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Rozhodnutí
QUATRIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 77245/01
présentée par Pedro AVIA FERRER
contre l’Espagne
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 30 septembre 2003 en une chambre composée de
Sir Nicolas Bratza, président,
Mme V. Strážnická,
MM. M. Fischbach,
J. Casadevall,
S. Pavlovschi,
J. Borrego Borrego,
Mme E. Fura-Sandström, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 19 novembre 2001,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, Pedro Avia Ferrer, est un ressortissant espagnol, né en 1955 et résidant à Catarroja (Valence). Il est représenté devant la Cour par Me José Antonio Prieto Palazón, avocat à Valence.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le juge d’instruction no 3 de Catarroja entama une procédure pénale à l’encontre du requérant et de deux autres personnes pour un délit de vol avec effraction et pour coups et blessures.
Dans le cadre de cette procédure, par une décision du 6 septembre 1996 du juge d’instruction no 3 de Catarroja, le requérant fut placé en détention provisoire.
Le 23 décembre 1996, le requérant fut remis en liberté provisoire sous caution.
Le 20 juillet 1998, le ministère public déposa ses conclusions provisoires et sollicita, entre autres, comme moyen de preuve, la diffusion, lors des débats oraux, d’un enregistrement vidéo de l’entrée d’une agence bancaire dans laquelle le requérant se serait rendu.
Le 15 février 1999, le requérant déposa ses conclusions provisoires et sollicita, à l’instar du ministère public, comme moyen de preuve documentaire, la diffusion de la même vidéocassette.
Le juge d’instruction clôtura l’instruction et transféra le dossier à l’Audiencia Provincial de Valence.
Par une décision du 11 juin 1999, l’Audiencia Provincial de Valence fixa les débats oraux au 28 septembre 1999 et déclara admissibles toutes les preuves sollicitées par les parties.
Le 28 septembre 1999, se tint l’ouverture de la phase orale devant l’Audiencia Provincial de Valence. Au cours des débats oraux, le tribunal revint sur sa décision de procéder à la diffusion de l’enregistrement vidéo en raison du résultat qu’il pouvait tirer des preuves déjà examinées et du fait que le requérant avait reconnu se trouver dans ladite agence, circonstance rendant sans pertinence la diffusion de la vidéocassette.
Par un jugement du 4 octobre 1999 de l’Audiencia Provincial de Valence, le requérant fut condamné, pour le délit de vol avec effraction, à une peine de quatre ans et neuf mois d’emprisonnement, à des amendes, ainsi qu’à l’interdiction temporaire d’assumer des fonctions de policier et d’exercer ses droits civils pendant la durée de la peine. Il fut aussi condamné à verser une indemnisation, pour responsabilité civile, de plus deux millions de pesetas aux parties adverses. Enfin, il fut condamné à une amende pour les coups et blessures. Le jugement de condamnation se fondait sur les déclarations des accusés, témoignages et expertises.
Le 7 décembre 1999, le requérant se pourvut en cassation.
Par un arrêt du 25 mai 2001, notifié le 12 juillet 2001, le Tribunal suprême rejeta le pourvoi au motif que le jugement attaqué était suffisamment motivé et ne révélait pas d’arbitraire, et confirma le jugement de l’Audiencia Provincial. Il releva aussi qu’après la déclaration de l’accusé, dans laquelle ce dernier reconnaissait se trouver dans l’agence bancaire à l’heure et le jour des faits, la diffusion de l’enregistrement vidéo, comme preuve, était devenue sans pertinence. Partant, cette dernière preuve n’était ni indispensable ni obligatoire et, par conséquent, il n’y avait pas eu violation des droits de la défense.
Le 21 juin 2001, le requérant saisit le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo en invoquant l’article 24 §§ 1 et 2 (droit à un procès équitable, droit d’utiliser les moyens de preuve appropriés et principe de la présomption d’innocence) de la Constitution. Dans son recours, il se plaignait de n’avoir pas bénéficié d’un procès équitable en raison notamment du refus de diffuser l’enregistrement vidéo, ainsi que de la violation de son droit à la présomption d’innocence. Il critiquait plus particulièrement le manque de motivation du jugement et le fait d’avoir été condamné sans preuves à charge.
Par une décision du 5 octobre 2001, notifiée le 11 octobre 2001, la haute juridiction rejeta le recours comme étant dépourvu de fondement constitutionnel, les juridictions a quo ayant donné des réponses motivées et non arbitraires aux allégations du requérant, car l’inadmissibilité d’une preuve n’impliquait pas nécessairement la violation du droit à un procès équitable. En outre, le tribunal avait motivé l’admissibilité des preuves déclarées pertinentes et l’inadmissibilité de la diffusion de l’enregistrement vidéo. Le requérant n’avait pas non plus précisé en quoi l’examen de la preuve en question aurait dû conduire à une décision favorable à son égard dans la procédure a quo. Par ailleurs, elle rappela que le droit à la preuve n’était ni illimité ni absolu et que, dans le cas d’espèce, la preuve documentaire avait été refusée en raison de son manque de pertinence et de sa redondance. Dans sa décision, le Tribunal constitutionnel estima que les décisions contestées étaient suffisamment motivées.
GRIEFS
1. Invoquant l’article 6 §§ 1, 2 et 3 d) de la Convention, le requérant se plaint de la violation du droit à un procès équitable, de ne pas avoir pu produire les moyens de preuve nécessaires, d’une mauvaise appréciation des éléments de preuve ainsi que de la violation de la présomption d’innocence. Plus particulièrement, il se plaint de ce que l’Audiencia Provincial de Valence l’aurait condamné pour un délit de vol avec effraction sans preuve à charge et que les tribunaux suprême et constitutionnel auraient ultérieurement commis les mêmes erreurs .
2. Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint du fait qu’il n’aurait pas bénéficié d’un accès effectif au recours.
EN DROIT
1. Invoquant l’article 6 §§ 1, 2 et 3 d) de la Convention, le requérant se plaint de la violation du droit à un procès équitable, de ne pas avoir pu produire les moyens de preuve nécessaires et du fait que le tribunal a quo a procédé à une mauvaise appréciation des éléments de preuve à charge portant ainsi atteinte à la présomption d’innocence. Il estime qu’il a été condamné en l’absence de preuves démontrant sa culpabilité et plus particulièrement, fait valoir que le moyen de preuve à décharge qu’il avait proposé, a été refusé le jour des débats oraux, malgré le fait qu’il avait préalablement été déclaré admissible. L’article 6, dans ses passages pertinents, se lit comme suit :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. (...) »
La Cour estime que les griefs du requérant doivent être examinés sous l’angle de la règle générale du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention, tout en ayant présent à l’esprit les exigences des paragraphes 2 et 3 de cet article. Elle rappelle d’abord que la présomption d’innocence que consacre le paragraphe 2 et les divers droits que le paragraphe 3 énumère constituent des éléments, parmi d’autres, de la notion de procès équitable en matière pénale (voir, notamment, Deweer c. Belgique, arrêt du 27 février 1980, série A no 35, p. 30, § 56, et Allenet de Ribemont c. France, arrêt du 10 février 1995, série A no 308, p. 16, § 35) et que les garanties du paragraphe 3 de l’article 6 de la Convention représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable, assuré sur le plan général, par le paragraphe 1. Par conséquent, elle examinera les griefs du requérant sous l’angle de ces textes combinés. En se livrant à cette analyse, elle doit considérer la procédure pénale dans son ensemble.
La Cour rappelle qu’il n’entre pas dans ses attributions de substituer sa propre appréciation des faits et des preuves à celle des juridictions internes, à qui il revient, en principe, de peser les éléments recueillis. La tâche de la Cour consiste à rechercher si la procédure litigieuse, envisagée comme un tout, y compris le mode d’administration des preuves, revêtait un caractère équitable (voir mutatis mutandis, Edwards c. Royaume-Uni, arrêt du 16 décembre 1992, série A no 247-B, pp. 34 et 35, § 34).
En l’espèce, la Cour constate qu’au terme d’une procédure contradictoire et publique, l’Audiencia Provincial de Valence, par un arrêt du 4 octobre 1999, a déclaré le requérant coupable des chefs de vol avec effraction et de coups et blessures en se fondant sur un ensemble de preuves concluant à sa culpabilité. Par un arrêt du 25 mai 2001, le Tribunal suprême rejeta le pourvoi en cassation du requérant et ne releva aucun autre élément susceptible de mettre en cause l’équité de la procédure.
Il ne ressort pas de l’examen des décisions internes rendues par l’Audiencia Provincial de Valence, par le Tribunal suprême et par le Tribunal constitutionnel, que celles-ci sont entachées d’arbitraire. Ces décisions sont amplement motivées et fondées sur un ensemble d’éléments de preuve recueillis au long de l’instruction, examinés et librement débattus conformément au principe contradictoire. En ce qui concerne plus particulièrement le refus de procéder à la diffusion de l’enregistrement vidéo, la Cour constate que, comme l’ont relevé les juridictions internes, le requérant a eu la possibilité de présenter ses arguments à l’appui de sa demande. Elle s’en remet aux explications figurant dans les arrêts du Tribunal suprême et du Tribunal constitutionnel.
En conclusion, la Cour estime que la procédure envisagée dans son ensemble a revêtu un caractère équitable et que rien dans le dossier ne permet de déceler une apparence de violation par les juridictions espagnoles des droits invoqués.
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, conformément à l’article 35 § 3 de la Convention.
2. Le requérant allègue également une violation de l’article 13 de la Convention en ce qu’il n’aurait pas bénéficié d’un accès effectif au recours. L’article 13 de la Convention est ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
La Cour constate que contre les décisions nationales, le requérant a pu former plusieurs recours et même le recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel, bénéficiant ainsi d’un recours devant l’instance nationale la plus élevée. Elle rappelle que l’efficacité du recours, aux fins de l’article 13, ne dépend pas de la certitude d’un résultat favorable.
Dès lors, ce grief du requérant doit être considéré comme manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Michael O’Boyle Nicolas BRATZA
Greffier Président