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Rozhodnutí
TROISIÈME SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 57299/00
présentée par Abdullah Mehmet VARLI et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant le 18 mars 2004 en une chambre composée de :
MM. I. Cabral Barreto, président,
L. Caflisch,
P. Kūris,
R. Türmen,
B. Zupančič,
J. Hedigan,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska, juges,
et de M. M. Villiger, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 6 août 1999,
Vu la décision partielle du 17 octobre 2002,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, Abdullah Mehmet Varlı, Kazım Yakmaz, Mehmet Reşit Irgat, Mehmet Yağmur, Kerem Soylu, Ali Şola, Reşit Koçeroğlu, İsmet Kılıçarslan et Mehmet Gürkey, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1939, 1938, 1948, 1935, 1945, 1955, 1947, 1932 et 1935. Abdullah Mehmet Varlı et Mehmet Yağmur résidaient à Ankara au moment des faits. Mehmet Reşit Irgat et Ismet Kılıçarslan résidaient à Izmir. Kazım Yakmaz, Kerem Soylu, Ali Şola et Reşit Koçeroğlu résidaient respectivement à Bursa, Istanbul, Adana et Mersin. Ils sont représentés devant la Cour par Me Stock, avocat à Londres.
A. Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
A l'époque des faits, les requérants étaient tous membres des structures locales d'un parti politique, le Parti de la démocratie du peuple (Halkın Demokrasi Partisi, HADEP). Mehmet Yağmur en était un sympathisant.
Les requérants rédigèrent en août et septembre 1996 une déclaration intitulée « Lettre ouverte pour la paix et la fraternité » en vue d'attirer l'attention du public sur le problème kurde en Turquie. Les requérants, tous diplomés des lycées d'imam-hatip (formation de base des fonctionnaires chargés des affaires religieuses), utilisèrent des versets du Coran pour soutenir leurs arguments dans la déclaration en cause. En novembre 1996, la déclaration fut adressée par le HADEP au président de la République, au Premier ministre ainsi qu'au président de la Grande Assemblée nationale. Elle fut également publiée dans deux quotidiens, Cumhuriyet et Zaman.
Cette déclaration de quatre pages fut enfin publiée dans le bulletin mensuel du HADEP en janvier 1997.
Le 9 mai 1997, le procureur près la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara requit la condamnation des requérants en vertu de l'article 312 § 2 du code pénal turc ainsi que l'article 3 de la Constitution, en invoquant notamment les passages suivants de la déclaration en question :
« [...] pourquoi la nation kurde est-elle confrontée à l'oppression ? Parce qu'elle veut vivre avec ses propres identité, langue, culture, traditions, mœurs et jugements de valeur [...] la religion permet-elle d'ignorer l'identité et la culture d'une nation [...] aujourd'hui dans notre Turquie la nation kurde n'existe pas selon la Constitution et la législation. La langue natale des Kurdes, le kurde, est prohibée [...] ceci est une oppression. Pourquoi est-ce que ceux qui se disent musulmans n'essaient-ils pas d'arrêter cette oppression [...] en Turquie vous tuez les Kurdes au nom de l'Islam [...] ce sont les enfants pauvres de l'Anatolie, ceux dont les villages sont évacués, ceux qui sont torturés, ceux à qui on fait manger des déchets et ceux qui sont victimes d'assassinats dont les auteurs sont inconnus, ceux qui remplissent les prisons, ce sont les Kurdes...Les commissariats de police sont des lieux de torture aux yeux du peuple. Il est temps de dire halte à ces mesures d'oppression qui font du peuple l'ennemi. »
Lors de l'audience du 21 mai 1998 devant la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara, Abdullah Mehmet Varlı, présentant une défense au nom de tous les requérants, affirma que le parquet avait cité des extraits hors du contexte de la déclaration en cause.
Le 24 juin 1997, Abdullah Mehmet Varlı présenta une défense écrite à la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara, au nom de tous les requérants. Il contesta les accusations portées à leur encontre en affirmant que la déclaration en question n'était qu'un appel à la fraternité et à la paix.
Lors de l'audience du 16 juin 1998, Abdullah Mehmet Varlı reprocha aux juges d'avoir quitté la salle d'audience au moment où il avait commencé à présenter sa défense.
Le 17 septembre 1998, la cour de sûreté de l'Etat condamna chacun des requérants à une peine d'emprisonnement de deux ans assortie d'une amende de 1 720 000 livres turques aux motifs que les requérants avaient fait de la propagande contre l'indivisibilité de l'Etat et incité le peuple à une discrimination fondée sur la race et l'appartenance à une région, en invoquant l'existence d'une nation kurde au sein de la nation turque. La cour ordonna la saisie de tous les exemplaires du bulletin litigieux. Les requérants allèguent également qu'ils ont été frappés par une interdiction d'entrer dans la fonction publique, mais ils ne soumettent aucun document à cet égard.
Sur pourvoi des requérants, le 8 février 1999, la Cour de cassation confirma l'arrêt de la cour de sûreté de l'Etat.
Le 7 mars 1999, Abdullah Mehmet Varlı demanda au procureur général près la Cour de cassation d'introduire un recours en rectification de l'arrêt du 8 février 1999.
Le 13 avril 1999, le procureur général rejeta la demande en rectification d'arrêt.
Les requérants furent incarcérés à la suite de leur condamnation.
Le 28 avril 1999, une loi d'amnistie fut adoptée par le Parlement. Selon cette loi, les requérants furent mis en liberté conditionnelle. Cette nouvelle législation entraîna en un report de l'exécution de la peine, sous réserve que les requérants ne commettent pas la même infraction dans un délai de trois ans.
B. Le droit interne pertinent
L'article 3 de la Constitution dispose :
« L'Etat de Turquie constitue, avec son territoire et sa nation, une entité indivisible. Sa langue officielle est le turc. »
L'article 312 § 2 du code pénal se lit ainsi :
« Est passible d'une peine d'emprisonnement d'un à trois ans ainsi que d'une amende de [...] quiconque incite le peuple à la haine et à l'hostilité sur la base d'une distinction fondée sur l'appartenance à une classe sociale, à une race, à une religion, à une secte ou à une région. Si pareille incitation compromet la sécurité publique, la peine est majorée d'une portion pouvant aller d'un tiers à la moitié de la peine de base. »
La condamnation d'une personne en application de l'article 312 § 2 entraîne d'autres conséquences, notamment quant à l'exercice de certaines activités régies par des lois spéciales. Ainsi, par exemple, les personnes condamnées de la sorte ne peuvent être fondatrices d'associations (loi no 2908, article 4 § 2 b) ou de syndicats, ni membres des bureaux de ces derniers (loi no 2929, article 5). Il leur est également interdit de fonder des partis politiques ou d'y adhérer (loi no 2820, article 11 § 5) ou d'être élus parlementaires ( loi no2839, article 11, alinéa f 3).
La loi no 4454 du 28 août 1999 sur les sursis au jugement et à l'exécution des peines quant aux infractions commises par voie de la presse et de publications prévoit :
Article 1
« Il est sursis à l'exécution des peines infligées aux personnes condamnées à une peine privative de liberté de 12 ans ou moins pour des infractions commises par la voie de la presse ou des moyens de publication audio et/ou vidéo –en ce compris celles perpétrées jusqu'au 23 avril 1999 par des rédacteur en chef– et, dont la sanction privative de liberté prévue dans la disposition légale y afférente n'excède pas 12 ans.
La disposition du premier paragraphe s'applique aussi aux personnes purgeant actuellement leurs peines.
(...) »
Article 2
« Quiconque ayant bénéficié des dispositions du premier article est condamné pour une infraction intentionnelle rentrant dans le cadre du premier article et commise dans les trois ans à compter de la date du sursis, devra accomplir l'intégralité des peines dont l'exécution avait été suspendue.
S'agissant d'une personne dont il a été sursis à l'exécution de la peine, la portion de la sanction qu'il a purgée jusqu'à la rentrée en vigueur de la présente loi, est imputée sur la peine à accomplir dans le cas prévu au premier paragraphe. »
GRIEFS
Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, les requérants soutiennent en premier lieu que la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara qui les a jugés ne saurait être qualifiée de tribunal indépendant et impartial, eu égard au fait qu'un juge militaire siégeait en son sein.
Les requérants se plaignent en outre d'une atteinte au respect des droits de la défense (article 6 § 3 b) ) dans la mesure où les juges auraient quitté la salle au moment où le requérant Abdullah Mehmet Varlı avait commencé à présenter sa défense.
Invoquant les articles 9 et 10 de la Convention, les requérants se plaignent de ce que leur condamnation constitue une ingérence injustifiée dans leurs droits à la liberté de pensée et d'expression.
Les requérants maintiennent en outre que leur condamnation se résume en une violation de leur droit à la liberté d'association et allèguent une violation de l'article 11 de la Convention à cet égard.
EN DROIT
a) Griefs tirés de l'article 6 de la Convention
i. Exceptions préliminaires
1. Le Gouvernement invite tout d'abord la Cour à rejeter le grief sur le terrain de l'article 6 § 1 de la Convention pour non-respect du délai de six mois prévu à l'article 35 de la Convention. Il soutient que la décision interne définitive, concernant le grief relatif au manque d'indépendance et d'impartialité de la cour de sûreté de l'Etat est celle rendue par cette même juridiction. A cet égard, il fait valoir que la Cour de cassation n'était nullement habilitée à se prononcer sur ce grief dans la mesure où la composition des cours de sûreté de l'Etat découlait, à l'époque des faits, de la législation interne. Il en conclut que les requérants auraient dû introduire leur requête dans les six mois suivant le moment où ils s'étaient rendus compte de l'inefficacité des recours internes, c'est-à-dire à partir de l'arrêt de la cour de sûreté de l'Etat, à savoir, le 17 septembre 1998. Or, ils soulignent que la requête a été introduite le 6 août 1999. A l'appui de son argumentation, le Gouvernement fait référence à la jurisprudence de la Cour (Irfan Kalan c. Turquie, décision du 2 octobre 2001).
Les requérants s'opposent à la thèse du Gouvernement. Ils font valoir que l'article 143 de la Constitution garantit le droit à un recours en cassation contre les décisions de la cour de sûreté de l'Etat. Partant, ils demandent à la Cour de rejeter l'exception préliminaire du Gouvernement.
La Cour rappelle, selon sa jurisprudence constante, qu'il convient de prendre en considération l'ensemble de la procédure pénale engagée contre un requérant afin de statuer sur la conformité aux prescriptions de l'article 6 de la Convention (voir notamment John Murray c. Royaume-Uni, arrêt du 8 février 1996, Recueil 1996-I, pp. 54-55, § 63). La Cour souligne à cet égard que, selon sa jurisprudence constante sur les cours de sûreté de l'Etat (voir, en autres, Sakık et autres c. Turquie, no 23878-29883/94, décision du 25 mai 1995, DR. 81, p. 86) le statut de victime sur le terrain de l'article 6 § 1 de la Convention n'est établi qu'à partir du moment où la décision de condamnation devient définitive, et ceci par l'arrêt de la Cour de cassation. Elle en conclut qu'il relève bien de la juridiction de la Cour de cassation d'infirmer un arrêt de condamnation au fond, et de le renvoyer devant la cour de sûreté de l'Etat, qui peut, elle, réexaminer l'affaire et acquitter l'intéressé.
Partant, la Cour rejette l'exception relative au délai de six mois.
2. Le Gouvernement maintient par ailleurs que les requérants ont perdu la qualité de victime suite à l'application de la loi no 4454 sur le sursis des procès et condamnations relatifs aux infractions réalisées par voie de presse et de publication, du fait de n'avoir souffert d'aucune conséquence du jugement de condamnation.
En faisant référence à l'arrêt Eckle c. Allemagne du 15 juillet 1982, les requérants font valoir que tant que les autorités nationales n'ont pas reconnu explicitement ou en substance, puis réparé, la violation de la Convention, le statut de victime subsiste. Selon les requérants, le sursis à l'exécution de la peine ne remplacerait nullement ces conditions.
La Cour rappelle sa jurisprudence dans l'arrêt Erdoğdu c. Turquie, (affaire no 25723/94, CEDH 2000-VI , p. 424 § 72) et considère qu'elle ne peut suivre le Gouvernement lorsqu'il argue du sursis à l'exécution de la peine que la cour de sûreté de l'Etat a finalement octroyé au requérant. Elle reconnaît, il est vrai, que la modération des mesures constitutives d'ingérence est un élément à prendre en considération lorsqu'il s'agit d'évaluer la proportionnalité de ces mesures quant au but qu'elles poursuivent. Mais une décision ou mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (voir, parmi d'autres, Öztürk, § 73).
En l'espèce, la Cour note que le sursis dont était assorti le jugement prononcé à l'encontre des requérants n'aurait joué que si, dans les trois ans à compter de l'octroi du sursis, ceux-ci ne commettaient aucun autre délit par voie de la presse ; dans le cas contraire, les intéressés risquaient, pour le moins, d'être jugés et, selon toute vraisemblance, de se voir infliger une amende en sus de celle qu'ils ont dû payer auparavant. Pour la Cour, pareille circonstance s'apparente à une interdiction ayant pour effet de censurer l'activité professionnelle des requérants, dont l'ampleur est déraisonnable puisque cette mesure les contraignait à s'abstenir de tout discours susceptible d'être jugé contraire aux intérêts de l'Etat. Aucune certitude n'existant en pareil domaine, la restriction indirectement imposée aux requérants a grandement limité leur aptitude à exposer publiquement des thèses, entre autres sur le problème kurde, qui ont leur place dans un débat public : or, il serait excessif de limiter de la sorte la liberté d'expression à l'exposé des seules idées généralement admises, accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Hertel c. Suisse du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, pp. 2331-2332, § 50).
Partant, la Cour rejette l'exception tirée de l'absence de qualité de victime.
ii. Article 6 § 1
Quant au fond du grief, le Gouvernement maintient que, étant donné les amendements constitutionnel et législatif intervenus en la matière, le grief serait dépourvu d'intérêt légitime.
Les requérants ne se prononcent pas à ce sujet.
La Cour prend note de ce qu'un amendement constitutionnel visant à aligner la loi sur la constitution et le fonctionnement des cours de sûreté de l'Etat sur la Convention a été effectué par la loi no 4388. Les autres amendements législatifs nécessités par cet amendement constitutionnel ont été effectués dans le cadre de la loi no 4390, entrée en vigueur le 22 juin 1999. Cette loi dispose notamment que les fonctions des magistrats et procureurs militaires prennent fin le 22 juin 1999.
Toutefois, la Cour a pour tâche d'apprécier les circonstances propres à l'espèce (arrêt Nikolova c. Bulgarie du 25 mars 1999, Recueil 1999-II, p. 256, § 52). Elle observe que tout au long de la procédure litigieuse, un juge militaire siégeait au sein de la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul. Elle considère dès lors que ce grief du requérant est recevable et nécessite un examen au fond.
iii. Article 6 § 3
Quant à l'allégation des requérants concernant le fait que les juges auraient quitté la salle d'audience le 16 juin 1998, au moment où M. Varlı avait commencé à présenter sa défense, le Gouvernement fait valoir que cette allégation n'est nullement étayée par les comptes-rendus des audiences. Il rappelle par ailleurs que conformément aux règles de la procédure, si les juges quittent la salle d'audience, ceci vaut pour la levée de la séance qui serait obligatoirement remise à une autre date. Le Gouvernement souligne également que les requérants n'ont pas soulevé ce grief lors de leur recours en cassation.
Les requérants réitèrent leur allégation sans pour autant pouvoir l'étayer par un quelconque document.
La Cour observe qu'il y a lieu de rejeter ce grief qui se fonde sur des faits non établis, pour défaut manifeste de fondement.
Grief tiré de l'article 10 de la Convention
Le Gouvernement maintient que les passages incriminés de la déclaration publiée par les requérants faisaient l'apologie de la division de la Turquie en créant une atmosphère d'hostilité, en utilisant la religion. Selon le Gouvernement, les requérants, tous hommes de religion, auraient provoqué un malaise au sein de la population, ce qui pourrait avoir de graves conséquences quand on estime l'importance des sentiments religieux.
En se référant aux arrêts Zana c. Turquie et Sürek c. Turquie (no 1), le Gouvernement maintient que le caractère sensible de la situation régnant dans le Sud-Est de la Turquie en matière de sécurité et la nécessité pour les autorités d'exercer leur vigilance face à des actes susceptibles d'accroître la violence justifieraient l'ingérence à la liberté d'expression des requérants. La déclaration signée par les requérants relèverait d'une manipulation des citoyens dans leur religion. Avec le sursis à l'exécution des peines dont les requérants ont fait l'objet, l'exigence de la proportionnalité par rapport aux buts légitimes aurait été respectée.
Les requérants réitèrent leurs allégations quant à la violation de l'article 10 de la Convention. Ils affirment en premier lieu que l'application dans leur cas de l'article 312 § 2 du code pénal n'est pas conforme à la condition de la prévisibilité de la loi tel que formulée à l'article 10 § 2 de la Convention. Ils maintiennent par ailleurs qu'aucun des buts légitimes énumérés dans l'article 10 de la Convention n'avait été visé par l'ingérence dont ils ont fait l'objet. Les requérants maintiennent en outre que l'ingérence litigieuse n'était pas nécessaire dans une société démocratique et rappellent que leur déclaration portait sur un débat d'intérêt public. Enfin, ils énoncent que les termes de la déclaration constituaient un appel à la paix et une quête de la justice, qui expose, sur la base des versets coraniques, les principes de l'égalité et de la dignité humaine. Quant à l'éventuel impact de leur déclaration, les requérants affirment qu'ils ne sont pas des figures publiques et politiques marquantes. Concernant la proportionnalité de l'ingérence au but légitime visé, les requérants rappellent qu'ils ont été condamnés au départ chacun à deux ans de prison et que la cour de sûreté de l'Etat a également ordonné la confiscation de tous les exemplaires du bulletin du HADEP de janvier 1997. Partant, ils considèrent que la condition de la proportionnalité n'est pas remplie.
A la lumière des arguments cités, la Cour estime que cette partie de la requête pose de sérieux problèmes de fait et de droit qui nécessitent un examen au fond. Il s'ensuit que celle-ci ne saurait être déclarée manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour constate en outre qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
c) Grief tiré de l'article 11 de la Convention
Les requérants se plaignent également d'une atteinte injustifiée à leur droit à la liberté d'association, étant donné la législation interne qui prévoit que les personnes condamnées en vertu de l'article 312 du code pénal ne peuvent être fondatrices d'associations (loi no 2908, article 4 § 2 b) ou de syndicats, ni membres des bureaux de ces derniers (loi no 2929, article 5), et qu'il leur est également interdit de fonder des partis politiques ou d'y adhérer (loi no 2820, article 11 § 5) ou d'être élues parlementaires ( loi no2839, article 11, alinéa f 3).
Le Gouvernement ne présente pas d'observations quant à ce grief.
La Cour considère que le grief tiré de l'article 11 de la Convention porte sur les mêmes faits que ceux tirés de l'article 10. Elle propose d'examiner ces griefs sous l'angle de l'article 10, suivant le raisonnement exposé par la Cour dans son arrêt Parti socialiste et autres c. Turquie (arrêt du 25 mai 1998, Recueil 1998-III, § 55).
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare recevables, tous moyens de fond réservés, les griefs des requérants tirés des articles 6 § 1 et 10 de la Convention ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Mark Vıllıger Ireneu Cabral Barreto
Greffier adjoint Président