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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
23.10.2003
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 56947/00
présentée par Gerhard BECKMANN
contre l’Allemagne

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 23 octobre 2003 en une chambre composée de :

MM. I. Cabral Barreto, président,
G. Ress,

L. Caflisch,

R. Türmen,
P. Kūris,
B. Zupančič,
K. Traja, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 28 janvier 2000,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Le requérant, Gerhard Beckmann, est un ressortissant allemand, né en 1967 et résidant à Steinfurt. Il est représenté devant la Cour par Me Achelpöhler, avocat à Münster.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Dans la nuit du 20 mars 1998, le requérant fut interpellé par les forces de l’ordre et placé en garde à vue à Coesfeld alors qu’il participait à une manifestation contre le passage d’un convoi ferroviaire transportant des déchets radioactifs vers le centre de stockage d’Ahaus.

Le même jour, le tribunal de district (Amtsgericht) de Coesfeld ordonna la mise en liberté du requérant. Il observa qu’il ne ressortait pas du rapport de police que le requérant se fût trouvé sur les voies de chemins de fer ou eût participé à des actions de blocage. Le rapport de police ne contenait qu’un vague résumé des faits indiquant que 120 personnes environ avaient attaqué les forces de l’ordre, que des personnes assises sur les rails avaient refusé de se faire évacuer et qu’il y avait eu des jets de pierres. Ni les informations fournies par la police ni les déclarations du requérant ne permettaient d’attribuer au requérant ou à d’autres personnes des infractions précises. Même s’il existait des raisons de croire que le requérant avait enfreint la loi, ces raisons ne justifiaient pas, selon le tribunal de district, sa garde à vue, eu égard au fait en particulier qu’il avait été privé de sa liberté depuis de nombreuses heures déjà.

A 18 h30, le requérant fut remis en liberté.

Se référant à l’article 5 § 5 de la Convention, il sollicita alors devant le tribunal régional (Landgericht) de Münster la réparation du préjudice résultant de sa privation de liberté.

Par un jugement du 15 décembre 1998, le tribunal régional rejeta la demande du requérant. Il releva notamment que, le 9 mars 1998, le chef de la police de Münster avait interdit tout rassemblement public en plein air dans les environs du centre de stockage de déchets radioactifs d’Ahlau. Compte tenu du fait que le requérant n’avait pas respecté cette interdiction, la police pouvait raisonnablement supposer que son arrestation était légale. Par ailleurs, le requérant n’avait subi aucun préjudice matériel. Quant au préjudice moral, la décision du tribunal de district de Coesfeld du 20 mars 1998, ordonnant l’élargissement du requérant puisque sa détention ne se justifiait plus, constituait dans une certaine mesure une réparation.


Par une décision du 23 juillet 1999, notifiée au représentant du requérant le 30 juillet 1999, la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht), statuant en comité de trois juges, décida de ne pas retenir le recours constitutionnel du requérant.

GRIEF

Invoquant l’article 5 § 5 de la Convention, le requérant se plaint du refus du tribunal régional de Münster de lui reconnaître un droit à réparation alors que le tribunal de district de Coesfeld a constaté l’illégalité de sa privation de liberté.

EN DROIT

Le requérant allègue la violation de l’article 5 § 5 de la Convention. L’article 5 dispose en ses passages pertinents :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

(...)

3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires. (...)

5. Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

La Cour rappelle que le paragraphe 5 de l’article 5 se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4.
Il n’interdit pas aux Etats contractants de subordonner l’octroi d’une indemnité à l’établissement, par l’intéressé, d’un dommage résultant du manquement (Wassink c. Pays-Bas, arrêt du 27 septembre 1990, série A no 185-A, p. 14, § 38). Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu’une violation de l’un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention (N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 49, 18 décembre 2002).

La Cour relève que, d’après le tribunal de district de Coesfeld, la détention du requérant était injustifiée en l’absence d’éléments de preuve sur son implication présumée dans des infractions précises et eu égard à la durée de sa détention.

S’agissant des « raisons plausibles de soupçonner », qui sont évoquées à l’article 5 § 1 c) de la Convention, la Cour rappelle que l’absence d’inculpation et de renvoi en jugement n’implique pas nécessairement qu’une privation de liberté ne poursuit pas un objectif conforme à l’article 5 § 1 c). L’existence d’un tel but doit s’envisager indépendamment de sa réalisation et l’alinéa c) de l’article 5 § 1 ne présuppose pas que la police ait rassemblé des preuves suffisantes pour porter des accusations, soit au moment de l’arrestation, soit pendant la garde à vue. Pour que des soupçons soient plausibles, il doit exister des faits ou renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’individu en cause peut avoir accompli l’infraction

(Labita c. Italie, arrêt du 6 avril 2000, Recueil des arrêts et décisions 2000 IV, p. 66, § 155).

En l’occurrence, la Cour note que, selon le jugement du tribunal régional de Münster du 15 décembre 1998, le requérant a été arrêté pour avoir enfreint l’interdiction du président de la police de participer à tout rassemblement public lors du passage du convoi ferroviaire de déchets radioactifs. Dès lors au moment de son arrestation il y avait des raisons plausibles de soupçonner qu’il avait commis une infraction ou des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction. Il faut donc considérer que la privation de liberté litigieuse tendait au but indiqué au paragraphe 1 c).

La Cour observe en outre que le tribunal de district de Coesfeld, après un délai de quelques heures, estima que la détention du requérant ne se justifiait plus. Le requérant fut aussitôt remis en liberté. Eu égard à ces circonstances, la Cour estime qu’une détention qui n’excède pas quelques heures est compatible avec cette disposition.

Au vu de ce qui précède, le droit à réparation, tel que garanti par l’article 5 § 5, ne peut être utilement invoqué. La Cour relève, par ailleurs, que le requérant n’a pas allégué avoir subi un dommage.

Il s’ensuit que la requête est manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, et doit être rejetée, en application de l’article 35 § 4.


Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Vincent Berger Ireneu Cabral Barreto
Greffier Président