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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
13.7.2004
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE TEMEL c. TURQUIE

(Requête no 37047/97)

ARRÊT

(Règlement amiable)

STRASBOURG

13 juillet 2004

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Temel c. Turquie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
L. Loucaides,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
K. Jungwiert,
V. Butkevych,
Mme W. Thomassen, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 juin 2004,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 37047/97) dirigée contre la République de Turquie et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Cevahir Temel (« la requérante »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 27 juin 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante, qui a été admise au bénéfice de l’assistance judiciaire, est représentée par Me M. Çinkılıç, avocat à Adana. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. E. İşcan, ministre plénipotentiaire, directeur général adjoint pour le Conseil de l’Europe et les droits de l’Homme.

3. La requête avait pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences des articles 3, 8 et 13 de la Convention.

4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole no 11).

5. La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.

6. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1).

7. Le 24 septembre 2002, la Cour a décidé de joindre au fond l’exception préliminaire du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes, en ce qui concerne les griefs tirés des articles 3, 8 et 13 de la Convention, et a déclaré la requête recevable.

8. Le 10 avril 2003, après un échange de correspondance, la greffière a proposé aux parties la conclusion d’un règlement amiable au sens de l’article 38 § 1 b) de la Convention. Les 20 octobre 2003 et 4 mai 2004 respectivement, la requérante et le Gouvernement ont présenté des déclarations formelles d’acceptation d’un règlement amiable de l’affaire.

EN FAIT

9. La requérante est née en 1959 et réside à Adana.

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

1. La version des faits donnée par la requérante

10. Le 13 janvier 1997, vers 21 heures, dix policiers en civil rattachés à la direction de la sûreté d’Adana, section de la lutte contre le terrorisme, (« la direction de la sûreté ») frappèrent à la porte du domicile de la requérante. Son mari ouvrit et ils entrèrent. Ils interrogèrent la requérante sur un certain « Muzin », membre du PKK, interdit comme organisation terroriste en droit interne, et partirent une heure plus tard.

11. Le même jour, à 22 h 50, la requérante s’adressa à l’hôpital public d’Adana. Dans son rapport daté du même jour, le médecin constata une sensibilité étendue sur le dos, des difficultés de mouvement du dos, des difficultés de mouvement du coude et du poignet gauche. Le médecin précisa que la vie de la requérante n’était pas en danger.

12. Le 16 janvier 1997, la requérante se rendit au centre de soins et de réhabilitation de la fondation des droits de l’homme à Adana. Le médecin traitant diagnostiqua un traumatisme physique, un spasme musculaire au dos et une névrose post-traumatique. Le médecin consigna en outre que les cheveux de la requérante avaient été coupés à hauteur de la nuque. Il lui prescrivit un traitement de plusieurs mois.

13. Le 19 janvier 1997, la requérante fit une déclaration de presse dans laquelle elle dénonçait les traitements auxquels elle avait été soumise.

14. Le 6 février 1997, elle se rendit au parquet d’Adana (« le parquet ») et tenta de déposer une plainte dans laquelle elle affirmait avoir été maltraitée et que ses cheveux avaient été coupés par les policiers ayant perquisitionné à son domicile. Toutefois, le procureur de la République refusa d’enregistrer la plainte.

2. La version des faits donnée par le Gouvernement

15. Le procès-verbal, établi par la police le 13 janvier 1997 vers 23 heures, mentionna qu’une personne avait dénoncé la présence d’un membre du PKK au no 9 de la soixante-deuxième rue dans le quartier de Dağlıoğlu Küçük Oba à Adana, et que les policiers s’y étaient rendus.

16. A la suite de cette dénonciation, les policiers se rendirent au domicile de la requérante. Le procès-verbal de perquisition, établi le 13 janvier 1997 à 23 h 30 par trois policiers et signé par Abdullah Temel, fit état de ce que les policiers s’étaient rendus à l’adresse indiquée et n’avaient trouvé aucune pièce à conviction. D’après le procès-verbal, les policiers n’arrêtèrent pas la requérante.

17. Le 3 février 1997, la requérante fut entendue par le procureur de la République d’Adana. Elle déclara que le 13 janvier 1997 la police s’était rendue à son domicile, que son mari avait ouvert la porte, que l’un des policiers avait demandé à la requérante son nom puis l’avait frappée dans le dos et avait empoigné ses cheveux. Enfin, il l’avait faite s’allonger sur le ventre et un autre l’avait recouverte d’une couverture pour étouffer ses cris. Un policier l’interrogea alors au sujet d’une personne qu’elle ne connaissait pas ; sur ce, le policier exerça une pression sur son dos avec son pied et lui coupa les cheveux. Elle dit qu’elle ne savait pas avec quoi il les avait coupés et qu’elle ne serait pas en mesure de le reconnaître, car elle ne l’avait pas vu et que tout s’était passé très vite puisqu’il l’avait allongée à terre dès qu’il était entré. Elle montra au procureur sa natte de cheveux coupés, qu’on lui avait rapportée, après que les policiers l’eussent emportée et jetée dans une rue adjacente.

18. Dans sa déposition du 29 juin 1997 établie par la police, Mustafa Somer, nom de code « Hacı-Hoca », mentionna que Cevahir Temel était membre du PKK et y menait des activités.

19. Dans sa déposition du 30 juin 1997 établie par la police, Abdullah Şahin, nom de code « Kendal », donna les mêmes indications.

20. Le 17 janvier 1998 à 21 h 40 les policiers procédèrent à une nouvelle perquisition au domicile de la requérante. Le procès-verbal de perquisition établi par les policiers de la direction de la sûreté, mentionna qu’ils s’étaient rendus au domicile de la requérante suite à une dénonciation, d’après laquelle Cevahir Temel, accusée d’être membre de l’organisation illégale du PKK, était recherchée par la police. Ils mentionnèrent qu’ils n’avaient découvert aucune pièce à conviction et qu’ils avaient procédé à l’arrestation de la requérante. Ils précisèrent qu’ils avaient lu le procès-verbal, dans la mesure où la requérante ne savait pas lire, et qu’elle l’avait approuvé en y apposant son empreinte digitale.

21. Le rapport médical établi le 17 janvier 1998 à 23 heures par l’hôpital public d’Adana mentionna qu’il n’y avait aucune trace de coup ni de violence sur le corps de la requérante. Le reste du rapport est illisible.

22. Le rapport médical établi le 18 janvier 1998 à 11 h 15 par le même établissement mentionna que la requérante ne portait aucune trace de coup ni de violence et que sa vie n’était pas en danger. Le reste du rapport est illisible.

23. Par une lettre du 18 janvier 1998, la direction de la sûreté informa le procureur de la République d’Adana d’une opération menée à l’encontre du PKK. Puis, se fondant sur les dépositions des personnes arrêtées, elle déclara avoir placé la requérante en garde à vue. Elle demanda au procureur de la République de déclencher les mesures légales qui s’imposaient. La lettre contenait la mention manuscrite du procureur de la République précisant qu’il fallait libérer la requérante compte tenu du crime qui lui était reproché et de l’état des preuves.

24. Le 7 mai 1998, la requérante fut acquittée par la cour de sûreté de l’Etat d’Adana pour insuffisance de preuves.

3. La plainte de la requérante à l’encontre des policiers

25. Le 20 janvier 1997, la requérante, avec l’association des droits de l’homme d’Adana, fit l’objet d’un article publié dans le quotidien local Toros.

26. Le 22 janvier 1997, la direction de la sûreté saisit le parquet, en joignant notamment l’article en question. Elle déclara que les faits ne s’étaient pas déroulés de la manière dont ils y étaient décrits et indiqua que le but de l’association des droits de l’homme était de dénigrer les forces de l’ordre et de les accuser de faits sans fondement.

27. Le 23 janvier 1997, l’association des droits de l’homme d’Adana fit une déclaration selon laquelle elle soutenait la requérante et l’assisterait dans toutes ses démarches.

28. Le 3 février 1997, le parquet rendit une ordonnance de non-lieu à l’encontre de l’auteur de l’article publié dans le quotidien Toros.

29. A une date non précisée, la requérante reçut une convocation l’informant qu’elle devait se rendre le 18 mars 1997 à 8 h 30 au palais de justice.

30. Le 3 janvier 1999, le mari de la requérante, Abdullah Temel, fut entendu par le procureur de la République. Dans sa déposition, il déclara que le 13 janvier 1997 vers 23 h 30, alors qu’il se trouvait à son domicile en compagnie de son épouse, de nombreuses personnes armées, en tenue civile, se présentèrent comme étant de la police. Ils perquisitionnèrent à son domicile et l’en firent sortir tout en l’empêchant de rentrer. Il dit ne pas savoir ce qui s’est passé à l’intérieur et que les policiers partirent peu après. Quatre jours plus tard, quelques-uns des policiers se présentèrent à nouveau à son domicile pour établir le procès-verbal de perquisition et lui demandèrent de le signer ; ce qu’il fit en présence de son épouse. Il déclara être en mesure d’identifier ces personnes.

31. Le 13 décembre 1999, la requérante fut entendue par le procureur de la République d’Adana. Elle déclara que le 13 janvier 1997 vers 23 h 30 elle se trouvait chez elle avec son mari, Abdullah Temel, et que de nombreux policiers armés, en tenue civile, étaient venus à son domicile. L’un d’eux lui demanda son nom et la frappa aussitôt sur le dos et sur son poignet droit avec la crosse de son arme. Puis, un matelas fut placé sur le sol et un policier l’y allongea sur le ventre. Il appuya un pied sur son dos et coupa ses cheveux. Elle déclara qu’elle n’avait pas vu ce policier. En revanche, elle avait vu le policier à qui elle avait ouvert la porte ; il s’agissait d’une personne mince et de grande taille aux cheveux blonds. Ce n’est pas lui qui l’avait frappée. Après le départ des policiers avec son frère, Lezgin Aydın, elle se rendit à l’hôpital public d’Adana pour y être examinée par un médecin qui établit un rapport médical. Celui-ci lui dit d’aller porter plainte au commissariat de police ; ayant pris peur, elle refusa d’y déposer une plainte. Le lendemain, elle remit le rapport médical à son avocat, Mustafa Cinkılıç, qui rédigea une plainte qu’elle porta au procureur de la République d’Adana. Elle soutint que ce dernier, qu’elle n’était pas en mesure d’identifier, refusa d’enregistrer sa plainte en déclarant : « Pourquoi fait-on des descentes à ton domicile et non pas au mien, va voir ailleurs ». Elle se rendit alors à l’association des droits de l’homme où elle rencontra son président, Süleyman Kılıç. Puis, la presse fut convoquée et elle raconta les faits ; elle fut photographiée en montrant ses cheveux coupés. Ne sachant pas à quelle autre autorité s’adresser, elle donna pouvoir à son avocat pour introduire en son nom une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. Elle précisa en outre, devant celui qui l’entendait, qu’elle n’avait fait aucune autre déposition devant un autre procureur de la République et déclara que s’était la première fois qu’elle le voyait. Le procureur de la République présenta alors à la requérante sa déposition recueillie le 3 février 1997. Elle déclara que la signature qui y était apposée ressemblait à la sienne mais elle soutint qu’elle n’avait pas fait une telle déposition et que c’était la première fois qu’elle rencontrait un procureur de la République.

32. Le rapport d’expertise établi le 14 décembre 1999 par le laboratoire de graphologie de la police d’Adana mentionna que la signature apposée au bas de la déposition établie le 3 février 1997 était bien celle de la requérante.

33. Par une lettre du 6 janvier 2000, à la demande du parquet, la direction de la sûreté informa celui-ci de ce que le procès-verbal de perquisition du 13 janvier 1997 avait été établi par les policiers Murat Esertürk (M.E.), Osman Soyuer (O.S.) et Sami Çelik (S.Ç.).

34. Le 7 janvier 2000, le parquet entendit M.E. qui déclara avoir bien participé à la perquisition du domicile de la requérante le 13 janvier 1997 à 23 h 30, date à laquelle un procès-verbal de perquisition avait été établi. Toutefois, il contesta les faits qui lui étaient reprochés et fit valoir que le rapport médical présenté par la requérante et délivré par l’hôpital public d’Adana avait été établi le même jour à 22 h 50. Il soutint qu’à l’époque des faits les organisations illégales avaient pour objectifs de dénigrer les forces de l’ordre et l’Etat au regard de l’opinion mondiale et de dévoiler l’identité des fonctionnaires de police travaillant à la section de la lutte contre le terrorisme.

35. Le 8 février 2000, le procureur de la République entendit O.S. Celui-ci contesta les faits qui lui étaient reprochés et fit valoir que la plainte avait pour but de porter atteinte à leur autorité. Il précisa qu’il avait établi le procès-verbal de perquisition à 23 h 30 alors que le rapport médical présenté par la requérante avait été établi à 22 h 50.

36. Le 9 février 2000, le procureur de la République entendit S.Ç. qui contesta les faits qui lui étaient reprochés et désapprouva le rapport médical qui lui était présenté. Il dit que le 13 janvier 1997, accompagné d’O.S. et M.E., il avait perquisitionné au domicile de la requérante et qu’il ne lui avait pas adressé la parole. Il précisa qu’il s’était rendu au domicile de la requérante le 13 janvier 1997 vers minuit et que, comme il faisait nuit et qu’il y avait urgence, il n’avait pas respecté le formalisme de l’article 97 § 2 du code de procédure pénale.

37. Par un acte d’accusation établi le 29 février 2000, le parquet intenta une action pénale à l’encontre des trois policiers suscités, au motif qu’ils n’avaient pas perquisitionné le domicile de la requérante conformément à l’article 97 § 2 du code de procédure pénale et lui avaient coupé les cheveux, tel qu’il ressort du rapport médical.

38. Le 3 mars 2000, le tribunal correctionnel d’Adana (« Asliye Ceza Mahkemesi ») convoqua la requérante et envoya respectivement une commission rogatoire au tribunal correctionnel de Kayseri pour obtenir la déposition de S.Ç. et à celui de Sivas pour obtenir celles de O.S. et M.E.

39. Par une requête du 29 mai 2000, le représentant de la requérante demanda à se constituer partie intervenante (« müdahil ») dans la procédure engagée devant le tribunal.

40. A l’audience du 29 mai 2000, le tribunal accepta que la requérante devînt partie intervenante dans la procédure. Le tribunal entendit la requérante qui réitéra ses dépositions et soutint que les policiers qui avaient perquisitionné son domicile étaient nombreux, qu’ils lui avaient coupé les cheveux et l’avaient frappée. Elle déclara que celui qui lui avait coupé les cheveux était blond et de grande taille et qu’elle pouvait le reconnaître. Le tribunal envoya respectivement une commission rogatoire à Sivas et Kayseri.

41. Le 20 juin 2000, les policiers M.E. et O.S. furent entendus par le tribunal correctionnel de Sivas (« Asliye Ceza Mahkemesi »).

42. Le premier déclara qu’il était en tenue civile le 13 janvier 1997 et que, pour des raisons de sécurité, il avait perquisitionné le domicile de la requérante uniquement avec l’aval de son mari. Il déclara avoir établi un procès-verbal de perquisition que le mari de la requérante signa. Il contesta les accusations de mauvais traitements qu’il aurait infligés à la requérante, et déclara qu’il ne lui avait pas coupé les cheveux. Il indiqua que les dates des rapports médicaux et celle de l’opération menée au domicile de l’intéressée ne correspondaient pas. Il fit valoir que la requérante cherchait à porter atteinte au succès de l’opération et à l’autorité de l’Etat et avait pour but d’exaspérer les forces de l’ordre et de dévoiler leurs identités.

43. O.S. déclara que, pour ne pas mettre en péril l’opération, il n’avait pas demandé l’aide de voisins pour perquisitionner le domicile de la requérante. Il fit valoir que le rapport médical établi par la requérante était antérieur à la date de l’opération. Il contesta les faits qui lui étaient reprochés.

44. Par une lettre du 17 décembre 1999, le parquet informa le ministre de la Justice, direction générale des Affaires extérieures, que la perquisition du domicile de la requérante avait été menée avec l’aval d’Abdullah Temel, conformément à l’article 97 § 1 du code de procédure pénale. Le parquet précisa en outre qu’il avait ouvert une instruction pour déterminer si la requérante avait déposé une plainte auprès du commissariat de quartier ou auprès du procureur de la République.

45. Le 13 juin 2000, le policier S.Ç. fut entendu par le tribunal correctionnel de Kayseri. Il contesta les faits qui lui étaient reprochés et déclara que, pour ne pas retarder l’opération, il n’avait pas demandé l’aide des voisins ou du comité des sages (« ihtiyar heyeti »).

46. Le 25 septembre 2000, le tribunal tint une audience au cours de laquelle le représentant de la requérante demanda au tribunal de l’excuser pour son absence, dans la mesure où, le même jour, il avait une autre audience à Tarsus.

47. A l’audience du 25 septembre 2000, le représentant de la requérante ayant été excusé, le tribunal renvoya la déposition de l’un des prévenus obtenue par commission rogatoire par le tribunal correctionnel de Sivas, dans la mesure où elle n’était pas signée par un juge.

48. A l’audience du 11 décembre 2000, en l’absence des prévenus et en la présence de la requérante et de son avocat, le tribunal lut les dépositions des prévenus obtenues par commission rogatoire. Le représentant de la requérante contesta les dépositions au motif que les policiers n’avaient pas respecté les règles de procédures pour perquisitionner le domicile de sa cliente et souhaita présenter des témoins.

49. Le 26 mars 2001, le tribunal tint une autre audience.

50. A l’audience du 11 juin 2001, le représentant de la requérante déclara que le rapport médical contenu dans le dossier ne faisait pas état de blessure mais mentionna que la requérante avait déclaré qu’elle avait des difficultés de mouvement. Le tribunal demanda au parquet de vérifier si les policiers qui avaient perquisitionnés le domicile de Cevahir Temel avaient demandé une autorisation.

51. A l’audience du 17 octobre 2001, en la présence des représentants de la requérante et des policiers, suite au changement de la composition du tribunal et après lecture des procès-verbaux des audiences précédentes, le tribunal demanda à nouveau au parquet de vérifier si les policiers qui avaient perquisitionné le domicile de Cevahir Temel avaient demandé une autorisation et de fournir cette information au tribunal.

52. A l’audience du 23 mars 2001, la requérante et son représentant assistèrent à l’audience avec leurs témoins. Le tribunal entendit respectivement :

a) Vahyettin Sincar habitant en face de la maison de la requérante déclara que le jour de l’événement, entre huit et neuf heures, des policiers étaient présents dans tout le quartier et avaient enfermés à clef le mari et les enfants de la requérante dans une autre pièce et Cevahir était évanouie, allongée sur le sol. Puis après le départ des policiers, les voisines vinrent la réveiller. Il déclara qu’il l’avait entendue dire que ses cheveux coupés avaient été retrouvés dans la rue. Il dit qu’il n’avait pas vu de couverture sur la tête de la requérante et que ses vêtements étaient sens dessus dessous ;

b) Ayşe Bayram déclara que le jour de l’événement, vers 20 h 30, alors qu’elle était en train de sécher du linge sur le toit de sa maison, elle y avait vu des policiers partout dans la rue et les avait vus sortir de la maison de Cevahir. Après leur départ, elle se rendit chez Cevahir qui n’était pas encore consciente. Elle déclara que Cevahir avait les cheveux coupés et qu’elle avait déclaré que les policiers les avaient coupés. Le lendemain, elle trouva les cheveux de la requérante et les lui ramena.

53. Dans son mémoire présenté sur le fond le 11 juin 2001, l’avocat des prévenus déclara notamment que le rapport médical ne mentionnait d’aucune façon la présence de blessures sur le corps de la requérante. Le rapport précisa seulement que la requérante avait des sensibilités sur certaines parties de son corps et fit valoir que ces précisions étaient fondées sur les déclarations de la requérante.

54. En réponse à la demande du parquet, la direction de la sûreté déclara que le 17 janvier 1998, deux équipes, soit six fonctionnaires de police, s’étaient rendus au domicile de la requérante et, le 13 janvier 1997, une équipe de trois fonctionnaires de police, à savoir Murat Esertürk, Sami Çelik, Osman Soyuer, avaient perquisitionné le domicile de la requérante.

55. A l’audience du 11 février 2002, le tribunal cita Abdullah Temel afin qu’il soit entendu comme témoin et demanda la présentation des photographies des policiers pour que la requérante puisse procéder à leur identification.

56. Le tribunal réitéra ces demandes à l’audience tenue le 18 avril 2002.

57. A l’audience du 22 mai 2002, le tribunal entendit Abdullah Temel. Il déclara que la signature apposée au bas du procès-verbal de perquisition qui lui était présenté était la sienne et précisa que ce procès-verbal n’avait pas été établi le jour même de la perquisition. Il dit que deux jours avant cet incident quatre personnes s’étaient rendues à son domicile ; il leur avait ouvert la porte, ces personnes les avaient enfermés dans différentes pièces, et ils restèrent entre une demi-heure et une heure. Il précisa qu’ils interrogèrent son épouse au sujet d’une personne du nom de « Mizgin », et un policier de grande taille et mince coupa les cheveux de sa femme ; puis ils partirent. Il précisa que les policiers avaient frappé uniquement sa femme et qu’ils n’avaient rien fait contre les autres membres de sa famille. Il mentionna que deux jours après l’incident, les policiers se rendirent à leur domicile pour lui faire signer le procès-verbal de perquisition sans qu’ils aient procédé à une nouvelle perquisition. Le tribunal prit en considération le rapport médical concernant Cevahir Temel mentionnant que la requérante avait un arrêt de travail d’un jour. Le tribunal prit en considération également la photographie de S.Ç. Puis, le tribunal ajourna son audience au 9 septembre 2002 en demandant la présentation du registre des photographies des autres policiers incriminés.

EN DROIT

58. Le 20 octobre 2003, la Cour a reçu la déclaration suivante, signée par la requérante :

« 1. En qualité de représentante de la requérante, Mme Cevahir Temel, j’ai pris connaissance des termes de la déclaration formelle, faite par le gouvernement de la République de Turquie, ainsi que des engagements qui y sont pris en vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête no 37047/97, en ce compris celle de verser à la requérante susmentionnée une somme globale de 6 000 EUR (six mille euros).

2. Dûment consultée par mes soins, la requérante accepte les termes de cette déclaration et, en conséquence, renonce à toute autre prétention à l’encontre de la Turquie à propos des faits à l’origine de la requête. Elle déclare l’affaire définitivement réglée et s’engage à ne pas demander, après le prononcé de l’arrêt de la Cour dans cette affaire, le renvoi de celle-ci à la Grande Chambre, en application de l’article 43 § 1 de la Convention. »

59. Le 4 mai 2004, la Cour a reçu du Gouvernement la déclaration suivante :

« 1. Le Gouvernement de la République de Turquie regrette la survenance de cas individuels de mauvais traitements infligés par les autorités lors de l’exercice de leur fonction, nonobstant la législation turque existante et la détermination du Gouvernement à empêcher de tels agissements. Le Gouvernement admet que le fait d’infliger des mauvais traitements à des individus constitue notamment une violation de l’article 3 de la Convention. Il s’engage à édicter les instructions appropriées et à adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir que l’interdiction de mauvais traitements soit respectée à l’avenir.

2. En vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête no 37047/97, introduite par Mme Cevahir Temel, le Gouvernement offre de lui verser, ex gratia, au titre des préjudices et des frais et dépens, la somme globale de 6 000 EUR (six mille euros).

Cette somme ne sera soumise à aucun impôt ou charge fiscale en vigueur à l’époque pertinente et sera versée en euros sur un compte bancaire indiqué par la requérante ou par son conseil dûment autorisé. Elle sera payable dans les trois mois à compter de la notification de l’arrêt de la Cour rendu en vertu de l’article 39 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Ce paiement vaudra règlement définitif de l’affaire. A défaut de paiement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au paiement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pour cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

3. Le Gouvernement considère que la surveillance par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe de l’exécution de l’arrêt de la Cour dans cette présente affaire ainsi que de ceux rendus dans les affaires similaires concernant la Turquie, constitue un mécanisme approprié pour garantir l’amélioration constante de la situation en matière de protection des droits de l’homme. Il s’engage à cet égard à poursuivre sa coopération, nécessaire pour atteindre cet objectif.

4. Enfin, le Gouvernement s’engage à ne pas solliciter le renvoi de l’affaire à la Grande Chambre au titre de l’article 43 § 1 de la Convention une fois que la Cour aura rendu son arrêt. »

60. La Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties (article 39 de la Convention). Elle est assurée que ce règlement s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention ou ses Protocoles (articles 37 § 1 in fine de la Convention et 62 § 3 du règlement).

61. Partant, il convient de rayer l’affaire du rôle.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de rayer l’affaire du rôle ;

2. Prend acte de l’engagement des parties de ne pas demander le renvoi de l’affaire à la Grande Chambre.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 juillet 2004 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président