Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
14.2.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

QUATRIEME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 43432/02
présentée par Leopoldo VERDU VERDU
contre l’Espagne

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 14 février 2006 en une chambre composée de :

Sir Nicolas Bratza, président,
MM. J. Casadevall,
M. Pellonpää,
R. Maruste,
S. Pavlovschi,
J. Borrego Borrego,
J. Šikuta, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 3 décembre 2002,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, Leopoldo Verdú Verdú, est un ressortissant espagnol, né en 1963 et résidant à Petrel (Alicante). Il est représenté devant la Cour par Me F.J. Carbonell Rodríguez, avocat à Alicante.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant achetait souvent des billets de loterie et les vendait ultérieurement au profit d’une association créée pour l’organisation d’une fête traditionnelle dans sa ville.

Le 17 février 1996, le requérant se trouvait en possession de six billets du tirage 56.262 de la loterie nationale espagnole. Le même jour, lorsque le tirage au sort fut effectué, l’un des billets obtint le prix spécial, dont la somme à remporter était de 492 millions de pesetas (2 956 979, 55 EUR). Le requérant garda pour lui le billet ayant obtenu le prix spécial et en donna un autre à J.P.R.

Le 25 avril 1996, J.P.R porta plainte à l’encontre du requérant pour appropriation indue de biens devant le juge d’instruction no 3 d’Elda (Alicante). Le plaignant faisait valoir qu’il existait un accord entre lui et le requérant par lequel ils se seraient engagés, dans le cas où l’un d’entre eux gagnerait le prix spécial de loterie, à partager la somme remportée. A l’appui de sa plainte, J.P.R. apportait comme preuve les déclarations de plusieurs témoins passées devant le notaire de la ville de Petrel.

Une fois l’instruction close, l’affaire fut renvoyée en jugement devant le juge pénal no 3 de Alicante.

Entre-temps, le 14 octobre 1996, le requérant fut assigné à comparaître devant le juge de première instance no 4 d’Elda, dans le cadre d’une procédure civile engagée par son cousin, C.V.M., tendant à voir reconnaître la propriété de la moitié du prix spécial remporté par le requérant, dans la mesure où ils étaient co-propriétaires des billets de loterie achetés.

Par un jugement du 30 octobre 1997, rendu après la tenue d’une audience publique, le juge pénal no 3 d’Alicante relaxa le requérant du chef d’un délit d’appropriation indue de biens prévu par l’article 535 du code pénal. Le juge pénal considéra prouvé que le requérant jouait à la loterie nationale avec d’autres personnes qui travaillaient dans la même entreprise, dont J.P.R., et qu’il était chargé d’acheter et distribuer les billets. Le juge releva que le requérant avait fait quelques années auparavant une promesse de donation unilatérale au profit de J.P.R., dans le cas où il remporterait le prix spécial de loterie. Pour parvenir à cette conclusion, il tint compte des déclarations faites à l’audience par les témoins, notamment en ce qui concerne une conversation entre le requérant et J.P.R. qui avait eu lieu quelques années auparavant. Toutefois, il estima que cette promesse n’imposait pas au requérant l’obligation de partager le prix avec J.P.R. et que, par conséquent, les faits lui étant reprochés n’étaient pas constitutifs de l’infraction pénale prévue par l’article 535 du code pénal.

Contre ce jugement, le ministère public interjeta appel devant l’Audiencia Provincial d’Alicante. Par la suite, J.P.R. présenta un mémoire d’adhésion à l’appel du ministère public. Par un arrêt du 31 mars 1998, l’Audiencia Provincial d’Alicante infirma le jugement entrepris, reconnut le requérant coupable d’un délit d’appropriation indue de biens et le condamna à une peine de sept mois d’emprisonnement et au paiement, au titre de la responsabilité civile, de la moitié de la somme correspondant au prix spécial litigieux. A cet égard, l’Audiencia Provincial fixa comme indemnisation une somme correspondant à cinquante pour cent du prix, avec un minimum de 123 millions de pesetas (739 244,888 EUR) et un maximum de 246 millions de pesetas (1 478 489, 78 EUR), en fonction de l’issue de la procédure civile entamée par C.V.M.

L’Audiencia Provincial se fonda sur les faits tels qu’établis par le juge d’instance, sauf en ce qui concerne celui de la possession par le requérant de quatre billets supplémentaires du même tirage, outre les deux billets litigieux, à savoir celui que le requérant avait gardé pour lui et celui qu’il avait donné à J.P.R. En particulier, sur la base des dépositions de quatre témoins recueillies à l’audience devant le juge pénal, elle considéra prouvée l’existence d’un accord entre le requérant et J.P.R.. Quant à la qualification juridique des faits, l’Audiencia Provincial releva que ledit accord, verbal et réciproque, obligeait le requérant à partager le prix spécial de loterie avec J.P.R. Dans ces conditions, le fait que le requérant avait nié l’existence de l’accord et n’avait en conséquence pas rempli l’obligation que celui-ci lui imposait devait s’analyser, d’après la juridiction d’appel, en une appropriation indue de biens.

Le requérant introduisit alors une action en nullité devant l’Audiencia Provincial d’Alicante, conformément à l’article 240 § 3 de la Loi organique portant sur le pouvoir judiciaire (LOPJ). Par une décision du 8 octobre 1998, l’Audiencia Provincial le débouta de son action.

Invoquant les articles 24 (droit à un procès équitable et présomption d’innocence), 25 (principe de légalité) et 33 (droit de propriété) de la Constitution, le requérant saisit le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo.

Dans son recours, le requérant se plaignait notamment du non-respect du principe accusatoire, dans la mesure où les faits pour lesquels il avait été condamné en deuxième instance (l’existence de l’accord comme condition de l’infraction pénale) ne ressortaient pas des mémoires d’accusation ou du recours d’appel, le requérant n’ayant donc pas été en mesure de connaître la nature et la cause de l’accusation portée contre lui. A cet égard, il soutenait que l’Audiencia Provincial avait modifié les faits établis en première instance, et ceci sans que le ministère public l’ait demandé dans son recours d’appel. Il se plaignait, par ailleurs, du fait qu’il n’avait pas été en mesure de contester le mémoire d’adhésion à l’appel de J.P.R, celui-ci étant fondé sur des motifs différents au recours d’appel du ministère public. Il se prétendait également victime d’une nouvelle appréciation des preuves faite par la juridiction d’appel, en méconnaissance des principes d’immédiateté, du contradictoire et d’oralité. Pour ce qui est de la connexité entre la procédure pénale et civile, il faisait valoir que l’arrêt rendu en appel renvoyait à la procédure civile pour le calcul final du montant de la responsabilité civile due, et ceci en contradiction avec une décision du juge civil qui avait déclaré l’absence de connexité entre les deux procédures. Invoquant le principe de légalité, il contestait l’application par analogie du précepte en question du code pénal. Enfin, le requérant attaquait l’interprétation faite par l’Audiencia Provincial pour ce qui est de la propriété sur les billets du numéro de loterie.

Par un arrêt du 30 septembre 2002, notifié le 15 octobre 2002, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours d’amparo. Pour ce qui est du moyen tiré du non-respect du principe accusatoire, la haute juridiction releva que le ministère public avait précisé, tant dans son mémoire devant le juge pénal que dans son appel, tous les éléments constitutifs du délit pour lequel le requérant était inculpé. Par ailleurs, elle releva que les faits déclarés prouvés n’avaient pas été modifiés en substance par l’Audiencia Provincial, qui s’était limitée à supprimer un élément de fait (la possession par le requérant de quatre billets supplémentaires) et à accueillir la position du ministère public dans son appel. Quant à l’impossibilité de se défendre sur le mémoire d’adhésion à l’appel présenté par J.P.R., elle observa que ce dernier se limitait à reproduire les arguments du ministère public.

Quant au grief tiré de la connexité entre la procédure pénale et la procédure civile, le Tribunal constitutionnel le considéra dénué de fondement, puisque la décision du juge civil à laquelle le requérant faisait référence n’était pas définitive et ne faisait en aucun cas obstacle à ce que l’Audiencia Provincial tienne compte du déroulement de l’action civile. Pour ce qui est du grief tiré du non-respect du principe de légalité et du droit de propriété, le Tribunal constitutionnel estima que l’application en l’espèce de l’article 535 du code pénale n’était ni imprévisible ni déraisonnable, dans la mesure où la juridiction d’appel s’était limitée à juger que les agissements du requérant étaient constitutifs d’un délit d’appropriation indue de biens.

Enfin, pour autant que le requérant contestait l’appréciation des preuves faite par l’Audiencia Provincial, du fait que les éléments de preuve, et notamment les témoignages, n’avaient pas été produits en deuxième instance devant elle, la haute juridiction estima que les circonstances de l’espèce n’exigeaient pas la tenue d’une audience publique. En effet, le Tribunal constitutionnel, faisant référence à la jurisprudence de la Cour (Jan-Ake Andersson c. Suède, arrêt du 29 octobre 1991, série A no 212-B), releva que la condamnation était fondée sur une qualification juridique différente des faits tels qu’établis en première instance, ce qui avait permis à la juridiction d’appel de décider sur la seule base du dossier.

Par ailleurs, le requérant forma aussi deux recours en révision contre l’arrêt de condamnation du 31 mars 1998 devant le Tribunal suprême. Par deux décisions du 5 mars 1999 et du 4 octobre 2004, le Tribunal suprême les déclara irrecevables.

B. Le droit et la pratique interne pertinent

1. Le code de procédure pénale en vigueur au moment des faits

Article 795 § 4

« A réception du recours, le juge l’adressera aux autres parties pour un délai de dix jours et, une fois ce délai expiré, indépendamment de la présentation ou non des mémoires en contestation ou adhésion, adressera à l’Audiencia, dans les deux jours qui suivent, le dossier contenant tous les mémoires présentés . »

2. La jurisprudence du Tribunal constitutionnel relative à la communication des mémoires d’adhésion à l’appel aux parties (STC 93/2000 du 10 avril 2000)

« En ce qui concerne le recours d’adhésion, d’après la jurisprudence bien établie de ce Tribunal, bien que la configuration du contenu et de la portée dudit recours soit une question relevant du champ d’interprétation de la légalité ordinaire, du ressort des juges et des tribunaux, l’admissibilité de l’adhésion à l’appel est conditionnée à la possibilité de débattre et de contester de telles prétentions, de sorte que les parties aient l’occasion de se défendre et de contester les arguments des parties adhérentes (...). A cet égard, comme l’a relevé l’arrêt STC 56/1999, le fait que le code de procédure pénale, et en particulier son article 795 § 4, ne prévoie pas la communication du mémoire d’adhésion à l’appel n’est pas un obstacle, puisque la nécessité d’un tel acte découle de l’interprétation de la norme à la lumière des préceptes et des principes constitutionnels, le principe de la défense dans le procès devant être en tout cas préservé d’après l’article 24 § 1 de la Constitution ».

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 a) de la Convention, le requérant soulève plusieurs griefs concernant le principe du procès équitable :

a) il n’a pas été en mesure de connaître la nature et la cause de l’accusation portée contre lui, dans la mesure où ni le mémoire du ministère public en première instance ni le recours d’appel de ce dernier ne faisaient référence à certains éléments de fait sur la base desquels la condamnation a été prononcée.

b) le mémoire d’adhésion à l’appel présenté par la partie plaignante (J.P.R.) ne lui a pas été communiqué et que, par conséquent, il n’a pas eu l’occasion de le contester.

c) la juridiction d’appel s’est fondée, pour conclure à sa condamnation, sur une nouvelle appréciation des preuves produites en première instance, sans qu’elle ait entendu en personne les témoins et ses déclarations.

d) l’arrêt de condamnation a renvoyé à la procédure civile pendante pour ce qui est de la responsabilité civile.

e) ce renvoi provoquera des retards dans la procédure litigieuse, qui ne sauraient être compatibles avec les exigences du délai raisonnable.

2. Invoquant l’article 7 de la Convention, le requérant conteste l’application par analogie du délit d’appropriation indue aux faits lui ayant été reprochés.

3. Le requérant estime qu’il a été condamné pour ne pas avoir rendu public le fait d’avoir gagné le prix spécial de loterie, ce fait relevant de sa vie privée. Il invoque à cet égard les articles 6 § 1 et 8 de la Convention.

4. Invoquant les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1, le requérant estime qu’il a été dépossédé de ses billets de loterie.

5. Finalement, invoquant l’article 13 en combinaison avec l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint qu’il n’a pas disposé d’un recours effectif, dans la mesure où ni le Tribunal suprême ni le Tribunal constitutionnel n’ont accueilli sa demande en révision.

EN DROIT

1. Le requérant soulève plusieurs griefs tirés de l’article 6 § 1 et 3 a) de la Convention, dont les parties pertinentes se lisent ainsi :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;

(...) »

a) Le requérant estime en premier lieu ne pas avoir été en mesure de connaître la nature et la cause de l’accusation portée contre lui, en méconnaissance de l’article 6 § 3 a) de la Convention.

La Cour rappelle à cet égard que la portée de cette disposition doit notamment s’apprécier à la lumière du droit plus général à un procès équitable que garantit le paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention. Elle considère qu’en matière pénale, une information précise et complète des charges pesant contre un accusé, et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait retenir à son encontre, est une condition essentielle de l’équité de la procédure (voir Pélissier et Sassi c. France, arrêt du 25 mars 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-II, § 52 et Balette c. Belgique (déc.), no 48193/99, 24 juin 2004).

En l’occurrence, la Cour note que tant le mémoire du ministère public présenté devant le juge pénal que son recours d’appel faisaient référence aux faits matériels reprochés au requérant et à la qualification juridique donnée à ces faits, à savoir le délit d’appropriation indue de biens. Dès lors, le requérant a eu l’occasion de connaître les motifs de l’accusation qui pourraient être retenus à son encontre et a pu présenter les moyens utiles pour sa défense. Par ailleurs, comme l’a relevé le Tribunal constitutionnel dans son arrêt rendu en amparo, il y a eu une correspondance entre la qualification juridique des faits donnée par le ministère public et la qualification retenue par l’Audiencia Provincial dans son arrêt de condamnation.

Compte tenu de ce qui précède, la Cour note que rien dans le dossier ne permet de déceler une apparence de violation par les juridictions internes des droits reconnus à l’article 6 §§ 1 et 3 a), et estime que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 § 3 de la Convention.

b) Le requérant se plaint par ailleurs du fait que le mémoire d’adhésion à l’appel de la partie accusatrice ne lui a pas été communiqué, ce qui emporterait violation de l’article 6 §§ 1 et 3 a) de la Convention.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

c) Le requérant affirme que la juridiction d’appel l’a condamné sur la base d’une nouvelle appréciation des preuves, et ceci sans qu’elle l’ait entendu en personne et sans que les preuves aient été produites devant elle. Il invoque à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention.

La Cour rappelle d’emblée qu’il n’entre pas dans ses attributions de substituer sa propre appréciation des faits et des preuves à celle des juridictions internes, à qui il revient en principe de peser les éléments recueillis par elles. La tâche de la Cour consiste à rechercher si la procédure litigieuse, envisagée comme un tout, y compris le mode d’administration des preuves, a revêtu un caractère équitable (Mantovanelli c. France, arrêt du 18 mars 1997, Recueil 1997-II, pp. 436-437, § 34, et G.B. c. France, no 44069/98, § 59, CEDH 2001-X).

Pour ce qui est de la publicité des débats, la Cour a déjà affirmé qu’elle aide à réaliser le but de l’article 6 § 1 : le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la Convention (voir Axen c. Allemagne, arrêt du 8 décembre 1983, série A no 72, p. 12, § 25). Cependant, elle ne saurait conclure, même dans l’hypothèse d’une juridiction d’appel investie de la plénitude de juridiction, comme en l’espèce, que l’article 6 implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D’autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d’un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics correspondent à un besoin après le procès de première instance(voir Jan-Åke Andersson c. Suède, arrêt du 29 octobre 1991, série A no 212-B, p. 45, § 27, et Allan Jacobsson c. Suède (no 2), arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 168, § 46). Dès lors, pourvu que de tels débats aient eu lieu en première instance, leur absence en appel peut se justifier par les caractéristiques de la procédure dont il s’agit (Helmers c. Suède, arrêt du 29 octobre 1991, série A no 212A, § 36, Döry c. Suède, no 28394/95, § 39, 12 novembre 2002 et Lundevall c. Suède, no 38629/97, § 36, 12 novembre 2002).

En l’espèce, seule la publicité de la procédure en appel est en cause, dans la mesure où le requérant se plaint d’une nouvelle appréciation des preuves par la juridiction d’appel. A cet égard, tel que l’a constaté le Tribunal constitutionnel dans son arrêt rendu en amparo, la nature des questions à trancher, qui portaient essentiellement sur des points de droit, n’exigeait pas la tenue d’une audience devant la cour d’appel, d’autant que de tels débats publics avaient déjà eu lieu devant le juge pénal. En effet, l’Audiencia Provincial s’est fondée sur les éléments de fait contenus dans le jugement rendu en première instance et s’est limitée à leur donner une qualification juridique différente, qualification que les parties ont eu la faculté de discuter en première instance et dans leurs mémoires d’appel. La Cour relève en outre que le requérant n’a jamais demandé à bénéficier d’une audience publique devant la juridiction d’appel.

Dans ces conditions, lorsque le débat soumis à la juridiction d’appel porte sur la qualification juridique des faits reprochés au requérant, un examen sur la base du dossier peut suffire. Par ailleurs, les décisions de l’Audiencia Provincial et du Tribunal constitutionnel sont amplement motivées et n’apparaissent pas comme étant déraisonnables ou arbitraires.

A la lumière des arguments qui précèdent, la Cour note que rien dans le dossier ne permet de déceler une apparence de violation par les juridictions internes des droits reconnus à l’article 6 § 1 de la Convention, et estime que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 § 3 de la Convention.

d) Sous l’angle de l’article 6 § 1, le requérant conteste le fait que l’arrêt de l’Audiencia Provincial ait renvoyé à la procédure civile pendante pour ce qui est du calcul final de la responsabilité civile.

La Cour rappelle qu’elle n’est pas compétente pour apprécier les faits et la législation interne. En particulier, elle ne saurait se prononcer sur la question de la connexité entre la procédure pénale et la procédure civile pendante. Le fait que le requérant soit en désaccord avec le renvoi fait par la juridiction d’appel ne saurait suffire pour conclure à la violation de l’article 6. Par ailleurs, le Tribunal constitutionnel, dans son arrêt d’amparo, a relevé que les arguments du requérant étaient contradictoires sur cette question, puisqu’il avait soulevé en même temps la nécessité de suspendre la procédure pénale jusqu’à ce que la procédure civile soit achevée.

Ce grief est donc manifestement mal fondé et doit être rejeté, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

e) Le requérant se plaint également que le renvoi à la procédure civile risque de provoquer des retards incompatibles avec les exigences du délai raisonnable.

Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 § 3 de la Convention.

2. Le requérant se plaint ensuite de l’application de l’article 535 du code pénal aux faits lui ayant été reprochés. Il invoque l’article 7 de la Convention, dont la partie pertinente se lit ainsi :

« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

(...). »

La Cour estime que le fait que le requérant soit en désaccord avec l’application en l’espèce de la loi pénale et avec la considération des faits comme constitutifs d’un délit d’appropriation indue ne saurait constituer, en soi, une violation du principe de légalité. Elle constate que les tribunaux internes ont condamné le requérant en se fondant sur la législation en vigueur, et ont observé qu’il y avait délit dès lors que la personne avait l’obligation, en vertu d’un titre quelconque (y compris un pacte verbal), de donner ou rendre des biens à une autre personne. La Cour considère, à cet égard, qu’il n’apparaît pas que les juridictions espagnoles aient fait preuve d’arbitraire dans l’interprétation de la disposition légale applicable en l’espèce. A la lumière des principes dégagés par sa jurisprudence, la Cour estime que rien dans le dossier ne permet de déceler une quelconque apparence de violation du principe de légalité, tel que reconnu par l’article 7 de la Convention.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Le requérant estime qu’il a été condamné pour n’avoir pas communiqué le seul fait qu’il avait gagné le prix spécial de loterie. Il invoque les articles 6 § 1 et 8 de la Convention. Ce dernier se lit notamment ainsi :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

(...) »

La Cour note que le requérant a omis de soulever ce grief, expressément ou en substance, devant le Tribunal constitutionnel dans le cadre de son recours d’amparo. Dès lors, ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

4. Le requérant se plaint que les juridictions internes l’ont privé de sa propriété sur les billets de loterie. Il invoque à cet égard l’article 6 § 1 et 1 du Protocole no 1, qui dispose :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

La Cour relève que la prétendue privation de propriété dont le requérant se plaint ne constitue pas une atteinte au respect de ses biens, mais fait partie de la peine qui lui a été infligée en raison de la commission d’un délit pour lequel il a été reconnu coupable. Elle rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle la notion de « biens » ne vaut que pour les biens actuels (Maltzan et autres c. Allemagne (déc.) [GC], nos 71916/01, 71917/01 et 10260/02, § 74, 2 mars 2005). Elle estime que la prétendue propriété sur la somme remportée ne constituait pas une créance certaine et exécutoire mais était conditionnée par l’issue des procédures judiciaires entamées devant les tribunaux internes. Il s’ensuit que ce grief doit être également rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

5. Enfin, le requérant se plaint de ne pas avoir disposé d’un recours effectif pour contester la condamnation prononcée en appel. Il invoque les articles 6 § 1 et 13 de la Convention. L’article 13 se lit ainsi :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

La Cour rappelle que l’article 6 de la Convention ne garantit aucun droit à un double degré de juridiction (voir Zarouali c. Belgique, no 20664/92, décision de la Commission du 29 juin 1994, Décisions et rapports (DR) 78, p. 97). Elle note en outre que l’Espagne n’a pas ratifié le Protocole no 7 à la Convention.

La Cour constate en tout état de cause que, contre l’arrêt de l’Audiencia Provincial d’Alicante, le requérant a pu former un recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel, bénéficiant ainsi d’un recours devant l’instance nationale la plus élevée. Elle note que la haute juridiction, par un arrêt amplement motivé, a rejeté les arguments présentés par le requérant et ne lui a pas octroyé l’amparo. A cet égard, la Cour rappelle que l’efficacité du recours, aux fins de l’article 13, ne dépend pas de la certitude d’un résultat favorable.

Dès lors, ce grief est manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejeté conformément à l’article 35 § 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant tiré de la non-communication du mémoire d’adhésion que la partie accusatrice a présenté lors de l’appel formé par le ministère public devant l’Audiencia Provincial d’Alicante ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Michael O’Boyle Nicolas Bratza
Greffier Président