Přehled
Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 64915/01
présentée par Gérard CHAUVY et autres
contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 7 mai 2002 en une chambre composée de
MM. A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
Gaukur Jörundsson,
L. Loucaides,
V. Butkevych,
Mme W. Thomassen,
M. M. Ugrekhelidze, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 13 décembre 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les deux premiers requérants, Gérard Chauvy et Francis Esmenard, sont des ressortissants français nés respectivement en 1952 et 1936, résidant respectivement à Villeurbanne et Paris. La troisième requérante, la société anonyme Editions Albin Michel, est une société de droit français, dont le siège social est à Paris. Ils sont représentés devant la Cour par Maître Bigot, avocat au barreau de Paris (Cabinet Bauer, Bigot, Felzenszwalbe).
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
Le premier requérant est l’auteur du livre intitulé « AUBRAC-Lyon 1943 » paru en 1997 aux Editions Albin Michel (troisième requérante) dont le président est le deuxième requérant.
Dans son livre, le requérant retraça la chronologie des événements qui se sont déroulés à Lyon en 1943 en relation avec les mouvements de résistance et fit le point sur les différentes sources d’archives disponibles sur cette période. L’une des principales zones d’ombre de cette période est la réunion de Caluire, particulièrement importante pour l’histoire de la Résistance française et qui constitue un épisode majeur de l’histoire de la seconde guerre mondiale. En effet, en ce 21 juin 1943, Klaus Barbie, chef régional de la gestapo, arrêta les principaux chefs de la résistance réunis dans la banlieue de Lyon à Caluire. A cette occasion, fut arrêté notamment Raymond Aubrac qui parvint à s’évader à l’automne 1943.
Le requérant présenta cet événement majeur sous le « prisme des époux Aubrac ». Selon le requérant, cet ouvrage mettait à l’épreuve la « vérité officielle longuement rapportée notamment par les époux Aubrac dans les médias et rapportée par un film à leur gloire ».
Cet ouvrage suscita de vifs débats dans l’opinion française et le journal Libération organisa une table ronde d’historiens en présence des époux Aubrac.
Le mémoire signé par Klaus Barbie et remis par son avocat, Maître Vergès, le 4 juillet 1990, au juge d’instruction, M. Hamy, qui instruisait sur ses activités à l’égard des résistants de Lyon, et connu sous le nom « Testament Barbie », fut annexé en totalité à l’ouvrage critiqué. Le requérant tira un grand nombre de ses interrogations de la confrontation de ce document avec l’histoire « officielle ».
Le 14 mai 1997, les époux Aubrac introduisirent une procédure judiciaire par citation directe devant la dix-septième chambre du tribunal de grande instance. La citation comporte cinquante extraits de l’ouvrage litigieux (18 concernant le mémoire Barbie et trente-deux du texte propre au premier requérant). Ils poursuivirent les trois requérants en tant qu’auteur, complice et civilement responsable du délit de diffamation. Ils invoquèrent l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et l’arrêt Pierre de Bénouville, 4 octobre 1989, de la Cour de cassation. Les parties pertinentes de cette citation se lisent comme suit :
« Lorsqu’en 1983, (...) Klaus Barbie fut conduit en France, il choisit comme moyen de défense de tenter de discréditer, en les accusant de trahison, celles de ses victimes qui avaient survécu et étaient encore en mesure de l’accuser. Parmi elles, il suggéra que pouvaient figurer Raymond et Lucie Aubrac. Cependant, Raymond Aubrac ayant été cité par Barbie comme témoin à son procès et s’y étant rendu, ni Barbie, ni son conseil, Me Vergès, ne lui posèrent la moindre question, ne formulèrent la moindre remarque, ne produisirent un quelconque document propre à étayer cette accusation odieuse, mais qui restait des plus vagues.
Dans le même temps, par jugement en date du 30 avril 1987, puis par arrêt en date du 10 février 1988 devenu définitif, Raymond Aubrac faisait condamner pour diffamation Me Vergès qui avait cru pouvoir relayer, voire conforter les insinuations de son client dans un film de M. Claude Bal. (...)
L’ouvrage [du premier requérant] est paru en mars 1997 sous le titre « Aubrac, Lyon 1943 », le volume étant entouré d’une bande portant la mention « une légende à l’épreuve de l’histoire ».
Il ne saurait donc y avoir aucun doute sur le fait que cet ouvrage est dirigé quasi exclusivement contre les Aubrac et qu’il a pour prétention de détruire leur prétendue « légende » de résistants par les moyens rigoureux des historiens ».
Les époux Aubrac y détaillèrent ensuite les allégations prétendument diffamatoires des requérants et justifièrent leur qualification de diffamation :
« A) sur les conditions de l’arrestation de Raymond Aubrac en mars 1943
La première de ces falsifications reprochées aux Aubrac serait le fait que Raymond Aubrac aurait été arrêté le 13 mars 1943 et non le 15 mars, ce qui permet à Barbie de soutenir à partir de ce « fait établi » que Raymond Aubrac, arrêté dès le 13 mars, n’a pu se présenter au rendez-vous du 15 mars rue de l’hôtel de ville à Lyon que sous le contrôle de la police française. (...)
B. sur les allégations relatives à la mise en liberté de Raymond Aubrac en mai 1943
Raymond Aubrac a bénéficié d’une ordonnance de mise en liberté datée du 10 mai 1943. Or son épouse, dans un récit autobiographique publié en 1984, place cette libération le 14 mai et Raymond Aubrac lui-même a hésité entre le 14 et le 15 mai dans une déposition du 21 août 1948 dans le cadre du second procès Hardy.
(...) pour [le premier requérant], ce décalage de dates ne peut avoir qu’une seule explication : Raymond Aubrac a passé ces quatre jours à collaborer avec le divin Barbie qui a imposé sa libération aux autorités judiciaires françaises. D’autant que Lucie Aubrac a affirmé avoir fait une démarche menaçante auprès du procureur de la République pour qu’il ne s’oppose pas à cette mise en liberté, demande dont le requérant feint de s’étonner que l’on ne trouve pas de trace matérielle. (...)
C. sur l’évasion de l’hôpital de l’Antiquaille
(...) Ce chapitre entier revient sur la prétendue affirmation que Lucie Aubrac aurait placé son mari Raymond non seulement parmi les quatre résistants arrêtés le 15 mars 1943, mais parmi ceux libérés le 24 mai, avec pour seul objectif d’opposer le récit des participants à cette évasion afin de les transformer en menteurs. (...)
(...) L’incapacité [du premier requérant] à hiérarchiser les documents qu’il cite ne peut ici qu’apparaître consternante. Il peut tirer la présomption quasi certaine que, Aubrac ayant été libéré par Barbie, sa femme le « dissimule », mais de ce que cette mise en liberté est confiée aussitôt à Frenay, Chef du mouvement « Combat », puis, car c’est tout naturel, passée au crible à Londres, à l’Etat Major du Général de Gaulle, [le premier requérant] ne retient rien et surtout pas cette phrase de Frenay qui figure pourtant dans le procès-verbal de son audition à Londres le 30 juin 1943 : Il n’y a aucun doute que Aubrac est un garçon hors de tout soupçon. (...)
D. sur les allégations diffamatoires à propos de Caluire
(...) Si des discussions passionnées ont persisté sur le caractère plus ou moins spontané de la collaboration de René Hardy et sur les risques inutiles qu’avaient pris les dirigeants du mouvement « Combat » en l’envoyant à Caluire pour y défendre les prérogatives du chef de leur mouvement, personne jusqu’à Barbie en 1989 n’a jamais prétendu que Raymond et Lucie Aubrac avaient joué le moindre rôle dans l’arrestation de Jean Moulin le 21 juin, ni dans son authentification par René Aubry, le 25 juin, après quatre jours de torture, étant encore souligné que Hardy, lui, ne connaissait pas Jean Moulin.
(...) {[le premier requérant] n’hésite pas à écrire (page 130) :
Il est certain que Raymond Aubrac semble ne plus se souvenir de la réunion avec Lassagne et Aubry, au domicile de Lonjaret, le 19 juin 1943, alors qu’il l’admet parfaitement en 1948 .
Ce faisant, [le premier requérant] accrédite l’idée que, dès le 19 juin 1943, Raymond Aubrac connaissait tout du projet de réunion de Caluire (...).
E. de l’amalgame entre Hardy et Aubrac
Dans deux chapitres de transition (chapitres XI et XII), [le premier requérant], sans citer un seul document probant, va tenter un amalgame : raconter les mésaventures de René Hardy (de qui encore une fois personne ne doute qu’il ait, plus ou moins volontairement, aidé les Allemands) et Raymond et Lucie Aubrac que personne n’a jamais accusés, et pour cause, d’une telle collaboration. (...)
(...) le but [du premier requérant] est toujours le même : faire croire que Aubrac ment et que ce qu’il a déclaré lui-même très clairement au moment des faits n’a plus d’importance dès lors qu’il ne le répète pas dans des termes identiques cinquante ans plus tard. (...)
F. Les délits de diffamation sont constitués
Tant la publication du « mémoire Barbie » que les commentaires faits par [le premier requérant] au soutien de celui-ci, mettent à la charge [des requérants] des diffamations constituées par des allégations précises, fussent-elles parfois formulées sous forme d’insinuations, à l’égard de deux personnes déterminées, Raymond et Lucie Aubrac, à l’honneur et à la considération desquelles lesdites allégations portent une atteinte considérable.
Les allégations devant être plus particulièrement retenues dans un ouvrage tout entier diffamatoire sont celle-ci:
A. A l’égard de Raymond Aubrac
1. Raymond Aubrac serait l’officier français que les Allemands auraient infiltré parmi les dirigeants de l’Armée secrète lors de la constitution de celle-ci.
2. Raymond Aubrac serait un Résistant que Barbie aurait transformé en agent à son service lors de son arrestation en mars 1943.
3. Raymond Aubrac aurait menti sur la date de sa première arrestation qui aurait eu lieu le 13 mars 1943 et non le 15.
4. Raymond Aubrac, sous contrôle de la police française, n’était pas véritablement détenu le 15 mars 1943, jour où les policiers français se présentèrent à l’un de ses domiciles.
5. Raymond Aubrac est responsable des « souricières » tendues aux Résistants de Lyon entre le 13 et le 15 mars 1943.
6. Raymond Aubrac n’a pas été libéré le 10 mai 1943 par l’effet d’une décision librement arrêtée par le juge d’instruction (...), mais parce que les autorités allemandes ont imposé celle-ci aux autorités judiciaires françaises.
7. Raymond Aubrac a menti sur la date de sa libération après sa première arrestation, pour dissimuler que pendant quatre jours, du 10 au 14 mai 1943, il est resté à la disposition de Barbie, chef de la Gestapo.
8. Raymond Aubrac, informé dès le samedi 19 juin 1943, du lieu et du moment où aurait lieu, à Caluire, la réunion de plusieurs dirigeants de la Résistance parmi lesquels Jean Moulin, en a informé son épouse qui a ainsi été en mesure d’informer le chef de la Gestapo.
9. Raymond Aubrac a été libéré volontairement par les Allemands le 21 octobre 1943, à l’occasion d’un coup de main mené par les services anglais pour libérer un de leurs agents, Jean Biche, coup de main que Barbie, dûment informé, a utilisé pour permettre à son agent Raymond Aubrac de s’enfuir.
10. d’une manière générale, l’attitude de Raymond Aubrac vis-à-vis des autorités allemandes à Lyon en 1943 doit être rapprochée de celle de René Hardy utilisé par les Allemands à cette même époque.
B. A l’égard de Lucie Aubrac
1. Lucie Aubrac a dissimulé que son mari n’avait pas été libéré le 10 mai 1943 par l’effet de ses démarches mais qu’il avait été en vertu d’une ordonnance du juge d’instruction (...) imposée par Barbie, chef de la Gestapo.
2. Lucie Aubrac n’a nullement organisé le coup de main qui a permis la libération de trois résistants, arrêtés en même temps que Raymond Aubrac, à l’hôpital de l’Antiquaille le 24 mai 1943.
3. Lucie Aubrac, informée par son mari du lieu et du moment de la réunion devant se tenir à Caluire le 21 juin 1943, chez le docteur Dugoujon, a téléphoné ces informations le dimanche 20 juin à Barbie, chef régional de la Gestapo.
4. Lucie Aubrac, dont l’officier traitant était Floreck, adjoint de Barbie, aurait accepté d’être l’agent de liaison entre son mari et (...) Barbie pour ne pas brûler son mari.
5. Lucie Aubrac n’aurait pu pénétrer dans les locaux de la Gestapo qu’en sa qualité d’agent de celle-ci.
6. C’est en plein accord avec la Gestapo, et plus précisément avec Barbie, que Lucie Aubrac a pu faire « évader » son mari, à l’occasion du coup de main organisé non par elle, mais par l’Intelligence Service le 21 octobre 1943.
Toutes ces diffamations (...) doivent être réprimées sur le fondement de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881.
En effet, ces diffamations qui leur imputent des trahisons, et dissimulations de celles-ci, se rattachent directement à leur qualité de membres fondateurs et organisateurs du réseau de résistance Libération et, pour ce qui concerne Raymond Aubrac, à sa qualité de responsable militaire de l’Armée secrète. (...)
Cette référence à l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 s’impose dès lors que comme l’a rappelé un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 octobre 1989 (affaire Pierre de Bénouville) : « ...Il résulte de la combinaison des articles 30, 31 de la loi sur la liberté de la presse et 28 de la loi du 5 janvier 1951 que la protection contre les diffamations accordée à certains mouvements connus de résistance par assimilation aux armées de terre et de mer s’étend aux membres de ces formations lorsqu’ils sont atteints à raison de cette qualité ou des actes de leur fonction ».
Par ces motifs :
Vu les articles 29 alinéa 1 et 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881
dire et juger [les requérants], éditeur et auteur de l’ouvrage intitulé « Aubrac : Lyon 1943 » coupables, l’un en qualité d’auteur principal, l’autre de complice, du délit de diffamation publique envers Raymond et Lucie Aubrac en leur qualité de membres du mouvement de la résistance « Libération-Sud », ayant exercé au sein de celui-ci diverses responsabilités, Raymond Aubrac ayant été en outre l’un des responsables militaires de l’Armée secrète.
Leur faire application de la loi pénale conformément aux réquisitions de monsieur le procureur de la République.
Recevant Raymond et Lucie Aubrac en leur constitution de partie civile, condamner [les requérants] à payer à chacun d’eux la somme symbolique d’un franc qu’ils conserveront et la somme de 1 000 000 F qu’ils remettront à la « Fondation de la résistance ».
Les condamner à la somme de 10 000 F de dommages et intérêts au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale et à l’ensemble des dépens engagés par la partie civile.
Les condamner en outre à titre de réparations complémentaires à supporter, sur simple présentation des devis correspondants, le coût de la publication du jugement ou de tel extrait que le tribunal fixera, dans dix organes de la presse française sans que ce coût puisse globalement dépasser 500 000F hors taxes.
Par application de l’article 61 de la loi du 29 juillet 1881, ordonner la destruction de l’ouvrage jugé diffamatoire [du premier requérant].
Subsidiairement et pour le cas où cette destruction ne serait pas ordonnée, dire que cet ouvrage ne pourra être diffusé sans un avertissement occupant une pleine page, reliée entre la page de garde et la page de titre, ledit avertissement faisant état de la condamnation pour diffamation envers Raymond et Lucie Aubrac dans les termes et la forme fixés par le tribunal. »
Devant le tribunal, les requérants se plaignirent notamment de l’inobservation par la citation des exigences de l’article 551 du code de procédure pénale en raison de l’absence d’indication concernant la nature correctionnelle de la chambre saisie (la 17ème chambre), et donc la nature pénale des procédures ouvertes. Ils soutinrent également que la poursuite ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 selon lequel la citation doit notamment, à peine de nullité de la poursuite, préciser et qualifier le fait incriminé.
Par jugement du 2 avril 1998, le tribunal écarte d’abord ces deux exceptions de nullité.
Quant au fond, le tribunal procéda, tout d’abord, à l’examen des différentes imputations réputées diffamatoires dans l’ordre chronologique des événements exposés et en rapprochant le texte du mémoire signé de Klaus Barbie de celui du requérant, puisque l’objet même de l’ouvrage litigieux était :
« de confronter les allégations de ce "mémoire" aux récits des événements livrés, à diverses reprises, par les époux Aubrac, et aux autres témoignages et documents relatifs à cette période. (...) l’ouvrage tout entier va, ensuite, s’articuler autour de cette accusation - capitale - de trahison ».
Le tribunal examina ainsi les circonstances de la première arrestation de Raymond Aubrac au mois de mars 1943, les circonstances de sa mise en liberté au mois de mai 1943, l’évasion de l’hôpital de l’Antiquaille, l’épisode de Caluire, l’après Caluire et l’évasion du Boulevard des hirondelles, et conclut :
« Ainsi (...) le requérant, sans corroborer formellement les accusations tranchées du "mémoire Barbie" s’emploie à jeter le trouble par l’addition d’une série de faits, de témoignages ou de documents, de nature et d’importance différentes, et qui, tous, concourent à discréditer les récits livrés par les parties civiles, par là-même à s’interroger sur les mobiles de leurs dissimulations ou de leurs mensonges, et, subrepticement, à rendre plausible - malgré les réserves que forme l’auteur - l’accusation de trahison et de manipulation lancée par le "mémoire Barbie", qui parcourt, de manière sous-jacente, l’ensemble de l’ouvrage. (...)
C’est donc à juste raison que les parties civiles considèrent que l’ensemble de l’ouvrage, et plus particulièrement les passages [reproduits dans le jugement], portent atteinte à leur honneur et à leur considération.
La publication du mémoire signé par Klaus Barbie, et la reprise d’extraits de celui-ci dans différentes parties du texte, constituent une diffamation par reproduction des imputations ou allégations calomnieuses, telle qu’elle est expressément prévue par l’article 29 al. 1 de la loi sur la presse.
Le commentaire de l’auteur relève, quant à lui, de la diffamation par insinuation, en ce qu’il tend à persuader le lecteur que les interrogations les plus graves l’emportent sur les certitudes admises jusque là, quant au comportement des époux Aubrac pendant l’année 1943, et par là-même à donner crédit aux accusations Barbie ».
Le tribunal examina ensuite la question de l’article de la loi sur la presse applicable en l’espèce et, rappelant la loi du 5 janvier 1951 et la jurisprudence de la Cour de cassation, affirma que l’assimilation des mouvements et réseaux reconnus de résistance aux armées de terre ou de mer valait pour leurs membres. Il rappela, sans se prononcer sur l’accessibilité et la stabilité de la jurisprudence en cause, que la « loi » au sens de la Convention comprend le texte voté par le parlement mais également son interprétation par les juges, pourvu que celle-ci soit suffisamment stable et accessible. Il conclut dès lors à l’application de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881.
Il exposa ensuite que les imputations diffamatoires étaient réputées faites de mauvaise foi et qu’il appartenait aux prévenus de faire la preuve des faits justificatifs suffisants pour établir leur bonne foi. Ils leur appartenait d’établir que leur démarche répondait à un intérêt légitime, qu’elle n’était pas accompagnée d’une animosité personnelle, qu’une enquête sérieuse avait été effectuée et que le propos était exprimé de façon mesurée :
« si le travail de l’historien, qui doit pouvoir s’exercer en pleine liberté, dans un souci de manifestation de la vérité historique, peut l’amener, à l’occasion, à formuler une appréciation critique emportant des imputations diffamatoires à l’encontre des acteurs, vivants ou morts, des événements qu’il étudie, il ne peut trouver sa justification qu’en apportant la preuve de sa fidélité à ses obligations scientifiques. (...)
Dès sa production ente les mains du juge d’instruction, un effet d’annonce a entouré le mémoire Barbie, qui n’a cependant été connu que des seuls spécialistes, ce qui a favorisé la circulation de la rumeur ; il n’était donc pas inutile d’en envisager une divulgation intégrale, à condition de l’accompagner d’une mise en perspective historique et d’un travail critique, de nature à permettre au lecteur de se forger une opinion sérieuse sur la valeur qu’il convenait d’accorder aux dernières déclarations de l’ancien officier nazi ».
Au regard de cette exigence, le tribunal releva que la publication du requérant se caractérisait par une place excessive faite au mémoire Barbie, une insuffisance manifeste de la documentation relative aux circonstances de la première arrestation de Raymond Aubrac le 15 mars 1943 et à sa mise en liberté, un manque de hiérarchisation des sources concernant l’évasion de l’hôpital de l’Antiquaille, un défaut de prudence dans l’expression à propos de Caluire et de l’évasion du 21 octobre, un manque de critique interne des sources et documents allemands et un délaissement des témoignages des acteurs des événements.
Il détailla et motiva chacune de ces affirmations et conclut :
« (...) la mission du juge lui impose de ne pas abdiquer au profit du savant, (ou de celui qui se prétend tel), et de dire le droit, contribuant, à sa manière, à la régulation des rapports sociaux.
Le juge ne saurait ainsi, au nom d’un quelconque impératif supérieur de la vérité historique, renoncer à protéger le droit à l’honneur et à la considération de ceux qui, précipités dans la tourmente de la guerre, en ont été les acteurs obligés, mais valeureux.
Statufiés par leurs contemporains en mythes illustres, ces hommes et ces femmes n’en sont pas devenus pour autant, de simples objets d’étude, dépouillés de leur personnalité, privés de sensibilité, expropriés de leur propre destin pour cause d’utilité scientifique.
Pour l’avoir oublié, pour avoir perdu de vue la responsabilité sociale de l’historien, et pour avoir manqué aux règles essentielles de la méthode historique, le prévenu [l’auteur de l’ouvrage] ne peut se voir accorder le bénéfice de la bonne foi. ».
Le tribunal déclara donc les deux premiers requérants, respectivement comme auteur et complice, coupables du délit de diffamation publique envers les époux Aubrac, pris en leur qualité de membres d’un mouvement reconnu de la résistance, délit prévu et puni par les articles 29, alinéas 1 et 31, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881.
Il condamna le deuxième requérant, en sa qualité d’auteur principal, à une peine de 100 000 F d’amende et le premier, en sa qualité de complice, à 60 000 F d’amende. Il les condamna également solidairement à payer aux époux Aubrac des dommages-intérêts (200 000 F pour chacun des époux). Le tribunal rejeta la demande de destruction de l’ouvrage, mais ordonna la publication d’un communiqué dans cinq périodiques et l’insertion dans chaque exemplaire de l’ouvrage d’un avertissement reprenant les termes de ce communiqué. Il déclara enfin la troisième requérante civilement responsable.
Les requérants firent appel de cette décision.
Dans son arrêt du 10 février 1999, la cour d’appel de Paris répondit à l’exception de nullité tirée du défaut de précision de la nature des procédures engagées dans l’acte introductif d’instance, que :
« toutefois l’objectif revendiqué de leur action en justice et la terminologie employée par les parties civiles sont suffisamment claires - aucun élément ne venant créer une ambiguïté - pour que le prévenu sache qu’il s’agissait d’une action pénale ».
Elle écarta également la seconde exception de nullité, tirée de ce que la citation n’aurait pas précisé et qualifié le fait incriminé, et indiqué le texte applicable.
Sur le fond, la cour d’appel étudia successivement le caractère légal, légitime et nécessaire des poursuites, le caractère diffamatoire des propos, la bonne foi et finalement l’application de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881.
Sur le caractère diffamatoire des propos, elle fit sienne la motivation du tribunal et ajouta que plusieurs constats établissaient la conviction que c’était bien de la trahison des Aubrac que l’auteur et l’éditeur avaient voulu faire la matière de leur production, tels notamment la présentation éditoriale, l’articulation générale de l’ouvrage, le bandeau qui met face à face une « légende » et « l’histoire » et la conclusion de l’ouvrage qui est sur le même thème.
Concernant la diffamation par insinuation, la cour d’appel rejeta les critiques faites à la motivation du jugement et affirma :
« ayant ainsi construit l’équilibre de son ouvrage : mise en doute systématique en ce qui concerne les Aubrac, caractère de référence - certes à contrôler mais de référence quand même du document Barbie - [le premier] requérant va, dans les circonstances qui sont précisément détaillées au jugement, systématiquement dénier toute valeur aux dires des époux Aubrac.
Pour reprendre les deux épisodes dont fait état la défense ; en ce qui concerne l’évasion de l’Antiquaille il ne s’agit pas d’irrévérence mais clairement de l’imputation d’inexactitude, de contradiction (page 268) de na pas correspondre dans ses propos à la vérité (page 80) : on ne saurait mieux insinuer de quelqu’un qu’il ment ».
La cour d’appel examina ensuite l’excuse de bonne foi des requérants pour la leur refuser.
Elle ne contesta pas l’intérêt que pouvait présenter le fait de traiter d’événements importants concernant la Résistance et jugea certaines expressions de l’ouvrage déplaisantes mais ne pouvant suffire pour établir l’existence d’une animosité personnelle. Par contre, elle conclut que le premier requérant n’avait pas fait preuve du sérieux nécessaire aux motifs que :
« toute allégation de faits précis requiert une démarche préalable de vérification. Si cette exigence est générale elle n’est que plus justifiée lorsqu’il s’agit d’une part d’une imputation particulièrement grave telle que celle de trahison ayant conduit à la mort le principal chef de la résistance et d’autre part quand son auteur pratiquant l’histoire doit être rompu à l’interrogation des sources ».
Elle détailla ensuite les éléments qui l’amenaient à considérer que cette exigence n’avait pas été respectée : l’absence de consultation du dossier de l’instruction conduite à la suite de arrestations du mois de mars 1943 qui permettait pourtant de connaître précisément la date de l’arrestation de Raymond Aubrac et de savoir qu’il était en état d’arrestation au moment où est effectuée la perquisition à son domicile ; le manque d’intérêt accordé aux témoins directs de cette période vivants au moment de la rédaction de l’ouvrage et l’absence d’enquête sur certains documents. Relevant ensuite que le requérant avait fait preuve d’un défaut de prudence à plusieurs occasions (la publication du document Barbie sans l’entourer d’un réel appareil critique, en suggérant directement le mensonge de la partie civile ou en réduisant l’opération du Boulevard des hirondelles des résistants conduits par Lucie Aubrac à un faux-semblant), la cour d’appel n’accorda pas au premier requérant le bénéfice de la bonne foi.
Sur l’application de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881, rappelant l’article 28 de la loi du 5 janvier 1951 et deux arrêts de la Cour de cassation, la cour d’appel considéra que c’était entièrement sur leurs activités de résistance que les parties civiles avaient été diffamées « puisque l’ensemble de la démonstration [du premier requérant] tendait à faire naître dans l’esprit du lecteur qu’ils ont trahi ». Elle rejeta l’argument portant sur les qualités de la loi appliquée en l’espèce, affirmant que celle-ci datait d’une quarantaine d’années et avait fait l’objet d’une « jurisprudence de la cour suprême stable et dépourvue d’ambiguïté depuis une vingtaine d’années ».
La cour d’appel estima les peines prononcées justifiées dans leur gravité et proportionnalité et confirma le jugement en toutes ses dispositions.
Les requérants formèrent un pourvoi en cassation, invoquant notamment les articles 6 et 10 de la Convention en raison de la nullité de la citation pour défaut de précision de la nature de la procédure engagée, la nullité de la citation pour défaut de précision des allégations arguées de diffamation, les articles 7 et 10 de la Convention du fait que la loi appliquée n’était ni claire ni précise et que la jurisprudence y relative et en faisant une interprétation extensive n’était ni accessible ni prévisible. Les deux derniers moyens de cassation concernaient le défaut de motivation de la condamnation à des peines civiles et pénales pour diffamation publique.
Par un arrêt du 27 juin 2000, la Cour de cassation rejeta ce pourvoi. Elle jugea justifiée la décision des juges de rejeter le premier moyen aux motifs qu’ils n’avaient relevé aucune ambiguïté sur la juridiction devant laquelle les requérants étaient appelés à comparaître, l’acte introductif d’instance comportant des notions réservées au droit pénal et des mentions relevant exclusivement de la terminologie pénale. Elle rejeta le deuxième moyen de cassation estimant que les juges du fond avaient correctement justifié leur décision. Elle rejeta également le troisième moyen de cassation considérant que la cour d’appel avait fait une exacte application de la loi :
« qu’en effet il résulte des dispositions combinées des articles 28 de la loi du 5 janvier 1951, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 que, d’une part, la protection contre les diffamations prévue par ces derniers textes est accordée à certains mouvements reconnus de la Résistance assimilés à l’armée régulière et que, d’autre part, cette protection s’étend aux chefs et aux membres de ces formations lorsqu’ils sont atteints à raison de cette qualité ou des actes de leurs fonctions. »
Elle réunit les quatrième et cinquième moyens de cassation et les rejeta au motif que :
« les énonciations de l’arrêt attaqué et l’examen des pièces de procédure mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction a d’une part exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés et ainsi caractérisé en tous ses éléments constitutifs tant matériels qu’intentionnel le délit dont elle a reconnu les prévenus coupables et d’autre part souverainement apprécié les circonstances particulières desquelles elle a déduit que la bonne foi tirée de l’objectif de critique historique invoqué par les prévenus ne saurait être retenue ».
B. Le droit interne pertinent
Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, telle qu’en vigueur au moment des faits
Article 30
« La diffamation commise par l’un des moyens, énoncés en l’article 23 envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques, sera punie d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de 300 à 300 000 F, ou de l’une de ces peines seulement. »
Article 31
« Sera punie de la même peine, la diffamation commise par les mêmes moyens, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition.
La diffamation contre les mêmes personnes concernant la vie privée relève de l’article 32 ci-après. »
Article 32
« La diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 et en l’article 28 sera punie d’un emprisonnement de cinq jours à six mois et d’une amende de 150 à 80 000 F, ou de l’une de ces deux peines seulement (...). »
Loi n° 51-19 du 5 janvier 1951
Article 28
« Sont considérés à l’égard de l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881, comme faisant partie des armées de terre ou de mer, les mouvements et réseaux reconnus de la Résistance. »
Extraits d’arrêts de la Cour de cassation tels que cités par les juridictions internes
Arrêt Pierre de Bénouville de la Cour de cassation, daté du 4 octobre 1989
« Il résulte de la combinaison des articles 30, 31 de la loi sur la liberté de la presse et 28 de la loi du 5 janvier 1951 que la protection contre les diffamations accordées à certains mouvements reconnus de Résistance par assimilation aux armées de terre et de mer s’étend aux membres de ces formations lorsqu’ils sont atteints à raison de cette qualité ou des actes de leurs fonctions. »
Arrêt du 13 novembre 1978
« Lorsque le fait diffamatoire est imputé au chef d’une formation de résistance assimilée à l’armée régulière, pris en cette qualité et à raison de ses fonctions (...), le seul délit pouvant être retenu était celui que prévoit l’article 31 (...) »
GRIEFS
1. Invoquant l’article 6 § 3 a) de la Convention, les requérants se plaignent tout d’abord d’une violation de leurs droits de la défense en raison du fait que la citation directe du 14 mai 1997, mentionnant la 17ème chambre du tribunal de grande instance, n’indiquait pas de façon suffisamment claire la nature correctionnelle de cette chambre et donc la nature de l’accusation portée contre eux et le caractère pénal que la procédure allait revêtir.
2. Invoquant l’article 7 de la Convention, les requérants se plaignent également d’une interprétation extensive du texte pénal par les juridictions internes et du caractère inaccessible et imprévisible de la norme juridique constituée tant par la loi applicable que par la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point.
3. Invoquant l’article 10 de la Convention, les requérants se plaignent enfin du défaut de qualité, de prévisibilité et d’accessibilité présenté par les textes appliqués, donc du fait que la sanction n’était pas « prévue par la loi », et de l’absence de proportionnalité des sanctions prononcées. Les requérants se réfèrent à l’arrêt Lehideux et Isorni c. France du 23 septembre 1998 (Recueil des arrêts et décisions, 1998-VII).
EN DROIT
1. Les requérants se plaignent tout d’abord d’une violation de leurs droits de la défense au motif que la citation directe du 14 mai 1997 ne mentionnait pas la nature pénale de la procédure ouverte à leur encontre. Ils invoquent l’article 6 § 3 a) de la Convention qui se lit comme suit :
« Tout accusé a droit notamment à :
a. être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; (...) »
La Cour constate qu’en dépit de l’absence d’une stipulation expresse de la nature pénale de la procédure ouverte à l’encontre des requérants, la citation du 14 mai 1997 contenait d’autres indications claires permettant de savoir que les deux premiers requérants étaient pénalement poursuivis comme auteur et complice du délit de diffamation publique et que le troisième requérant était tenu pour civilement responsable de ce délit :
La Cour note d’abord que l’article L 622-1 du code de l’organisation judiciaire dispose que « le tribunal de grande instance, lorsqu’il statue en matière pénale, est dénommé tribunal correctionnel ». Elle ajoute que dans les grands tribunaux de grande instance, tel que celui de Paris, une ou plusieurs chambres sont spécialisées dans la matière pénale. La 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris en est un exemple.
La Cour ajoute qu’en tout état de cause, le texte de la citation, qui fait 31 pages, ne laisse aucune ambiguïté sur la nature de l’action intentée. Les termes employés dans cette citation, tels que « auteur », « complice » et « délit de diffamation publique », sont particulièrement clairs quant à la nature des accusations portées à l’encontre des requérants et de la procédure ouverte par cet acte. La conclusion de la citation directe du 14 mai 1997 est particulièrement explicite (voir page 6 ci-dessus).
La Cour estime dès lors que les requérants ont été informés dès la notification de la citation à comparaître des accusations portées contre eux et de la nature pénale de la procédure engagée.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2. Les requérants se plaignent de l’interprétation extensive du texte pénal effectuée par les juridictions internes et du caractère inaccessible et imprévisible tant de la loi applicable que de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point. Ils invoquent l’article 7 de la Convention dont les parties pertinentes se lisent comme suit :
« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise (...) »
La Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur pour observations écrites, en application de l’article 54 § 3b) de son Règlement.
3. Les requérants se plaignent du défaut de qualité, de prévisibilité et d’accessibilité présenté par les textes appliqués et de l’absence de proportionnalité des sanctions prononcées. Ils invoquent l’article 10 de la Convention dont les parties pertinentes se lisent comme suit :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques (...).
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, (...) à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, (...). »
La Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur pour observations écrites, en application de l’article 54 § 3b) de son Règlement.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen des griefs des requérants tirés du caractère extensif de l’interprétation d’un texte pénal par les juridictions internes, du défaut de qualité, de prévisibilité et d’accessibilité de ces textes et de la jurisprudence y relative et de la disproportionnalité des sanctions prononcées ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
S. Dollé A. Baka
Greffière Président