Přehled
Rozhodnutí
TROISIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 70480/01
présentée par Timur TÜRKAN et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 1er décembre 2005 en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
Mmes A. Gyulumyan,
R. Jaeger, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 18 décembre 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, Timur Turkan, Malik Özmen, Serkan Duran, Ömer Karayiğit, Ziya Işık, Mehmet Paşik Yıldırım et Seyfettin Memi, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1980, 1980, 1982, 1981, 1980, 1982, et 1980. Serkan Duran et Mehmet Paşik Yıldırım résident tous deux à İçel. Les autres requérants à Adıyaman. Ils sont représentés devant la Cour par Me Zeynep Saya et Şeyho Saya, avocats à Adıyaman.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
Le 30 avril 1997, les requérants furent arrêtés et placés en garde à vue par la police. Il leur fut reproché d’avoir arraché le drapeau turc de sa hampe dans le but de l’insulter, ainsi que d’avoir incité le peuple à désobéir à la loi et, dans ce but, d’avoir écrit sur certains murs des slogans en faveur d’une bande armée.
Par un acte d’accusation du 27 mai 1997, le procureur de la république près le tribunal correctionnel de Kahta intenta une action pénale aux requérants et requit l’application de l’article 536/2, 3 et 145/1 du code pénal ainsi que de l’article 312/1 du même code.
Par une décision du 24 mars 1998, le tribunal correctionnel déclina sa compétence ratione materiae au profit de la cour de sûreté de l’Etat de Malatya pour le motif que l’affaire concernait un crime entrant dans le champ d’application de l’article 312 du code pénal.
Dans son avis sur le fond, le procureur près la cour de sûreté de l’Etat requit l’application de l’article 145/1 et 169 du code pénal ainsi que de l’article 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme.
Par un arrêt du 20 avril 1999, la cour de sûreté de l’Etat, composée de trois juges, dont l’un était membre de la magistrature militaire, condamna tous les requérants à une peine d’emprisonnement pour avoir porté aide et assistance à une bande armée.
Par un arrêt du 16 octobre 2000, concernant les requérants Yıldırım et Duran, qui avaient moins de 15 ans à l’époque des faits incriminés, la Cour de cassation cassa l’arrêt du 20 avril 1999, au motif que la juridiction de première instance avait omis de rechercher si l’élément moral de l’infraction avait été constitué. Elle confirma l’arrêt pour le surplus.
Jusqu’en 2004, la cour de sûreté de l’Etat ne rendit pas sa décision faute d’un rapport médical portant sur la capacité de discernement des requérants. Les requérants n’avait pas répondu pas au mandat de comparaître délivré par cette cour.
Par la loi no 5190 du 16 juin 2004, publiée au Journal officiel le 30 juin 2004, les cours de sûreté de l’Etat furent définitivement abolies. Ainsi, l’affaire fut renvoyée à la cour d’assises de Malatya.
Par un arrêt du 4 novembre 2004, la cour d’assises décida que l’action publique engagée contre MM. Yıldırım et Duran était éteinte en raison de la prescription.
B. Le droit interne pertinent
Le droit et la pratique internes pertinents en vigueur à l’époque des faits sont décrits dans les arrêts Özel c. Turquie (no 42739/98, §§ 20-21, 7 novembre 2002) et Gençel c. Turquie (no 53431/99, §§ 11-12, 23 octobre 2003).
Par la loi no 5190 du 16 juin 2004, publiée au Journal officiel le 30 juin 2004, les cours de sûreté de l’Etat ont été définitivement abolies.
GRIEFS
Les requérants se plaignent de ce que la cour de sûreté de l’Etat qui les a jugés et condamnés ne constitue pas un « tribunal indépendant et impartial » en raison de la présence d’un juge militaire en son sein.
Ils se plaignent également de ce que cette juridiction ne leur a pas garanti un procès équitable du fait que leurs déclarations obtenues lors de leur garde à vue sous la contrainte et en l’absence d’un avocat aient été utilisées en tant que preuves à charge. Par ailleurs, ils prétendent de ne pas avoir été informés de la requalification de l’accusation portée à leur encontre. De ce fait, ils prétendent qu’ils n’ont pas bénéficié du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense. A ces égards, ils invoquent l’article 6 §§ 1, 3 a), b), c) et d) de la Convention.
Invoquant l’article 6 §§ 1, 2, 3 de la Convention, les requérants se plaignent, par ailleurs, de la durée de la procédure pénale.
EN DROIT
1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de ce que la cour de sûreté de l’Etat qui les a jugé et condamné ne saurait passer pour un tribunal indépendant et impartial au sens de cette disposition, en raison de la présence d’un juge militaire en son sein. Invoquant l’article 6 §§ 1, 3 a), b), c) et d), ils se plaignent également de l’iniquité de la procédure devant cette juridiction, dans la mesure où les déclarations obtenues lors de leur garde à vue, sous la contrainte et dans l’absence d’un avocat ont été utilisées en tant que preuves à charge et où ils n’ont pas été informés de la requalification de l’accusation portée à leur encontre.
La procédure pénale engagée contre les requérants Yıldırım et Duran ayant été éteinte pour prescription, ils ne peuvent plus se prétendre victimes d’une violation de l’article 6 de la Convention. En conséquence, les griefs de ces requérants tirés du manque d’indépendance de la cour de sûreté de l’Etat et de l’iniquité de la procédure devant celle-ci doivent être déclarés irrecevables.
Quant aux requérants Turkan, Özmen, Karayiğit, Işık et Memi, en l’état actuel du dossier la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de leurs griefs concernant le manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat et l’iniquité de la procédure devant celle-ci, et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. La Cour a examiné les autres griefs des requérants, tels qu’ils ont été présentés dans leur requête. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen des griefs des requérants, à l’exception de ceux de MM. Yıldırım et Duran, tirés du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat et de l’iniquité de la procédure devant celle-ci ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président