Přehled

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 60176/00
présentée par Ebru et Tayfun Engin ÇOLAK
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 13 mars 2003 en une chambre composée de

MM. I. Cabral Barreto, président,
L. Caflisch,
R. Türmen,
B. Zupančič,
Mmes M. Tsatsa-Nikolovska,
H.S. Greve,
M. K. Traja, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 10 juillet 2000,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, Mlle Ebru Çolak (la mère) et M. Tayfun Engin Çolak (le fils), sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1973 et 1991, et résidant à Bursa. Ils sont représentés devant la Cour par Me Bakırcı Efe, avocate à Istanbul.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Le 2 avril 1992, la requérante intenta une action en reconnaissance de paternité devant le tribunal de grande instance d’Istanbul (« le tribunal ») à l’encontre d’Emrah Ipek (E.I.), un chanteur. Elle alléguait que son fils était l’enfant naturel de ce dernier. Le tribunal déclara l’action recevable et ordonna une expertise médicale.

Le rapport établi à cet égard le 24 octobre 1994 par l’institut médico-légal d’Istanbul , après examen sanguin et expertise génétique, indiqua que la paternité d’E.I. était certaine à 99,77 %.

Par une décision du 19 décembre 1994, le tribunal fit droit à la demande de la requérante et ordonna à l’officier d’état civil de modifier l’acte de naissance de l’enfant et de substituer au nom de la mère celui d’E.I.

Par un arrêt du 30 mai 1995, la Cour de cassation confirma le jugement de première instance.

Le 11 juillet 1995, E.I. introduisit une demande en rectification de l’arrêt.

Par un arrêt du 7 février 1995, la Cour de cassation cassa la décision du 19 décembre 1994 au motif que celle-ci était fondée sur un rapport d’expertise établi par un autre institut que celui désigné par le tribunal, à savoir l’institut médico-légal de la faculté de médecine de l’Université d’Istanbul, et qu’il était nécessaire de procéder à des examens complémentaires.

Dans le cadre de la procédure devant la juridiction de première instance, douze audiences eurent lieu en l’absence d’E.I. Les assignations à comparaître restèrent infructueuses dans la mesure où les agents de la direction de la sûreté d’Istanbul, chargés de leur remise, constatèrent dans les procès-verbaux de carence qu’E.I. ne résidait pas à l’adresse indiquée.

Le 16 juillet 1998, se plaignant de l’incapacité des agents de police à remettre les assignations à comparaître à E.I., la requérante déposa une plainte à l’encontre de ceux-ci pour négligence dans l’exercice de leur fonction.

L’audience du 11 février 1999 se tint en présence des deux parties. E.I. fit valoir qu’une tournée l’avait empêché d’assister aux précédentes audiences.

Le 3 mars 1999, le procureur de la République rendit une ordonnance de non-lieu concernant la plainte engagée à l’encontre des policiers.

Au vu des examens complémentaires, le rapport établi le 28 février 2000 par l’institut médico-légal conclut à la paternité d’E.I. à 99,99 %.

Par une décision du 17 mai 2000, le tribunal statua sur la paternité de celui-ci.

A une date non communiquée, les parties formèrent un pourvoi en cassation.

Par une lettre du 9 octobre 2002, le représentant des requérants indiqua que les parties s’étaient désistées de leur pourvoi en cassation.

La décision interne devint définitive le 21 mai 2001.

GRIEFS

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable ».

Invoquant l’article 6 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent de ce que leur cause n’a pas été entendue équitablement dans la mesure où ils n’ont pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense. Ils exposent à cet égard que la Cour de cassation, en acceptant la demande en rectification de l’arrêt, a pris en considération un élément de preuve présenté pour la première fois à hauteur de cassation, en méconnaissance du principe de l’égalité des armes.

Invoquant l’article 8 de la Convention, les requérants soutiennent que la durée de la procédure a porté atteinte à leur droit au respect de leur vie familiale et privée. Ils exposent que, pendant toute la durée de la procédure, ils ont été la cible des médias en raison de la célébrité d’E.I. et que l’absence de pension alimentaire a privé l’enfant du bénéfice d’une vie et d’une scolarité meilleures. Ils dénoncent finalement les troubles psychologiques causés à l’enfant par l’incertitude qui a pesé quant à sa filiation et l’impossibilité pour eux d’avoir une vie familiale normale.

Invoquant l’article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de ne pas avoir disposé de recours au travers duquel ils auraient pu faire valoir leur grief tiré de la durée de la procédure.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable ».

Invoquant l’article 8 de la Convention, ils dénoncent une violation de leur droit au « respect de leur vie familiale et privée ».

Invoquant l’article 13 de la Convention, ils se plaignent de ne pas avoir disposé de recours au travers duquel ils auraient pu faire valoir leur grief tiré de la durée de la procédure.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Invoquant l’article 6 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent de ce que leur cause n’a pas été entendue équitablement.

Sans qu’il lui faille se prononcer sur le point de savoir si l’article 6 § 3 s’applique en l’espèce, la Cour relève que l’examen de ce grief, tel qu’il a été soulevé, ne permet de déceler aucune apparence de violation de l’article 6 de la Convention.

Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Vincent Berger Ireneu Cabral Barreto
Greffier Président