Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
4.10.2005
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

QUATRIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 43854/98
présentée par Mehmet SOYLU
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 4 octobre 2005 en une chambre composée de :

MM. J. Casadevall, président,
R. Türmen,
M. Pellonpää,
R. Maruste,
K. Traja,
Mme L. Mijović,
M. J. Šikuta, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 22 juillet 1998,

Vu l’article 5 § 2 du Protocole no 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, Mehmet Soylu, est un ressortissant turc, né en 1954 et résidant à İstanbul. Il est représenté devant la Cour par Me G. Altay et Me S. Okçuoğlu, avocats à Istanbul.

A. Les circonstances de l’espèce

1. Introduction

Jusqu’en avril 1994, le requérant habitait le village de Nurettin du district de Malazgirt, où il vivait notamment de l’agriculture. Malazgirt se situe dans la province de Muş qui, à l’époque des faits, figurait parmi celles soumises à l’état d’urgence décrété en 1987 dans le Sud-Est de l’Anatolie. Depuis 1985 environ, de graves troubles faisaient rage dans cette région de la Turquie, entre les forces de sécurité et les membres du PKK. Les événements et les affrontements qui s’y sont produits ont touché de nombreux villages, dont ceux de Muş ; les maisons étant incendiées ou détruites, certains villages furent abandonnés par leurs habitants.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

a. La version des faits donnée par le requérant

Le 27 novembre 1993, des soldats, accompagnés de personnes masquées, firent irruption dans le village du requérant. Ils rassemblèrent les habitants sur la place et les menacèrent de détruire certaines de leurs maisons s’ils n’acceptaient pas de servir l’État en tant que gardes de village. Ils mirent à terre quinze villageois qu’ils rouèrent de coups en public. Ensuite, ils choisirent vingt maisons, sur lesquelles ils pulvérisèrent une substance blanche et y mirent le feu. Ainsi, les habitations du frère et du cousin du requérant furent complètement brûlées.

Suite à cet incident, les villageois commencèrent à vivre dans la crainte ; certains quittèrent le village, d’autres, dont le requérant, y restèrent ; cela étant, les forces de sûreté continuèrent leurs descentes, deux ou trois fois par semaine, afin de contraindre les gens à devenir gardes.

Au début du mois d’avril 1994, environ vingt à trente chefs de famille avaient finalement cédé aux menaces. Devenus gardes de villages, protégés par l’Etat, ils se mirent –eux aussi– à incendier jusqu’à 8 ou 9 habitations par jour. Celle du requérant ne fut pas épargnée et, au cours du mois d’avril, il s’installa au centre-ville de Malazgirt avec sa famille. Cependant, n’ayant pas pu surmonter les difficultés économiques, le requérant décida de s’établir ailleurs.

A la date de l’introduction de sa requête, le requérant était demandeur d’emploi à Istanbul.

b. La version des faits donnée par le Gouvernement

Le Gouvernement conteste ces allégations et soutient que le requérant a quitté son village de son plein gré, sans avoir subi de contrainte de la part des forces de l’ordre ou des gardes de village.

Quant au dommage matériel que le requérant allègue avoir subi, le Gouvernement met en avant les renseignements recueillis par les autorités. Selon le procès-verbal du 9 décembre 1997, le procureur de Malazgirt entendit A.K. Celui-ci déposa qu’il connaissait l’intéressé en tant que client en raison de son déménagement en 1994. Il affirma que le jour du déménagement, la maison de M. Soylu était en bon état.

Dans ses observations, le Gouvernement soumet à la Cour les témoignages de trois villageois, recueillis le 24 mars 2000 par les gendarmes dans le cadre d’une enquête qui, semble-t-il, aurait été ouverte après la communication de l’affaire au Gouvernement. Les trois témoins affirmèrent notamment qu’ils avaient vu M. Soylu lorsqu’il déménageait vers le district de Malazgirt et qu’aucune pression n’avait été exercée sur lui par les gardes de village. D’après eux, la maison de l’intéressé n’avait pas été incendiée par les gardes de village, mais avait été détruite par des intempéries. Ils déclarèrent que M. Soylu possédait quatre ou cinq hectares de terrain, et non trente mille peupliers, ni terrains suffisamment important pour contenir autant d’arbres.

Le Gouvernement soumet également à la Cour un état des lieux dressé au village de Nurettin le 24 mars 2000. Celui-ci contient des constats confortant les dépositions des trois témoins ci-dessus.

2. Les démarches entamées par le requérant et l’enquête menée concernant ses allégations

Le requérant affirme n’avoir intenté aucun recours jusqu’en 1997 en raison d’énormes difficultés économiques. Le 19 juin 1997, il saisit le procureur de la République de Malazgirt (ci-après « le procureur ») et porta plainte contre des gardes du village de Nurettin pour la destruction de sa maison et celle de ses arbres et pour la possession et l’exploitation illégale de ses terrains de soixante hectares. Il expliqua qu’il avait été contraint de quitter sa maison en raison de la terreur qui régnait dans la région et que, suite à son départ, ses biens avaient été, en partie, détruits par les gardes de village et ce qu’il en restait avait été occupé illégalement par ces derniers.

Le 17 avril 1998, le requérant s’adressa à la sous-préfecture de Malazgirt où il habitait, exposant qu’il n’arrivait plus à subvenir aux besoins des neuf membres de sa famille, il demanda l’autorisation de retourner dans son village pour pouvoir exploiter ses terres. Selon les dires du requérant, le sous-préfet transmit cette demande au Commandement de la gendarmerie du district et conseilla au requérant de se rendre au poste de la gendarmerie à Konakkuran. Arrivé audit poste, le requérant expliqua au commandant que c’était le sous-préfet qui l’avait envoyé pour qu’on le conduise dans son village ; le commandant aurait refusé et ordonné à un gendarme de l’éloigner des lieux.

Le 10 mai 1998, le requérant déposa, devant le procureur, une seconde plainte, contre Z. P. vraisemblablement l’un des gardes de village, pour occupation et exploitation illégales d’un terrain de 2,7 hectares appartenant à son père.

Le 20 août 1998, pour ce qui est de la plainte du requérant déposée le 19 juin 1997, le procureur prit une décision d’incompétence, au motif que les prétendus responsables avaient qualité d’agents de l’Etat, nécessitant ainsi une décision de poursuite du Conseil administratif du district.

Le 30 juin 1999, le Conseil administratif du district de Malazgirt décida de ne pas autoriser les poursuites judiciaires contre six gardes de village de Nurettin, dont Z.P.

Par un jugement du 8 novembre 1999, le Tribunal administratif régional de Van cassa la décision du 30 juin 1999 et autorisa l’ouverture des poursuites pénales contre les gardes du village, pour violation du droit de propriété du requérant et pour destruction de ses biens, délit réprimé par l’article 516 du code pénal.

Par un jugement du 16 mai 2001, le tribunal correctionnel de Malazgirt suspendit l’action publique ouverte contre les accusés, en application de l’article 1 § 4 la loi no 4616 relative à la libération conditionnelle, à l’ajournement des procès et à l’exécution des peines pour les infractions commises avant le 23 avril 1999. En l’absence de pourvoi, ce jugement devint définitif.

B. Le droit et la pratique internes pertinents

Les principes et les procédures relatifs à la responsabilité pour des actes contraires à la loi peuvent se résumer comme suit.

1. La poursuite pénale des infractions

Le code pénal turc réprime le fait de contraindre un individu par la force ou la menace à commettre ou ne pas commettre un acte (article 188), de proférer des menaces (article 191), de procéder illégalement à une perquisition domiciliaire (articles 193 et 194), d’infliger des mauvais traitements et tortures (articles 243-245) et d’incendier et/ou d’endommager volontairement les biens d’autrui (articles 369 et 516 respectivement).

2. La loi no 4616

Le 22 décembre 2000 entra en vigueur la loi no 4616, relative à la libération conditionnelle, à l’ajournement des procès et à l’exécution des peines pour les infractions commise avant le 23 avril 1999.

D’après l’article 1 §§ 3 et 4 de la loi no 4616, s’agissant des infractions commises avant le 23 avril 1999 passibles d’une peine ne dépassant pas dix ans d’emprisonnement, les procédures en cours, y compris les enquêtes préliminaires, sont suspendues, et il est sursis au prononcé des jugements s’il y a eu une action publique. Cependant, si, dans les cinq années suivant le sursis accordé, l’intéressé commet une infraction de même nature ou plus grave, selon le cas, la procédure sera reprise et le jugement, rendu. La loi prescrit qu’un large éventail d’infractions pénales, considérées comme particulièrement graves, reste en dehors de son champ d’application. Cependant, l’article 516 du code pénal qui réprime le fait d’endommager volontairement les biens d’autrui reste parmi les infractions tombant dans le champ d’application de la loi.

GRIEFS

Le requérant allègue une violation des articles 3, 5, 6, 8, 13, 14 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1.

Quant à l’article 3 de la Convention, il se plaint des circonstances dans lesquelles il aurait été contraint de quitter le village avec sa famille et soutient que les menaces et les contraintes qu’ils ont subies ainsi que les risques auxquels ils se sont vus exposés du fait de leur départ forcé s’analysent en des « traitements inhumains et dégradants ».

S’agissant de l’article 5, il allègue que les agent des forces de sûreté l’ont non seulement forcé à partir, mais également menacé et intimidé lorsqu’il demandait à retourner dans son village, et ce de manière à compromettre la sûreté ainsi que la liberté de circulation de sa famille. A cet égard, le requérant rapporte qu’un autre villageois, K.İ., voulant retourner dans son village, aurait été « tabassé » par les gendarmes, au point qu’on lui aurait prescrit un arrêt de travail de vingt jours.

Quant aux articles 6 et 13, le requérant met en exergue le fait que ni le procureur de la République ni la sous-préfecture de Malazgirt n’ont tenu compte de ses plaintes. Il se plaint de s’être vu dénier un recours effectif, judiciaire ou autre, devant une autorité impartiale, qui lui aurait permis de contester leur évacuation forcée, la destruction de ses biens par les forces de sécurité et d’obtenir réparation.

Sous l’angle de l’article 8, le requérant affirme que l’intrusion faite dans son village, l’évacuation et la destruction de sa maison, de ses moyens de subsistance, son expulsion forcée du village et la mainmise des gardes de village sur ses terres sont des circonstances constitutives d’une violation injustifiée de son droit au respect de sa vie familiale et de son domicile. Le requérant affirme que la violation continue dont il s’agit résulte directement de la législation relative au régime d’état d’urgence, laquelle habilite les autorités à méconnaître les droits de l’homme à travers les larges pouvoirs qu’elle confère à celles-ci.

Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le requérant allègue en outre que les graves dommages infligés à ses biens agricoles, mobiliers et immobiliers et l’interdiction pour lui de retourner au village et d’exploiter ses terres constituent une atteinte injustifiable à son droit de propriété ainsi qu’une violation du droit au respect de ses biens.

Le requérant prétend enfin que ce qu’il a vécu témoigne d’une pratique discriminatoire fondée sur son appartenance à l’ethnie kurde et ce, au mépris de l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 3, 5, 6 et 8.

EN DROIT

A. Sur les exceptions préliminaires du Gouvernement

Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour le non-respect du délai de six mois. Il souligne que le requérant a attendu trois ans, après les faits dénoncés, pour porter plainte devant le procureur. Il soutient que le requérant aurait dû introduire sa requête dans le délai de six mois suivant la date où les actes incriminés auraient été commis, à savoir à partir du mois d’avril 1994. Il en conclut que la requête ayant été introduite le 22 juillet 1998 est tardive. A l’appui de son argumentation, le Gouvernement fait référence à la jurisprudence de la Cour (Göztok c. Turquie (déc.), no 35830/97, 6 février 2001, Hazar et autres c. Turquie (déc), nos 62566/00-62577/00 et 62579/00-62581/00, 10 janvier 2002).

Le Gouvernement fait valoir également le non-épuisement des voies de recours internes. Il souligne, à cet égard, qu’à la date d’introduction de la requête, les juridictions nationales n’avaient pas encore statué sur le bien- fondé des doléances soulevées devant la Cour.

Pour sa part, le requérant insiste sur le fait qu’il avait déposé plusieurs plaintes concernant ses allégations. Il souligne qu’il a épuisé le recours pénal dans les circonstances où il devrait même être dispensé de le faire.

En ce qui concerne l’exception du Gouvernement tirée du délai de six mois, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, en l’absence de recours interne effectif, le délai de six mois commence à courir, en principe, à partir de la date du fait incriminé (voir parmi beaucoup d’autres Aydın c. Turquie (déc.), nos 29494/95 et 30219/96, CEDH 2000-III (extraits).

Or, en l’espèce, ayant porté plainte devant le procureur, le requérant a utilisé le recours pénal dont il disposait en droit interne. De l’avis de la Cour, compte tenu des griefs du requérant, cette voie de recours constituait un recours adéquat et suffisant aux fins de l’article 35 de la Convention. La date de l’introduction de la plainte n’a pas eu pour effet de rendre ineffective cette voie de recours. En effet, cassant la décision du Conseil administratif du district de Malazgirt, le tribunal régional administratif a offert au requérant une perspective raisonnable de voir ses efforts couronnés de succès. La Cour estime par conséquent que, dans les circonstances de l’espèce, on ne peut reprocher au requérant d’avoir utilisé le recours pénal. A supposer même que ce recours soit devenu inopérant, tel qu’il est allégué en l’espèce, son introduction ne constituait pas une initiative futile ; partant, il a eu, à tout le moins, pour effet de reporter le point de départ du délai de six mois (voir, Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, § 108, CEDH 2004-IV (extraits), mutatis mutandis, A. c. France, arrêt du 23 novembre 1993, série A no 277-B, pp. 47-48, § 30, Ielo c. Italie, no 23053/02, 15 mars 2005).

Dans les circonstances de l’espèce, rien ne permet de dire que le requérant n’ait pas disposé d’un recours effectif au moment où il en a fait usage. Par conséquent, le point de départ du délai de six mois ne peut être ramené à la date où l’acte incriminé aurait été commis.

Certes, le requérant saisit la Cour sans attendre que les juridictions nationales statuent sur ses griefs, circonstance de laquelle le Gouvernement tire son argument quant à l’exception relative au non-épuisement des voies de recours internes. La Cour rappelle sa jurisprudence en la matière : un requérant a, en principe, l’obligation de faire l’essai loyal des divers recours internes avant de saisir la Cour, et qu’il doit être loisible à celle-ci de tolérer que le dernier échelon de ces recours soit atteint peu après le dépôt de la requête, mais avant qu’elle ne soit appelée à se prononcer sur la recevabilité (voir, Ramazan Sarı c. Turquie (déc.), no 41926/98, 7 mars 2002, E.K. c. Turquie (déc), no 28496/95, 28 novembre 2000, Ringeisen c. Autriche, arrêt du 16 juillet 1971, série A no 13, p. 38, § 91).

La Cour observe que le requérant, qui avait formé une plainte le 19 juin 1997, a introduit sa requête devant les organes de Strasbourg le 22 juillet 1998, faisant valoir l’omission des autorités compétentes d’agir par rapport à ses allégations. Il n’est pas contesté que le 16 mai 2001, soit avant qu’il ne soit statué sur la recevabilité, le tribunal correctionnel de Malazgirt ait décidé de surseoir à statuer sur la procédure pénale en application de l’article 1 § 4 de la loi no 4616.

Elle estime en conséquence qu’il y a lieu de rejeter les exceptions du Gouvernement en toutes ses branches.

B. Sur le bien-fondé des griefs

1. Le grief tiré de l’article 5 de la Convention

Invoquant l’article 5 de la Convention, le requérant allègue que son évacuation forcée de son village ainsi que les conditions dans lesquelles s’est déroulé cet incident ont entraîné une violation de son droit à la liberté et à la sûreté.

Dans ses parties pertinentes, l’article 5 de la Convention se lit ainsi :

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales. »

Le Gouvernement ne se prononce pas sur ce grief.

La Cour rappelle d’emblée que selon la jurisprudence des organes de la Convention, le « droit (...) à la sûreté » mentionné dans la première phrase de l’article 5 § 1 est une garantie contre l’arbitraire en matière d’arrestation et de détention (Dyer c. Royaume-Uni, requête no 10475/83, décision de la Commission du 9 octobre 1984, § 25 dont des extraits sont publiés dans Décisions et rapports 39, pp. 246-266).

En l’espèce, le requérant n’ayant été ni arrêté, ni privé de sa liberté, aucune apparence de violation de cette disposition ne saurait être établie en l’espèce (Mentes et autres c. Turquie, no 23186/97, rapport de la Commission du 7 mars 1996, Menteş et autres c. Turquie, arrêt du 28 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII, pp. 2750-2751).

La Cour estime dès lors que cette partie de la requête doit être rejetée, comme étant manifestement mal fondée.

2. Le grief tiré de l’article 14 la Convention

Le requérant affirme avoir fait l’objet d’une discrimination du fait de son origine kurde et ce, au mépris de l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 3, 8, 13 ainsi que l’article 1 du Protocole no 1.

L’article 14 est ainsi libellé :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Le Gouvernement ne se prononce pas sur ces allégations.

Au vu des éléments qui lui sont soumis, la Cour observe que le requérant n’a pas suffisamment étayé ses allégations. Cela étant, elle estime que ce grief doit être examiné au vu de ceux tirés des articles 3, 6, 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1, examinés ci-dessous. A ce stade de la procédure, il ne saurait donc être déclaré manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

3. Les griefs tirés des articles 3, 6, 8, 13 de la Convention ainsi que de l’article 1 du Protocole no 1

Invoquant les articles 3, 6, 8, 13 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1, le requérant se plaint de son évacuation forcée, de la destruction causée par un incendie volontaire provoqué par les gardes de village, du refus des autorités de l’autoriser à retourner dans son village et de cultiver ses terrains qui, selon lui, ont été accaparés par des gardes de village.

Le Gouvernement réfute les allégations du requérant et indique qu’il se réserve le droit de répondre au bien-fondé de ces griefs après l’examen de la Cour sur les exceptions préliminaires. Dans l’annexe à ses observations sur la recevabilité des griefs, le Gouvernement a fourni à la Cour les témoignages de trois villageois ainsi qu’un procès-verbal du 24 mars 2000 dont la véracité est contestée par la partie requérante.

En ce qui concerne les griefs du requérant soulevés sous l’angle des articles 6 et 13 de la Convention, la Cour observe que celui-ci se plaint d’avoir été privé d’un accès effectif à un tribunal à l’encontre des auteurs des actes incriminés. Conformément à sa jurisprudence, la Cour estime qu’il convient d’examiner ce grief sous l’angle de l’obligation plus générale que l’article 13 fait peser sur les Etats, d’offrir un recours effectif habilitant une instance nationale compétente à connaître des doléances et à offrir le redressement approprié (voir, parmi beaucoup, Gündem c. Turquie, arrêt du 25 mai 1998, Recueil 1998-III, § 74, Mentes et autres, précité, pp. 2715-2716, §§ 88-89).

La Cour estime que les griefs du requérant tirés des articles 3, 8, 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 posent de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ces griefs ne sauraient être déclarés manifestement mal fondés, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare recevable, tous moyens de fond réservés, les griefs du requérant tirés des articles 3, 8, 13, 14 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1,

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Michael O’Boyle Josep Casadevall
Greffier Président