenir sur sa décision (reparação) ou la maintenir (sustentação). Le juge le fait par une note adressée à la cour d’appel et jointe au dossier mais non communiquée aux parties.

GRIEFS

1. Les requérants se plaignent d’abord de multiples violations de l’article 6 § 1 de la Convention à l’égard de plusieurs ordonnances rendues par le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis au cours de la procédure litigieuse. Ainsi, plusieurs de ces ordonnances manqueraient de motivation adéquate et seraient erronées.

2. Le premier requérant se plaint ensuite de la décision l’ayant privé d’un droit de visite adéquate à l’égard de sa fille Rita ainsi que des insuffisances de la procédure litigieuse en ce qui concerne sa participation au processus décisionnel. Il invoque les articles 3, 6, 8, 13 et 14 de la Convention ainsi que les articles 2 du Protocole nº 1 et 5 du Protocole nº 7.

3. Le premier requérant se plaint également d’avoir été obligé de se soumettre à une expertise psychiatrique, en violation du droit au respect de sa vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention.

4. Invoquant les articles 6 et 8 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée de la procédure.

5. Invoquant les articles 6 et 10 de la Convention, le premier requérant se plaint de ce que le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis l’a menacé de se plaindre de son comportement au barreau de l’Ordre des avocats, ce qui aurait nui au caractère équitable de la procédure et porté atteinte à sa liberté d’expression.

6. Sous l’angle du procès équitable, le premier requérant se plaint du défaut de communication de plusieurs actes et pièces présentés par le ministère public ainsi que des notes rédigées par le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis à l’intention de la cour d’appel de Porto.

7. Enfin, les requérants allèguent, pour chacun de leurs autres griefs, la violation de l’article 13 de la Convention.

EN DROIT

1. La Cour constate à titre préliminaire que la deuxième requérante, l’enfant Rita, née en 1988, était mineur à la date d’introduction de la présente requête, l’autorité parentale étant confiée à ce moment là à sa mère H. et non pas au premier requérant. Celui-ci n’avait donc pas, et n’a toujours pas à l’heure actuelle, le droit de représenter sa fille en justice en tant que père, à la lumière du droit interne.

Il est vrai qu’une personne n’ayant pas, au plan interne, le droit de représenter une autre personne peut tout de même, dans certaines circonstances, agir devant la Cour au nom de cette autre personne (voir, mutatis mutandis, Nielsen c. Danemark, arrêt du 28 novembre 1988, série A no 144, pp. 21-22, §§ 56-57 et Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 138, CEDH 2000VIII). En particulier, des mineurs peuvent saisir la Cour même, et à plus forte raison, s’ils sont représentés par un père en conflit avec les autorités, dont il critique les décisions et la conduite à la lumière des droits garantis par la Convention. La Cour a ainsi déjà estimé qu’en cas de conflit, au sujet des intérêts d’un mineur, entre le parent biologique et la personne investie par les autorités de la tutelle des enfants il y a un risque que certains intérêts du mineur ne soient jamais portés à l’attention de la Cour et que le mineur soit privé d’une protection effective des droits qu’il tient de la Convention.

Toutefois, en l’espèce le conflit porté devant la Cour ne porte pas sur l’autorité parentale, dont l’octroi à la mère de la deuxième requérante n’a jamais été mis en cause par le premier requérant, mais sur l’éventuelle suppression ou compression des droits de visite de ce dernier.

Par ailleurs, la Cour ne décèle aucun intérêt particulier à poursuivre l’affaire également au nom de la deuxième requérante, laquelle – il convient de le rappeler – deviendra majeure dans quelques mois, la Cour étant en tout état de cause appelée à examiner ci-après les questions liées au respect de la vie privée et familiale du premier requérant, dans le contexte de la procédure litigieuse portant sur le droit de visite. La Cour note à cet égard que même si le premier requérant a présenté un formulaire de requête au nom de sa fille Rita, un tel formulaire est en tout identique à celui présenté à son propre nom, le premier requérant se référant d’ailleurs, tout au long du formulaire présenté au nom de sa fille, à lui-même et jamais à Rita.

La Cour décide ainsi de ne pas examiner la requête pour autant qu’elle concerne Rita et de se prononcer uniquement sur les griefs soulevés par son père, dorénavant désigné, dans la présente décision, comme « le requérant ».

2. Le requérant se plaint d’abord de plusieurs violations de l’article 6 § 1 de la Convention à l’égard de plusieurs ordonnances rendues par le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis au cours de la procédure litigieuse. Ainsi, plusieurs de ces ordonnances manqueraient de motivation adéquate et seraient erronées ou n’auraient reçu de la part du juge qu’un examen des plus sommaires.

L’article 6 § 1 dispose notamment :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

La Cour rappelle d’emblée qu’elle a seulement pour tâche, aux termes de l’article 19 de la Convention, d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Etats contractants. Spécialement, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

S’agissant en particulier des griefs portant sur le défaut de motivation, la Cour rappelle que si l’article 6 § 1 de la Convention oblige les tribunaux à motiver leur décisions, il ne peut pas se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (Hiro Balani c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 303B, p. 29, § 27). L’essentiel est que le tribunal se livre à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence (Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, p. 19, § 59).

Se penchant sur les plusieurs décisions indiquées par le requérant, la Cour estime que le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis a suffisamment motivé ses ordonnances, par lesquelles il a répondu aux points essentiels soulevés par le requérant. Elle ne décèle donc aucune apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention à cet égard.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit donc être rejeté en application de l’article 35 § 3 de la Convention.

3. Le requérant se plaint de la décision l’ayant privé d’un droit de visite adéquat à l’égard de sa fille ainsi que des insuffisances de la procédure litigieuse en ce qui concerne sa participation au processus décisionnel. Il invoque les articles 3, 6, 8, 13 et 14 de la Convention ainsi que les articles 2 du Protocole nº 1 et 5 du Protocole nº 7.

La Cour relève d’emblée que ce grief doit être examiné sous l’angle de l’article 8 de la Convention, qui concerne le droit au respect de la vie privée et familiale. Elle n’estime pas nécessaire de se placer de surcroît sur le terrain des autres dispositions invoquées par le requérant.

L’article 8 dispose notamment :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie (...) familiale (...).

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection des droits et libertés d’autrui. »

La Cour admet que la décision des juridictions portugaises a constitué une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale du requérant, même si elles n’ont pas supprimé totalement le droit de visite dont il bénéficiait. Elle accepte également qu’une telle ingérence était prévue par la loi et qu’elle poursuivait le but légitime de la protection des droits de l’enfant. Reste à savoir si elle était « nécessaire dans une société démocratique ».

A cette fin, la Cour doit examiner, à la lumière de l’ensemble de l’affaire, si les motifs invoqués pour justifier l’ingérence dans les droits du requérant étaient pertinents et suffisants aux fins du paragraphe 2 de l’article 8 de la Convention. Sans doute, l’examen de ce qui sert au mieux l’intérêt de l’enfant est toujours d’une importance cruciale dans toute affaire de cette sorte. Il faut en plus avoir à l’esprit que les autorités nationales bénéficient de rapports directs avec tous les intéressés. La Cour n’a donc point pour tâche de se substituer aux autorités internes pour réglementer les questions de garde et de visite, mais il lui incombe d’apprécier sous l’angle de la Convention les décisions qu’elles ont rendues dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 64, CEDH 2003VIII).

L’article 8 exige que les autorités nationales, qui disposent à cet égard d’une large marge d’appréciation, ménagent un juste équilibre entre les intérêts de l’enfant et ceux des parents et que, ce faisant, elles attachent une importance particulière à l’intérêt supérieur de l’enfant, qui, selon sa nature et sa gravité, peut l’emporter sur celui des parents. En particulier, l’article 8 ne saurait autoriser un parent à faire prendre des mesures préjudiciables à la santé et au développement de l’enfant (voir Nuutinen c. Finlande, no 32842/96, § 128, CEDH 2000-VIII).

En l’espèce, les juridictions portugaises compétentes ont avancé des motifs pertinents pour justifier leurs décisions, à savoir que l’enfant, âgée de seize ans au moment de la décision du tribunal d’Oliveira de Azeméis, avait clairement exprimé, et ce à plusieurs reprises, le souhait de ne pas avoir des contacts approfondis avec le requérant, son père, en sorte que la contraindre à le voir perturberait gravement son équilibre émotionnel et psychologique. Un droit de visite limité fut tout de même accordé au requérant. Dans ces conditions, les décisions en cause peuvent passer pour avoir été prises dans l’intérêt de l’enfant.

Quant au point de savoir si ces raisons étaient également « suffisantes », la Cour se doit de déterminer d’abord si le processus décisionnel, considéré comme un tout, a assuré au requérant la protection requise de ses intérêts (Sommerfeld c. Allemagne [GC], no 31871/96, § 66, CEDH 2003VIII (extraits).

La Cour constate à cet égard que le requérant a eu la possibilité de présenter tous les arguments en faveur de l’octroi d’un droit de visite et a aussi eu accès aux informations pertinentes sur lesquelles les tribunaux se sont appuyées, notamment à tous les rapports des services sociaux ainsi qu’aux expertises médicales. La Cour note en particulier que le requérant, avocat de profession et rompu aux arcanes des procédures judiciaires, a présenté tout au long de la procédure de nombreuses demandes et introduit pas moins de sept appels contre plusieurs des décisions du juge du tribunal de première instance.

Prenant en considération, comme il se doit, les circonstances particulières de l’affaire, et notamment l’âge de l’enfant au moment auquel elle a été entendue par le tribunal, la Cour est convaincue que la procédure suivie par les tribunaux portugais a été raisonnable et leur a permis de prendre une décision motivée quant à la question du droit de visite.

La Cour souligne enfin que le requérant n’a pas soulevé de manière formelle, dans son formulaire de requête, un grief autonome portant sur la prétendue inexécution du droit de visite dont il bénéficiait entre 1998 et 2003. En tout état de cause, elle rappelle à cet égard qu’il ne lui revient pas de substituer son appréciation à celle des autorités nationales compétentes quant aux mesures qui auraient dû être prises car ces autorités sont, en effet, en principe mieux placées pour procéder à une telle évaluation, en particulier parce qu’elles sont en contact direct avec le contexte de l’affaire et les parties impliquées. En outre, comme la jurisprudence de la Cour le reconnaît de manière constante, la plus grande prudence s’impose lorsqu’il s’agit de recourir à la coercition en ce domaine délicat (Reigado Ramos c. Portugal, no 73229/01, § 53, 22 novembre 2005). En l’espèce, la Cour constate que les autorités nationales ont fait des efforts réitérés dans le sens d’obtenir une meilleure coopération des parents, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Ces efforts se sont toutefois heurtés à l’intransigeance des parents, dans le contexte de grande mésentente qui a marqué le déroulement de toute la procédure. Dans ces conditions, la Cour ne saurait dire que les autorités nationales aient failli à leur devoir de prendre des mesures pratiques en vue d’inciter les intéressés à une meilleure coopération. Il n’y a donc, sur ce point non plus, une violation du droit au respect de la vie privée et familiale du requérant.

Il s’ensuit qu’il n’y a aucune apparence de violation de l’article 8 de la Convention, ou des autres dispositions invoquées par le requérant à cet égard. Cette partie de la requête est donc manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

4. Le premier requérant se plaint également d’avoir été obligé de se soumettre à une expertise psychiatrique, qu’il considère porter atteinte au droit au respect de sa vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention.

La Cour constate cependant qu’un tel acte s’intégrait dans la procédure litigieuse et qu’il a constitué, à ce titre, une ingérence justifiée prévue par la loi et poursuivant les buts légitimes de la protection de la santé et de la protection des droits et libertés d’autrui. Il n’y a ainsi aucune apparence de violation de cette disposition, ce grief étant manifestement mal fondé et devant être rejeté aux termes de l’article 35 § 3 de la Convention.

5. Invoquant les articles 6 et 8 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure.

La Cour relève toutefois qu’il a omis d’introduire devant les juridictions administratives une action en responsabilité extracontractuelle de l’Etat invoquant une telle durée prétendument excessive (voir Paulino Tomás c Portugal (déc.), no 58698/00, CEDH 2003VIII).

Les voies de recours internes n’ont donc pas été épuisées, cette partie de la requête devant par conséquent être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

6. Invoquant les articles 6 et 10 de la Convention, le requérant se plaint de l’ordonnance du juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis du 17 février 2000, dans laquelle il fut menacé d’une plainte devant le barreau de l’Ordre des avocats, ce qui aurait nui au caractère équitable de la procédure et porté atteinte à sa liberté d’expression.

La Cour constate cependant que le requérant n’a jamais été sanctionné en raison des affirmations en cause. En effet, dans son ordonnance du 17 février 2000, le juge n’a donné aucune suite aux affirmations du requérant, qui qualifiaient le comportement du ministère public de « criminel ». Il est vrai qu’il a attiré l’attention du requérant sur la possibilité de prévenir le barreau de l’Ordre, au cas où il persisterait sur ce type d’affirmations. La Cour estime cependant que ce faisant le juge s’est limité à accomplir son devoir de diriger la procédure en sorte que les parties se comportent bien et, par-dessus tout, de garantir l’équité du procès (voir à cet égard Nikula c. Finlande, no 31611/96, § 53, CEDH 2002II).

La Cour considère donc qu’une telle mise en garde de la part du juge ne suffit pas à constituer une ingérence dans le droit à la liberté d’expression du requérant ou à affecter de manière décisive le caractère équitable de la procédure. Il est à cet égard significatif de relever que le requérant ne s’est jamais plaint au niveau interne de cette ordonnance du juge, alors même qu’il a introduit de nombreux recours portant sur des multiples questions de procédure.

Il s’ensuit qu’il n’y a aucune apparence de violation des dispositions invoquées, cette partie de la requête étant manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

7. Sous l’angle du procès équitable, le premier requérant se plaint du défaut de communication de plusieurs actes et pièces présentés par le ministère public ainsi que des notes rédigées par le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis à l’intention de la cour d’appel de Porto. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

8. Enfin, le requérant se plaint, à l’égard de chacun de ses autres griefs, de la violation de l’article 13 de la Convention, considérant n’avoir disposé d’aucun recours effectif capable de porter remède aux violations alléguées. La Cour constate toutefois que le requérant disposait de tels recours qu’il a d’ailleurs exercés. Les griefs soulevés à cet égard manquent ainsi de pertinence et doivent être rejetés comme étant manifestement mal fondés, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs du premier requérant tirés de la non communication de plusieurs actes et pièces présentés par le ministère public ainsi que des notes rédigées par le juge du tribunal d’Oliveira de Azeméis à l’intention de la cour d’appel de Porto ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président