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TROISIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 58364/00
présentée par Edgar LÜCK
contre l’Allemagne
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 13 juin 2002 en une chambre composée de
MM. I. Cabral Barreto, président,
G. Ress,
L. Caflisch,
P. Kūris,
R. Türmen,
B. Zupančič,
K. Traja, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 25 février 2000,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, Edgar Lück, est un ressortissant allemand, né en 1954 et résidant à Cologne. Il est représenté devant la Cour par Me Georg Rixe, avocat à Bielefeld.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est le père naturel de sa fille Lea, née le 24 mars 1989. Lors de la naissance de celle-ci, la mère était mariée à son mari. Elle l’est toujours.
A partir de mars 1991, la mère de l’enfant commença à limiter les contacts entre celle-ci et le requérant qui existaient jusqu’alors dont l’intensité et la fréquence exactes n’ont cependant pu être établies ni devant les tribunaux nationaux, ni devant la Cour. Depuis mars 1993, la mère de l’enfant et son mari interdisent tout contact. Le requérant a néanmoins eu de contacts avec sa fille par la suite.
Le 9 juin 1993, le requérant demanda au tribunal d’instance (Amtsgericht) de Cologne d’obliger les parents de l’enfant à lui accorder un droit de visite.
Le 9 septembre 1993, le tribunal d’instance entendit le requérant et les parents de l’enfant.
Le 14 octobre 1993, l’Office de la jeunesse (Jugendamt) de Cologne donna son avis que le tribunal d’instance communiqua aux parties pour observations. L’Office de la jeunesse considéra que sa participation n’était pas nécessaire aux termes de la loi car il n’y avait aucun lien juridique entre le requérant et l’enfant, étant donné que les parents légaux n’entendaient pas contester la légitimité de celui-ci. Du reste, il estima notamment que les parents, investis de l’autorité parentale, étaient en droit de réglementer, voire même interdire le contact de leur fille avec des tiers. Le refus de la mère de l’enfant, en accord avec son mari, de permettre au requérant de voir l’enfant ne portait pas atteinte au bien-être de l’enfant ni ne constituait un abus de l’autorité parentale.
Par une lettre du 4 novembre 1993, le requérant mit en cause l’avis de l’Office de la jeunesse et demanda l’établissement d’un rapport d’expert psychologique sur la question de savoir si le refus du droit de visite nuirait au bien-être de l’enfant.
Le 25 janvier 1994, le tribunal d’instance rejeta la demande. Il releva notamment que la loi ne prévoyait pas un tel droit de visite car l’enfant était considéré comme étant né du mariage de la mère avec son mari. Partant, même si le requérant était le père biologique de l’enfant, il n’existait pas de lien juridique entre les deux. N’étant pas le père naturel d’un enfant né hors mariage, le requérant ne pouvait pas non plus se prévaloir de l’article 1711 du code civil (voir Droit interne pertinent ci-dessous). La seule voie qui lui était ouverte en droit allemand, aux termes de l’article 1666 du code civil (voir Droit interne pertinent ci-dessous), était de prouver que les parents de l’enfant abusaient de leurs droits parentaux. Le tribunal conclut que tel n’était pas le cas, et ce même si l’on considérait comme vraies les allégations du requérant selon lesquelles il avait eu de nombreux contacts avec sa fille depuis sa naissance jusqu’en mars 1991. La décision des parents de restreindre, puis d’interdire tout contact du requérant avec l’enfant ne revêtait aucun caractère abusif, même si des considérations personnelles des parents à l’égard du requérant avaient vraisemblablement influé sur leur décision, mais étaient l’expression de l’autonomie des parents de décider quelles personnes l’enfant pouvait côtoyer (Umgangsbestimmungsrecht).
Le tribunal d’instance releva en outre que dans la période à prendre en considération, l’enfant avait entre deux et cinq ans, un âge où un enfant trouve sa propre identité dans sa famille. Pendant cette période, il était important pour l’enfant de ressentir un solide ancrage dans la famille et de l’affirmer pour le futur. La confrontation avec d’autres personnes, notamment celles entrant en compétition avec les personnes de référence de l’enfant, pouvait causer des problèmes chez celui-ci. En l’espèce, l’enfant se voyait confronté à deux pères, d’autant que le requérant avait manifesté son intention de participer (activement) au développement de sa fille. Le tribunal estima que s’il n’y avait pas de raisons pertinentes, il fallait éviter que l’enfant fût exposé à de tels problèmes d’identification, au moins pour le moment. Compte tenu du fait que le requérant avait réussi à voir sa fille en dépit de l’interdiction prononcée par les parents, le tribunal ordonna en outre au requérant de s’abstenir de toute rencontre, voire fortuite avec sa fille, notamment de s’attarder près du domicile de celle-ci.
Le 10 octobre 1994, le requérant recourut contre la décision. Six jours plus tard, il motiva son recours et demanda l’établissement d’un rapport d’expert.
Le 25 octobre 1994, le tribunal d’instance décida de ne pas remédier au recours du requérant et présenta le dossier au tribunal régional (Landgericht) de Cologne. Il estima notamment que la décision entreprise visait le bien-être de l’enfant en ce qu’elle permettait à celui-ci de s’intégrer dans sa famille légale sans être exposé à des problèmes d’identification. Il ajouta qu’au vu de l’âge de l’enfant, l’établissement d’un rapport d’expert n’était pas nécessaire pour le moment, mais le serait ultérieurement.
Dans ses observations du 18 janvier 1995 en réponse à la décision du tribunal d’instance de ne pas remédier à sa décision du 25 janvier 1994, le requérant réitéra sa demande quant à l’établissement d’une expertise.
Le 5 septembre 1995, sans tenir d’audience, le tribunal régional confirma la décision du tribunal d’instance du 25 janvier 1994. L’article 1711 § 2 du code civil ne concernait que les pères naturels d’enfants nés hors mariage et ne s’appliquait dès lors pas en l’espèce. A l’instar de la juridiction inférieure, le tribunal régional trouva que les parents de l’enfant n’abusaient pas de leur autorité parentale. Quant aux conséquences prétendument nocives du refus du droit de visite, le tribunal releva que les observations du requérant se limitaient à des considérations générales sans avoir trait au cas d’espèce. Il était certes vrai qu’un enfant, dès sa naissance, établit des relations avec toutes les personnes qu’il côtoie de façon régulière. On ne pouvait cependant en déduire que l’interdiction de contacts imposés par les parents de l’enfant s’analysait en un abus de l’autorité parentale. Le tribunal souligna le fait que l’enfant, sa mère et le mari de celle-ci étaient devenus une famille complète. Le droit de visite sollicité ne permettrait pas au requérant d’aider la mère à éduquer l’enfant, mais avait pour conséquence de s’ingérer dans la vie d’une famille déjà existante et d’y porter atteinte. Le requérant n’ayant pas apporté la preuve que le comportement des parents de l’enfant étaient nocif pour le bien-être de l’enfant, le tribunal considéra que l’établissement d’un rapport d’expert ne s’imposait pas.
Le tribunal régional examina l’affaire aussi à la lumière de l’article 8 de la Convention et mit en relief l’importance primordiale du bien-être de l’enfant intéressé qu’avaient soulignée la Cour et la Commission européennes des Droits de l’Homme dans de tels cas. Il ajouta que pour le moment, il n’y avait lieu ni d’entendre l’enfant personnellement ni de demander l’avis d’un expert, ce qui pourrait cependant s’avérer nécessaire ultérieurement.
Le 11 avril 1996, le requérant recourut contre la décision du tribunal régional de Cologne. Il motiva son recours le 7 mai 1996.
Le 14 juin 1996, la cour d’appel (Oberlandesgericht) de Cologne rejeta le recours du requérant contre la décision du tribunal régional comme étant irrecevable. Elle releva que le requérant ne saurait bénéficier de plus de recours qu’un père naturel demandant un droit de visite à son enfant auquel l’article 63 a de la loi sur la procédure gracieuse (Gesetz über Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit, - voir Droit interne pertinent ci-dessous) n’accordait qu’un recours auprès du tribunal régional. Elle conclut que malgré des doutes quant à la constitutionnalité de cette disposition en ce qu’elle règle le droit de visite à un enfant né hors mariage différemment de celui à un enfant né du mariage, elle maintenait son avis que la disposition était encore conforme à la Loi fondamentale.
Le 15 juillet 1996, le requérant introduisit un recours constitutionnel auprès de la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht). Par une lettre du 29 juillet 1996, celle-ci accusa réception du recours du requérant.
Le 22 janvier 1999, le requérant demanda à la Cour constitutionnelle fédérale où elle en était son recours. Par la suite, une référendaire à la Cour constitutionnelle fédérale informa l’avocat du requérant, lors d’une conversation téléphonique, qu’il était question de demander l’avis d’un certain nombre d’institutions au sujet du recours constitutionnel.
Par une lettre du 28 novembre 2000, la Cour constitutionnelle fédérale informa le requérant de sa décision de porter le recours constitutionnel à la connaissance au gouvernement fédéral, au gouvernement de Rhénanie du Nord-Westphalie, au président de la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) et à un certain nombre d’institutions et associations pour lesquelles l’objet du recours revêtait un intérêt.
Par des lettres des 1er mars et 3 juillet 2001, la Cour constitutionnelle fédérale transmit pour information au requérant les avis d’un certain nombre d’associations auxquelles le recours constitutionnel avait été communiqué.
B. Le droit interne pertinent
Les dispositions légales concernant les droits de garde et de visite sont contenues dans le code civil (Bürgerliches Gesetzbuch) allemand. Elles ont été amendées à plusieurs reprises et nombre d’entre elles ont été abrogées avec l’adoption de la nouvelle législation en matière familiale (Reform zum Kindschaftsrecht) du 16 décembre 1997 (Journal officiel –Bundesgesetzblatt-BGBl 1997, p. 2942), entrée en vigueur le 1er juillet 1998.
1. Dispositions du code civil en vigueur à l’époque des faits
a. L’article 1591 § 1 du code civil disposait notamment qu’un enfant était né du mariage si la femme l’avait conçu avant ou pendant le mariage et si l’homme avait vécu avec sa femme pendant la période de la conception.
Les articles 1593 et suivants disposaient à cet égard que l’illégitimité d’un enfant né du mariage ne pouvait être invoquée que si la légitimité était contestée et que l’illégitimité était établie de manière définitive par une décision judiciaire passée en force de chose jugée. Le droit de contester la légitimité d’un enfant n’était réservé qu’au mari de la mère ainsi qu’en certains cas à l’enfant.
b. L’article 1626 § 1 seconde phrase dispose que l’autorité parentale comprend la garde (Personensorge) et l’administration des biens (Vermögenssorge). Selon l’article 1632 § 2, la garde comprend le droit des parents de décider quelles personnes l’enfant peut côtoyer.
c. L’article 1666 § 1 du code civil dispose notamment que si les parents mettent en péril le bien-être de l’enfant en abusant de leurs droits parentaux, le tribunal des tutelles peut ordonner des mesures nécessaires si les parents n’entendent pas écarter le danger ou s’avèrent inaptes à le faire.
d. L’article 1711 du code civil prévoyait entre autres que la personne exerçant le droit de garde fixait les modalités du droit de visite du père naturel à l’égard de l’enfant né hors mariage. S’il était dans l’intérêt de l’enfant d’entretenir des contacts personnels avec son père, le tribunal des tutelles pouvait décider que le père avait droit à de tels contacts.
e. L’article 1634 § 1 du code civil disposait notamment que le parent qui n’exerçait pas l’autorité parentale garde avait le droit d’entretenir des contacts personnels avec l’enfant né dans le mariage.
2. Dispositions du code civil actuellement en vigueur
a. L’article 1685, dans sa version depuis le 1er juillet 1998, dispose que les grand-parents et les sœurs et frères ont un droit de visite à l’enfant lorsque cela est bénéfique au bien-être de celui-ci. Il en va de même pour l’époux ou l’ancien époux du parent qui a vécu un certain temps avec l’enfant, et pour les personnes chez lesquelles l’enfant a été accueilli pendant un certain temps.
b. En vertu de l’article 1600, la mère de l’enfant est désormais aussi habilitée à contester la légitimité de l’enfant.
3. Dispositions de la loi sur la procédure gracieuse
a. L’article 50 b de la loi sur la procédure gracieuse (Gesetz über Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit), prévoit que, dans une procédure portant sur la garde ou l’administration des biens, le tribunal entend l’enfant personnellement lorsque ses désirs, ses liens affectifs ou sa volonté sont à prendre en compte dans la décision à rendre ou si cela s’avère nécessaire pour établir les faits.
b. L’article 63 a, à l’époque des faits, excluait un second recours lorsqu’il s’agissait de procédures ayant pour objet le droit de visite d’un père à son enfant né hors mariage.
Cette disposition a été abrogée par la nouvelle législation en matière familiale.
4. La loi sur l’organisation judiciaire
L’article 173 de la loi sur l’organisation judiciaire (Gerichts-verfassungsgesetz) dispose que le prononcé d’un jugement ou d’un arrêt doit être public.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint des décisions des tribunaux allemands de ne pas lui attribuer un droit de visite à sa fille. Il se plaint aussi de ce que les tribunaux allemands n’ont ni entendu sa fille, ni demandé l’avis d’un expert sur la question de savoir si un droit de visite du requérant serait bénéfique ou nocif au bien-être de l’enfant. En outre, il fait état de l’absence d’audience publique devant le tribunal régional de Cologne. Il invoque les articles 6 § 1 et 8 de la Convention.
2. Le requérant fait valoir qu’en vertu de l’article 1666 du code civil, certaines personnes proches d’un enfant pouvaient obtenir un droit de visite si les parents mettaient en péril le bien-être de l’enfant en abusant de leurs droits parentaux, alors que cela n’était pas possible pour le père biologique d’un enfant considéré comme étant né du mariage. Il soutient que la même discrimination s’opère aux termes de l’article 1685 du code civil, dans sa version depuis le 1er juillet 1998.
Le requérant se plaint en outre du fait qu’un père naturel d’un enfant né hors mariage ou un père divorcé d’un enfant né du mariage pouvait obtenir un droit de visite en vertu des (anciens) articles 1634 § 1 et 1711 § 2 du code civil, même si la mère de l’enfant s’était mariée de nouveau ou vivait avec un nouveau partenaire. Il invoque les articles 8 et 14 combinés de la Convention.
3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant affirme que sa cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable.
4. Le requérant soutient en outre qu’il n’a pas eu accès à un tribunal en ce que la cour d’appel de Cologne ne lui a pas reconnu un recours contre la décision du tribunal régional de Cologne, alors que d’autres personnes proches de l’enfant auraient eu, le cas échéant, la possibilité d’aller jusqu’à la cour d’appel. Il invoque les articles 6 § 1, 8 et 14 de la Convention.
5. Le requérant soutient enfin que les décisions du tribunal d’instance et du tribunal régional de Cologne de ne pas prononcer leurs décisions publiquement mais de les signifier aux parties par écrit sont contraires à l’article 6 § 1 de la Convention. A cet égard, il considère discriminatoire le fait qu’une décision judiciaire, rendue dans le cadre d’une procédure de divorce portant sur le droit de visite des époux aux enfants, doit être prononcée en public, conformément à l’article 173 de la loi sur l’organisation judiciaire (voir Droit interne pertinent ci-dessus).
EN DROIT
1. Le requérant se plaint du refus des juridictions allemandes de lui attribuer un droit de visite à sa fille. Il se plaint aussi de l’absence d’une audience publique devant le tribunal régional de Cologne et celle d’un rapport d’expert pour évaluer les conséquences sur le bien-être de l’enfant d’un droit de visite du requérant ou bien du refus d’un tel droit. Il fait en outre état de ce que les tribunaux n’ont pas entendu sa fille. Il invoque les articles 6 § 1 et 8 de la Convention dont les parties pertinentes se lisent comme suit :
Article 6
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 8
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...)
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Le Gouvernement note qu’il n’y pas lieu de décider si les décisions litigieuses s’analysent en une ingérence dans le droit du requérant au respect de la vie familiale ou à celui de la vie privée car elles sont de toute façon justifiées aux termes de l’article 8 § 2 de la Convention. Il rappelle la grande marge d’appréciation dont disposent les États contractants en la matière pouvant aller jusqu’à interdire tout contact avec l’enfant, comme la Cour l’a relevé dans son arrêt Rieme c. Suède du 22 avril 1992, et le fait qu’il incombe en premier lieu au juge national de réglementer les questions de garde et de visite. En l’espèce, le Gouvernement souligne que l’enfant était considéré comme étant né du mariage de sa mère et du mari de celle-ci et que c’était à eux d’exercer l’autorité parentale, y compris le droit de réglementer le contact de l’enfant avec des tiers, conformément à l’article 1632 § 2 du code civil (voir Droit pertinent ci-dessus). Ce principe a du reste été maintenu même après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation en matière familiale. En outre, ni en vertu des dispositions de la loi en vigueur à l’époque des faits, ni aux termes de la nouvelle législation, le père biologique n’avait la possibilité de contester la paternité de l’enfant considéré comme étant né du mariage, ce droit ayant uniquement été réservé au père légal de l’enfant et à celui-ci, et désormais aussi à la mère. Selon le Gouvernement, le législateur avait par là tranché sans équivoque en faveur du bien-être prépondérant de l’enfant dans la mesure où il était plus bénéfique pour celui-ci de grandir dans une famille unie existante que d’être confronté à deux pères concurrents. L’intérêt d’un père biologique d’entretenir des contacts avec son enfant devait céder dans de tels cas. Cette situation est différente de celle d’un enfant né hors mariage qui n’est pas confronté à deux pères si bien que le droit de visite peut être soumis à des réglementations différentes. Le Gouvernement souligne qu’en cas d’abus de l’autorité parentale par les parents, les tribunaux pouvaient arrêter des mesures appropriées en vertu de l’article 1666 du code civil. Quant à l’appréciation de l’affaire par les autorités nationales en l’espèce, le Gouvernement soutient que les décisions étaient exclusivement orientées au bien-être de l’enfant qui revêt un caractère primordial. Les tribunaux ont soigneusement pesé les intérêts en jeu et tenu notamment compte du fait que l’enfant vivait dans la famille de sa mère et son mari depuis 1992.
En ce qui concerne le refus des tribunaux de mandater un expert, le Gouvernement rappelle que l’appréciation des preuves et l’interprétation du droit national relèvent au premier chef de la compétence du juge national. En l’espèce, un rapport d’expert ne se serait avéré nécessaire que s’il y avait eu un risque d’abus des droits parentaux par les parents de l’enfant, ce qui ne fut cependant pas le cas même si l’on appréciait les faits sur la base des observations du requérant, comme l’avait fait le tribunal régional. Contrairement à l’affaire Elsholz c. Allemagne, il n’existait pas une recommandation de l’Office de la jeunesse d’établir une expertise en l’occurrence.
Le requérant réplique que les tribunaux n’ont pas recherché ce que commandait le bien-être de l’enfant, mais se sont principalement concentrés sur la question de savoir si un droit de visite du requérant porterait atteinte aux droits parentaux de ses parents. Il met notamment en cause l’absence d’examen et de motivation des décisions litigieuses quant à la question de savoir si et dans quelle mesure l’existence de deux pères porterait atteinte au bien-être de l’enfant en l’espèce. Le raisonnement des tribunaux se limite à des considérations d’ordre général et revient à une exclusion de principe du droit de visite d’un père biologique à son enfant considéré légitime. L’article 1666 du code civil, si jamais un droit de visite au requérant avait pu être accordé à ce titre, concernait des situations exceptionnelles dans lesquelles certaines personnes autres que les parents pouvaient être investies d’un droit de visite à l’enfant ; en raison de ce caractère exceptionnel, cette disposition ne pouvait remédier à l’absence générale de possibilité d’accorder un droit de visite au requérant. Le requérant rappelle qu’il a vécu avec sa fille pendant trois ans et demi et souligne qu’il ne cherche pas à contester la paternité de l’enfant, mais souhaite seulement le voir.
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
2. Le requérant se plaint d’un traitement discriminatoire du fait qu’en vertu des dispositions du code civil tant de l’ancienne loi (article 1666) que de la nouvelle loi (article 1685), certaines personnes proches d’un enfant pouvaient obtenir un droit de visite si les parents mettaient en péril le bien-être de l’enfant en abusant de leurs droits parentaux, alors que cela n’était pas possible pour le père biologique d’un enfant considéré comme étant né du mariage. Il considère en outre discriminatoire le fait que le père d’un enfant né hors mariage ou un père divorcé d’un enfant né du mariage obtenait en règle générale un droit de visite à son enfant même si la mère de celui-ci s’était remariée ou vivait avec un nouveau partenaire. Il invoque les articles 8 et 14 combinés de la Convention. Ce dernier est ainsi libellé :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
a) La Cour relève d’emblée que les décisions judiciaires litigieuses ont été rendues avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, le 1er juillet 1998, et n’ont de ce fait pas pu se fonder sur l’article 1685 du code civil dans sa nouvelle version. Le requérant fait certes valoir que cette disposition exclut un droit de visite d’un père biologique d’un enfant considéré comme étant né du mariage en ce qu’elle ne le mentionne pas, contrairement à d’autres groupes de personnes proches. La Cour considère cependant que cela ne saurait suffire pour reconnaître au requérant la qualité de victime à défaut de décisions prises à son encontre en vertu de la disposition mise en question. Elle rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se prononcer in abstracto sur une législation (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, p. 279, § 67).
Il s’ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
b) En ce qui concerne l’ancien article 1666 du code civil, le Gouvernement soutient que cette disposition permettait aux tribunaux, si les parents abusaient de leur autorité parentale, d’ordonner des mesures nécessaires pour empêcher qu’il soit porté atteinte au bien-être de l’enfant. Une telle mesure pouvait consister à investir des personnes proches de l’enfant en question d’un droit de visite sans qu’il en découlât un droit de visite général pour ces personnes. Le Gouvernement souligne qu’en principe, un droit de visite aurait pu être attribué au requérant. S’il ne l’a pas obtenu en l’espèce, ce n’était pas en raison de son statut de père biologique, mais parce que les tribunaux n’avaient relevé aucun abus de la part des parents de l’enfant.
Le requérant rétorque notamment que selon la jurisprudence des juridictions internes, il était en règle générale dans l’intérêt de l’enfant de garder des liens avec des personnes qui lui étaient proches. Or, dans son cas, les tribunaux ont motivé leur refus par le fait que le droit de visite sollicité s’analyserait en une ingérence non désirée dans la vie d’une famille intacte. D’une manière discriminatoire, les tribunaux n’ont pas appliqué leur jurisprudence à son égard en méconnaissant que le droit de visite qu’il sollicitait était, lui aussi, dans l’intérêt de l’enfant.
La Cour note que ni le tribunal d’instance ni le tribunal régional n’ont refusé au requérant un droit de visite au motif que l’article 1666 du code civil ne prévoyait pas un tel cas, mais ont considéré que les conditions pour l’octroi d’un tel droit de visite exceptionnel n’étaient pas réunies en l’absence d’un quelconque abus de l’autorité parentale de la part de la mère de l’enfant et de son mari, l’interdiction de contacts étant l’expression de l’autonomie des parents de décider quelles personnes l’enfant pouvait côtoyer. Elle considère, partant, que le raisonnement des tribunaux n’était pas entaché de considérations discriminatoires.
Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
c) Pour ce qui est de la prétendue discrimination entre le requérant et un père naturel d’un enfant né hors mariage, le Gouvernement objecte qu’il s’agit là de deux situations bien distinctes qui justifiaient un traitement différent. Contrairement à un enfant né hors mariage, l’enfant du requérant est en effet confronté à l’existence simultanée d’un père biologique et d’un père légal. Pour éviter à l’enfant ce conflit, la loi allemande a opté pour une présomption de paternité du mari de la mère de l’enfant ayant pour conséquence que le père biologique n’a aux yeux de la loi aucun lien juridique avec l’enfant, et ce dans le souci de protéger la famille déjà existante dans laquelle l’enfant devait pouvoir grandir. La nouvelle législation a par ailleurs maintenu cette approche du problème.
Le requérant soutient que dans les deux cas, l’enfant en question se voit confronté à un père biologique et à un père social sans que la jurisprudence des juridictions civiles ait estimé nécessaire d’interdire les contacts de l’enfant à son père.
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.
Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
3. Le requérant soutient que la durée de la procédure ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention dont les parties pertinentes se lisent ainsi :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Le Gouvernement combat cette thèse. Quant à la durée devant les juridictions civiles, il souligne que le requérant a mis sept et onze mois avant de recourir contre la décision du tribunal d’instance et du tribunal régional de Cologne respectivement. Ces laps de temps ne pouvant être pris en compte, la durée s’élève donc à 21 mois pour trois instances, ce qui ne peut nullement prêter à critique. Pour ce qui est de la durée devant la Cour constitutionnelle fédérale, le Gouvernement fait notamment valoir la complexité particulière de la matière soulevée par le recours constitutionnel du requérant. De plus, au moment de l’introduction du recours en 1996, le législateur avait d’ores et déjà entamé la procédure législative qui abouta à de nouvelles dispositions en droit de la famille, entrées en vigueur le 1er juillet 1998. Par la suite, un temps d’attente s’imposait à la Cour constitutionnelle fédérale pour savoir si et dans quelle mesure les juridictions civiles appliqueraient les nouvelles dispositions en faveur du requérant, rendant le recours constitutionnel de celui-ci sans objet en raison de son caractère subsidiaire. Par ailleurs, d’autres recours constitutionnels ont été dirigés contre certaines dispositions de la nouvelle législation que la Cour constitutionnelle fédérale a jugé utile de joindre au recours du requérant, ce qui a retardé la procédure. Le Gouvernement relève en outre que le recours constitutionnel du requérant, qui du reste est traité par une chambre (Senat) de huit juges et non par un comité de trois juges, a été communiqué pour observations à différents ministères, institutions et associations et que la Cour constitutionnel fédérale va bientôt rendre sa décision. Il fait aussi état de que le juge rapporteur chargé de cette affaire était tombée malade et est décédée en janvier 1999. Il est vrai que les États contractants sont tenus d’organiser leur système judiciaire de manière à permettre de répondre aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention. Cependant, eu égard au rôle particulier que revêt la Cour constitutionnelle fédérale dans le système judiciaire et constitutionnel, un juge à cette juridiction ne peut être rapidement remplacé, comme cela est possible dans les autres juridictions.
Le requérant souligne d’emblée qu’il s’agit d’une procédure en matière de droit de la famille qui aurait demandé une célérité particulière. Pour ce qui est de la durée devant les juridictions civiles, il note que le tribunal d’instance n’aurait pas eu besoin de trois mois et demi après l’audience avant de rendre sa décision s’il avait demandé plus tôt à l’Office de la jeunesse de donner son avis. La durée devant le tribunal régional était trop longue compte tenu du fait que celui-ci n’avait pas tenu d’audience. Le temps que le requérant a mis avant de recourir contre les décisions rendues s’explique par la nécessité de trouver un nouvel avocat et le besoin d’étudier le dossier. En ce qui concerne la durée devant la Cour constitutionnelle fédérale, le requérant rétorque que l’affaire, même si elle portait sur un problème qui n’avait pas encore été l’objet d’une décision judiciaire, ne revêtait pas une complexité particulière, étant donné qu’un droit de visite du requérant découle de l’article 8 de la Convention. En outre, il conteste la nécessité pour la Cour constitutionnelle fédérale d’attendre l’entrée en vigueur de la nouvelle législation et le résultat de son application par les juridictions civiles car il était prévisible dès décembre 1997 que le requérant, dans sa position particulière, n’allait obtenir un droit de visite ni par la nouvelle loi, ni par son application faite par les juridictions civiles. Le requérant estime que la Cour constitutionnelle fédérale n’aurait pas dû attendre jusqu’au 28 novembre 2000 avant de communiquer le recours constitutionnel aux institutions et associations concernées. Quant à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale de joindre son recours constitutionnel à d’autres recours dirigés contre la nouvelle législation, provoquant par là de nouveaux retards, le requérant objecte que les recours en question ne portent pas sur le problème soulevé par son recours, mais sur la question de savoir si le principe en vertu duquel l’autorité parentale commune ne peut être accordée sans le consentement de la mère de l’enfant, enfreint la Loi fondamentale (Grundgesetz). Le requérant considère enfin que la maladie et le décès du juge chargé de son recours n’étaient pas à l’origine des retards survenus, étant donné que, d’une part, d’autres raisons ont été présentées par le Gouvernement, et que, d’autre part, il existe des plans de remplacement à la Cour constitutionnelle fédérale en cas d’absence ou de maladie d’un juge.
La Cour estime, à la lumière des critères dégagés par sa jurisprudence en matière de « délai raisonnable », et compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, que ce grief doit faire l’objet d’un examen au fond.
4. Le requérant se plaint de l’absence d’un recours contre la décision du tribunal régional auprès de la cour d’appel de Cologne. Il soutient que cette disposition opère une discrimination non fondée, d’une part, entre les pères légitimes et les pères naturels dans leur relation avec leurs enfants et, d’autre part, entre le requérant dans sa position de père biologique d’un enfant considéré légitime et d’autres personnes proches auxquelles un droit de visite pouvait être accordé en vertu de l’article 1666 du code civil dans certains cas. En outre, il reproche à la cour d’appel d’avoir fait une application par analogie à son détriment non prévue de l’article 63a de la loi sur la procédure gracieuse. Il invoque les articles 6 § 1, 8 et 14 de la Convention.
Le Gouvernement soutient notamment que l’impossibilité pour le requérant de saisir la cour d’appel d’un recours à l’époque des faits relevait de la différence de traitement des pères légitime et naturel, en vertu de l’ancien article 63 a de la loi sur la procédure gracieuse. Seulement les pères légitimes avaient à leur disposition un deuxième recours. Il estime qu’il s’agit là d’une différence de traitement qui a été opérée pendant longtemps à l’encontre des pères naturels et qui était le reflet d’un regard général de la société. Le Gouvernement souligne que cette différence de traitement a été supprimée à la suite d’une évolution d’attitudes face à ce phénomène, mais que ce changement ne saurait pour autant dévaloriser les décisions prises en vertu de l’ancienne législation. Il rappelle par ailleurs que la cour d’appel de Cologne a appliqué la disposition litigieuse au requérant mutatis mutandis au motif que celui-ci ne pouvait bénéficier de plus de recours qu’un père naturel dans une situation analogue.
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
5. Le requérant se plaint en outre de ce que les décisions des juridictions civiles n’ont pas été prononcées publiquement mais ont été notifiées par écrit aux parties. Il estime ce procédé contraire au principe du procès équitable prévu à l’article 6 § 1 de la Convention dont la partie pertinente se lit comme suit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »
Le Gouvernement objecte que la notification aux parties des décisions litigieuses, par ailleurs prévue par la loi, était en conformité avec la Convention. D’une part, les décisions rendues en droit de la famille sont ainsi portées à la connaissance des parties tout en protégeant leur doit au respect de la vie privée. D’autre part, la publicité de la procédure est assurée par l’accès au texte des décisions et au dossier de toute personne faisant preuve d’un intérêt légitime. A cet égard, le Gouvernement souligne qu’il importe peu que les décisions en question aient été rendues en première, deuxième ou dernière instance.
Le requérant réplique notamment que si l’article 6 § 1 de la Convention permet d’interdire l’accès au public pendant un procès, il en exempte le prononcé du jugement. Il existerait d’autres moyens pour protéger la sphère privée des parties, tel l’établissement de versions anonymes des décisions rendues par les tribunaux.
La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle il convient, dans chaque cas, d’apprécier à la lumière des particularités de la procédure dont il s’agit, et en fonction du but et de l’objet de l’article 6 § 1, la forme de publicité du "jugement" prévue par le droit interne de l’État en cause (voir dernièrement G. et P. c. Royaume-Uni, n°s 36337/97 et 35974/97, CEDH 2001-..., § 45, et Lamanna c. Autriche, n° 28923/95, 10 juillet 2001, §§ 30-32). Elle rappelle aussi que la simple possibilité d’accéder à un dossier judiciaire ne saurait à elle seule remédier à l’absence de prononcé public dans tous les cas (arrêts Szücs et Werner c. Autriche du 24 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, p. 2481, § 43, et p. 2512, § 55 respectivement, et Asan Rushiti c. Autriche, n° 28389/95, 21 mars 2000, § 22).
En l’occurrence, la Cour note qu’il s’agit d’une procédure en droit de la famille portant sur le droit de visite du requérant à son enfant. Elle relève aussi que quiconque justifie d’un intérêt légitime peut consulter les dossiers ou obtenir une copie des décisions rendues auprès du greffe des tribunaux concernés, qu’il s’agisse d’une juridiction de première, de deuxième ou de dernière instance.
Au vu de ce qui précède et compte tenu tout particulièrement de la nature de la procédure litigieuse en l’espèce, la Cour considère qu’une interprétation littéraire des mots « rendu publiquement » ne s’avère pas nécessaire aux fins d’assurer la publicité de la procédure (Niederböster c. Allemagne (déc.), n° 39547/98, 28 février 2002, G. et P. c. Rouyaume-Uni, précité, §§ 47-79, Petersen c. Allemagne (déc.), 31178/96, 6 décembre 2001, et K.S. c. Rouyaume-Uni (déc.), n° 45035/98, 25 septembre 2001).
Quant au grief tiré de l’article 6 § 1 combiné avec l’article 14 de la Convention, la Cour note que l’article 173 de la loi sur l’organisation judiciaire (Gerichtsverfassunsgesetz - voir le Droit interne pertinent ci‑dessus) ne fait aucune distinction entre père naturel et père légitime. Un prononcé public n’est obligatoire que lorsqu’il s’agit d’un jugement ou arrêt (Urteil pour les deux termes). Une décision concernant l’attribution du droit de visite d’un père légitime n’est prononcée en public que si elle est rendue dans le cadre d’un jugement prononçant le divorce des époux où elle figure comme décision annexe. La Cour considère que l’on ne saurait en déduire un traitement discriminatoire au sens de l’article 14 de la Convention du requérant en tant que père biologique, celui-ci ne pouvant naturellement pas être partie à une procédure de divorce.
Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés comme manifestement mal fondés, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à la majorité,
Déclare recevable, tous moyens de fond réservés, les griefs du requérant tirés du refus des juridictions de lui accorder un droit de visite, du traitement prétendument discriminatoire opéré à son encontre par rapport à d’autres pères, de la durée de la procédure et du défaut d’accès à un tribunal ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Vincent Berger Ireneu Cabral Barreto
Greffier Président