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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.4.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 37637/05
présentée par Maria Rosaria SARNELLI
contre l’Italie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 11 avril 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,

L. Caflisch,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
M. David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 4 octobre 2005,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les déclarations formelles d’acceptation d’un règlement amiable de l’affaire,

Vu la décision de traiter en priorité la requête en vertu de l’article 41 du règlement de la Cour,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, Mme Maria Rosaria Sarnelli, est une ressortissante italienne, née en 1944 et résidant à Naples. Elle est représentée devant la Cour par Me R. De Vito, avocat à Naples.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

La requérante était copropriétaire avec vingt-deux autres personnes (« les copropriétaires ») d’un terrain constructible de 10 004 mètres carrés sis à Villaricca (Naples) et enregistré au cadastre, feuille 2, parcelles 133 et 208. Elle possédait une quote-part équivalant à 3 125 mètres carrés.

Par un arrêté du 24 juillet 1981, la municipalité de Villaricca ordonna l’occupation d’urgence de ce terrain en vue de son expropriation, afin de procéder à la construction d’une école et d’habitations.

Le 16 septembre 1981, l’administration procéda à l’occupation matérielle du terrain.

Par un acte d’assignation du 19 janvier 1990, la requérante introduisit devant le tribunal de Naples une action en dommages-intérêts à l’encontre de la municipalité de Villaricca. Elle fit valoir que l’occupation du terrain était illégale, étant donné que celle-ci s’était poursuivie au-delà de la période autorisée, sans qu’il fût procédé à l’expropriation formelle et au paiement d’une indemnité. Elle demandait notamment un dédommagement égal à la valeur marchande du terrain, ainsi qu’une indemnité d’occupation.

Les autres copropriétaires se constituèrent dans la procédure.

La municipalité de Villaricca se constitua aussi dans la procédure, faisant notamment valoir que le tribunal de Naples n’était pas compétent pour l’affaire.

Au cours du procès, deux expertises furent déposées au greffe.

Dans la première expertise, l’expert évalua à 135 000 ITL le mètre carré la valeur marchande du terrain en 1992.

Dans la deuxième expertise, l’expert déclara que la transformation irréversible du terrain avait eu lieu le 31 décembre 1991. En outre, il évalua à 745 774 590 ITL le dédommagement global pour la perte du terrain calculé aux termes de la loi no 662 de 1996, entre-temps entrée en vigueur, et à 232 887 379 ITL la partie de ce dédommagement destinée à la requérante.

Par un jugement non définitif déposé au greffe le 27 février 1997, le tribunal rejeta l’exception d’incompétence soulevée par la municipalité et ordonna la continuation du procès.

Par un jugement définitif du 30 juillet 2002, le tribunal déclara que la propriété du terrain avait été transférée à l’administration en raison de la transformation irréversible de celui-ci, en vertu du principe de l’expropriation indirecte. A la lumière de ces considérations, le tribunal condamna la municipalité de Villaricca à verser à la requérante la somme de 120 324,72 EUR, plus intérêts et réévaluation, à titre de dédommagement pour la perte du terrain calculé au sens de la loi no 662 de 1996, ainsi qu’une indemnité d’occupation égale au montant des intérêts sur ledit dédommagement pour la période comprise entre le 16 novembre 1981 et le 31 décembre 1991.

Par un acte notifié les 31 janvier et 14 février 2003, la municipalité de Villaricca interjeta appel de ce dernier jugement devant la cour d’appel de Naples, faisant notamment valoir que le terrain en question avait été formellement exproprié par un arrêté du 24 mai 1983.

Par un arrêt déposé au greffe le 5 avril 2004, la cour d’appel déclara que le terrain de la requérante avait été formellement exproprié et que par conséquent le principe de l’expropriation indirecte ne pouvait pas être appliqué au cas d’espèce. A la lumière de ces considérations, la cour d’appel condamna la municipalité de Villaricca à verser à la requérante et aux autres copropriétaires une indemnité d’expropriation globale de 129 667 EUR, calculée aux termes de la loi no 359 de 1992, ainsi qu’une indemnité d’occupation globale de 11 886,14 EUR. Il ressort du dossier que la partie de cette indemnité d’expropriation destinée à la requérante s’élève à 40 520 EUR.

D’après la requérante, cet arrêt a acquis force de chose jugée le 21 mai 2005.

GRIEFS

1. Invoquant les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1, la requérante se plaint du caractère inadéquat du montant accordé à titre d’indemnité d’expropriation, en raison de l’application rétroactive à sa cause de la loi no 359 de 1992.

2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée de la procédure devant l’ensemble des juridictions nationales.

EN DROIT

1. La requérante se plaint de la réduction du montant d’expropriation en raison de l’application à sa cause de la loi no 359 de 1992. Elle invoque d’abord l’article 1 du Protocole no 1, qui se lit ainsi :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

En outre, elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui, dans ses parties pertinentes, se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ( ...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur pour observations écrites conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. La requérante se plaint de la durée de la procédure devant les juridictions nationales. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, dispose :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)»

La Cour doit d’abord déterminer si la requérante a épuisé, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention, les voies de recours qui lui étaient ouvertes en droit italien.

La Cour note que, selon la loi no 89 du 24 mars 2001 (« la loi Pinto »), les personnes ayant subi un dommage patrimonial ou non patrimonial peuvent saisir la cour d’appel compétente afin de faire constater la violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme quant au respect du délai raisonnable de l’article 6 § 1, et demander l’octroi d’une somme à titre de satisfaction équitable.

La Cour rappelle avoir déjà constaté dans plusieurs décisions sur la recevabilité (voir, parmi d’autres, Brusco c. Italie, no 69789/01, 6 septembre 2001, CEDH 2001-IX, et Giacometti c. Italie, no 34969/97, 8 novembre 2001, CEDH 2001-XII) que le remède introduit par la loi Pinto est un recours que les requérants doivent tenter avant que la Cour ne se prononce sur la recevabilité de la requête, et ceci quelle que soit la date d’introduction de la requête devant la Cour. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que la requérante ait fait usage de cette voie de recours.

Ne décelant aucune circonstance de nature à décider différemment dans le cas d’espèce, la Cour considère que cette partie de la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.


Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief de la requérante tiré des articles 1 du Protocole no 1 et 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président