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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
16.9.2004
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 18065/02
présentée par Fernando CARVALHO MAGALHÃES
contre le Portugal

La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant le 16 septembre 2004 en une chambre composée de :

MM. G. Ress, président,
I. Cabral Barreto,
L. Caflisch,
B. Zupančič,
J. Hedigan,
Mmes M. Tsatsa-Nikolovska,
A. Gyulumyan, juges

et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 30 avril 2002,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Fernando Carvalho Magalhães, est un ressortissant portugais, né en 1973 et résidant à Matosinhos (Portugal). Il est représenté devant la Cour par Me J.J.F. Alves, avocat à Matosinhos. Le gouvernement défendeur est représenté par M. J. Miguel, Procureur général adjoint.

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 4 mai 1998, le requérant déposa devant le parquet de Porto une plainte pénale contre K., alléguant avoir été victime de l'infraction de coups et blessures suite à un accident de la circulation prétendument provoqué par ce dernier.

Le 1er mars 1999, le ministère public procéda à une confrontation entre le requérant et K.

Le 4 mars 1999, le ministère public présenta ses réquisitions à l'encontre de K., accusant ce dernier d'offense à l'intégrité physique d'une personne par négligence.

Le 18 mars 1999, le requérant déposa une demande en dommages et intérêts contre la compagnie d'assurances de K.

Le 23 septembre 1999, le dossier fut transmis à la 3ème chambre criminelle du tribunal de Porto. Par une décision du 28 septembre 1999, le juge prononça l'extinction de la procédure, les faits en cause se trouvant sous l'empire de la loi d'amnistie no 28/99 du 12 mai 1999.

Le 1er octobre 1999, le requérant requit la poursuite de la procédure en vue de l'examen de la demande en dommages et intérêts.

Le 7 octobre 1999, le juge accepta la demande du requérant et fixa l'audience au 23 janvier 2001.

Le 25 janvier 2000, le requérant présenta une demande d'accélération de la procédure devant le Conseil supérieur de la magistrature.

Celui-ci, par une décision du 8 février 2000, rejeta la demande. Il admettait que les délais du code de procédure pénale se trouvaient en l'espèce largement dépassés, mais soulignait ne pas avoir des juges disponibles afin de renforcer la 3ème chambre criminelle du tribunal de Porto. Il considérait par ailleurs qu'accélérer la procédure en cause reviendrait à porter préjudice aux autres dossiers en souffrance.

Par une ordonnance du 10 janvier 2001, le juge reporta l'audience au 15 mai 2002.

Le 16 avril 2002, le requérant informa le juge d'avoir réglé l'affaire à l'amiable, la compagnie d'assurances lui ayant payé une somme non déterminée.

Par une décision du 19 avril 2002, portée à la connaissance du requérant le 22 avril 2002, le juge prononça l'extinction de la procédure.

GRIEF

Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure.

EN DROIT

Le requérant dénonce la durée de la procédure. Il s'appuie sur l'article 6 § 1 de la Convention, qui dispose notamment :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

a. Sur l'épuisement des voies de recours internes

Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il souligne que la violation du droit à une décision dans un délai raisonnable engage la responsabilité civile extracontractuelle de l'Etat, qui est donc tenu d'indemniser les victimes. A cette fin, le requérant peut faire usage de l'action en responsabilité extracontractuelle prévue par le décret-loi no 48051 du 21 novembre 1967, qui constitue un moyen accessible, adéquat et efficace pour redresser la situation qu'il dénonce.

Le requérant estime quant à lui qu'une telle voie de recours n'est pas efficace ou adéquate pour redresser son grief. L'action en responsabilité extracontractuelle prévue par le décret-loi no 48051 n'aurait pas un degré suffisant de certitude juridique pour être utilisé aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention.

La Cour constate d'emblée que le requérant a en l'espèce formé sans succès une demande en accélération de la procédure aux termes des articles 108 et 109 du code de procédure pénale. Elle rappelle que cette voie de droit a été considérée comme un recours devant être exercé lorsque le problème dénoncé est celui de la durée d'une procédure pénale (Tomé Mota c. Portugal (déc.), no 32082/96, CEDH 1999-IX).

La question se pose de savoir si le requérant devait de surcroît introduire une action en responsabilité extracontractuelle de l'Etat. Cette dernière action a elle aussi, en effet, été considérée comme un recours à exercer s'agissant de la durée d'une procédure (Paulino Tomás c. Portugal (déc.), no 58698/00, CEDH 2003-VIII).

La Cour rappelle avoir répondu à cette question dans sa décision Moreira Barbosa c. Portugal, (no 65681/01, CEDH 2004). Elle s'était alors exprimée ainsi :

« La Cour rappelle que le requérant doit avoir fait un usage normal des recours internes vraisemblablement efficaces et suffisants. Lorsqu'une voie de recours a été utilisée, l'usage d'une autre voie dont le but est pratiquement le même n'est pas exigé (Wójcik c. Pologne, no 26757/95, décision de la Commission du 7 juillet 1997, Décisions et rapports (DR) 90, p. 24, et Günaydin c. Turquie (déc.), no 27526/95, 25 avril 2002).

Eu égard aux circonstances de la cause, la Cour estime qu'il serait excessif de considérer que le requérant aurait dû intenter l'action mentionnée par le Gouvernement alors qu'il a formé au cours de la procédure un recours – une demande d'accélération de la procédure – qualifié antérieurement par la Cour d'adéquat et de suffisant (Quiles Gonzalez c. Espagne (déc.), no 71752/01, 7 octobre 2003). »

La Cour n'aperçoit pas des motifs de s'écarter de cette jurisprudence dans la présente affaire.

Il s'ensuit que l'exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée.

b. Sur le bien-fondé du grief

Le Gouvernement soutient que la durée en cause, qui doit se compter à partir du 18 mars 1999, date du dépôt de la demande en dommages et intérêts par le requérant, n'a pas dépassé le délai raisonnable.

Pour le requérant, la durée à apprécier, dont il situe le point de départ au 4 mai 1998, date du dépôt de la plainte pénale, est manifestement excessive.

La Cour estime qu'à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention en matière de « délai raisonnable » (complexité de l'affaire, comportement du requérant et des autorités compétentes), et compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, ce grief doit faire l'objet d'un examen au fond.

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,

Déclare la requête recevable, tous moyens de fond réservés.

Vincent Berger Georg Ress
Greffier Président