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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
29.8.2002
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 64796/01
par Catherine COUILLARD-MAUGERY
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (Première section), siégeant le 29 août 2002 en une chambre composée de

M. C.L. Rozakis, président,
Mme F. Tulkens,
M. J.-P. Costa,
M. G. Bonello,
Mme S. Botoucharova,
M. A. Kovler,
Mme E. Steiner, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 28 janvier 2000,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante est une ressortissante française, née en 1968 et résidant à Chaillac (Indre). Elle est représentée devant la Cour par M. P. Bernardet, sociologue, résidant à la Fresnaye-sur-Chédouet. Le gouvernement défendeur est représenté par Mme Michèle Dubrocard, sous-directrice des Droits de l’Homme au ministère des Affaires étrangères.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

La requérante est la mère de trois enfants : Billy, né le 8 septembre 1987, Fanny, née le 26 septembre 1995, et Izar, née le 27 septembre 1999. Billy et Fanny ont fait l’objet de placements depuis plusieurs années, alors qu’Izar vit avec la requérante. Les procédures les concernant sont décrites ci-dessous.

1. Procédures concernant Billy et procédures communes aux enfants

1. Le 19 septembre 1988, selon la requérante, à sa propre demande, Billy fit l’objet d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, d’une durée d’un an.

2. Le 22 septembre 1989, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Chambéry, avisé de l’hospitalisation de la requérante, saisit le juge des enfants de Chambéry.

3. Le 27 septembre 1989, le juge des enfants ordonna le placement provisoire de Billy à l’aide sociale à l’enfance de Savoie. Le 3 octobre 1989, et alors que la requérante était encore hospitalisée, le juge des enfants lui accorda un droit de visite sur son fils, à condition qu’elle soit accompagnée par un membre du personnel hospitalier.

4. Par ordonnance du 19 octobre 1989, le juge des enfants décida de la main-levée du placement de Billy et ordonna une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert.

5. Le 7 novembre 1989, le service chargé de la mesure d’assistance éducative fit un rapport mentionnant que la requérante avait quitté la région et était partie pour Paris avec son fils. Par ordonnance du 26 décembre 1989, le juge des enfants décida la main-levée de la mesure d’assistance éducative.

6. Le 6 février 1990, ce magistrat était informé d’une dégradation de l’état de santé de la requérante et, compte tenu du nouvel hébergement de cette dernière dans un foyer de Tarbes, se dessaisissait du dossier au profit du juge des enfants de Tarbes.

7. Par ordonnance du 13 février 1990, ce dernier ordonnait une enquête sociale. Un rapport était déposé le 23 février 1990, indiquant que Billy était placé depuis le 8 février 1990 à titre temporaire, avec l’accord de la mère, chez Mme G., assistante maternelle. Les fins de semaine, l’enfant rejoignait régulièrement sa mère.

8. Le 11 mai 1990, le juge des enfants ordonnait une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, pour une durée d’un an, qu’il confiait à l’Association pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (ADSEA) des Hautes-Pyrénées. Il relevait la nécessité d’aider la mère à stabiliser sa situation afin qu’elle puisse prendre son fils en charge dans de bonnes conditions.

9. A compter de la mi-octobre de la même année, la requérante mettait fin à la mesure de recueil temporaire, et s’installait avec son fils dans un nouveau logement. Cependant elle sollicitait le renouvellement de la mesure à compter du ler avril 1991 et Billy était à nouveau confié à Mme G.

10. Par ordonnance en date du 25 juin 1991, le juge des enfants renouvela la mesure d’assistance éducative.

11. Par jugement du 17 juin 1993, il disait n’y avoir lieu au renouvellement de cette mesure. Il résultait en effet d’un rapport de l’ADSEA que le placement de Billy en famille d’accueil sur la base d’un recueil temporaire, accompagné d’un suivi psychothérapique, était suffisant.

12. Le 8 février 1994, l’assistante sociale du centre hospitalier de Lannemezan, qui suivait la mère, transmettait un signalement au procureur de la République de Tarbes. Ce dernier saisissait le juge des enfants.

13. Dans une ordonnance du 8 février 1994, le juge des enfants de Tarbes relevait que

« l’état de santé de [la requérante] qui est suivie par le Docteur J. est inquiétant ; qu’un passage à l’acte de la mère sur son enfant est à redouter sérieusement, que dans ces conditions Billy se trouve en danger et doit être confié provisoirement pour six mois à la direction départementale de la solidarité des Hautes-Pyrénées (...) »

Il prévoyait par ailleurs que le droit de visite et d’hébergement de la mère serait organisé en accord avec le service gardien. Selon la requérante, la juge des enfants était l’épouse du juge aux affaires familiales.

14. Le 9 février 1994, le Préfet des Hautes Pyrénées notifiait à la requérante un arrêté du même jour prononçant son hospitalisation d’office au centre hospitalier spécialisé (CHS) de Lannemezan.

15. Le 16 février 1994, celle-ci interjetait appel de l’ordonnance de placement provisoire et, par arrêt du 26 juillet 1994, la cour d’appel de Pau confirmait l’ordonnance en toutes ses dispositions.

16. A une date non précisée, la requérante sortit de l’hôpital et partit s’installer chez ses parents dans l’Indre.

17. Le 6 octobre 1994, le même juge des enfants de Tarbes prit une ordonnance de renouvellement de placement de Billy pour une durée d’un an à compter du 8 août 1994. Le 14 décembre 1994, compte tenu du déménagement de la requérante, il transmit le dossier au juge des enfants de Châteauroux. Le 16 février 1995, ce dernier se dessaisissait à son tour, au profit du juge des enfants de Toulouse.

18. Le 8 juin 1995, l’avocat de la requérante lui écrivit pour l’informer du fait qu’il s’était rendu chez le juge pour consulter son dossier, mais qu’il n’avait pu obtenir que quelques renseignements sans pouvoir prendre connaissance des pièces contenues dans le dossier.

19. Le 13 juillet 1995, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Châteauroux considérait que :

«Attendu que [la requérante] doit accoucher en septembre 1995, qu’elle a maintenu avec Billy des relations fréquentes, que cependant elle a des difficultés à se faire obéir de lui, que l’enfant a besoin de limites, que les règles établies dans la famille d’accueil ont permis une évolution remarquable de Billy ;

Attendu que la situation de [la requérante] n’est pas stabilisée sur le plan géographique, qu’elle n’est pas installée dans l’Indre, vivant transitoirement chez des amis à Nice, qu’elle aurait le projet de redéménager pour le Sud-Ouest ;

Qu’ainsi les conditions de vie de [la requérante] n’autorisent pas à envisager un retour de l’enfant auprès d’elle car toute incertitude pourrait à nouveau gravement le perturber ;

Que [la requérante] est invitée à faire connaître sa nouvelle adresse personnelle dès qu’elle aura obtenu le logement dans le lieu où elle aura définitivement fixé son choix ; ... »

Il prolongea en conséquence le placement de Billy.

20. Le 29 août 1995, le juge des tutelles de Châteauroux, qui était selon la requérante le mari de la juge des enfants, nomma un mandataire pour percevoir les revenus de la requérante, les appliquer à son entretien et à son traitement, faire fonctionner ses comptes de dépôt bancaires et recevoir tout son courrier.

Une audience eut lieu devant le juge des tutelles de Châteauroux le 4 octobre 1995. Selon la requérante, l’ouverture de la curatelle fut alors ordonnée.

21. Le 10 mai 1996, la juge des enfants du tribunal de grande instance de Toulouse prit une ordonnance concernant Billy. Elle constata que la requérante demandait la main levée du placement de celui-ci, demande à laquelle la Direction de la solidarité départementale (DSD) de Tarbes s’opposait.

Elle nota également que :

« L’avocat désigné pour représenter Billy s’est inquiété de la rupture totale avec sa famille imposée par les personnes chargées de le suivre.

Depuis son abandon par le père de Billy, [la requérante] a traversé une importante période d’instabilité matérielle et psychologique ayant conduit au placement successif de ses deux enfants (...).

Son histoire (tentative de suicide, hospitalisations dont une d’office au CHS de Lannemezan dont elle conteste le bien-fondé, hospitalisation en maison de repos) témoigne de sa fragilité psychique.

Selon l’expert désigné, son état est actuellement stabilisé. Cependant, celui-ci considère qu’en l’absence de suivi psychiatrique, cette mère constitue un danger potentiel pour ses enfants.

[La requérante] a su néanmoins engager et entretenir avec son fils une relation affective très forte.

Les derniers événements survenus au cours d’un droit d’hébergement (tentative de suicide de l’enfant) ont entraîné une rupture totale de la relation mère/enfant à l’initiative des responsables de celui-ci et interrogent sur la nature de la relation et son caractère de dangerosité.

En l’absence de renseignements détaillés sur les prises en charge spécifiques dont Billy bénéficie et des avis des spécialistes qui, sans aucun doute, doivent intervenir, il convient :

D’ordonner une expertise psychiatrique de l’enfant ;

De transférer la garde de l’enfant de la DSD de Tarbes à la DSD de la Haute-              Garonne ;

D’autoriser un droit de correspondance (par écrit et par téléphone) de la mère et               de la grand-mère maternelle. »

22. Le 25 octobre 1996, un jugement fut rendu par la juge des enfants de Toulouse concernant le placement de Billy.

Il y était exposé que Billy voulait voir sa mère les fins de semaines et les vacances scolaires et aller dans une famille d’accueil plus proche du domicile de sa mère, laquelle concluait au rétablissement de son droit d’hébergement et au rapprochement géographique de son fils. La DSD quant à elle déclarait ne pas s’opposer au rétablissement des droits d’hébergement et au rapprochement de l’enfant, sous réserve de préparer ce dernier.

Il était relevé dans le jugement qu’il résultait

« d’un certificat médical du docteur P. que [la requérante] a engagé auprès de lui le suivi préconisé par l’expert et avait pu établir une relation soignante. Son état psychique actuel est considéré comme relativement stable sans manifestation psychopathologique patente.

Rien ne s’oppose donc au rétablissement des relations de Billy avec sa mère. Cependant compte tenu de la nature du lien qui l’unit à celle-ci et qui l’a conduit à commettre une tentative d’autolyse, il serait dangereux de donner main levée du placement tant que Billy se situera en thérapeute de sa mère, « en garde du corps de sa maman ». Il est, par contre, difficile de ne pas tenir compte de la « souffrance dépressive majeure » de cet enfant dont le lien à la mère est « vital » et en conséquence de ne pas entendre sa demande. »

La juge confirma donc le placement de Billy pour un an auprès de la DSD de la Haute-Garonne, lui donna acte de sa demande de rapprochement par un changement de famille d’accueil et fixa les périodes où la mère pourrait exercer ses droits de visite et d’hébergement, soit une fin de semaine sur deux et pendant la moitié des vacances. Le 21 novembre 1996, la requérante fit appel de cette décision.

23. Afin de le rapprocher du nouveau domicile de sa mère, Billy était placé dans une autre famille d’accueil, chez M. et Mme G.

24. Une ordonnance de la juge des enfants, ne figurant pas au dossier, en date du 10 mai 1997, aurait donné main levée du droit d’hébergement de la requérante, le remplaçant par un simple droit de visite médiatisé.

Selon la requérante, la souffrance de Billy était telle que, de retour dans sa famille d’accueil fin mai début juin 1997, il accusa son grand-père d’atteinte sexuelle, ce qui mit un terme au projet de voir les enfants hébergés par leurs grands-parents.

25. En août 1997, la requérante adressa un courrier à la juge des enfants, demandant à pouvoir héberger ses deux enfants, Billy et Fanny (Fanny étant à ce stade aussi en famille d’accueil) à l’occasion de leurs anniversaires respectifs.

26. Par jugement en date du 14 novembre 1997, la juge des enfants de Toulouse statua sur le placement de Billy.

Elle releva que fin mai, début juin 1997, Billy avait révélé avoir été victime de la part de son grand-père maternel d’attouchement sexuel lors d’une visite de ce dernier chez sa mère et que ces révélations avaient provoqué une importante dégradation des relations de la requérante avec la famille d’accueil et avec son fils.

Elle nota que la demande de Billy était très claire : demeurer dans sa famille d’accueil et ne rencontrer sa mère que dans le cadre de visites médiatisées ; il reprochait à sa mère de faire pression sur lui pour qu’il revienne sur ses accusations.

Elle estima qu’il convenait de protéger Billy des discours changeants de sa mère à son égard, qui aboutissaient à faire obstacle à l’établissement de relations affectives structurantes. En effet, la requérante, après avoir mis fin à la relation de son fils avec une précédente famille d’accueil, tentait de nuire aux bonnes relations qui s’étaient établies avec l’actuelle famille d’accueil qu’elle avait imposée à la DSD de la Haute-Garonne en revendiquant pour son fils un placement en institution.

En conclusion, la juge renouvela le placement de Billy pour deux ans et accorda un droit de visite à la mère, à la grand-mère ainsi qu’au parrain de Billy en fonction du règlement de la DSD de la Haute-Garonne.

Le 21 novembre 1997, la requérante fit appel de cette décision.

27. Par courrier du 28 avril 1998, la requérante se plaignit auprès de la juge du comportement de la famille d’accueil et demanda le transfert de ses enfants dans l’Indre où elle-même était repartie.

28. Par arrêt du 15 mai 1998, la cour d’appel de Toulouse, chambre spéciale des mineurs, statua sur l’appel formé par la requérante et par la grand-mère contre le jugement du 14 novembre 1997 ayant prolongé le placement de Billy.

La cour releva que c’était suite à différentes manœuvres de la requérante que son fils avait été placé dans cette famille avec sa sœur, famille où il se trouvait bien. Elle ajouta que, bien qu’ayant obtenu satisfaction, la mère n’avait cessé depuis de multiplier les difficultés avec la famille d’accueil, imposant à son enfant son état d’excitation permanent et ses tentatives pour l’attirer à participer à ses manœuvres dans le but de l’extraire de ce milieu et qu’il en résultait pour l’enfant une situation de crise permanente qui n’aboutissait qu’à le déstabiliser gravement. Elle mentionna également que cette situation s’était considérablement aggravée en raison d’un incident grave qui se serait produit avec son grand-père.

Elle conclut que le déséquilibre persistant de la mère était avéré, que l’ampleur du retentissement constaté sur l’enfant démontrait la situation de danger dans laquelle il se trouvait à son contact et que donc la prolongation de la mesure de placement de l’enfant était parfaitement justifiée, l’enfant ne pouvant être constamment ballotté au gré des fantaisies de la mère, au risque d’un péril grave pour sa santé morale et son éducation. La cour confirma donc le jugement déféré.

29. Le 23 juillet 1998, la requérante forma un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Le 18 août suivant, elle déposa une demande d’aide juridictionnelle auprès du bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) de la Cour de cassation.

Le 14 octobre 1999, le BAJ ordonna un supplément d’information. Par décision du 10 février 2000 notifiée le 6 mars suivant, le BAJ accordait l’aide juridictionnelle totale à la requérante. Le 17 mars 2000, celle-ci déposa un mémoire ampliatif dans lequel elle invoquait comme unique moyen le fait que l’arrêt avait décidé que la visite de la mère s’effectuerait selon le règlement de la Direction départementale de la Haute-Garonne. Le ler mars 2001, le conseiller rapporteur était désigné et déposait son rapport le 23 mars suivant.

30. L’audience eut lieu le 26 avril 2001 et, par arrêt du 31 mai 2001, la Cour de cassation cassa l’arrêt « seulement en ce qu’il a accordé à [la requérante] un droit de visite, à l’égard du mineur Billy L., en fonction du règlement de la Direction de la solidarité départementale de la Haute-Garonne » et renvoya l’affaire devant la cour d’appel de Toulouse autrement composée. Elle estimait en effet que « (...) s’il a été nécessaire de placer l’enfant hors de chez ses parents, ceux-ci conservent un droit de visite dont le juge doit fixer les modalités ».

31. Le 26 août 1998, la requérante fit dresser un constat d’huissier attestant qu’alors qu’un droit de visite lui avait été accordé le 19 août pour voir ses enfants dans un centre médico-social le 26 août, elle n’avait pu voir que sa fille, la psychologue présente lui ayant indiqué que les visites à Billy avaient été suspendues, et qu’elle n’avait pu obtenir en raison, notamment, de la période de congés, les autorisations nécessaires malgré les diverses démarches effectuées par le service.

32. Le 11 septembre 1998, la requérante écrivit au responsable du centre médico-social en demandant qu’une date soit fixée pour une visite à ses enfants. Par courrier du 24 septembre 1998, le responsable de l’aide sociale à l’enfance de la DSD lui proposa quatre dates de visite à ses enfants entre fin septembre et mi-décembre 1998 et lui indiqua par ailleurs ne pas envisager de financer ses déplacements pour venir voir ses enfants.

33. La requérante expose qu’à l’occasion d’une conversation téléphonique avec son fils, à une date non précisée, celui-ci lui aurait appris qu’il ne serait pas inscrit au collège pour l’année scolaire 1998-1999 car il avait dénoncé des actes de pédophilie sur des enfants de son âge et de celui de sa sœur, dans la famille d’accueil où ils se trouvaient et qu’il lui aurait demandé instamment de tout faire pour le reprendre chez elle.

34. Le 4 décembre 1998, Billy fut hospitalisé en urgence dans l’Unité de psychiatrie de l’enfant de l’hôpital Purpan de Toulouse.

35. La requérante expose que son avocat demanda en vain les raisons de ce placement au juge des enfants et qu’ultérieurement son conseil demanda, d’une part, qu’une expertisé soit effectuée (un expert devant être nommé le 13 avril 1999) et, d’autre part, qu’un droit de visite d’une journée soit accordé à la requérante.

36. Le 19 décembre 1998, la requérante épousa M. Couillard-Maugery.

37. Le 19 avril 1999, le juge des enfants de Toulouse ordonna une mesure d’expertise de Billy. L’expert déposa son rapport le 17 juin 1999, qui constatait en particulier une « ( .. ) désorganisation de la personnalité du mineur, avec impulsivité, fuite des idées, labilité de 1’humeur et angoisse massive. Un tel état rend nécessaire un traitement en service spécialisé et remet en question le placement en institut de rééducation, qui avait été précédemment envisagé ».

38. Par courrier du 8 juin 1999, la requérante demanda à la DSD une copie intégrale de tous les dossiers concernant ses enfants.

39. Elle mentionne par ailleurs que des incidents auraient eu lieu pendant le séjour de Billy à l’hôpital. Elle produit ainsi trois photographies qu’elle dit avoir été prises avec l’appareil de son fils et qui montrent, pour l’une d’elles un enfant attaché sur un lit avec des cordelettes et semblant sourire et, pour les deux autres, un enfant attaché sur une chaise avec du large papier adhésif brun. Elle dit que ces photographies ont été remises à la brigade des mineurs et montrées à l’expert devant examiner Billy, qui aurait conclu qu’il s’agissait de jeux d’enfants, ce qui aurait été confirmé par Billy, interrogé par sa marraine. La requérante dit s’interroger sur la manière dont des enfants placés dans un service spécialisé ont pu se procurer ces cordelettes et ce papier adhésif.

40. Le 17 août 1999, une assistante sociale fit un rapport de situation sociale concernant la requérante et son mari. Elle concluait en ces termes :

L’état physique, mais surtout mental de [la requérante] nous paraît très préoccupant pour le bon développement de sa grossesse.

Son instabilité, son sentiment de persécution permanent ... qui occultent plus ou moins la naissance très prochaine et son passé (dysfonctionnement autour des naissances) sont des éléments qui nous alertent.

Nous avons toutes les raisons d’être inquiets quant au bon déroulement des dernières semaines de la grossesse en l’absence de soins adaptés, à savoir une hospitalisation dans un service approprié bien que le suivi de la grossesse en elle-même soit correctement effectué et que Madame consulte une psychologue une fois par semaine. (...) »

41. Le 13 septembre 1999, une note fut adressée par le directeur de la solidarité au président du Conseil général de la Creuse, lui signalant qu’un essai d’hospitalisation de la requérante avait été fait à la demande du mari le 9 août 1999, mais que cette dernière était partie de l’hôpital, s’opposant à ce projet. Compte tenu de « l’état préoccupant de Madame » représentant « un danger pour l’enfant à venir », il était demandé au président du Conseil général s’il accepterait de signer une demande d’hospitalisation à la demande d’un tiers. Il était également mentionné qu’un courrier d’information sur le danger de la situation était parallèlement envoyé aux hôpitaux de la région et qu’une demande de placement en urgence serait faite à la justice dès la naissance.

42. Le 1er octobre 1999, une note de l’aide sociale à l’enfance (ASE) au juge des enfants signalait la naissance d’Izar le 27 septembre précédent et relevait que depuis l’accouchement, la requérante ne présentait pas, selon les médecins de la clinique, de troubles particuliers.

43. Le 9 novembre 1999, la juge des enfants rendit une ordonnance concernant le placement de Billy.

Elle releva que Billy avait été hospitalisé du fait de :

« la recrudescence d’affects dégressifs compliqués de velléités suicidaires. De l’expertise sollicitée par la mère, il est résulté que Billy, auquel rien n’a été épargné depuis sa naissance, présente une désorganisation de la personnalité avec impulsivité, fuite des idées, labilité de l’humeur et angoisse massive traduisant une évolution vers une décompensation psychotique qui au moment de l’examen nécessitait bien un traitement en service spécialisé. L’expert s’inquiétait des difficultés rencontrées par la mère lors de sa troisième grossesse, préconisait pour elle la mise en place d’une aide spécifique et une coordination entre le médecin psychiatre traitant de la mère avec celui de Billy. »

Elle constata en outre que depuis :

« - [la requérante] dont l’état mental s’est dégradé a fait l’objet d’un signalement par le Conseil général de la Creuse, s’est séparée de son époux et a donné naissance à une petite fille ;

- la famille d’accueil a annoncé son prochain déménagement sur les Hautes-Pyrénées, remettant en cause tout le travail effectué pour préparer la sortie de Billy sur un institut de rééducation.

En l’état, il n’est pas possible de statuer sur la situation de Billy, sur du long terme. Des contacts doivent être pris auprès des services judiciaires, du Conseil général et instituts de rééducation des Hautes-Pyrénées. Le relais médical doit se mettre en place sur le service pédopsychiatrique de Lannemezan.

Billy s’est dit satisfait du projet de retour dans la région de Montréjeau. Il a clairement exprimé sa volonté de ne pas être séparé de sa sœur Fanny et de son actuelle famille d’accueil.

Il ne souhaite pas le maintien des visites de sa mère mais tient à pouvoir la contacter téléphoniquement quand il en éprouvera le besoin. Il paraît important de le mettre à l’abri des conflits incessants autour de ces droits de visite et des décisions en lien avec l’exercice du droit de garde. »

La juge ordonna en conséquence que Billy soit maintenu confié provisoirement à la DSD de la Haute-Garonne, il suspendit le droit de visite de la mère jusqu’à nouvelle décision et autorisa la DSD à prendre en lieu et place de la mère toutes décisions en lien avec l’exercice du droit de garde (autorisation d’hospitalisation, de soins, d’inscription en camps de vacances, en milieu scolaire ou autre).

Le 17 novembre 1999, la requérante fit appel de cette décision.

44. Selon la requérante, la famille d’accueil aurait quelque temps plus tard abandonné Billy et gardé Fanny sans donner de ses nouvelles. Une nouvelle famille d’accueil aurait été recherchée, en vain, pour Billy.

45. Le 16 décembre 1999, la DSD de la Haute-Garonne informa la requérante que son fils serait accueilli pour une période d’essai de quinze jours au centre hospitalier spécialisé de Lannemezan à compter du 3 janvier 2000.

46. Le 12 janvier 2000, la requérante fut informée par un courrier de la DSD de la Haute-Garonne de ce que Billy avait intégré le jour même l’unité de pédopsychiatrie au centre hospitalier spécialisé de Lannemezan.

47. Le 2 mai 2000, la DSD de la Haute-Garonne informa la requérante que l’orientation de Billy vers l’institut de rééducation (IR) de Sainte Marie de Lourdes où il séjournerait en internat la semaine était confirmée, et qu’elle recherchait une nouvelle famille d’accueil pour les fins de semaine.

48. Le 5 mai 2000, la cour d’appel de Toulouse se prononça comme suit sur le recours exercé par la requérante contre l’ordonnance du 9 novembre 1999 concernant le placement de Billy :

« Une remarque préalable s’impose : le premier juge a rendu une ordonnance de placement provisoire motivée par l’impossibilité de statuer à long terme en raison de l’incertitude existant sur plusieurs points (stabilisation de l’état de santé du mineur, éventuel départ de la famille d’accueil pour les Hautes-Pyrénées). Ce magistrat sera donc obligatoirement amené à modifier en conséquence les mesures qu’il a prises.

La gravité des affections dont l’enfant est atteint n’est pas discutable. Outre les conclusions de l’expert J. , il convient de rappeler ce qu’écrivait le 24 mars 1999, le docteur D. , chef de clinique à l’inspection de l’aide sociale à l’enfance : « Billy L. a été hospitalisé dans un contexte de grande souffrance psychologique. Il a pu bénéficier des soins mis en œuvre pour se stabiliser dans un cadre étayant. Son état demeure néanmoins extrêmement fluctuant à la faveur de l’insécurité perçue dans son entourage. Les visites de sa mère sont notamment à l’origine d’une réactivation des troubles du comportement chez l’enfant, avec surtout une instabilité majeure et une angoisse certaine. »

Si le certificat médical versé aux débats par l’appelante atteste de ce qu’elle n’est pas une psychopathe, il n’en demeure pas moins que son état a été jugé suffisamment inquiétant par le Conseil général de la Creuse pour mener celui-ci à faire effectuer une enquête sociale, les investigations effectuées par les services sociaux de ce département ont confirmé que [la requérante] faisait montre d’une grande instabilité et manifestait un sentiment de persécution permanent.

Par ailleurs, il est constant que l’exercice du droit de visite a donné lieu par le passé à de multiples incidents.

Il apparaît, dans ces conditions, que la suspension de ce droit de visite constitue une sage précaution afin d’éviter de perturber gravement le jeune Billy, qui reste fragile sur le plan mental.

Il convient en conséquence de confirmer la décision dont appel. »

49. La famille G. ayant déménagé, un placement dans une nouvelle famille d’accueil fut tenté mais échoua.

50. Le 4 juillet 2000, Billy fut à nouveau hospitalisé à Lannemezan.

51. Le 17 juillet 2000, la juge des enfants de Toulouse, constatant le refus du juge des enfants de Tarbes (lieu de résidence de Billy et de Fanny) de se saisir des dossiers et, dans l’attente de la réponse du juge des enfants de Châteauroux (lieu de résidence de la mère), prit deux ordonnances prolongeant le maintien de Billy et de Fanny à la DSD de la Haute-Garonne. La requérante soutient que ces ordonnances ne lui ont pas été notifiées et qu’elle en a pris connaissance seulement en novembre 2000.

52. Le 4 août 2000, le conseil de la requérante adressa un courrier à la juge des enfants de Toulouse. Il indiquait que la requérante s’inquiétait de la situation de ses enfants. Il mentionnait qu’elle n’avait aucune nouvelle de Fanny malgré les promesses faites par la responsable de la DSD, qu’elle souhaitait la main levée de la procédure de placement de sa fille, qu’elle n’était pas opposée à ce que, dans un premier temps, Fanny la rejoigne pendant les vacances scolaires et qu’il était anormal qu’elle n’ait aucune nouvelle de sa scolarité et ne possède pas de photo d’elle. Quant à Billy, l’avocat relevait que, malgré le fait qu’il avait été noté dans la décision du 9 novembre 1999 que Billy ne voulait pas être séparé de sa sœur et de sa famille d’accueil, il avait été décidé de le changer de famille, ce qui avait pour conséquence qu’il ne voyait plus sa sœur, qu’il passait de famille d’accueil en famille d’accueil et qu’il était loin de sa mère. Il demandait que Billy soit transféré au centre hospitalier spécialisé La Valette à Saint Vaury, qui avait une section pédopsychiatrique.

L’avocat ne reçut apparemment aucune réponse à ce courrier.

53. Le 14 août 2000, l’assistante sociale de l’ASE communiqua des informations au chargé de mission de l’aide à l’enfance. Elle notait :

« Billy a intégré l’internat I.R. Sainte Marie de Lourdes fin juin 2000, orientation qu’il refuse toujours à ce jour.

Le jeune est décrit par les éducateurs comme étant « submergé par ses problèmes et par toutes les difficultés qu’il rencontre ». Billy a besoin d’une aide constante . Il est d’un abord agréable, montrant des capacités.

Au niveau du groupe, Billy explose rapidement et doit être repris par l’adulte pour contenir ses colères et son impulsivité.

Parallèlement, les week-ends et les vacances, Billy était accueilli chez M. et Mme S., famille d’accueil, du 18.04.00 au 04.07.00.

Rapidement, l’état de Billy s’est dégradé, rendant l’accueil familial impossible :

- Relation de force constante : Billy est sans cesse dans la provocation, le chantage ou le donnant donnant, la toute puissance et la manipulation. Il fait preuve d’insolence, tenant des discours violents et/ou n’ayant aucun sens, et ne respectant pas le cadre familial posé.

Billy n’a pas pu avoir d’accrochage affectif avec la famille d’accueil qui n’a pas pu faire de travail avec le jeune.

Le comportement de Billy est rapidement devenu insupportable pour la cellule familiale. Le placement a dû être interrompu.

L’état de Billy ne lui permet pas, à l’heure actuelle, de s’installer dans un fonctionnement familial et de trouver des repères pouvant l’aider à grandir.

Billy a donc été, à nouveau, hospitalisé, son traitement a été sensiblement modifié mais reste important.

Billy reçoit des courriers de sa mère, il nous semble important que l’équipe soignante puisse reprendre avec le jeune. Il a également des contacts avec elle par téléphone.

Selon le responsable de l’unité des adolescents, le Docteur R., il paraît important que Billy poursuive sa prise en charge à l’I.R. Sainte Marie. Le projet actuel pour Billy est que cette intégration devrait être progressive, en fonction de l’état de Billy, tout en poursuivant la prise en charge à l’hôpital.

En ce qui concerne les relations avec sa sœur Fanny, Billy est en demande. Nous prévoyons d’organiser une rencontre entre les deux enfants au centre médico-social de Lannemezan, fin août, dès le retour de vacances de Fanny.

Nous organiserons une commission technique à la circonscription de Lannemezan fin août 2000, afin de déterminer pour Billy les modalités d’intégration à l’I.R. à la rentrée de septembre. »

54. Aux termes d’un bulletin de situation du 3 septembre 2000 du Docteur R. du centre de Lannemezan :

« Le jeune Billy L. est hospitalisé à l’Unité pour adolescents depuis le 10 janvier 2000.

L’admission était demandée par le Docteur D., chef de clinique à la Villa Ancely à Toulouse, en accord avec l’aide sociale à l’enfance de Haute-Garonne. Cette admission avait été préparée (et non pas en urgence). La famille d’accueil (M. et Mme G.) déménageant sur les Pyrénées.

Billy a un trouble important de la personnalité, un épisode dépressif sévère étant à l’origine de sa première hospitalisation. Depuis quelques mois, il est sur un versant plus caractériel avec une intolérance à la frustration et une impulsivité notable. Il reçoit actuellement un traitement médicamenteux.

Au niveau familial, la maman a pu régulièrement s’entretenir avec lui au téléphone jusqu’à ce jour où j’ai pris la décision de ne plus autoriser cet échange téléphonique en raison de son caractère délétère.

La famille d’accueil G. a arrêté sa prise en charge au printemps de cette année. Un essai dans une autre famille d’accueil a été tenté au début de l’été (M. et Mme S.) et s’est rapidement mise en échec par les exigences tyranniques de Billy.

Actuellement, Mme S.M. qui est notre référent social A.S.E., s’efforce de rechercher un autre lieu d’accueil.

Au niveau scolaire, Billy a un niveau intellectuel normal mais ses troubles du caractère imposent une structure adaptée, nous avons donc travaillé tout le printemps 2000 à son intégration en institut de rééducation. Il est depuis la rentrée scolaire 2000-2001 en internat de semaine à l’I.R. Sainte-Marie de Lourdes. En l’absence de famille d’accueil nous continuons à le recevoir les week-ends.

Depuis plusieurs semaines, les provocations et dégradations de Billy se multiplient ainsi que les manifestations critiques de sa mère. Nous faisons part régulièrement à Mme S.M. de l’état de la situation et réfléchissons avec elle aux conduites à tenir les plus appropriées ainsi qu’à une réflexion sur un projet à long terme. »

55. Les 16 et 19 octobre 2000 respectivement, la juge des enfants de Toulouse prit des ordonnances de dessaisissement concernant Billy et Fanny, en faveur du juge des enfants de Châteauroux.

56. Le 2 novembre 2000, la requérante adressa une requête urgente au président du tribunal de Tarbes en demandant, aux termes de l’article L351 du code de la santé publique, la sortie immédiate de son fils.

Elle exposait que celui-ci avait été victime, à plusieurs reprises, de mauvais traitements tels que la mise en chambre d’isolement avec traitement médicamenteux par voie injectable, ainsi que de strangulations de la part d’un infirmier dans le service des adolescents du CHS de Lannemezan où il se trouvait.

Elle ajoutait posséder les enregistrements de leurs conversations téléphoniques concernant ces violences, que son fils avait réussi à fuguer le matin même pour échapper aux mauvais traitements, que son état ne nécessitait pas une hospitalisation psychiatrique et elle demandait, outre la sortie immédiate de son fils, une indemnisation de la part de l’hôpital.

57. D’après la requérante, son fils fut transféré le 4 novembre 2000 dans le service « adultes » du Docteur B. et placé en « chambre forte » tout le week-end.

58. Le 6 novembre 2000, le groupe information asiles s’associa à la demande de sortie immédiate.

59. Le lendemain, le président désigna un expert pour examiner Billy et faire un rapport pour le 10 novembre suivant.

60. Le 8 novembre 2000, le groupe information asiles envoya un nouveau courrier au président du tribunal pour demander que l’expertise soit confiée à un autre médecin, celui qui avait été nommé ayant déjà examiné Billy lorsqu’il avait trois ou quatre ans et ne pouvant dès lors pas être neutre.

61. L’expert déposa son rapport le 10 novembre 2000. Il concluait notamment que « les troubles constatés à l’examen du jeune Billy L. imposent des soins immédiats, avec surveillance constante en milieu hospitalier, du fait des risques majeurs de fugue ou d’autoagressivité, du nécessaire traitement de l’angoisse partiellement déstructurante (..) ».

62. Le 10 novembre 2000, la requérante saisit par télécopie le bâtonnier de Tarbes aux fins de se voir désigner un avocat au titre de l’aide juridictionnelle. Le conseil désigné le jour même se serait rendu immédiatement auprès du président du tribunal de grande instance qui l’aurait informé du contenu du rapport d’expertise, constatant la demande insistante de Billy de retourner chez sa mère et concluant à une possibilité de rapprochement de Billy avec sa mère tout en justifiant la prise en charge en milieu hospitalier. Le magistrat aurait également pris, en vain, contact avec le juge des enfants de Châteauroux, la DSD de Toulouse et l’hôpital de Lannemezan.

63. Le 11 novembre 2000, la requérante adressa des courriers en télécopie à l’administrateur de garde à l’hôpital de Lannemezan, à l’administrateur de garde à la préfecture de Tarbes, au maire de Lannemezan et au substitut de permanence au tribunal de grande instance de Tarbes.

Elle exposait qu’elle avait appris la veille que son fils avait été retransféré au centre hospitalier de Lannemezan, que le marraine de Billy, le 10 novembre, et elle-même le 11, avaient essayé de le joindre par téléphone mais qu’il leur avait été répondu qu’il se reposait, alors qu’il était 12h30. La requérante en concluait que Billy avait été drogué et mis en cellule et elle demandait aux autorités d’intervenir afin que son fils ne passe pas le week-end en chambre d’isolement. Elle dit n’avoir reçu aucune réponse des différentes autorités contactées.

64. Le 15 novembre 2000, l’aide juridictionnelle totale fut attribuée à la requérante en vue d’une demande de sortie immédiate de son fils du CHS.

65. Le 23 novembre 2000, le président du tribunal de grande instance de Tarbes rendit une ordonnance de référé suite à sa saisine par la requérante le 2 novembre précédent.

Il déclara tout d’abord l’intervention du groupe information asiles irrecevable puisque la procédure avait été initiée par la requérante.

Il cita ensuite un extrait d’un rapport de la DSD de la Haute-Garonne en date du 17 novembre 2000 qui se lisait comme suit :

« En juin 2000, Billy L. intègre en internat de semaine l’Institut de rééducation Sainte-Marie à Lourdes et une nouvelle famille d’accueil pendant les week-ends et vacances scolaires. Le comportement de Billy met très rapidement la famille en échec : chantage de fugue, provocation, insolence, discours violents, non respect du cadre familial posé, manipulation, intolérance à la frustration. La violence de Billy conduit à une nouvelle hospitalisation dès le 4 juillet. Celle-ci se déroule actuellement en relais avec le placement à Sainte-Marie qui reste le seul lieu où Billy s’est momentanément stabilisé. »

Le juge releva encore que l’organisation de la prise en charge globale de Billy ressortissait à la compétence du juge des enfants de Châteauroux dans le cadre de la procédure d’assistance éducative dont il était saisi, que les débats avaient caractérisé une concertation aléatoire, voire inexistante, entre les différents services intervenant en faveur de Billy, que les séjours ponctuels de Billy au sein de l’hôpital spécialisé de Lannemezan ne constituaient qu’un aspect de la prise en charge organisée par la D.S.D., que le chef du service de psychiatrie de l’hôpital de Montluçon se déclarait prêt à organiser un suivi de Billy dans un cadre proche du domicile actuel de sa mère et que Billy séjournait en internat de semaine à l’institut de rééducation Sainte-Marie à Lourdes et hors ces périodes, à l’hôpital spécialisé de Lannemezan.

Il nota également que le certificat médical établi le 3 septembre 2000 au sein du service de pédopsychiatrie de l’hôpital de Lannemezan caractérisait un trouble important de la personnalité de Billy, un aspect caractériel avec une intolérance à la frustration et une impulsivité notable, que l’expert désigné avait estimé que les troubles qu’il avait relevés chez Billy imposaient la poursuite de soins en milieu hospitalier du fait de risques majeurs de fugue ou d’autoagressivité, de traitement d’une angoisse partiellement déstructurante et d’une utile surveillance devant tout risque de développement d’une poussée pathologique, qu’en l’état une brusque rupture, sans préparation, de cette prise en charge partielle au sein de l’hôpital de Lannemezan serait génératrice de risques importants pour Billy.

Le juge concluait que la situation actuelle ne saurait perdurer et qu’à l’évidence, s’imposait d’urgence une réorganisation globale des mesures éducatives dont Billy faisait l’objet.

Il rejeta toutefois la demande de la requérante et rappela que la réorganisation de la prise en charge de Billy ressortissait à la compétence du juge des enfants de Châteauroux.

Le 27 novembre 2000, la requérante fit appel de cette ordonnance. Suite à sa demande du 22 mai 2001, elle obtint le 15 juin 2001 l’aide juridictionnelle totale pour poursuivre cette procédure. Dans la décision du bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Riom, un avocat était nommé pour l’assister, dont il était indiqué qu’il avait accepté de prêter son concours, et il était indiqué que la requérante serait assistée d’un huissier de justice désigné par le président de la chambre départementale des huissiers de Paris et par un huissier désigné par le président de la chambre départementale des huissiers de Toulouse.

66. Entre-temps, en novembre et décembre 2000, la DSD de la Haute-Garonne transmettait au juge des enfants de Châteauroux des rapports d’évaluation de Billy et évoquait la difficulté, compte tenu des troubles de ce dernier, de trouver une famille d’accueil pour le prendre en charge les fins de semaine. Elle proposait par ailleurs d’organiser des rencontres médiatisées entre la mère et son fils.

67. Le 2 décembre 2000, Maître C.M. adressa un courrier au juge des enfants de Châteauroux en tant que conseil de Billy. Elle expliquait qu’elle avait été saisie par Billy afin d’être son avocat et que sa voix puisse être entendue auprès des diverses institutions. Elle ajoutait que Billy souhaitait pouvoir rencontrer le juge pour exprimer ses souhaits et ses inquiétudes, qu’il désirait également pouvoir rencontrer sa sœur Fanny tous les week-ends dans sa famille d’accueil où il était bien et était certain de trouver un bon équilibre. Par ailleurs, Billy exprimait un désir particulièrement fort de retourner en famille d’accueil les week-ends au lieu de les passer en milieu hospitalier. Billy souhaitait également pouvoir se rendre chez sa mère « de temps en temps » et y rencontrer sa jeune sœur.

68. Le 7 décembre 2000, le conseil de la requérante fit un courrier à la D.S.D. de la Haute-Garonne pour l’informer de ce que celle-ci avait fait une demande auprès du juge des enfants pour pouvoir accueillir Billy et Fanny chez elle pendant les vacances de Noël. Il précisait faire cette démarche car, dans un rapport adressé au président du tribunal, les services de la D.S.D. avaient indiqué que la requérante ne s’était pas manifestée pendant les vacances de Toussaint, alors qu’elle n’avait cessé de faire des demandes auprès du juge des enfants de Toulouse, alors saisi de cette affaire.

69. Le même jour, il adressa également une lettre à la juge des enfants de Châteauroux, se référant à ses « multiples » courriers précédents, rappelant que par deux fois le juge des enfants de Toulouse s’était dessaisi à son profit et soulignant que la requérante se trouvait privée de ses enfants, ses droits de visite étant suspendus pour Billy et aucune des deux juridictions n’ayant statué malgré toutes ses demandes. Il demandait que le juge statue sur les demandes formulées dans ses précédents courriers et sur les droits de visite et d’hébergement de la requérante concernant Billy et Fanny pour les vacances de Noël. Un courrier sur ce point fut envoyé le même jour au procureur de la République.

70. Le 14 décembre 2000, l’assistance juridictionnelle totale fut accordée à la requérante pour formuler une demande de sortie immédiate du C.H.S.

71. Le 20 décembre 2000, la responsable de l’aide sociale à l’enfance de la Haute-Garonne adressa un courrier au juge des enfants de Châteauroux dans les termes suivants :

« En réponse à votre demande et suite à une synthèse avec les différents services concernés (service de pédopsychiatrie, IR Sainte Marie et aide sociale à l’enfance des Hautes-Pyrénées qui exerce la surveillance administrative) nous allons soumettre à [la requérante] deux propositions quant à sa demande d’accueillir ses enfants pour les vacances de Noël.

Au cas où elle accepterait de faire le déplacement dans les Hautes-Pyrénées, elle pourrait voir ses deux enfants dans le cadre de visites médiatisées au CMS de Lannemezan.

Si elle s’y refuse, seul Billy ferait le déplacement dans l’Indre du fait du manque de préparation de Fanny à cette rencontre, elle n’a en effet pas vu sa mère depuis plus de deux ans. Billy pourrait alors être accueilli au foyer de l’enfance de Châteauroux dans le cadre de visites médiatisées.

En revanche, un accueil de Billy dans la famille d’accueil de Fanny n’est pas envisageable car il a mis auparavant en échec son placement dans cette même famille.(...) »

72. Le 21 décembre 2000, l’avocat de la requérante fit un nouveau courrier à la juge des enfants de Châteauroux. Il exposait que, bien que ne connaissant pas les raisons qui l’empêcheraient de voir ses enfants chez elle, la requérante acceptait la proposition qui lui avait été faite par la D.S.D. de l’Indre de voir Billy et Fanny les 27, 28 et 29 décembre suivants au foyer de l’enfance de Châteauroux.

Il ajoutait qu’en revanche, elle ne pouvait accepter les propositions de la D.S.D. de la Haute-Garonne qu’elle ressentait comme une sorte de chantage car il lui fallait choisir entre voir Billy seul à Châteauroux ou ses deux enfants au Centre médico-social de Lannemezan.

73. Le même jour en fin de journée, la requérante apprit apparemment par téléphone que l’accueil au foyer de Châteauroux ne pourrait se faire en raison du manque d’éducateurs.

74. Le 28 décembre 2000, le Docteur R. établit un rapport d’évolution de Billy qui se concluait en ces termes :

« La prise en charge actuelle permet à Billy d’expérimenter et de vérifier que les adultes peuvent contenir ses angoisses et qu’il est investi.

Cela serait une grande nouveauté si un changement de cadre de vie de Billy tenait à sa propre évolution et non pas aux aléas contextuels.

La relation avec la mère me semble ne pouvoir être reprise que dans un cadre très progressif (comme c’est le cas habituellement dans ce genre de situations), c’est-à-dire quand la modalité de rencontre s’est bien passée, qu’une augmentation lentement progressive des temps ensemble, se mette en place « pas à pas ». »

75. Le même jour, ce médecin adressa un courrier au procureur du tribunal de grande instance de Tarbes pour lui « signaler la situation d’entrave aux soins du jeune Billy L. de la part de sa mère ».

76. La requérante vit finalement ses enfants les 3 et 4 janvier 2001, au cours de visites médiatisées de deux heures chacune.

Elle expose que, lors de ces visites, elle a pu constater que son fils était « abruti » de neuroleptiques au point qu’il avait des difficultés à tenir debout. Elle ajoute qu’elle a appris que M.B., le père de Fanny, pouvait voir sa fille librement, alors qu’elle est née du viol que M.B. aurait commis sur elle-même, et que la plainte qu’elle avait déposée en 1998 n’a jamais été instruite et n’a été retrouvée par la brigade des mineurs de Châteauroux que le 5 janvier 2001.

77. Le 23 janvier 2001, une audience eut lieu devant la juge des enfants de Châteauroux. La requérante expose qu’elle eut la surprise de constater que Me M., avec qui elle avait pris contact pour se constituer partie civile contre M.B., venait à l’audience en qualité de conseil de M.B. Un incident éclata alors à propos, d’une part, de la présence de M.B. à une audience où allait être évoqué le cas de Billy qui ne le concernait pas et, d’autre part, du fait que Me M. était le conseil de M.B., alors que la requérante l’avait chargée de préparer sa plainte avec constitution de partie civile précisément contre M.B.

L’audience eut lieu à huis clos. La requérante expose que, bien qu’elle ait protesté contre la présence de M.B., celui-ci fut autorisé à assister à toute l’audience. Elle ajoute que Billy était « abruti » de neuroleptiques, pouvait à peine parler et qu’il avait été manipulé pour dire qu’il ne souhaitait pas voir sa mère, mais qu’il souhaitait au contraire pouvoir accompagner sa sœur lorsqu’elle allait chez M.B., ainsi qu’au sein de son ancienne famille d’accueil à laquelle il se disait très attaché. Il semble que la requérante soit sortie plusieurs fois au cours de l’audience et qu’elle soit partie sans attendre la fin.

Elle expose encore qu’à la fin de l’audience, la juge s’entretint avec la presse et déclara notamment : « Cette femme a certainement beaucoup souffert pour être dans une telle détresse, mais elle la gère mal. En réagissant ainsi, elle se fait du mal à elle et à ses enfants. Ca n’aide pas à faire avancer l’audience et ça n’aide pas à résoudre le sort de son fils pour lequel il nous faut trouver une solution qui réponde le mieux à son intérêt » (Nouvelle république du centre, 24 janvier 2001).

78. Par ordonnance rendue le même jour, la juge statua comme suit :

« Attendu que les angoisses massives maternelles ont et continuent à perturber Billy,

Qu’il parvient à trouver quelque sérénité en un lieu neutre comme à l’IR de Lourdes dans lequel il souhaite terminer son année scolaire, que par ailleurs son comportement très difficile n’a pas permis parallèlement un accueil en famille d’accueil,

Qu’il est souhaitable cependant, comme Billy en a émis le désir qu’il puisse rencontrer sa sœur dans la famille d’accueil de celle-ci, famille à laquelle il est attaché, ainsi qu’il puisse rencontrer M.B. puisqu’ils sont positivement motivés par de telles visites,

Attendu que la souffrance psychique vécue et encore manifestée par Billy, justifie que des soins médicaux lui soient prodigués,

Attendu que le fait que [la requérante] n’ait pas cru a priori les paroles de Billy ayant dénoncé des abus sexuels de la part de son grand-père, crée chez l’enfant une irrémédiable défiance à l’égard de sa mère,

Que le fait que [la requérante] projette sur Fanny des agissements éventuellement coupables de M.B., ce que l’enfant ne dénonce pas, crée aussi une inextricable mésentente entre elles,

Attendu que [la requérante] ne parvient pas à émerger d’un passé sûrement difficile, qu’elle le traduit par toutes formes d’agressivité plus ou moins spectaculaires, qui nuisent à l’image maternelle,

Attendu qu’il est indispensable de maintenir le placement des enfants en laissant au gardien juridique le soin d’organiser les visites médiatisées mère-enfants. »

La juge ordonna en conséquence le placement de Billy et de Fanny aux services de la protection de l’enfance de l’Indre pour une durée de deux ans et dit que pendant la durée de placement, le montant des allocations familiales auxquelles les mineurs ouvrent droit serait versé directement par l’organisme débiteur au service de la protection de l’Indre.

Le 1er février 2001, la requérante interjeta appel de cette ordonnance qui fut confirmée par arrêt du 5 juillet 2001 de la cour d’appel de Bourges.

79. Par courrier du même jour, l’avocate de la requérante l’informa qu’elle ne pouvait plus se charger de la plainte qu’elle désirait déposer contre M.B., pour des raison de conflit d’intérêts.

80. Le 2 février 2001, Maître C.M., avocate de Billy, envoya un nouveau courrier au juge des enfants. Elle mentionnait :

« La situation de mon jeune client placé en CHS les week-ends et les vacances est éminemment préoccupante.

Renseignement pris auprès des institutions du département, la maison d’enfants Saint-Joseph (...) pourrait immédiatement accueillir le jeune Billy L. sans que cela ne compromette sa scolarité à l’IR Sainte Marie de Lourdes.

Je vous remercie en conséquence d’étudier cette possibilité qui permettrait dès à présent de faire sortir ce jeune enfant du CHS de Lannemezan où il est flagrant qu’il est médicalisé à outrance, ce dont il se plaint d’ailleurs.

Lorsque j’ai pu le rencontrer, il n’était absolument pas drogué et il m’était apparu comme un jeune enfant plein de vie, malicieux, intelligent, ne nécessitant pas spécialement un traitement médicalisé mais plutôt attention et compréhension.

81. Le 7 février 2001, la requérante adressa un recours gracieux au maire de la commune de Lannemezan concernant les sévices prétendument exercés sur son fils dans le centre hospitalier de cette même ville.

Par courrier du même jour, elle demanda au directeur de l’hôpital de Lannemezan la transmission du dossier médical de Billy et du sien propre.

Suite à la consultation de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA), le dossier de la requérante fut transmis le 30 mars 2001 au médecin qu’elle avait choisi. Celui de Billy fut transmis à ce même médecin le 6 juillet 2001.

Par courrier du 29 octobre 2001, la CADA indiqua à la requérante qu’elle avait émis un avis favorable à la communication des pièces administratives manquantes du dossier de Billy.

82. Le 7 février 2001, la requérante saisit le tribunal administratif de Pau d’un recours de plein contentieux contre le rejet tacite de sa demande gracieuse adressée le 11 novembre 2000 à l’hôpital de Lannemezan. Elle dénonçait les traitements infligés à Billy et demandait à être indemnisée de ce chef. Ce recours fut enregistré le 16 février 2001.

83. Par requête du 12 février 2001, l’Association groupe information asiles saisissait à nouveau le président du tribunal de grande instance de Tarbes d’une demande aux fins d’ordonner la sortie immédiate de Billy du CHS de Lannemezan. La requérante intervenait volontairement à l’instance et obtenait l’aide juridictionnelle totale le 23 mars 2001.

84. Par ordonnance en date du 30 mars 2001, le président du tribunal de grande instance de Tarbes déclarait la demande de l’association irrecevable et rejetait la demande de la requérante en rappelant que la réorganisation de la prise en charge de Billy relevait de la compétence du juge des enfants de Châteauroux.

Le président, après avoir relevé que la décision de placement du juge des enfants de Châteauroux avait été frappée d’appel, indiquait que

« ( ... ) le suivi médical du mineur s’inscrivant en l’espèce dans la prise en charge éducative instaurée par le juge des enfants sous le contrôle de la cour d’appel, il n’appartient pas à une autre juridiction d’interférer dans ce processus même sur le fondement de l’article L. 3211-12 (ancien article L. 351) du Code de la santé publique. (...)

En tout état de cause ( ... ) les séjours d’ailleurs ponctuels de Billy L. au sein de 1’hôpital spécialisé de Lannemezan ne constituent qu’un aspect de la prise en charge instaurée par la Direction de la Solidarité.

Attendu que le Docteur K., chef du service de psychiatrie de l’hôpital de Montluçon a proposé le 28 février 2000 un autre suivi du mineur dans un cadre plus proche du domicile actuel de la mère ;

Que cette mesure a été soumise courant mars 2001 au Conseil général de l’Indre par le juge des enfants de Châteauroux ;

Attendu que Billy L. séjourne en internat de semaine à l’institut de rééducation Sainte-Marie à Lourdes et hors ces périodes ou les phases aiguës à l’hôpital spécialisé de Lannemezan ;

Attendu qu’en l’état, une brusque rupture, sans préparation, de cette prise en charge partielle au sein de l’hôpital de Lannemezan, serait toujours génératrice de risques importants pour Billy L. eu égard à son évolution (...)».

Suite à sa demande du 22 mai 2001, la requérante obtint le 15 juin 2001 l’aide juridictionnelle totale pour faire appel de cette décision. Dans la décision du bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Riom, un avocat était nommé pour l’assister, dont il était indiqué qu’il avait accepté de prêter son concours, et il était indiqué que la requérante serait assistée d’un huissier de justice désigné par le président de la chambre départementale des huissiers de Chateauroux.

85. Le 4 avril 2001, le procureur de la République de Tarbes se rendit à l’institut Sainte-Marie de Lourdes aux fins d’entendre Billy. Il dressa le procès-verbal suivant, signé par lui-même, par Billy et par le chef du service éducatif de l’institut, qui avait assisté à l’entretien. :

« Billy L . nous déclare : « il est exact que je me suis plaint de l’attitude violente du personnel soignant à l’hôpital de Lannemezan. Ils me poussaient vers le mur, me prenaient le bras dans le dos, quelquefois des gifles. Je n’ai jamais eu de blessures ou de traces. Ces derniers temps, c’était un peu moins. En janvier, quand j’ai vu maman, je lui en ai parlé. Aussi au docteur, mais elle ne m’écoute jamais et dit que ce n’est pas vrai.

C’est vrai aussi qu’à l’hôpital j’ai fait des petites bêtises de rien du tout, par exemple je frappe à la porte et ils sont occupés.

En fait, je n’aime pas le Docteur R., mais quand elle n’a pas ses gardes du corps, les infirmiers, elle ne peut rien faire, elle est sans défense. Je lui en veux parce qu’elle ne m’écoute jamais.

En plus, je supporte mal le traitement, d’ailleurs vous voyez, je parle mal. Elle ne me croit pas, tout ce que je fais, elle dit que c’est exprès.

Elle me trouve bien quand j’ai pris le traitement, parce que je suis shooté.

Ici je me trouve bien, parfois il y a des petits problèmes, surtout quand je ne peux pas téléphoner au père de ma sœur, à ma sœur et à sa famille d’accueil. (...)

Et en plus on m’empêche de fumer, alors je m’en vais du foyer.

Je ne vois rien d’autre à ajouter pour le moment. »

« A Lannemezan, ils l’ont fait aussi à une fille, Véronique, il me semble avant Noël, et même tordu le pouce à un garçon, et ils font des piqûres pour rien. »

86. Le 12 avril 2001, la requérante saisit le tribunal administratif de Pau d’un recours de plein contentieux contre le rejet tacite de ses demandes gracieuses adressées les 11 novembre 2000 et 7 février 2001 à la commune de Lannemezan. Elle dénonçait les traitements infligés à Billy et demandait à être indemnisée de ce chef. Ce recours fut enregistré le 23 avril 2001.

87. Le 9 mai 2001, le directeur de la direction de la prévention et du développement social (DPDS) de l’Indre fit un rapport au juge des enfants de Châteauroux au sujet de l’évolution de la situation de Billy et Fanny. Il y exposait :

« Fanny est toujours accueillie en famille d’accueil chez M. et Mme G. (...). Ses seules difficultés actuelles sont liées aux relations pathogènes avec sa mère (cf. rapport). Elle rencontre Billy une fois par mois dans sa famille d’accueil. Les deux enfants sont très proches et leur relation a évolué positivement, ils ne passent plus leur temps à régler la problématique de leur mère.

Billy est toujours accueilli alternativement à l’institut de rééducation de Lourdes et à l’unité de soins de Lannemezan, néanmoins, l’I.R. n’est pas un lieu assez contenant pour permettre cette prise en charge, ainsi ce n’est pas une réalité de réduire à la seule cause d’une absence de famille d’accueil le placement de Billy en pédopsychiatrie.

Actuellement, les séjours à l’unité de soins se sont considérablement étendus en raison des troubles plus importants de Billy (cf. rapport).

L’harmonisation des équipes I.R. et pédopsychiatrie rend possible une prise en charge afin qu’il ne reste pas uniquement en unité de soins.

On ne peut que constater une dégradation de l’état psychologique de Billy depuis que [la requérante], afin d’alimenter ses différentes procédures judiciaires, harcèle son fils au travers des relations pathogènes (communications téléphoniques enregistrées où elle veut absolument lui faire dire qu’il est maltraité à l’unité de soins).

[La requérante] peut aussi insister lourdement afin que Billy dise qu’il a subi des attouchements sexuels de la part de M.B. ou de M.G.

Il serait peut-être opportun de pouvoir établir l’inventaire des dépôts de plainte et des suites données par la justice afin de démontrer la manipulation obsessionnelle de [la requérante] et de rassurer les enfants et les différents professionnels qui les prennent en charge.

La pression médiatique n’est pas sans impact sur Billy (cf. articles).

Billy est un enfant intelligent qui use de la pathologie de sa mère et l’utilise quand il en a besoin afin de détourner les frustrations nécessaires à son évolution, il peut ainsi dire qu’il est maltraité et à d’autres moments demander à être protégé de sa mère.

En ce qui concerne [la requérante], différentes propositions de visites médiatisées lui ont été faites depuis le 23 janvier 2001.

Dans l’intérêt des enfants, afin d’éviter un long trajet, mais surtout de les préserver du traumatisme qu’ils ont déjà vécu lors de la visite du 3 et 4 janvier (cf. note foyer), il lui a été demandé de se rendre dans les Hautes-Pyrénées (cf. courrier), le service de protection de l’enfance s’engageant à prendre en charge tous les frais inhérents à ce déplacement.

[La requérante] a refusé cette proposition par courrier dont vous trouverez ci-joint une copie.

Il est à noter, que même si elle revendique des relations avec ses enfants, elle n’a pris aucune nouvelle d’eux depuis l’audience à l’excepté d’envoi de chocolats à Pâques. Par contre, elle a inondé mon service de lettres injurieuses et diffamatoires.

En conclusion, il ne me semble pas opportun d’envisager un rapprochement de Billy auprès de sa maman. Il est à noter, à titre accessoire, mais néanmoins important, que [la requérante]ne présente pas de stabilité dans son lieu de résidence.

L’intérêt des enfants est le maintien des placements actuels avec intensification des liens de la fratrie dans la famille G.

Une nouvelle rencontre médiatisée va être proposée à [la requérante]pour le 13 juin au centre médico-social de Lannemezan.

En raison de la nouvelle domiciliation de [la requérante] dans l’Allier, département dans lequel elle souhaite bénéficier de soins appropriés, une procédure de dessaisissement au profit du magistrat de l’Allier me semble nécessaire. »

88. Le 28 mai 2001, l’assistante sociale de l’ASE de l’Indre adressa un courrier à la responsable de l’ASE de l’Indre au sujet de l’organisation de la rencontre de Billy et de Fanny et de la situation de Billy. Elle mentionnait notamment :

« (...) Par ailleurs, nous vous signalons que le comportement de Billy à l’Unité des adolescents devient de plus en plus difficile :

- il se taillade les veines,

- il essaie de s’autostranguler,

- il tient des propos graves sur les infirmiers, les traitant de pédophiles.

Billy passera le samedi 26 mai 2001 (de 12h à 17h) chez Monsieur et Madame G., comme convenu lors de la commission technique du 20.04.2001.

Concernant la rencontre de la mère et des enfants, pour laquelle nous proposons la date du 13.06.2001, nous avons évalué que la présence de deux travailleurs sociaux est indispensable compte tenu de la fragilité des deux enfants actuellement.

Le service de pédopsychiatrie ne pourra pas participer à la médiation de cette rencontre. En effet, leur présence ne paraît pas opportune du fait du rejet du soin par la maman. »

89. Le 14 juin 2001, la requérante adressa un recours gracieux au directeur de l’hôpital de Lannemezan, concernant la manière dont Billy était traité.

90. Le 18 juin 2001, le juge des enfants de Châteauroux se dessaisit de la procédure suivie à l’égard de Billy et de Fanny au profit du juge des enfants de Moulins.

91. Le 15 juin 2001, la requérante demanda au tribunal administratif de Pau l’examen prioritaire de son recours déposé le 7 février 2001 contre l’hôpital de Lannemezan.

92. Le 20 juin 2001, le directeur de la DPDS de l’Indre adressa à la requérante un courrier se lisant :

« Dans le cadre du suivi des enfants placés, mon service a été, le 15 juin 2001, alerté par les derniers éléments concernant votre fils Billy.

En effet, Billy a été accueilli comme convenu par le service de pédopsychiatrie du Docteur L., au centre hospitalier spécialisé de Pau durant 15 jours.

La première semaine s’est déroulée sans difficulté particulière.

La seconde semaine, Billy a manifesté à nouveau des troubles du comportement :

- fugue

- vol d’enceintes dans un magasin

- violence sur l’infirmière (coup de poing sur le nez : fracture)

Actuellement Billy est accueilli à Lannemezan et n’a toujours pas réintégré l’institut de rééducation de Lourdes car il est trop perturbé :

- tentative de pendaison ,

- absorption de neuroleptiques ».

Sur ce point, le Docteur R., psychiatre traitant de Billy à Lannemezan, rédigea, le 7 décembre 2001, un certificat médical dans les termes suivants :

« Je soussignée, Docteur R. (...) atteste avoir eu connaissance en temps et en heure des événements du 21 mai et du 31 mai 2001 :

- 21 mai : Billy en conflit d’autorité avec un membre de l’équipe soignante prend ses draps et se met à essayer de les accrocher au-dessus de son lit, en alléguant qu’il allait se pendre dans un contexte de provocation et de chantage

- 31 mai : Billy a dérobé un flacon de C. qu’il a déclaré avoir absorbé. Dans le doute, il a été amené aux urgences pour y bénéficier des soins nécessaires. Il s’est avéré après coup que le flacon était vide et que le dosage sanguin réalisé était négatif à ce produit.

Ces deux actes sont à comprendre de troubles graves de la personnalité de ce jeune. Troubles qui comportent une intolérance à la frustration, une auto et une hétéro agressivité, de l’impulsivité et une mauvaise maîtrise pulsionnelle. »

93. Le 20 juin 2001, le dossier concernant les trois enfants fut transmis au juge des enfants de Moulins. Par ordonnance du 16 juillet 2001, le juge des enfants de Moulins prescrivait une mesure d’investigation et d’orientation éducative (IOE) afin notamment de faire un nouveau bilan de la situation des enfants, notamment de la relation mère-enfants.

94. Le 28 juin 2001 et suite à la réception d’une lettre de la requérante, le procureur de la République de Tarbes écrivit à l’avocate de Billy pour lui demander si elle avait des observations à formuler et si elle avait pu récemment rencontrer Billy.

95. En juillet 2001, l’avocate de Billy répondit au procureur en indiquant notamment :

« Je ne sais si des faits « criminels » sont commis sur mon jeune client. Toujours est-il que d’évidence, son état de santé ne fait qu’empirer dans cet établissement, ainsi qu’il ressort du courrier de Madame J., responsable près le Conseil général de l’Indre, qui m’a été transmis par les médias, et que l’on ne peut se satisfaire de laisser un jeune enfant dans un établissement de la sorte, alors que lorsque j’avais reçu les confidences des éducateurs de l’I.R. Sainte-Marie , ceux-ci m’avaient, officieusement, indiqué que Billy ne relevait pas à leur sens de l’hospitalisation mais d’une attention, d’une présence et d’une affectivité qui lui ont fait défaut depuis sa plus tendre enfance. Je crains qu’effectivement, malgré les propositions dont tant [la requérante] que moi-même avons saisi le magistrat pour enfants ou les services sociaux, afin de le sortir de cet établissement, si la situation de ce jeune enfant venait à s’aggraver, ceux-ci pourraient être mis en cause au plan pénal notamment pour non-assistance à personne en danger, et plan administratif, pour faute dans l’organisation du service et/ou pour faute lourde des services judiciaires.

(...)

A l’audience, Monsieur le Président faisait donner acte au Conseil Général de l’Indre de ce qu’il ne serait pas fait obstacle à ma rencontre avec ce jeune enfant, dans sa décision du 22 mars dernier. Dès le 2 avril, j’écrivais à M. le Directeur du CHS afin de savoir s’il m’était possible de rencontrer ce jeune enfant, ou si l’on pouvait me l’amener à mon Cabinet. Celui-ci me répondait par courrier du 6 avril que je pouvais rendre visite à Billy dans le service de pédopsychiatrie. J’apprenais par téléphone que mon jeune client était hospitalisé à Pau, sans avoir les coordonnées de l’établissement qui l’accueillait. Après moult recherches, il m’était indiqué que je pourrais voir mon client dès son retour à Lannemezan.

J’apprenais quelque temps plus tard ma grossesse et l’interdiction qui m’était faite de me transporter en véhicule. J’écrivais en conséquence à nouveau à M. le Directeur du CHS de Lannemezan en redemandant s’il était possible de véhiculer Billy jusqu’à mon Cabinet lorsqu’il aurait réintégré le CHS de Lannemezan. A ce jour, je n’ai eu aucune réponse de cet établissement.

Enfin, Madame le juge pour enfants de Châteauroux m’indiquait, par courrier du 10 mai 2001 avoir donné son autorisation à ma rencontre avec Billy.

En l’état donc, je vous confirme n’avoir pu rencontrer mon client. (...) »

96. Le 5 juillet 2001, la cour d’appel de Bourges, chambre spéciale des mineurs, rendit son arrêt sur l’appel formé contre l’ordonnance du 23 janvier 2001 (voir §§ 81-82 ci-dessus).

La cour releva notamment :

« Attendu, pour ce qui concerne les demandes de [la requérante], que les débats qui ont permis aux parents de s’exprimer et à la DPDS de faire état de l’évolution récente des enfants, mettent clairement en évidence tout à la fois :

- le comportement gravement perturbant de l’appelante dans une démarche de harcèlement systématique des divers organismes et personnes qui prennent en charge les enfants,

- la situation sérieusement perturbée de Billy L. sur le plan de son équilibre mental et sa grande souffrance,

- l’effet fortement négatif du rapprochement opéré au mois de janvier dernier entre [la requérante]et ses deux enfants,

- le caractère positif des placements actuels et du rapprochement opéré régulièrement entre le frère et la sœur,

Attendu que le placement de ceux-ci est la mesure adaptée actuellement à la situation et que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions (...) »

97. Le même jour, l’avocate de la requérante réitérait par courrier adressé au juge des enfants la demande de la requérante concernant les vacances de Fanny et son souhait de voir Billy quitter l’hôpital de Lannemezan.

98. Le 6 juillet 2001, le docteur R., praticien au service de pédopsychiatrie de l’hôpital de Lannemezan rédigea une note informative concernant Billy dans laquelle il précisait :

« Le trouble sévère de la personnalité du jeune Billy comporte des symptômes variés parmi lesquels de l’impulsivité, de l’agressivité, de temps à autre, des conduites auto-agressives (dont des actes. dangereux pour lui-même- et parfois des tentatives de suicide). Son traitement est modulé selon son état psychique.

Les propos de [la requérante] (sa mère) sont une interprétation au moins erronée de la réalité dans un sens, malveillant, diffamatoire et semblant nourri de sentiments de persécution. Les différents experts ayant eu à rencontrer Billy, dans, l’unité et qui auraient eu le devoir de signaler toute anomalie grave dans la prise en charge du jeune n’ont jamais remis en cause la qualité de la prise en charge.

La répétition des interventions de la maman auprès des différentes tutelles (administratives, judiciaires, etc.) constituent une réelle entrave aux soins créant un climat d’urgence permanente, de suspicion, d’activisme non lié à l’initiative de Billy et mettant en exergue les éléments les plus négatifs de la symptomatologie de ce jeune au détriment de ses tentatives de subjectivation.

Je me permets de rappeler que j’ai déjà signalé en tant de psychiatre traitant de Billy qu’il était important. que soient bien différenciés le médecin et l’avocat de la maman du médecin et de l’avocat de Billy.

Par ailleurs, nous faisons parvenir incessamment aux médecins qui l’ont sollicité de façon tout à fait régulière des éléments médicaux du dossier de Billy : Monsieur le Médecin Inspecteur Départemental des Hautes-Pyrénées et Monsieur le Médecin désigné par la maman, comme cela nous a été confirmé par la C.A D.A. »

99. Le 6 juillet 2001 également, le directeur de la prévention et du développement social de l’Indre adressa un courrier à la directrice de la protection de l’enfance dans les termes suivants :

« Lors de l’audience de la cour d’appel de Bourges du 21 juin 2001, l’avocate de [la requérante] a évoqué la lourdeur du dossier psychiatrique de M.G. (quatre années de pris en charge de psychiatrie) et a précisé que Billy avait révélé à sa mère avoir subi des agressions sexuelles de la part de M.G.

Les services de l’aide sociale à l’enfance de Tarbes sollicités antérieurement par mes services (14 mai et 20 juin 2001) pour mener des investigations psychologiques complémentaires dans le cadre de l’agrément estiment que ce type d’investigations paraîtrait davantage relever des attributions du Parquet.

Je sollicite, parallèlement à ce courrier, les services du département de la Haute-Garonne pour obtenir des éléments complémentaires concernant l’agrément de Mme G. et les écrits (et suites données) en leur possession relatifs aux accusations de [la requérante].

Je vous demande de bien vouloir m’adresser, par courrier, une note relative aux paroles recueillies auprès des deux enfants concernant les propos tenus par leur mère auprès de mes services. Pour mémoire, [la requérante] lors de son entretien du 16 mars 2001, a précisé ainsi que son mandataire, que Billy lui avait dit avoir été abusé sexuellement par M.G. et que l’ensemble des services Aide sociale à l’enfance et justice n’avaient rien fait. (...). »

100. Le 9 juillet 2001, le maire de Lannemezan répondait au courrier de la requérante en date du 14 juin précédent dans les termes suivants :

« J’ai bien reçu votre courrier en date du 14 juin 2001 de recours gracieux concernant l’hospitalisation de votre fils mineur au centre hospitalier de Lannemezan pour lequel je peux vous apporter les éléments suivants :

Tout d’abord, pour ce qui concerne le maintien de votre fils en hospitalisation au centre hospitalier de Lannemezan, je vous précise que :

- d’une part, la décision d’admission en établissement public de santé relève de la stricte compétence du Directeur de l’établissement après avis médical : ainsi votre fils a-t-il été admis par le Directeur des hôpitaux de Lannemezan sur la demande du service de l’aide sociale à l’enfance auprès duquel il a été placé et sur avis médical.

- et que d’autre part, le Président du tribunal de grande instance, que vous avez saisi, a confirmé à deux reprises (décisions du 23/11/2000 et du 30/03/2001) le maintien de votre fils en hospitalisation au centre hospitalier de Lannemezan qui doit bien évidemment se conformer aux décisions de justice.

Ensuite, pour ce qui concerne les modalités médicales de cette hospitalisation, je ne suis aucunement compétent pour me prononcer sur les éléments que vous portez à mon attention, qui sont couverts par le secret médical (...) ».

101. Le 12 juillet 2001, le président du tribunal administratif de Pau rendit une ordonnance d’incompétence suite à la demande de la requérante, en date du 10 juillet 2001, de voir désigner un expert pour examiner son fils et la renvoya à saisir le président du tribunal de grande instance de Pau. La requérante forma appel de cette décision le 20 juillet 2001. Le 17 octobre 2001, elle présenta son mémoire en réplique devant la cour administrative d’appel.

102. Le 18 juillet 2001, la requérante adressa au juge des affaires familiales de Moulins une demande de sortie immédiate pour son fils.

103. Le 20 juillet 2001, la requérante saisit le tribunal administratif de Pau d’une requête en plein contentieux contre l’hôpital de Lannemezan, demandant l’annulation d’un protocole d’accord produit aux débats par cet hôpital et tendant à régulariser les mises d’enfants en cellules d’adultes.

104. Le 25 juillet 2001, la requérante saisit le tribunal administratif de Pau d’une requête en excès de pouvoir contre le centre hospitalier de Pau, demandant l’annulation de la décision d’admission et de maintien prise par le directeur à l’égard de son fils en avril et mai 2001.

105. Le même jour, la requérante saisit cette même juridiction d’un recours visant à voir annuler les décisions d’admission et de maintien en hospitalisation de son fils à compter du 24 janvier 2001 (à temps partiel) et à compter du 15 mars 2001 (à temps plein).

106. Le même jour encore, le juge des enfants de Moulins ordonna une mesure d’investigation et d’orientation éducative afin d’apprécier la situation actuelle de la requérante et son état de santé mentale, d’évaluer la situation des deux enfants actuellement placés et le bien-fondé de leur lieu de placement et de vérifier suivant quelles modalités les rencontres entre la mère et les enfants pouvaient se réaliser.

107. Le 3 août 2001, la requérante déposa son mémoire en réplique à celui déposé le 20 juillet 2001 par la commune de Lannemezan. Le 30 septembre 2001, elle présenta un mémoire en duplique.

108. Le 7 août 2001, la DPDS de l’Indre écrivit un courrier à la requérante dans les termes suivants :

« J’ai l’honneur de vous informer que conformément à votre souhait, Billy va être transféré à compter du 9 août 2001 à l’Unité de soins du Docteur L. dans votre département.

Le service de protection de l’enfance de l’Indre reste gardien jusqu’à nouvelle décision du juge des enfants de Moulins.

En ce qui concerne les droits de visite et d’hébergement avec Billy, ils seront étudiés par mon service en fonction des observations et de l’évaluation de l’état de santé de Billy au sein de sa nouvelle unité de soins.

Vous avez également sollicité des droits d’hébergement sur Fanny. La fragilité de l’enfant au vu de son âge et du peu de relations qu’elle a entretenues avec vous ces derniers mois ne me permet pas de répondre favorablement à votre demande.

Par contre, je vous renouvelle ma proposition d’une visite médiatisée avec Fanny dans les Hautes-Pyrénées. Je vous rappelle que mon service couvrirait les frais inhérents à ce déplacement. (...) ».

109. Le 8 août 2001, le service d’action éducative en milieu ouvert, d’enquêtes sociales et d’investigation orientation éducative de Montluçon (Allier), ville de résidence de la requérante, lui envoya un courrier visant à organiser un rendez-vous pour effectuer une mesure d’investigation et d’orientation éducative au profit de ses trois enfants.

110. Le 13 août 2001, le juge des enfants de Moulins écrivit à la requérante en ces termes :

« J’ai lu avec attention votre courrier du 3 août.

Votre fils se trouve depuis hier au CHS d’Yzeure.

Votre droit de visite reste défini par l’Aide sociale à l’enfance de l’Indre et après avis du pédopsychiatre qui suit votre fils.

Concernant Fanny, les visites à domicile sont prématurées et ne pourront de toute manière avoir lieu qu’après réception de l’investigation et orientation éducative ordonnée. Dans cette attente, des visites médiatisées peuvent s’organiser à Lannemezan. Vous voudrez bien prendre attache avec l’aide sociale à l’enfance à cet effet.

Je vous informe enfin que je saisirai l’Aide sociale à l’enfance de l’Allier après le dépôt du rapport d’investigation et d’orientation éducative. (...) »

Suite à une lettre de la requérante lui demandant de changer les modalités des visites à Fanny, le juge confirma sa position par courrier du 17 août 2001.

111. Le 17 août 2001, la requérante adressa un recours gracieux préalable à la responsable du service de la protection de l’enfance de l’Indre en raison du fait que cette dernière avait envoyé le jour même une télécopie au service où Billy était hospitalisé pour interdire toute sortie avec sa mère pendant le week-end. Le 18 octobre 2001, elle introduisit un recours devant le tribunal administratif d’Orléans contre le rejet tacite de sa demande.

112. Le 20 août 2001, et suite aux événements ci-dessus relatés, l’avocate de la requérante adressa au juge des enfants de Moulins une requête urgente visant à ce qu’il juge que seul le Docteur L. ou tel praticien qu’il désignerait aurait compétence pour organiser les rencontres entre elle-même et son fils.

113. Par ordonnance du 21 août 2001, le juge d’instruction de Moulins faisant fonction de juge des enfants confirma les termes du courrier qui avait été adressé le 13 août précédent.

114. Le 23 août 2001, le directeur de la prévention et du développement social de l’Indre informa la requérante qu’elle bénéficierait dans un premier temps d’un droit de visite à son fils de une heure à huit heures par semaine sans découcher et selon l’état de santé de son fils évalué par le CHS d’Yzeure. Les modalités précises de ce droit devaient être déterminées par le Docteur L. et seraient réexaminées un mois plus tard en concertation avec ce médecin afin de déterminer la nécessité ou non de les modifier.

115. Dans des observations datées de fin novembre 2001, la requérante expose que la rencontre programmée dernièrement entre Billy et Fanny n’a pu avoir lieu faute d’accord sur le lieu de cette rencontre. Celle-ci devait finalement avoir lieu le 28 novembre à Cahors.

116. Elle ajoute qu’en réaction, Billy tenta d’étrangler une infirmière le 22 novembre et dut « être piqué ».

117. Toujours selon la requérante, le samedi 24 novembre, Billy ne voulut pas regagner l’hôpital à l’issue de sa visite hebdomadaire chez sa mère. Le directeur de l’hôpital aurait contacté le dimanche 25 au soir le substitut du procureur de permanence qui fit intervenir les forces de l’ordre pour ramener Billy à l’hôpital.

118. Par courrier du 2 décembre 2001, la requérante informa la Cour que Billy avait refusé de se rendre à Cahors en voiture le 28 novembre pour voir sa sœur Fanny.

119. Le 11 décembre 2001, une audience eut lieu devant le juge des enfants de Moulins. Le juge prit position en ces termes dans le jugement :

« Attendu que dans la mesure où [la requérante] est installée sur le secteur de Montluçon maintenant et fait preuve de stabilité, il y a lieu pour une meilleure gestion des relations mère-enfants, de décharger la DSD de l’Indre de sa mission et de désigner l’Aide sociale à l’enfance de l’Allier comme service gardien pour Billy et Fanny ;

Attendu que Billy est actuellement hospitalisé au sein du service de pédopsychiatrie du Docteur L., que ce dernier considère que compte tenu de la pathologie de Billy, l’hospitalisation doit se poursuivre mais qu’il est indiqué qu’en fonction de son état clinique il puisse régulièrement rencontrer sa maman ; que la mère de Billy sollicite également un droit de visite et d’hébergement régulier à l’audience, même si elle reconnaît que Billy la met régulièrement en difficulté et qu’il a besoin de soins, qu’il y a donc lieu d’octroyer à [la requérante] un droit de visite et d’hébergement hebdomadaire de 24 h maximum qui pourra être modulé par les thérapeutes du service de pédopsychiatrie en fonction de l’état de santé de Billy ;

Attendu que Billy demande à pouvoir être hébergé en famille d’accueil certaines fins de semaine du fait de sa relation difficile avec sa maman ; que le Docteur L. s’est engagé à l’audience à rechercher une famille d’accueil thérapeutique pour l’enfant en collaboration avec la maman qui sera tenue informée de l’évolution du projet ;

Attendu que Maître D. demande un élargissement des droits de visite dont dispose [la requérante] à l’égard de sa fille Fanny ; qu’il ne peut être fait droit à cette demande dans la mesure où il convient dans un premier temps que mère et fille puissent reprendre contact en douceur par le biais d’un droit de visite médiatisé ; qu’il convient en outre que cette rencontre puisse s’organiser au plus vite compte tenu des difficultés particulières inhérentes à l’éloignement géographique de Fanny ; qu’il appartient à [la requérante] de prendre contact au plus vite avec le service d’accueil et d’accompagnement de Montluçon afin d’envisager une solution satisfaisante pour la mère et l’enfant (...) »

Le juge prolongea par ailleurs le placement des deux enfants jusqu’au 23 janvier 2003.

2. Procédures concernant uniquement Fanny

120. Le 26 septembre 1995, la requérante mit au monde à Saint Gaudens (Haute-Garonne) son deuxième enfant, Fanny.

121. Par ordonnance du 22 novembre 1995, le procureur de la République, évoquant l’hospitalisation de la requérante en maison de repos et l’éventualité d’un placement d’office, confia Fanny à « l’accueil commingeois ».

122. Par ordonnance en date du 22 décembre 1995, la juge des enfants du tribunal de grande instance de Toulouse releva qu’il résultait des pièces du dossier et des débats que la requérante acceptait les soins qui lui étaient proposés et que le certificat médical soumis au procureur de la République avait été rédigé à titre préventif. Elle ajoutait que la requérante, dont l’histoire était douloureuse, avait traversé une importante période d’instabilité ayant conduit au placement de son premier enfant. Elle concluait qu’il était prématuré de mettre fin à l’accueil de Fanny. Elle la confia donc à la Direction de la Solidarité Départementale (D.S.D.) de la Haute-Garonne, en accordant un droit d’hébergement à la requérante et un droit de visite au père, ordonnant par ailleurs une enquête sociale sur la mère et donnant délégation au juge des enfants du tribunal de Châteauroux pour procéder à une enquête sociale sur le père.

123. Par jugement du 13 mai 1996, la juge des enfants statua sur le placement de Fanny.

Elle rappela les éléments mentionnés dans son ordonnance du 22 décembre 1995. Concernant l’état de santé de la requérante, elle releva que « de l’avis de ses médecins généralistes, de l’expert, de l’enquêtrice sociale et des représentants de la DSD, son état serait actuellement stabilisé. »

Elle ajouta toutefois :

« Cependant l’expert et l’enquêtrice sociale s’inquiètent de la banalisation par [la requérante] de ses difficultés psychologiques et de l’absence de suivi après chacune de ses hospitalisations.

Tous deux concluent au danger potentiel qu’elle représente pour ses enfants. Dans de telles conditions, il paraît délicat de lever purement et simplement le placement et de s’en remettre à une simple AEMO (assistance éducative en milieu ouvert), alors qu’aucune garantie d’un suivi psychiatrique n’a été donnée.

Néanmoins, il est aussi très difficile d’occulter la relation affective qui s’est créée entre cette mère et cet enfant au contraire du père. (...)

Selon la DSD la poursuite du placement à temps complet ne paraît pas être la réponse la plus adaptée à la situation.

Elle estime qu’ « un étayage de la prise en charge quotidienne de Fanny est encore nécessaire (accueil à la journée) » et qu’un suivi éducatif en milieu ouvert permettrait d’accompagner [la requérante].

Il y a donc lieu, en conséquence de poursuivre le placement en accordant les plus larges droits d’hébergement, de telle sorte que la DSD pourra mettre en place, elle-même, le projet éducatif qu’elle préconise à savoir, placement de jour, suivi éducatif, tout en veillant aux droits de Monsieur B. en organisant progressivement son droit d’hébergement.

Par ailleurs, seule la justification d’un suivi psychiatrique régulier et respecté permettra d’envisager ultérieurement la mainlevée du placement, sous réserve de l’évolution des relations père/fille. »

La juge confirma donc le placement de Fanny auprès de la DSD de la Haute-Garonne, pour un an.

124. Le 25 juin 1996, la requérante écrivit à la juge pour se plaindre de ce que la DSD refusait d’appliquer le jugement qui aurait impliqué le changement de famille d’accueil pour rapprocher sa fille de son domicile et de ce qu’elle n’avait pas sa fille avec elle.

125. Le 20 novembre 1996, la cour d’appel de Toulouse, chambre spéciale des mineurs, supprima le droit de d’hébergement du père de Fanny.

126. Par ordonnance du 14 novembre 1997, la juge, se référant à une ordonnance du 16 mai 1997 ayant décidé la mainlevée des dispositions octroyant à la requérante les plus larges droits d’hébergement, se référait à la dégradation des relations entre la mère et la famille d’accueil, qui était la même que celle de Billy.

Elle prorogea le placement de Fanny, décida de maintenir les visites médiatisées et demanda un bilan de personnalité de la mère.

127. Le 19 juin 1998, la cour d’appel de Toulouse statua sur l’appel formé par la requérante et la grand-mère contre l’ordonnance rendue le 14 novembre 1997 et ayant prorogé la mesure de placement de Fanny et demandé un bilan de personnalité de la mère.

La cour se référa en premier lieu à son arrêt du 15 mai 1998 concernant Billy, placé dans la même famille que Fanny. Elle releva qu’au moment où l’ordonnance avait été prise, les relations entre la requérante et la famille d’accueil étaient très conflictuelles, voire bloquées, que les droits de visite s’exerçaient avec difficulté et dans un climat de tension qui ne pouvait qu’être préjudiciable à l’enfant, et conclut que la prolongation du placement décidée par le juge s’imposait. La cour d’appel confirma donc l’ordonnance contestée.

128. Ayant obtenu l’assistance juridictionnelle pour se pourvoir contre cet arrêt, la requérante fit un pourvoi en cassation. Elle invoquait à l’appui le fait que la cour d’appel n’avait pas indiqué la durée de la mesure éducative, alors que l’article 375-3 du code civil prévoit que la mesure ne peut durer plus de deux ans et le fait que l’arrêt avait décidé que les visites médiatisées organisées par la Direction de la solidarité départementale seraient provisoirement maintenues. Par arrêt du 31 mai 2001, la Cour de cassation cassa partiellement cet arrêt en relevant que

« s’il a été nécessaire de placer l’enfant hors de chez ses parents, ceux-ci conservent un droit de visite dont le juge doit fixer les modalités.

Attendu que l’arrêt attaqué a ordonné la prorogation du placement de la mineure à la direction de la solidarité départementale de la Haute-Garonne et dit que les visites organisées par cet établissement seront maintenues ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs (...). »

La Cour renvoya l’affaire devant la cour d’appel de Toulouse, autrement composée.

129. Le 30 juin 1998, la juge des enfants rendit un jugement concernant le placement de Fanny. Elle releva notamment qu’ :

« il ne semble pas qu’il faille attendre une évolution favorable du comportement et de la personnalité de [la requérante] qui persiste dans le déni de ses troubles et de la nécessité de soins appropriés.

La poursuite du placement de Fanny, en ce qu’elle la protège de la pathologie mentale de la mère, est indispensable.

L’enfant trouve dans son actuelle famille d’accueil un entourage chaleureux, structurant et sécurisant qu’il faut préserver des manifestations intempestives, proches du harcèlement, de [la requérante].

Des visites peuvent être perturbantes quand [la requérante] est envahie par ses idées de persécution. Elles doivent donc être impérativement médiatisées par un élément le plus neutre possible. Le recours au « point rencontre » est souhaitable. »

Le jugement prévoyait la prise en charge des déplacements de la mère par la DSD de la Haute-Garonne et, face au refus de la mère de signer les autorisations administratives nécessaires (hospitalisations, opérations, etc.), autorisa la DSD à le faire.

130. Le 20 novembre 1998, la cour d’appel de Toulouse statua sur l’appel formé par la requérante contre le jugement du 30 juin 1998 concernant le placement de Fanny.

Dans son arrêt, la cour d’appel se référa tout d’abord à ses arrêts des 15 mai et 19 juin 1998. Elle releva ensuite que, d’après le rapport d’investigation et d’orientation éducative, le déséquilibre persistant de la requérante était avéré, l’entretien psychiatrique alertant sur sa personnalité vraisemblablement pathologique. Elle notait par ailleurs que ce rapport démontrait suffisamment la nécessité du maintien du placement de Fanny et le danger qui résulterait pour l’enfant d’y mettre fin d’une façon brutale. Elle conclut que les dispositions prises par le juge des enfants concernant le droit de visite de la requérante devaient être maintenues et que d’évidence il serait contraire à l’intérêt de Fanny de la changer de famille d’accueil alors qu’elle se trouvait dans une période de constitution de sa personnalité et trouvait chez les époux G. un entourage chaleureux et sécurisant. Le jugement contesté fut donc confirmé.

131. Le 15 décembre 1999, l’avocat de la requérante adressa un courrier à la juge des enfants. Il mentionnait que la DSD de la Haute-Garonne avait averti celle-ci par lettre de ce qu’une rencontre avec Fanny pourrait avoir lieu le samedi 18 décembre de 14h00 à 15h30 à Toulouse. Le conseil de la requérante rappelait que celle-ci avait un bébé de deux mois et habitait à plus de 400 km du point de rencontre, ce qui l’obligerait donc à faire plus de 800 km avec son bébé pour voir sa fille une heure et demie, alors qu’elle avait déjà transmis tous les éléments à l’appui d’une demande d’hébergement de sa fille pour les vacances de Noël. Il était par ailleurs précisé que la requérante se conformait au suivi thérapeutique qui lui avait été conseillé.

132. La fiche trimestrielle de relation avec la famille naturelle remplie par la famille d’accueil mentionne, pour le deuxième trimestre 2001, un appel téléphonique d’un quart d’heure passé le 13 juin 2001 par la requérante à Fanny.

133. A une date non précisée, l’avocate de la requérante écrivit au juge des enfants de Moulins pour demander que celle-ci soit autorisée à prendre Fanny pendant les mois de juillet et août 2001.

134. Le 17 septembre 2001, la requérante adressa un courrier au responsable du service de la protection de l’enfance de l’Indre, lui reprochant de ne pas organiser des rendez-vous téléphoniques réguliers avec Fanny. Elle rappela ce courrier par lettre du 27 septembre suivant.

135. Par courrier du 11 octobre 2001, la responsable en cause proposa à la requérante de contacter Fanny à la circonscription médico-sociale de Lannemezan les mercredis 17 octobre et 14 novembre 2001 entre 10h15 et 10h30. Elle l’informait également de ce que Billy pourrait joindre Fanny aux mêmes horaires. Le 19 octobre 2001, la requérante protesta par courrier contre cette limitation de ses contacts téléphoniques avec sa fille. Dans ses observations, la requérante précise avoir eu seulement deux entretiens téléphoniques de quinze minutes chacun avec Fanny.

136. Le 10 décembre 2001, le Docteur P.M., chef de service à l’hôpital de Lannemezan, adressa le courrier suivant à la requérante :

« J’ai bien reçu votre courrier adressé à Monsieur le Directeur des hôpitaux de Lannemezan où vous exprimez vos inquiétudes par rapport au suivi de votre fille Fanny B. par Madame le Docteur B.

Madame le Docteur B. a reçu votre fille Fanny en février 2001 à la demande du service d’aide sociale à l’enfance. Nous aurions dû nous assurer, auprès de ce service, de votre accord préalable.

L’indication de rencontres psychothérapiques régulières avec Madame le Docteur B. me paraît adéquate. Fanny a en effet besoin d’un lieu de parole qui l’aide à mieux comprendre son histoire.

Si vous vous opposez à ce suivi, nous pouvons accompagner Fanny vers un autre psychothérapeute. Cependant, je me permets d’évoquer les liens de confiance qui se sont instaurés entre Madame le Docteur B. et votre fille, liens qu’il serait préjudiciable de rompre trop vite. (..) . »

B. Le droit interne pertinent

Code civil

Article 375

« Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel.

Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale.

La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu’il s’agit d’une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée. »

Article 375-1

« Le juge des enfants est compétent, à charge d’appel, pour tout ce qui concerne l’assistance éducative.

Il doit toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée. »

Article 375-2

« Chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel. Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d’apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre. Cette personne ou ce service est chargé de suivre le développement de l’enfant et d’en faire rapport au juge périodiquement.

Le juge peut aussi subordonner le maintien de l’enfant dans son milieu à des obligations particulières, telles que celle de fréquenter régulièrement un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé, ou d’exercer une activité professionnelle. »

Article 375-3

S’il est nécessaire de retirer l’enfant de son milieu actuel, le juge peut décider de le confier :

1° A celui des père et mère qui n’avait pas l’exercice de l’autorité parentale ou chez lequel l’enfant n’avait pas sa résidence habituelle ;

2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

3° A un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé ;

Article 375-4

« Dans les cas spécifiés aux 1°, 2° et 3° de l’article précédent, le juge peut charger, soit une personne qualifiée, soit un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert d’apporter aide et conseil à la personne ou au service à qui l’enfant a été confié ainsi qu’à la famille et de suivre le développement de l’enfant.

Dans tous les cas, le juge peut assortir la remise de l’enfant des mêmes modalités que sous l’article 375-2, deuxième alinéa. Il peut aussi décider qu’il lui sera rendu compte périodiquement de la situation de l’enfant. »

Article 375-5

« A titre provisoire mais à charge d’appel, le juge peut, pendant l’instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d’accueil ou d’observation, soit prendre l’une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4.

En cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. »

Article 375-6

« Les décisions prises en matière d’assistance éducative peuvent être, à tout moment, modifiées ou rapportées par le juge qui les a rendues soit d’office, soit à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. »

Article 375-7

« Les père et mère dont l’enfant a donné lieu à une mesure d’assistance éducative, conservent sur lui leur autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables avec l’application de la mesure. Ils ne peuvent émanciper l’enfant sans autorisation du juge des enfants, tant que la mesure d’assistance éducative reçoit application.

S’il a été nécessaire de placer l’enfant hors de chez ses parents, ceux-ci conservent un droit de correspondance et un droit de visite. Le juge en fixe les modalités et peut même, si l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que l’exercice de ces droits, ou de l’un d’eux, sera provisoirement suspendu. Le juge peut indiquer que le lieu de placement de l’enfant doit être recherché afin de faciliter, autant que possible, l’exercice du droit de visite par le ou les parents. »

GRIEFS

1. La requérante allègue tout d’abord que son fils a subi des traitements contraires à l’article 3 lorsqu’il a été plaqué au sol, strangulé par des infirmiers, et mis en cellule en service d’adultes. Elle produit des photographies d’enfants attachés (§ 39) et s’interroge sur la manière dont ces enfants ont pu se procurer, dans un hôpital, des cordelettes et du ruban adhésif. Elle se plaint également du fait que son fils est maintenu en internat et en hôpital psychiatrique, faute de famille d’accueil, du fait qu’il n’a pas pu voir sa mère pendant un an et demi et notamment pendant quatre Noëls successifs. Elle ajoute que le fait que sa fille n’ait pas pu la voir pendant deux ans est également un traitement inhumain.

2. La requérante invoque la violation de l’article 5 § 1 e) de la Convention au nom de son fils. Elle estime que son placement en chambre forte, y compris dans des services d’adultes, a servi à pallier les insuffisances des organismes tant administratifs que judiciaires à organiser une communication convenable entre eux, qui aurait permis une prise en charge plus cohérente de Billy. Dans ses observations, elle ajoute qu’elle n’a pas été, conformément à l’article 5 § 2 de la Convention, informée dans le plus court délai des raisons de l’hospitalisation et de mise en cellule d’isolement de Billy. Sous l’angle de l’article 5 § 4, la requérante se plaint de ne pas avoir obtenu du président du tribunal de grande instance de Tarbes la désignation d’un expert indépendant et impartial n’ayant pas eu à traiter Billy précédemment. Elle allègue également que, bien que la bureau d’aide juridictionnelle de Riom ait été saisi le 17 mai 2001, il n’a pas encore fait en sorte de permettre à la requérante d’interjeter appel dans les formes voulues, l’appel sur ordonnance de référé supposant le ministère d’avoué.

3. La requérante se plaint de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle allègue n’avoir jamais pu accéder à son dossier et se réfère particulièrement à ce qui avait été relaté par son avocat dans un courrier du 8 juin 1995. Elle expose que, la DSD disposant quant à elle de l’intégralité du dossier, l’égalité des armes est rompue.

4. Elle invoque également l’article 6 § 1 de la Convention concernant le manque d’impartialité des juges. Elle expose ainsi que la juge des enfants de Toulouse, dans son ordonnance du 9 novembre 1999, mentionna les raisons de l’internement de Billy, alors qu’elle les ignorait. Elle lui reproche également de s’être dessaisie tardivement au profit du juge des enfants de Châteauroux, à qui elle reproche d’avoir repris tardivement les dossiers.

La requérante se plaint par ailleurs de ce que la juge des enfants de Toulouse a fixé des mesures éducatives sans en préciser la durée ou s’en est remise à l’organisme de placement pour définir le droit de visite (jugement du 14 novembre 1997). Elle ajoute que ce même magistrat a statué le 9 novembre 1999 sans la convoquer elle-même ou son conseil, et lui reproche enfin de n’avoir jamais cessé de mettre en cause sa santé mentale sans s’appuyer sur une expertise corroborant ses dires.

Elle se plaint encore d’avoir, à plusieurs reprises, relevé de magistrats mari et femme, à Tarbes en 1994 pour ce qui était du juge aux affaires familiales et de la juge des enfants, et en 1995 et actuellement à Châteauroux pour ce qui est du juge des tutelles et de la juge des enfants.

La requérante allègue enfin que la procédure de sortie immédiate diligentée le 2 novembre 2000 n’a pas été équitable dans la mesure où aucune copie des pièces du dossier n’a été communiquée à son avocat ou à elle-même, où il n’a pas été tenu compte de l’objection soulevée concernant l’expert désigné et où enfin les mauvais traitements infligés à Billy auraient été occultés dans l’ordonnance rendue.

5. La requérante estime que sa cause n’a pas été traitée dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

En ce qui concerne le jugement du 6 octobre 1994, la requérante fait observer qu’il est intervenu alors que la validité de l’ordonnance précédente expirait le 8 août 1994. Elle souligne encore que l’expert nommé le 13 avril 1999 ne déposa son rapport que le 17 juin 1999, que le juge attendit le 15 octobre suivant pour entendre Billy et statua le 9 novembre 1999.

6. La requérante allègue encore une atteinte au respect de sa vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention. Elle souligne que l’ingérence dans sa vie familiale est grave et disproportionnée et a eu des conséquences néfastes pour ses enfants, qu’elle a été deux ans sans avoir de nouvelles de Fanny et que la suppression de son droit de visite à Billy a conduit à la dégradation de l’état de celui-ci. Elle expose enfin que le fait qu’elle ait été systématiquement présentée par les magistrats comme souffrant d’une pathologie mentale, alors qu’elle n’a pas séjourné en hôpital psychiatrique depuis six ans, a porté atteinte à sa réputation.

7. Dans des observations présentées le 28 décembre 2001, la requérante conclut également à la violation de l’article 2 du Protocole N° 1 du fait que Billy serait déscolarisé depuis presque un an.

8. La requérante invoque enfin l’article 13 dans la mesure où elle prétend ne disposer d’aucun recours pour faire cesser les violations alléguées. Elle expose ainsi que tous les recours qu’elle a pu former se sont révélés vains et qu’elle ne disposait notamment d’aucun recours pour dessaisir des magistrats incompétents territorialement, pour les obliger à statuer dans des délais raisonnables, pour faire cesser les mauvais traitements infligés à son fils, ou pour faire cesser l’internement de son fils.

9. La requérante se plaint enfin de la durée de la procédure relative aux pourvois en cassation qu’elle a formés en juin 1998 et n’avaient pas encore été examinés au moment de l’introduction de la requête, ce qui est particulièrement déraisonnable puisque les mesures provisoires prises ne peuvent être valables que pour deux ans. Elle invoque l’article 6 § 1 et l’article 13.

EN DROIT

1. La requérante allègue tout d’abord que son fils a subi des traitements contraires à l’article 3 lorsqu’il a été plaqué au sol, strangulé par des infirmiers, et mis en cellule en service d’adultes. Elle produit des photographies d’enfants attachés (§ 39) et s’interroge sur la manière dont ces enfants ont pu se procurer, dans un hôpital, des cordelettes et du ruban adhésif. Elle se plaint encore du fait que son fils est maintenu en internat et en hôpital psychiatrique, faute de famille d’accueil, du fait qu’il n’a pas pu voir sa mère pendant un an et demi et notamment pendant quatre Noëls successifs. Elle ajoute que le fait que sa fille n’ait pas pu la voir pendant deux ans est également un traitement inhumain.

L’article 3 de la Convention dispose :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Pour ce qui est tout d’abord du grief de la requérante relatif au manque de contact entre elle-même et ses enfants, la Cour estime que ce grief doit être examiné sous l’angle de l’article 8 de la Convention.

Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité tirée du défaut d’épuisement des voies de recours internes. Il expose que la requérante ne justifie pas avoir déposé une plainte avec constitution de partie civile ou avoir engagé une action en responsabilité devant les juridictions administratives.

Sur le fond, le Gouvernement expose que l’équipe soignante et éducative s’est rendu compte, à l’issue d’un travail avec les enfants, qu’il s’était agi d’un jeu entre eux et qu’aucune souffrance n’avait été infligée. Les objets détournés de leur usage normal avaient été confisqués.

La requérante conteste cette thèse et indique qu’elle a déposé une plainte simple pour laquelle elle n’a jamais reçu d’avis de classement.

Sur le fond, la requérante ne conteste pas qu’il ait pu s’agir d’un jeu entre les enfants hospitalisés, ce que Billy a confirmé. Elle indique toutefois que, précédemment, les enfants avaient utilisé ces cordelettes pour attacher toutes les portes du service et que, plus tard, ils s’étaient attachés avec des draps.

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes. A cet égard, elle souligne que tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l’occasion que l’article 35 § 1 a pour finalité de ménager en principe aux Etats contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre lui (arrêt Cardot c. France du 19 mars 1991, série A n° 200, p. 19, § 36).

En l’espèce, la Cour relève que la requérante a mentionné certains de ses arguments relatifs aux conditions de l’internement de son fils lors de sa demande de sortie immédiate en date du 2 novembre 2000 et dans sa demande d’indemnisation adressée au tribunal administratif de Pau le 12 avril 2001 (voir § 86 ci-dessus), d’où il résulte que les autorités judiciaires ont été averties d’un éventuel problème. Certes, elle n’a exercé aucun recours visant spécifiquement à faire reconnaître les violations de la Convention qu’elle soumet à la Cour aujourd’hui et à en obtenir réparation (Laidin c. France (déc.), n° 43191/98, 24 août 1999, non publiée). Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, la Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer sur ce point, la requête étant en tout état de cause irrecevable pour d’autres motifs.

La Cour relève, tout d’abord, en ce qui concerne les photographies, que la requérante admet que celles-ci ont été prises à l’occasion d’un jeu entre les enfants hospitalisés. Il est aussi établi que le personnel du service ne se trouvait pas impliqué dans ces jeux mais est au contraire intervenu pour y mettre fin. Quant à la circonstance que les enfants se sont procuré de la cordelette et du papier adhésif pour jouer, la Cour estime que ce sont là des faits qui n’atteignent en aucune manière le seuil de gravité requis pour l’article 3 de la Convention.

Pour ce qui est des autres faits dénoncés par la requérante, la Cour relève qu’ils ne sont étayés par aucun élément du dossier.

Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. La requérante invoque la violation de l’article 5 § 1 e) de la Convention au nom de son fils. Elle estime que son placement en chambre forte, y compris dans des services d’adultes, a servi à pallier les insuffisances des organismes tant administratifs que judiciaires à organiser une communication convenable entre eux, qui aurait permis une prise en charge plus cohérente de Billy. Dans ses observations, elle ajoute qu’elle n’a pas été, conformément à l’article 5 § 2 de la Convention, informée dans le plus court délai des raisons de l’hospitalisation et de mise en cellule d’isolement de Billy. Sous l’angle de l’article 5 § 4, la requérante se plaint de ne pas avoir obtenu du président du tribunal de grande instance de Tarbes la désignation d’un expert indépendant et impartial n’ayant pas eu à traiter Billy précédemment. Elle allègue également que, bien que le bureau d’aide juridictionnelle de Riom ait été saisi le 17 mai 2001, il n’a pas encore fait en sorte de lui permettre d’interjeter appel dans les formes voulues, l’appel sur ordonnance de référé supposant le ministère d’avoué.

L’article 5 de la Convention se lit comme suit dans ses parties pertinentes :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;

(...)

2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.

4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.»

Pour ce qui est de l’internement du fils de la requérante, le Gouvernement fait observer d’emblée qu’elle n’a pas épuisé les voies de recours internes puisqu’elle n’a pas fait appel des ordonnances rejetant ses demandes de sortie immédiate les 23 novembre 2000 et 30 mars 2001.

Sur le fond, il expose que la base légale du placement de Billy est l’article 375-3 et 4 du Code civil qui permet de confier un enfant à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui est alors habilité à prendre toute mesure nécessaire à sa protection et à son éducation.

La requérante rappelle qu’elle a demandé à deux reprises l’aide juridictionnelle pour faire appel des ordonnances des 23 novembre 2000 et 30 mars 2001, cette aide lui ayant été attribuée par des décisions du 15 juin 2001. Elle ajoute qu’aucun avoué n’a été nommé mais qu’elle doit être considérée comme ayant épuisé les voies de recours internes.

Sur le fond, elle conteste que son fils ait relevé d’une hospitalisation psychiatrique puisqu’il vivait en internat scolaire en semaine.

La Cour rappelle, comme l’a fait le Tribunal des conflits dans son arrêt du 17 février 1997, que le droit français prévoit deux types de recours pour apprécier la régularité d’un internement psychiatrique : un recours devant le juge judiciaire pour évaluer le bien-fondé de la mesure d’internement et accorder réparation en cas d’internement injustifié et un recours devant le juge administratif pour apprécier la régularité externe des décisions administratives d’internement et réparer les éventuelles fautes de l’administration.

En l’espèce, la Cour relève que la requérante n’a introduit aucune action devant le juge judiciaire pour contester le bien-fondé de l’internement de son fils et demander d’éventuels dommages-intérêts. Elle observe à cet égard que l’action en sortie immédiate devant le président du tribunal de grande instance (article L. 351 du Code de la santé publique) n’a pas pour objet d’apprécier la nécessité de la décision initiale d’internement, mais de déterminer si la personne internée doit ou non être libérée, au vu de son état au jour de la saisine du juge (R. R. c. France (déc.), n° 33395/96, 19 juin 2001 ; D.M. c. France (déc.), n° 41376/98, 26 juin 2001 et Laidin c. France (déc.), n° 43191/96, 8 janvier 2002, non publiées).

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non épuisement des voies de recours internes conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Pour ce qui est du grief de la requérante tiré de l’article 5 § 2 de la Convention, la Cour relève également que la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes.

Elle constate en effet que la requérante n’a pas saisi les juridictions administratives du grief qu’elle soulève devant la Cour, alors que celles-ci étaient compétentes pour statuer sur un éventuel manquement aux prescriptions de l’article 5 § 2 de la Convention (décisions R.R., D.M et Laidin précitées).

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit aussi être rejetée pour non épuisement des voies de recours internes conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Pour ce qui est du grief de la requérante au titre de l’article 5 § 4 et tiré du fait que l’expert qui a examiné son fils en novembre 2000 ( voir §§ 60 et 61 ci-dessus) n’était pas indépendant et impartial car il l’avait déjà examiné lorsqu’il avait 3 ou 4 ans, la Cour relève tout d’abord que ce n’est pas la requérante elle-même mais le groupe information asiles qui a demandé au président du tribunal le remplacement de l’expert pour ce motif.

Par ailleurs, la Cour n’aperçoit pas en quoi le fait que l’expert psychiatre avait déjà été amené à examiner Billy plusieurs années auparavant aurait pu porter atteinte à son impartialité ou à son indépendance.

Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

La requérante se plaint encore, sous l’angle de l’article 5 § 4, de ce que le bureau d’aide juridictionnelle de Riom, saisi le 17 mai 2001, n’a pas fait en sorte de lui permettre d’interjeter appel dans les formes voulues, l’appel sur ordonnance de référé supposant le ministère d’avoué.

La Cour relève d’emblée que, saisi le 22 mai 2001 de deux demandes d’aide juridictionnelle de la requérante, le bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Riom lui accorda cette aide par deux décisions en date du 15 juin 2001.

Elle note encore que, dans la décision même d’attribution de l’assistance juridictionnelle, un avocat était désigné pour représenter la requérante. Il ne ressort par ailleurs pas du dossier que celle-ci avait demandé la désignation d’un avoué.

Dans ces conditions, la Cour ne relève aucune apparence de violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. La requérante se plaint encore de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle allègue n’avoir jamais pu accéder à son dossier et se réfère particulièrement à ce qui avait été relaté par son avocat dans un courrier du 8 juin 1995. Elle expose que, la DSD disposant quant à elle de l’intégralité du dossier, l’égalité des armes est rompue.

L’article 6 § 1 se lit notamment :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

La Cour relève d’emblée que la requérante se réfère à une seule démarche faite par un de ses conseils en juin 1995 pour avoir accès à son dossier. Outre le fait que l’incident auquel elle se réfère est fort ancien, la Cour relève que la requérante ne précise nullement ce qui s’est passé à ce propos dans la poursuite des multiples procédures ultérieures qu’elle a menées sans que ce point soit jamais soulevé par elle-même ou son avocat.

Aucun élément de l’abondant dossier présenté par la requérante à la Cour ne laisse par ailleurs supposer que celle-ci n’a pas pu avoir accès à son dossier ou à ses dossiers devant les juridictions internes.

Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

4. La requérante invoque également l’article 6 § 1 de la Convention concernant le manque d’impartialité des juges. Elle expose ainsi que la juge des enfants de Toulouse, dans son ordonnance du 9 novembre 1999, mentionna les raisons de l’internement de Billy, alors qu’elle les ignorait. Elle lui reproche également de s’être dessaisie tardivement au profit du juge des enfants de Châteauroux, à qui elle reproche d’avoir repris tardivement les dossiers.

La requérante se plaint par ailleurs de ce que la juge des enfants de Toulouse a fixé des mesures éducatives sans en préciser la durée ou s’en est remise à l’organisme de placement pour définir le droit de visite (jugement du 14 novembre 1997). Elle ajoute que ce même magistrat a statué le 9 novembre 1999 sans la convoquer elle-même ou son conseil, et lui reproche enfin de n’avoir jamais cessé de mettre en cause sa santé mentale sans s’appuyer sur une expertise corroborant ses dires.

Elle se plaint encore d’avoir, à plusieurs reprises, relevé de magistrats mari et femme, à Tarbes en 1994 pour ce qui était du juge aux affaires familiales et de la juge des enfants, et en 1995 et actuellement à Châteauroux pour ce qui est du juge des tutelles et de la juge des enfants.

La requérante allègue enfin que la procédure de sortie immédiate diligentée le 2 novembre 2000 n’a pas été équitable car aucune copie des pièces du dossier n’a été communiquée à son avocat ou à elle-même, il n’a pas été tenu compte de l’objection soulevée concernant l’expert désigné et les mauvais traitements infligés à Billy auraient été occultés dans l’ordonnance rendue.

La Cour constate en premier lieu que les faits motivant les griefs de la requérante relatifs à la décision du 14 novembre 1997 et au fait que les juges s’occupant de ses dossiers à Tarbes en 1994 et à Châteauroux en 1995 étaient mari et femme sont antérieurs plus de six mois à l’introduction de la requête le 28 janvier 2000.

Il s’ensuit que ces griefs sont tardifs et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Pour ce qui est par ailleurs des griefs de la requérante relatifs à l’ordonnance du 9 novembre 1999, la Cour relève qu’il ne ressort pas du dossier que la requérante ait formé un pourvoi en cassation articulant ces moyens contre l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse ayant confirmé cette ordonnance.

De même, il ne ressort pas du dossier que la requérante se soit plainte du fait que les magistrats juge des tutelles et juge des enfants à Châteauroux sont mari et femme.

Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

En ce qui concerne enfin le fait que la procédure de sortie immédiate ayant fait l’objet de l’ordonnance du 23 novembre 2000 n’aurait pas été équitable, la Cour relève que la requérante a fait appel de cette ordonnance le 27 novembre 2000 et qu’elle a obtenu l’aide juridictionnelle totale le 15 juin 2001.

Dès lors, cette partie de la requête est prématurée, la requérante n’ayant pas encore épuisé les voies de recours internes.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

5. La requérante estime encore que sa cause n’a pas été traitée dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

a) En ce qui concerne le jugement du 6 octobre 1994, la requérante fait observer qu’il est intervenu alors que la validité de l’ordonnance précédente expirait le 8 août 1994.

La Cour relève d’emblée que les griefs présentés contre le jugement du 6 octobre 1994 l’ont été hors du délai de six mois prévu par l’article 35 de la Convention.

Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

b) La requérante expose encore que l’expert nommé le 13 avril 1999 ne déposa son rapport que le 17 juin 1999, que le juge attendit le 15 octobre suivant pour entendre Billy et statua le 9 novembre 1999.

A titre principal, le Gouvernement plaide que la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. Selon lui, elle aurait dû saisir les juridictions françaises d’une action en responsabilité dirigée contre l’État et fondée sur l’article L 781-1 du Code de l’organisation judiciaire. Il se réfère à l’arrêt Gauthier de la cour d’appel de Paris en date du 20 janvier 1999, qui a indemnisé le requérant pour une durée excessive de procédure et souligne que cet arrêt a été suivi par plusieurs autres arrêts ou jugements, faisant ainsi jurisprudence.

La requérante conteste qu’il s’agisse d’un recours efficace.

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes. A cet égard, elle souligne que tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l’occasion que l’article 35 § 1 a pour finalité de ménager en principe aux États contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre lui (arrêt Cardot précité). Néanmoins, les dispositions de l’article 35 de la Convention ne prescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues. (voir notamment les arrêts Vernillo c. France du 20 février 1991, série A n° 198, pp. 11–12, § 27 ; Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil 1998I, pp. 8788, § 38).

S’agissant de délais de procédure, la Cour a relevé qu’un examen du droit et de la jurisprudence internes pertinents révélait l’existence d’un recours en indemnisation pour les victimes d’une durée excessive de procédure, fondé sur l’article L 781-1 du code de l’organisation judiciaire, dont il est désormais fait un usage de plus en plus fréquent, les juridictions compétentes appliquant souvent la disposition précitée en se référant à l’article 6 § 1 de la Convention (Giummarra et Plouzeau c. France (déc.), n° 61166/00, 12 juin 2001).

En l’espèce et en ce qui concerne la procédure qui s’est achevée par l’ordonnance de la juge des enfants du 9 novembre 1999, la Cour relève que la requérante n’a pas fait usage de ce recours, alors qu’elle ne pouvait ignorer, à la date d’introduction de sa requête, le 28 janvier 2000, la possibilité d’obtenir indemnisation d’une durée excessive de procédure par un recours fondé sur l’article L 781-1. Les voies de recours internes n’ont donc pas été épuisées comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.

6. La requérante allègue encore une atteinte au respect de sa vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention. Elle souligne que l’ingérence dans sa vie familiale est grave et disproportionnée et a eu des conséquences néfastes pour ses enfants, qu’elle a été deux ans sans avoir de nouvelles de Fanny et que la suppression de son droit de visite à Billy a conduit à la dégradation de l’état de celui-ci. Elle expose enfin que le fait qu’elle ait été systématiquement présentée par les magistrats comme souffrant d’une pathologie mentale, alors qu’elle n’a pas séjourné en hôpital psychiatrique depuis six ans, a porté atteinte à sa réputation.

L’article 8 se lit comme suit dans sa partie pertinente :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...)

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

a) Pour ce qui est tout d’abord de la réputation de la requérante, et à supposer même que le droit à la réputation rentre dans le champ d’application de la Convention, la Cour relève que les magistrats en cause devaient se prononcer sur le placement éventuel des enfants de la requérante et sur les droits de visite et d’hébergement éventuels. Pour ce faire, ils ont la plupart du temps examiné, entre autres, des certificats médicaux concernant un ou des membres de la famille ainsi que des rapports des services sociaux.

L’état de santé de la requérante étant un élément important à prendre en considération pour le placement éventuel de ses enfants, il était inévitable que des renseignements à ce sujet figurent dans certains des jugements ou ordonnances, faute de quoi ceux-ci auraient risqué de manquer de motivation.

La Cour relève encore que les juridictions internes n’ont mentionné, de manière généralement brève, l’état de santé de la requérante qu’en tant qu’il était déterminant pour la décision à prendre.

En outre, les jugements et ordonnances concernés n’étaient pas, par essence, des documents à large diffusion.

Dès lors, la Cour estime que l’atteinte qui a pu être portée à la réputation de la requérante était justifiée dans les circonstances de l’espèce.

Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

b) Pour ce qui est de l’atteinte portée à la vie privée et familiale de la requérante du fait des mesures de placement et de limitation du droit de visite, le gouvernement fait observer à titre liminaire que la requérante n’a pas formé de pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse le 5 mai 2000, qui avait pourtant confirmé la décision du juge des enfants de suspendre son droit de visite sur son fils.

De même, s’agissant de Fanny, le Gouvernement souligne que si la requérante a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 20 novembre 1998, qui confirmait la suppression de son droit d’hébergement de sa fille, elle n’a jamais produit, dans le cadre de cette instance, de mémoire contenant l’exposé de ses moyens de cassation.

Il relève par ailleurs que, dans le cadre de ses pourvois exercés contre les arrêts de la cour d’appel de Toulouse les 15 mai et 19 juin 1998, la requérante n’a invoqué, ni formellement ni en substance l’article 8 de la Convention.

Le Gouvernement en conclut que la requérante n’a pas exercé utilement tous les recours dont elle disposait en droit interne pour contester les décisions concernant ses enfants.

Quant au fond du grief, le Gouvernement reconnaît que les décisions de placement de Billy et Fanny et de réglementation du droit de visite et d’hébergement constituent des ingérences dans le droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante.

Il expose toutefois que ces ingérences reposent sur une base légale (articles 375, 375-3 et 375-7 du Code civil), qu’elles poursuivent un but légitime qui est celui de protéger les mineurs, et qu’elles sont nécessaires en vertu du principe de la primauté de l’intérêt de l’enfant par rapport à celui de l’un de ses parents.

La requérante conteste cette prise de position. Elle estime qu’elle a utilisé toutes les voies de recours qu’elle avait à sa disposition pour mettre fin à l’ingérence dans sa vie familiale. Sur le fond, elle estime que ces ingérences ne se justifiaient pas et que les mesures prises étaient en tout état de cause disproportionnées au but poursuivi.

La Cour rappelle que la finalité de l’article 35 § 1 de la Convention est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (voir, par exemple, les arrêts Hentrich c. France du 22 septembre 1994, série A n° 296-A, p. 18, § 33, Remli c. France du 23 avril 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, p. 571, § 33). Néanmoins, les dispositions de l’article 35 § 1 ne prescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude, non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’Etat défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir notamment les arrêts Vernillo et Dalia précités).

La Cour souligne qu’elle doit appliquer cette règle en tenant dûment compte du contexte. Elle a ainsi reconnu que l’article 35 § 1 doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif (arrêt Cardot précité). Elle a de plus admis que la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause (arrêt Van Oosterwijck c. Belgique du 6 novembre 1980, p. 18, § 35). Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste, non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique de la Partie contractante concernée, mais également [notamment] du contexte juridique (...) dans lequel ils se situent (...) (voir mutatis mutandis arrêt Akdivar et autres c. Turquie du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1211, § 69 et Baumann c. France n° 33592/96, § 40, CEDH 2001-V).

La Cour relève qu’en l’espèce, la requérante a exercé de très nombreux recours dont le but était précisément de contester les décisions de justice organisant le placement de ses enfants ou réglementant son droit de visite et/ou d’hébergement. La substance de ses actions était donc la recherche du rétablissement de la vie familiale.

Dès lors, même si la requérante n’a pas explicitement invoqué l’article 8 de la Convention, la Cour estime que l’exercice même de ces recours était de nature à permettre aux différentes juridictions saisies de remédier à la violation alléguée du droit au respect de la vie familiale de la requérante.

Il s’ensuit que l’exception de non épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement ne peut être retenue.

Par ailleurs, la Cour estime que cette partie de la requête pose de sérieuses questions de fait et de droit qui nécessitent un examen au fond. Dès lors, elle ne saurait être déclarée manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

7. Dans des observations présentées le 28 décembre 2001, la requérante conclut également à la violation de l’article 2 du Protocole N° 1 du fait que Billy serait déscolarisé depuis presque un an.

Cet article dispose :

« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »

La Cour relève en premier lieu que la requérante ne précise nullement à quelle date son fils aurait été déscolarisé.

Elle constate qu’il ressort du rapport fait le 9 mai 2001 par le directeur de la prévention et du développement social de l’Indre au juge des enfants de Châteauroux (voir § 87 ci-dessus) qu’à cette date Billy était encore scolarisé et interne à l’institut de rééducation de Lourdes. Il ne ressort pas du dossier fourni à la Cour que Billy ait été scolarisé ultérieurement.

La Cour ne mésestime pas l’importance du droit à l’éducation consacré par l’article 2 du Protocole N°1.

Elle relève toutefois que, dans le rapport de l’assistante sociale de l’ASE du 28 mai 2001, plusieurs actes d’auto-agression sont mentionnés (voir § 88 ci-dessus). De même dans son courrier du 20 juin 2001 à la requérante, le directeur de la DPDS indique que Billy n’a pas pu regagner l’institut de rééducation car il est trop perturbé, a commis une tentative de pendaison et a absorbé des neuroleptiques(voir § 92 ci-dessus). Un médecin du service de pédopsychiatrie où séjournait Billy précise dans une note du 6 juillet 2001 que celui-ci souffre de trouble sévère de la personnalité comportant des symptômes variés parmi lesquels de l’impulsivité, de l’agressivité, de temps à autre, des conduites auto-agressives (dont des actes dangereux pour lui-même et parfois des tentatives de suicide).

Dans son jugement du 11 décembre 2001, le juge des enfants de Moulins releva que le médecin responsable du service où séjournait Billy considérait que compte tenu de la pathologie de ce dernier l’hospitalisation devait se poursuivre (voir § 119 ci-dessus).

La Cour constate qu’il ressort de ces différents documents que la déscolarisation de Billy a découlé de la nécessité de le placer dans un hôpital psychiatrique à plein temps compte tenu de la dégradation de son état de santé.

La Cour est d’avis que la santé physique et mentale d’un adolescent prime sans conteste sur son droit à l’instruction.

Dans ces conditions, la Cour n’aperçoit aucune violation de l’article 2 du Protocole N° 1.

Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

8. La requérante invoque encore l’article 13 dans la mesure où elle prétend ne disposer d’aucun recours pour faire cesser les violations alléguées. Elle expose ainsi que tous les recours qu’elle a pu exercer se sont révélés vains et qu’elle ne disposait notamment d’aucun recours pour dessaisir des magistrats incompétents territorialement, pour les obliger à statuer dans des délais raisonnables, pour faire cesser les mauvais traitements infligés à son fils, ou pour faire cesser l’internement de son fils.

La Cour rappelle, en premier lieu, que pour le grief qu’elle a examiné sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention, cette disposition doit être considérée comme lex specialis et que l’article 13 ne trouve donc pas à s’appliquer. Elle relève par ailleurs que les griefs tirés de la violation des articles 3,5 §§ 1 et 2, 6 § 1 (accès au dossier, égalité des armes, manque d’impartialité des juges, dessaisissement tardif, magistrats maris et femmes, délai raisonnable pour les procédures achevées en octobre 1994 et en novembre 1999), et de l’article 2 du Protocole N° 1 sont irrecevables. Elle rappelle que le droit reconnu par l’article 13 de la Convention ne peut être exercé que pour un grief défendable (voir notamment N° 10427/83, déc. 12.05.1986, D.R. 47, p. 85 et Laidin c. France (déc.), n° 43191/98, 24 août 1999, non publiée).

Pour ce qui est de l’article 8 de la Convention, la Cour note que la requérante avait de nombreux recours à sa disposition et qu’elle les a exercés, comme cela ressort des faits exposés ci-dessus.

La Cour rappelle sur ce point que le terme "recours" n’implique pas qu’un requérant doive obtenir satisfaction, mais qu’il ait la possibilité de faire examiner son grief par une instance nationale qui soit en mesure d’en examiner le bien-fondé.

Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

9. La requérante souligne enfin que les pourvois en cassation qu’elle a formés en juin 1998 n’avaient pas encore été examinés au moment de l’introduction de la requête, ce qui est particulièrement déraisonnable puisque les mesures provisoires prises ne peuvent être valables que pour deux ans. Elle invoque les articles 6 § 1 et 13 de la Convention.

Pour ce qui est des pourvois en cassation déposés par la requérante respectivement le 23 juillet 1998 contre l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 15 mai 1998 (§§ 28 et 29 ci-dessus) et contre l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 19 juin 1998 (§§ 126 et 127 ci-dessus), la Cour constate que la Cour de cassation s’est prononcée par deux arrêts du 31 mai 2001, soit après l’introduction de la requête devant la Cour.

A titre principal, le Gouvernement plaide que la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. Selon lui, elle aurait dû saisir les juridictions françaises d’une action en responsabilité dirigée contre l’Etat et fondée sur l’article L 781-1 du Code de l’organisation judiciaire.

La requérante conteste qu’il s’agisse là d’un recours efficace.

La Cour rappelle que l’examen de l’efficacité de ce recours est pendant devant la Grande Chambre. Dès lors, elle estime qu’il y a lieu d’ajourner l’examen de ce grief.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief de la requérant concernant la durée de l’examen de ses pourvois en cassation formés en juin 1998 ;

Déclare recevable, tous moyens de fond réservés, le grief de la requérante tiré de l’atteinte portée au respect de sa vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Erik Fribergh Christos Rozakis
Greffier Président