Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
7.3.2002
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 48263/99
présentée par Nesrin KİRMAN
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 7 mars 2002 en une chambre composée de

MM. G. Ress, président,
I. Cabral Barreto,
L. Caflisch,
R. Türmen,
B. Zupančič,
Mme H.S. Greve,
M. K. Traja, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 4 mai 1999 et enregistrée le 25 mai 1999,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, Nesrin Kirman, est une ressortissante turque née en 1976 et résidant actuellement à Ankara (Turquie). Elle est représentée devant la Cour par Me Engül Çıtak, avocate au barreau d’Ankara.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

Le 20 octobre 1997, la requérante fut arrêtée et placée en garde à vue par les policiers. Elle était soupçonnée d’appartenir à une organisation armée illégale, le TKP/ML-TIKKO (« Türkiye Komünist Partisi/Marksist-Leninist - Türkiye İşçi Köylü Kurtuluş Ordusu »; le Parti communiste de Turquie/Marxiste-Léniniste - L’Armée de libération des travailleurs et des paysans). Dans sa déposition faite à la police, la requérante avoua avoir porté assistance aux membres de cette organisation.

Le 27 octobre 1997, la requérante fut d’abord entendue par le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara (« le procureur »-« la cour de sûreté de l’Etat ») puis traduite devant le juge assesseur de cette juridiction, qui ordonna sa mise en détention provisoire. Devant le procureur et le juge, elle réitéra ses aveux faits devant les policiers tout en exprimant ses regrets.

Le 5 novembre 1997, le procureur mit la requérante en accusation avec quatre autres personnes devant la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara, composée de trois magistrats de carrière dont un relevant de la magistrature militaire. Reprochant à la requérante d’appartenir à l’organisation en cause, il requit sa condamnation à une peine d’emprisonnement de dix à quinze ans en vertu des articles 168 § 2 du code pénal et 5 de la loi n°3713 sur la lutte contre le terrorisme.

Devant la cour de sûreté de l’Etat, la requérante nia avoir une quelconque relation avec l’organisation en question.

Par un arrêt du 3 mars 1998, la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara déclara la requérante coupable d’aide et assistance à une organisation armée illégale, le TKP/ML-TIKKO, en vertu de l’article 169 du code pénal et la condamna à une peine d’emprisonnement de 3 ans et 9 mois. Elle considéra que nonobstant les démentis de la requérante, les éléments de preuve suivants montraient que la requérante était en relation étroite avec l’organisation et qu’elle lui avait porté aide et assistance : la saisie, sur déclaration de la requérante, d’une camionnette contenant des armes, grenades et toutes sortes de matériel utile pour les activités de l’organisation en cause (par exemple des lampes de poche, des perruques, des bulletins publiés par l’organisation) ; la saisie, également dans le magasin où travaillait la requérante, de documents concernant la formation et les activités de guérilla urbaine de membres de l’organisation ; et les dépositions d’autres militants lors des confrontations.

Sur pourvoi de la requérante, et par arrêt du 28 décembre 1998, la Cour de cassation, après audience, confirma l’arrêt rendu en première instance.

Suite à la promulgation, le 21 décembre 2000, de la loi n° 4616 relative à l’amnistie partielle, prévoyant une réduction de 10 ans de certaines peines d’emprisonnement, y compris celles prévues à l’article 169 du code pénal, la requérante fut mise en liberté conditionnelle.


GRIEFS

1. Invoquant l’article 5 de la Convention, la requérante se plaint en premier lieu de la durée excessive de sa garde à vue.

2. La requérante se plaint en outre de ce que la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara qui l’a jugée et condamnée ne saurait passer pour un tribunal indépendant et impartial au sens de cette disposition, dès lors que l’un des trois juges qui y siégeait était un officier de l’armée. A cet égard, elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention.

3. La requérante soutient en outre avoir été privée d’un procès équitable en raison de l’absence de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et durant toute l’instruction préliminaire. A cet égard, elle invoque l’article 6 § 3 c) de la Convention.

4. La requérante allègue en dernier lieu avoir été victime d’une discrimination du fait d’être accusée de délits relevant de la compétence des cours de sûreté de l’Etat. Elle soutient que les infractions de droit commun et celles relevant de la compétence des cours de sûreté de l’Etat sont soumises à des règles de procédure différentes. Elle invoque l’article 14 de la Convention combiné, en substance, avec l’article 6 § 1.

EN DROIT

1. La requérante se plaint de ce que sa cause n’a pas été entendue équitablement par « un tribunal indépendant et impartial » et dénonce une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.

En l’état du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs, tels qu’exposés par la requérante, et juge nécessaire de les porter à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) de son règlement.

2. La Cour a examiné les autres griefs de la requérante, tels qu’ils ont été présentés dans sa requête, et a constaté que la requérante a été informée des obstacles éventuels à leur recevabilité. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, elle n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Il s’en suit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.


Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief de la requérante, tiré du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara ainsi que de l’absence d’équité de la procédure devant cette juridiction (article 6 de la Convention) ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Vincent Berger Georg Ress
Greffier Président