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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
18.12.2003
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE PENA c. PORTUGAL

(Requête no 57323/00)

ARRÊT

STRASBOURG

18 décembre 2003

DÉFINITIF

18/03/2004

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Pena c. Portugal,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. L. Caflisch, président,
I. Cabral Barreto,
P. Kūris,
R. Türmen,
B. Zupančič,
J. Hedigan,
Mme H.S. Greve, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 17 octobre 2002 et 27 novembre 2003,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 57323/00) dirigée contre la République portugaise et dont deux ressortissants de cet Etat,
M. António Pena et Mme Carmencita Branco Vello Rivera Pena (« les requérants »), ont saisi la Cour le 14 avril 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants étaient représentés devant la Cour par Me A. Rocha de Gouveia et, suite au décès de celui-ci, le sont par Me M. Nolasco Crespo, avocat à Lisbonne. Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») était représenté jusqu'au 25 février 2003 par son agent, M. A. Henriques Gaspar, Procureur général adjoint, et à partir de cette date par son nouvel agent, M. J. Miguel, également Procureur général adjoint.

3. Les requérants alléguaient que la durée d'une procédure civile à laquelle ils étaient parties avait dépassé le délai raisonnable.

4. La requête a été attribuée à la quatrième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.

5. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).

6. Par une décision du 17 octobre 2002, la Cour a déclaré la requête recevable.

EN FAIT

7. Les requérants sont nés respectivement en 1933 et 1944 et résident à Lisbonne.

8. Le 16 juin 1994, les requérants introduisirent devant le tribunal de Lisbonne une action en revendication d'un terrain contre deux autres personnes.

9. Le 15 septembre 1994, le juge ordonna la citation à comparaître des défendeurs. Ceux-ci déposèrent leurs conclusions en réponse le 31 octobre 1994. Le 16 février 1995, les requérants déposèrent leur réplique.

10. Le 30 mai 1995, le juge rendit une décision préparatoire (despacho saneador) spécifiant les faits déjà établis et ceux restant à établir. Les deux parties présentèrent des réclamations contre cette décision, sur lesquelles le juge statua par une ordonnance du 30 octobre 1995.

11. Le 10 janvier 1996, le juge invita les parties à présenter leurs moyens de preuve.

12. Le 15 janvier 1996, les requérants déposèrent leur liste de témoins. Ils demandèrent par ailleurs au juge d'ordonner la tenue d'une expertise concernant des signatures sur certains documents. Le 23 janvier 1996, les défendeurs déposèrent une demande d'expertise similaire.

13. Le 19 septembre 1996, le juge accueillit la demande d'expertise et chargea le Laboratoire de police scientifique de la police judiciaire (LPC) de procéder à une telle expertise, en lui fixant un délai de soixante jours.

14. Le LPC déposa son rapport d'expertise le 15 mai 2000, après plusieurs prorogations de délai octroyées par le juge.

15. Le 1er juin 2000, le juge demanda un complément d'expertise au LPC. Celui-ci déposa le rapport y afférent le 10 mai 2001.

16. L'audience fut fixée au 10 juillet 2001 mais les parties demandèrent son report, au vu de la possibilité de parvenir à un règlement amiable.

17. Par un jugement du 26 septembre 2002, le juge homologua un règlement amiable conclu entre les parties, mettant ainsi fin à la procédure.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

18. Les requérants dénoncent la durée de la procédure. Ils invoquent l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

19. La période à considérer a commencé le 16 juin 1994, date de la saisine du tribunal de Lisbonne, et s'est terminée le 26 septembre 2002 par le jugement de ce même tribunal homologuant le règlement amiable conclu entre les parties. La durée en cause est donc de huit ans et trois mois.

20. Pour rechercher s'il y a eu dépassement du délai raisonnable, il y a lieu d'avoir égard aux circonstances de la cause et aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour le requérant (Silva Pontes c. Portugal, arrêt du
23 mars 1994, série A no 286-A, p. 15, § 39).

21. Pour les requérants, cette durée est manifestement excessive.

22. Le Gouvernement admet que le déroulement de la procédure après le prononcé de la décision préparatoire a souffert des retards, qui sont imputables au LPC, lequel se trouve surchargé d'un nombre de demandes d'expertise extrêmement élevé.

23. La Cour prend note de la position du Gouvernement, ainsi que de ses explications. Elle ne saurait toutefois admettre un délai comme celui qu'il a fallu au LPC pour déposer son rapport d'expertise. Elle rappelle à cet égard que l'expertise en cause se situait dans le cadre d'une procédure judiciaire contrôlée par le juge, qui restait chargé d'assurer la conduite rapide du procès. Par ailleurs, il incombe à l'Etat portugais de doter le LPC, un organe étatique, de moyens appropriés, adaptés aux objectifs recherchés, de manière à lui permettre de remplir les exigences de l'article 6 § 1 (voir Martins Moreira c. Portugal, arrêt du 26 octobre 1988, série A no 143, p. 21, § 60).

24. Au vu des circonstances de la cause, il y a eu dépassement du délai raisonnable et, partant, violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

25. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

26. Les requérants n'ont présenté aucune demande de satisfaction équitable après la décision sur la recevabilité bien que, dans la lettre qui a été adressée à leur conseil le 21 octobre 2002, leur attention eût été attirée sur l'article 60 du règlement de la Cour qui dispose que toute demande de satisfaction équitable au titre de l'article 41 de la Convention doit être exposée dans les observations écrites sur le fond. Partant, étant donné l'absence de réponse dans les délais fixés à la lettre accompagnant la décision sur la recevabilité, la Cour estime qu'il n'y a pas lieu d'octroyer de somme au titre de l'article 41 de la Convention (Willekens c. Belgique, no 50859/99, § 27, 24 avril 2003).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 décembre 2003 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Vincent Berger Lucius Caflisch
Greffier Président