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Rozhodnutí
TROISIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 11804/02
présentée par Cevdet AYAZ et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant le 27 mai 2004 en une chambre composée de :
MM. G. Ress, président,
I. Cabral Barreto,
L. Caflisch,
B. Zupančič,
J. Hedigan,
K. Traja,
Mme A. Gyulumyan, juges,
et de M. M. Villiger, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 15 août 2001,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, MM. Cevdet Ayaz, Necat Özbey, Ramazan Şahin, Ziya Uçar, Harun Uçar, Mahir Korkmaz, Nuri Temel, Seref Yalçın, Nadir Yıldız, Salih Özkan, Şenay Yıldız, Filiz Artuk et Enver Gündüz, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1973, 1972, 1973, 1968, 1964, 1978, 1968, 1949, 1968, 1973, 1970 et 1968. Ils résident à Muş, Diyarbakır, Ergani, Kulp, Yaylak, Çınar, Mardin, Yeniköy, Mardin, Bismil, Muş, Şırnak et Diyarbakır. Ils sont représentés devant la Cour par Me M. S. Tanrıkulu, avocat à Diyarbakır.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
Le 9 avril 2001, Cevdet Ayaz fut arrêté et placé en garde à vue par des agents de la direction de la sûreté de Muş, section de lutte contre le terrorisme.
Le même jour, Necat Özbey, Ramazan Şahin, Ziya Uçar, Harun Uçar et Mahir Korkmaz furent arrêtés et placés en garde à vue par des agents de la direction de la sûreté de Diyarbakır, section de lutte contre le terrorisme.
Le 11 avril 2001, Nuri Temel fut arrêté et placé en garde à vue par des agents de la direction de la sûreté de Mardin, section de lutte contre le terrorisme.
Le 12 avril 2001, Şeref Yalçın et Nadir Yıldız furent arrêtés et placés en garde à vue par des agents de la direction de la sûreté de Diyarbakır, section de lutte contre le terrorisme.
Le 13 avril 2001, Salih Özkan fut arrêté et placé en garde à vue par des agents de la direction de la sûreté d'Erzincan, section de lutte contre le terrorisme.
Le même jour, Şenay Yıldız et Filiz Artuk furent arrêtés et placés en garde à vue par des agents de la direction de la sûreté de Diyarbakır, section de lutte contre le terrorisme.
Le 15 avril 2001, Enver Gündüz fut arrêté et placé en garde à vue par des agents de la direction de la sûreté de Silopi, section de lutte contre le terrorisme.
Les requérants étaient soupçonnés d'appartenir à l'organisation illégale PSK-KDP (Parti révolutionnaire du Kurdistan).
Toujours le 13 avril 2001, à la demande du procureur de la République, la cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakır décida de prolonger de six jours la garde à vue de Ziya Uçar, Harun Uçar, Ramazan Sahin, Mahir Korkmaz, Necat Özbey et Cevdet Ayaz.
A la demande de chaque direction de la sûreté, la garde à vue des autres requérants fut prolongée de deux jours par le procureur de la République.
Le 16 avril 2001, des agents de la direction de la sûreté de Silopi prirent les dépositions d'Enver Gündüz. Celles des autres furent recueillies le 17 avril 2001.
Le 18 avril 2001, les requérants furent entendus par le procureur près la cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakır, puis traduits devant le juge assesseur de la même juridiction. Devant ce dernier, les requérants nièrent les accusations portées contre eux et soutinrent qu'ils avaient signé leurs dépositions faites à la police sous la pression et la menace.
Les rapports médicaux ne firent état d'aucune trace de coups et blessures sur les corps des accusés.
Le 18 avril 2001, la cour de sûreté de l'Etat ordonna la mise en détention provisoire de Cevdet Ayaz, Mahir Korkmaz, Ramazan Şahin, Ziya Uçar et Necat Özbey. Elle libéra Harun Uçar, Nuri Temel, Şeref Yalçın, Salih Özkan, Şenay Yıldız, Filiz Artuk, Nadir Yıldız et Enver Gündüz.
Les requérants Ziya Uçar, Necat Özbey, Ramazan Şahin et Mahir Korkmaz portèrent plainte, à des dates différentes, devant le procureur de la République afin de dénoncer les mauvais traitements qu'ils auraient subis lors de leur garde à vue.
Le parquet se déclara incompétent et transmit le dossier au conseil d'administration du département de Diyarbakır afin que celui-ci menât une enquête préliminaire.
Ce conseil d'administration rendit une ordonnance de non-lieu au motif que les rapports médicaux et témoignages recueillis ne révélaient aucun acte de torture ni mauvais traitement sur les requérants.
Le tribunal administratif de Diyarbakır confirma cette ordonnance.
Se basant sur cette ordonnance et le jugement confirmatif, le procureur classa l'affaire sans suite.
Concernant Ziya Uçar, la procédure est toujours pendante.
GRIEFS
Invoquant l'article 3 de la Convention, les requérants se plaignent des mauvais traitements qu'ils auraient subis lors de leur garde à vue.
Invoquant l'article 5 §§ 1, 2, 3 et 4 de la Convention, ils se plaignent, d'une part, du défaut de légalité de leur arrestation, du fait de l'inexistence au moment de leur arrestation de raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis une infraction pénale, et, d'autre part, de la durée de leur garde à vue. Ils soutiennent en outre n'avoir pas été informés de leurs droits lors de l'arrestation et des motifs de celle-ci, et de ne pas avoir été « aussitôt » traduits devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Ils allèguent également de ne pas avoir bénéficié d'un recours devant un tribunal pour contester la légalité de leur détention.
Invoquant l'article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de ne pas avoir eu droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale concernant leurs allégations soulevées au regard de l'article 3.
EN DROIT
1. Invoquant les articles 3 et 13 de la Convention, les requérants se plaignent des mauvais traitements qu'ils auraient subis lors de leur garde à vue et de n'avoir pas eu droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale.
Concernant l'article 3, la Cour constate que les requérants n'ont fourni à la Cour aucun élément de preuve pouvant étayer leurs allégations de mauvais traitements. Ce grief n'est dès lors pas défendable au regard de l'article 13.
Quant à Ziya Uçar, la procédure étant pendante devant les instances nationales, ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes.
Il s'ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2. Invoquant l'article 5 §§ 1, 2, 3 et 4 de la Convention, les requérants se plaignent du défaut de légalité et de la durée de leur garde à vue, ainsi que de l'absence de recours pour contester celle-ci.
a) Concernant la légalité du placement en garde à vue des requérants, la Cour rappelle que l'objet d'un interrogatoire pendant une détention au titre de l'alinéa c) de l'article 5 § 1 est de compléter l'enquête pénale en confirmant ou en écartant les soupçons concrets sur lesquels se fondait l'arrestation (voir Murray c. Royaume-Uni, arrêt du 28 octobre 1994, série A no 300-A, p. 27, § 55). L'existence de soupçons « plausibles » présuppose celle de faits ou de renseignements propres à persuader un observateur objectif que l'individu en cause peut avoir accompli une infraction. Elle dépend toute fois de l'ensemble des circonstances (voir Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, arrêt du 30 août 1990, série A no 182, p. 16, § 32).
En l'espèce, la Cour constate que les requérants ont été arrêtés dans le cadre d'une opération dirigée contre une organisation illégale. Il y a lieu de conclure que les soupçons atteignaient le niveau exigé car ils étaient fondés sur des faits concrets, comme la dénonciation des membres de l'organisation en question, les procès-verbaux d'arrestation et de saisie. La privation de liberté avait pour finalité de confirmer ou dissiper les soupçons pesant sur les intéressés.
S'agissant du grief soulevé sous l'angle de l'article 5 § 2 concernant le manque d'information, il ressort des éléments du dossier que les accusés ont été informés des raisons de leur arrestation.
Il s'ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
b) Quant à la durée de la garde à vue de Cevdet Ayaz, Ziya Uçar, Ramazan Şahin, Harun Uçar, Mahir Korkmaz et Necat Özbey, la Cour note que celle-ci a atteint neuf jours, celle de Nuri Temel sept jours, celle de Seref Yalçın et Nadir Yıldız six jours, celle de Salih Özkan, Senay Yıldız et Filiz Arturk cinq jours, enfin, celle d'Enver Gündüz trois jours.
La Cour rappelle que dans l'arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni (arrêt du 29 novembre 1988, série A no 145-B), elle a jugé qu'une période de garde à vue de quatre jours et six heures sans contrôle judiciaire allait au-delà des strictes limites de temps fixées par l'article 5 § 3, même quand elle a pour but de prémunir la collectivité dans son ensemble contre le terrorisme.
La durée de la garde à vue d'Enver Gündüz ne peut dès lors passer pour excessive.
Quant aux autres requérants, en l'état actuel du dossier devant elle, la Cour ne s'estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l'article 54 § 2 b) de son règlement.
c) Les requérants affirment ne pas avoir été « aussitôt » traduits devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et n'avoir disposé d'aucune voie de recours afin de contester leur garde à vue.
En l'état actuel du dossier, la Cour ne s'estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l'article 54 § 2 b) de son règlement.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Ajourne l'examen des griefs des requérants tirés de la durée de leur garde à vue (excepté celle d'Enver Gündüz) et de l'absence de recours à cet égard ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Mark Villiger Georg Ress
Greffier adjoint Président