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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
28.2.2002
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 66296/01
présentée par Vassilios BELAOUSOF et 168 autres
contre la Grèce

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 28 février 2002 en une chambre composée de

Mme F. Tulkens, président,
M. C.L. Rozakis,,
Mme N. Vajić,
MM. E. Levits,
A. Kovler,
V. Zagrebelsky,
Mme E. Steiner, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 4 mai 2000 et enregistrée le 21 février 2001,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Les 169 requérants, dont les noms figurent en annexe, sont des ressortissants grecs, retraités de l’armée ou leurs ayants droit. Ils sont représentés devant la Cour par Mes D. Anagnostopoulos, avocat au barreau d’Athènes et I. Ktistakis, avocat au barreau de Thiva.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Le décret présidentiel n° 1041/1979 prévoyait un nouveau barème de salaires et de pensions militaires. Par ailleurs, en 1989, les ministres de la Défense Nationale et des Finances Publiques autorisèrent l’octroi, à compter du 1er janvier 1990, d’une allocation de séjour réussi (επίδoμα ευδόκιμης παραμovής) aux colonels et à leurs supérieurs. Cette allocation fut fixée à 10 % du salaire principal. Le Parlement grec confirma ensuite ladite décision ministérielle (loi n° 1881/1990).

Par la suite, le 22 juin 1995, le Parlement grec adopta la loi n° 2320/1995 qui, d’une part, excluait l’allocation en question du calcul de la pension des retraités ayant quitté leur service avant le 1er janvier 1990, et d’autre part, déclarait prescrite toute prétention y relative et prononçait l’annulation de toute procédure judiciaire y afférente éventuellement pendante devant quelque juridiction que ce soit. Cette loi fut confirmée par la loi n° 2512/1997 du 27 juin 1997.

La présente requête porte sur les procédures engagées par les requérants, militaires mis à la retraite avant le 1er janvier 1990, en vue d’obtenir une augmentation du montant de leurs pensions conformément aux dispositions des textes susmentionnés.

Ces demandes furent, dans un premier stade, rejetées par décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat (Γεvικό Λoγιστήριo τoυ Κράτoυς).

Procédure suivie par les requérants nos 1 – 52

Le 22 avril 1997, les requérants nos 1 – 52 et d’autres retraités saisirent conjointement la Deuxième Chambre de la Cour des comptes (Ελεγκτικό Συvέδριo) d’un appel contre les décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avaient rejeté leurs demandes tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de leurs pensions.

Le 16 septembre 1999, par arrêt n° 1448/1999, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. En particulier, s’agissant des requérants nos 30 et 35, la cour constata que ceux-ci avaient omis de payer la consignation prévue par la loi (παράβολο) pour l’exercice du recours. S’agissant des autres requérants, la cour considéra que les conditions posées par la loi pour un recours conjoint (ομοδικία) n’étaient pas réunies en l’espèce. En effet, la cour nota que les appelants attaquaient dans un seul et même recours plusieurs décisions, rendues pour chaque personne individuellement, alors qu’il aurait fallu qu’une seule décision portant atteinte aux droits des appelants soit visée. Dès lors, elle dit qu’elle n’avait compétence que pour examiner le recours dans la mesure où il était introduit par la personne figurant en premier sur la liste des appelants (cette personne n’est pas requérante devant la Cour).

Cet arrêt fut notifié aux requérants le 16 décembre 1999.

Procédure suivie par les requérants nos 53 – 66

Le 30 avril 1996, les requérants nos 53 – 66 et d’autres retraités saisirent conjointement la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre les décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avaient rejeté leurs demandes tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de leurs pensions.

Le 24 juin 1999, par arrêt n° 1047/1999, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. En particulier, la cour considéra que les conditions posées par la loi pour un recours conjoint n’étaient pas réunies en l’espèce. En effet, la cour nota que les appelants attaquaient dans un seul et même recours plusieurs décisions, rendues pour chaque personne individuellement, alors qu’il aurait fallu qu’une seule décision portant atteinte aux droits des appelants soit visée. Dès lors, elle dit qu’elle n’avait compétence que pour examiner le recours dans la mesure où il était introduit par la personne figurant en premier sur la liste des appelants (requérant n° 53). S’agissant de ce dernier, la cour considéra que sa demande du 21 septembre 1995, tendant à obtenir une augmentation du montant de sa pension, fut à juste titre rejetée par la Comptabilité Générale de l’Etat, sur la base des dispositions de la loi n° 2320/1995. La cour rejeta l’argument de l’intéressé, selon lequel cette loi porterait atteinte à son droit à un procès équitable et à son droit au respect de ses biens.

Cet arrêt fut notifié aux requérants le 4 novembre 1999.

Procédure suivie par les requérants nos 67 – 112

Le 22 avril 1997, les requérants nos 67 – 112 et d’autres retraités saisirent conjointement la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre les décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avaient rejeté leurs demandes tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de leurs pensions.

Le 30 septembre 1999, par arrêt n° 1456/1999, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. En particulier, s’agissant des requérants nos 89 et 112, la cour constata que ceux-ci avaient omis de payer la consignation prévue par la loi pour l’exercice du recours. S’agissant des autres requérants, la cour considéra que les conditions posées par la loi pour un recours conjoint n’étaient pas réunies en l’espèce. En effet, la cour nota que les appelants attaquaient dans un seul et même recours plusieurs décisions, rendues pour chaque personne individuellement, alors qu’il aurait fallu qu’une seule décision portant atteinte aux droits des appelants soit visée. Dès lors, elle dit qu’elle n’avait compétence que pour examiner le recours dans la mesure où il était introduit par la personne figurant en premier sur la liste des appelants (cette personne n’est pas requérante devant la Cour).

Cet arrêt fut notifié aux requérants le 16 décembre 1999.

Procédure suivie par les requérants nos 113 – 132

Le 22 mai 1996, les requérants nos 113 – 132 et d’autres retraités saisirent conjointement la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre les décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avaient rejeté leurs demandes tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de leurs pensions.

Le 16 septembre 1999, par arrêt n° 1403/1999, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. En particulier, la cour considéra que les conditions posées par la loi pour un recours conjoint n’étaient pas réunies en l’espèce. En effet, la cour nota que les appelants attaquaient dans un seul et même recours plusieurs décisions, rendues pour chaque personne individuellement, alors qu’il aurait fallu qu’une seule décision portant atteinte aux droits des appelants soit visée. Dès lors, elle dit qu’elle n’avait compétence que pour examiner le recours dans la mesure où il était introduit par la personne figurant en premier sur la liste des appelants (requérant n° 113). S’agissant de ce dernier, la cour considéra que sa demande du 6 octobre 1995, tendant à obtenir une augmentation du montant de sa pension, fut à juste titre rejetée par la Comptabilité Générale de l’Etat, sur la base des dispositions de la loi n° 2320/1995. La cour rejeta l’argument de l’intéressé, selon lequel cette loi serait contraire à la Constitution.

Cet arrêt fut notifié aux requérants le 16 décembre 1999.

Procédure suivie par les requérants nos 133 – 137

Le 28 mai 1996, les requérants nos 133 – 137 et d’autres retraités saisirent conjointement la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre les décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avaient rejeté leurs demandes tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de leurs pensions.

Le 4 novembre 1999, par arrêt n° 1712/1999, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. En particulier, la cour nota que les appelants attaquaient dans un seul et même recours plusieurs décisions, rendues pour chaque personne individuellement, alors qu’il aurait fallu qu’une seule décision portant atteinte aux droits des appelants soit visée.

Cet arrêt fut notifié aux requérants le 16 décembre 1999.

Procédure suivie par les requérants nos 138 – 156

Le 20 août 1996, les requérants nos 138 – 156 et d’autres retraités saisirent conjointement la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre les décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avaient rejeté leurs demandes tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de leurs pensions.

Le 17 février 2000, par arrêt n° 281/2000, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. En particulier, s’agissant des requérants nos 151 – 156, la cour constata que ceux-ci avaient omis de payer la consignation prévue par la loi pour l’exercice du recours. S’agissant des autres requérants, la cour considéra que les conditions posées par la loi pour un recours conjoint n’étaient pas réunies en l’espèce. En effet, la cour nota que les appelants attaquaient dans un seul et même recours plusieurs décisions, rendues pour chaque personne individuellement, alors qu’il aurait fallu qu’une seule décision portant atteinte aux droits des appelants soit visée.

Cet arrêt fut notifié aux requérants le 25 avril 2000.

Procédure suivie par les requérants nos 157 – 160

Le 20 mai 1995, les requérants nos 157 – 160 et d’autres retraités saisirent conjointement la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre les décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avaient rejeté leurs demandes tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de leurs pensions.

Le 4 novembre 1999, par arrêt n° 1714/1999, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. En particulier, s’agissant du requérant no 160, la cour constata que celui–ci avait omis de payer la consignation prévue par la loi pour l’exercice du recours. S’agissant des autres requérants, la cour considéra que les conditions posées par la loi pour un recours conjoint n’étaient pas réunies en l’espèce. En effet, la cour nota que les appelants attaquaient dans un seul et même recours plusieurs décisions, rendues pour chaque personne individuellement, alors qu’il aurait fallu qu’une seule décision portant atteinte aux droits des appelants soit visée. Dès lors, elle dit qu’elle n’avait compétence que pour examiner le recours dans la mesure où il était introduit par la personne figurant en premier sur la liste des appelants (cette personne n’est pas requérante devant la Cour).

Cet arrêt fut notifié aux requérants le 16 décembre 1999.

Procédure suivie par les requérants nos 161 – 165

Le 30 mai 1996, les requérants nos 161 – 165 et d’autres retraités saisirent conjointement la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre les décisions de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avaient rejeté leurs demandes tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de leurs pensions.

Le 1er juillet 1999, par arrêt n° 1274/1999, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. En particulier, la cour nota que les appelants attaquaient dans un seul et même recours plusieurs décisions, rendues pour chaque personne individuellement, alors qu’il aurait fallu qu’une seule décision portant atteinte aux droits des appelants soit visée.

Cet arrêt fut notifié aux requérants le 16 décembre 1999.

Procédure suivie par le requérant no 166

Le 24 juillet 1996, le requérant no 166 saisit la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre la décision de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avait rejeté sa demande tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de sa pension.

Le 3 février 2000, par arrêt n° 159/2000, la Cour des comptes confirma la décision attaquée. En particulier, la cour considéra que la demande du requérant du 17 octobre 1995, tendant à obtenir une augmentation du montant de sa pension, fut à juste titre rejetée par la Comptabilité Générale de l’Etat, sur la base des dispositions de la loi n° 2320/1995. La cour rejeta l’argument de l’intéressé, selon lequel cette loi serait contraire à la Constitution.

Procédure suivie par le requérant no 167

Le 28 juin 1996, le requérant no 167 saisit la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre la décision de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avait rejeté sa demande tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de sa pension.

Le 9 décembre 1999, par arrêt n° 1857/1999, la Cour des comptes confirma la décision attaquée. En particulier, la cour considéra que la demande du requérant du 17 octobre 1995, tendant à obtenir une augmentation du montant de sa pension, fut à juste titre rejetée par la Comptabilité Générale de l’Etat, sur la base des dispositions de la loi n° 2320/1995. La cour rejeta l’argument de l’intéressé, selon lequel cette loi serait contraire à la Constitution.

Procédure suivie par le requérant no 168

Le 3 juillet 1996, le requérant no 168 saisit la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre la décision de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avait rejeté sa demande tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de sa pension.

Le 2 décembre 1999, par arrêt n° 1812/1999, la Cour des comptes confirma la décision attaquée. En particulier, la cour considéra que la demande du requérant du 21 septembre 1995, tendant à obtenir une augmentation du montant de sa pension, fut à juste titre rejetée par la Comptabilité Générale de l’Etat, sur la base des dispositions de la loi n° 2320/1995. La cour rejeta l’argument de l’intéressé, selon lequel cette loi serait contraire à la Constitution.

Procédure suivie par la requérante no 169

Le 28 mai 1996, la requérante no 169 saisit la Deuxième Chambre de la Cour des comptes d’un appel contre la décision de la 44e division de la Comptabilité Générale de l’Etat qui avait rejeté sa demande tendant à l’obtention d’une augmentation du montant de sa pension.

Le 11 mars 1999, par arrêt n° 335/1999, la Cour des comptes confirma la décision attaquée. En particulier, la cour considéra que la demande de la requérante du 12 octobre 1995, tendant à obtenir une augmentation du montant de sa pension, fut à juste titre rejetée par la Comptabilité Générale de l’Etat, sur la base des dispositions de la loi n° 2320/1995. La cour rejeta l’argument de l’intéressée, selon lequel cette loi serait contraire à la Constitution.

Défaut de pourvoi en cassation

Les requérants ne se pourvurent pas en cassation contre ces arrêts. Ils affirment que, compte tenu de la jurisprudence constante de la formation plénière de la Cour des comptes en la matière, leur pourvoi eut été voué à l’échec. En particulier, ils se réfèrent à plusieurs arrêts rendus par la formation plénière de la Cour des comptes entre 1996 et 2000, confirmant le refus de la Deuxième Chambre d’octroyer l’allocation sollicitée aux retraités ayant quitté leur service avant le 1er janvier 1990.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants nos 53, 113, 166, 167, 168 et 169 se plaignent de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable.

2. Invoquant l’article 1 du Protocole n° 1, combiné avec l’article 14 de la Convention, les requérants nos 53, 113, 166, 167, 168 et 169 se plaignent aussi d’avoir fait l’objet d’une atteinte discriminatoire à leur droit au respect de leurs biens.

3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, tous les requérants se plaignent de ne pas avoir eu accès à un tribunal pour faire valoir leurs droits. Ils se plaignent aussi de la durée de la procédure.

EN DROIT

1. Les requérants nos 53, 113, 166, 167, 168 et 169 se plaignent de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable pour la détermination de leur droit civil à l’augmentation du montant de leurs pensions, du fait que la question soumise aux tribunaux nationaux a été tranchée par le législateur et non par le pouvoir judiciaire. En particulier, ils affirment que la loi n° 2512/1997 influa directement sur le dénouement du litige ; or, cette loi fut adoptée alors que leurs appels étaient déjà pendants devant la Cour des comptes. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

La Cour doit d’abord rechercher si les requérants en question peuvent se prétendre victimes d’une violation de la Convention, au sens de l’article 34.

Aux termes de cet article, « la Cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique (...) qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles (...) ».

La Cour rappelle que pour qu’un requérant puisse se prétendre victime d’une violation de l’un des droits et libertés garantis par la Convention, il doit exister un lien suffisamment direct entre le requérant en tant que tel et le préjudice qu’il estime avoir subi du fait de la violation alléguée. A cet égard, la Cour rappelle que ne peut se prétendre victime celui qui est incapable de montrer qu’il est personnellement affecté par l’application de la loi qu’il critique (voir, entre autres, l’arrêt Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande du 29 octobre 1992, Série A n° 246-A, p.22, § 44).

Dans le cas d’espèce, la Cour note que les requérants susmentionnés saisirent la Comptabilité Générale de l’Etat de leurs demandes tendant à la revalorisation de leurs pensions après l’entrée en vigueur de la loi n° 2320/1995 ; or, c’est sur la base de cette loi que la Comptabilité Générale de l’Etat puis la Cour des comptes rejetèrent les demandes des requérants. Ceux-ci ne sauraient donc se plaindre d’une ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice. Ils ne sauraient non plus invoquer une ingérence de la part de la loi n° 2512/1997 du 27 juin 1997 – laquelle est en effet postérieure à l’introduction de leurs demandes –, puisque les juridictions critiquées ne se sont aucunement fondées sur les dispositions de cette loi pour rejeter les recours dont elles étaient saisies.

Il s’ensuit que le grief soulevé par les requérants nos 53, 113, 166, 167, 168 et 169 au regard de l’équité de la procédure est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. Les requérants nos 53, 113, 166, 167, 168 et 169 se plaignent en outre d’une atteinte à leur droit au respect de leurs biens. Ils affirment avoir perdu leur droit à obtenir l’augmentation de leurs pensions et considèrent avoir fait l’objet d’une discrimination par rapport aux retraités qui ont quitté leurs services après l’entrée en vigueur de la loi n° 1881/1990. Ils invoquent les articles 1 du Protocole n° 1 et 14 de la Convention.

L’article 1 du Protocole n° 1 dispose :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

L’article 14 de la Convention est ainsi libellé :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

La Cour estime que les prétendues créances des requérants susmentionnés ne peuvent passer pour des « biens » au sens de l’article 1 du Protocole n° 1, puisqu’aucune n’a été constatée et liquidée par une décision judiciaire ayant force de chose jugée. Telle est pourtant la condition pour qu’une créance soit certaine et exigible et, partant, protégée par l’article 1 du Protocole n° 1 (voir l’arrêt Raffineries Grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce du 9 décembre 1994, Série A, n° 301-B).

En particulier, la Cour note que, tant que leur affaire était pendante devant les juridictions internes, leur action ne faisait naître, dans le chef des requérants, aucun droit de créance, mais uniquement l’éventualité d’obtenir pareille créance. Dès lors, les arrêts de la Cour des comptes ayant débouté les requérants de leurs demandes n’ont pu avoir pour effet de les priver d’un bien dont ils étaient propriétaires.

La Cour rappelle par ailleurs que l’article 14 de la Convention complète les autres clauses normatives de la Convention et des protocoles ; il n’a pas d’existence indépendante, puisqu’il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu’elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, il possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l’empire de l’une au moins desdites clauses (voir, par exemple, l’arrêt Van Raalte c. Pays-Bas, du 21 février 1997, Recueil 1997-I, p. 184, § 33, ainsi que la décision de la Cour du 30 mars 1999 dans les affaires Comité des médecins à diplômes étrangers c. France et Ettahiri et autres c. France, requêtes nos 39527/98 et 39531/98).

Dans le cas d’espèce, la Cour a jugé qu’il n’y avait pas de manquement aux exigences de l’article 1 du Protocole n° 1 considéré isolément. Elle doit dès lors examiner s’il y a eu violation de cette disposition, combinée avec l’article 14 de la Convention.

La Cour rappelle qu’une distinction est discriminatoire au sens de l’article 14, si elle « manque de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ». Par ailleurs, les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement (voir l’arrêt Karlheinz Schmidt c. Allemagne du 18 juillet 1994, série A n° 291–B, p. 32, § 24).

Pour ce qui est de la présente affaire, compte tenu notamment de l’objet du litige, il n’appartient pas à la Cour de substituer son appréciation à celle des autorités étatiques compétentes, lesquelles ont décidé d’allouer l’allocation en question seulement aux retraités qui ont quitté leur service après le 1er janvier 1990. La Cour ne saurait remettre en question les motifs des autorités nationales d’estimer ce choix fondé sur une justification objective et raisonnable.

Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, tous les requérants se plaignent de ne pas avoir eu accès à un tribunal pour faire valoir leurs droits. D’une part, ils se plaignent de l’irrecevabilité de leurs recours pour avoir omis de payer la consignation prévue par la loi pour l’exercice de ceux-ci. Ils estiment qu’au vu de la législation pertinente, ils n’étaient pas obligés de payer chacun une consignation, puisqu’ils saisirent conjointement la Cour des comptes. D’autre part, ils se livrent à une analyse détaillée du droit interne relatif aux recours exercés conjointement, pour affirmer que la Cour des comptes considéra à tort que les conditions posées par la loi pour un recours conjoint n’étaient pas réunies en l’espèce.

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus.

La Cour note qu’en l’espèce, les requérants ont omis de se pourvoir en cassation contre les arrêts critiqués de la Deuxième Chambre de la Cour des Comptes. Il est vrai que les requérants affirment qu’en vertu de la jurisprudence, ce recours eut été voué à l’échec. Toutefois, la Cour observe que la jurisprudence à laquelle se réfèrent les requérants porte sur le bien-fondé du litige et non sur les raisons retenues par la Deuxième Chambre de la Cour des comptes pour rejeter leurs recours. Or, ce sont précisément ces raisons qui font actuellement grief aux requérants.

Autrement dit, dans la mesure où ils se plaignent de ne pas avoir eu accès à un tribunal du fait de l’irrecevabilité de leurs appels pour non-paiement d’une consignation et pour manquement aux conditions de recours conjoints, la Cour considère que les requérants n’ont pas donné aux juridictions nationales la possibilité de redresser la violation alléguée (voir notamment l’arrêt Cardot c. France du 19 mars 1991, série A n° 200, p. 19, § 36). La position qu’aurait éventuellement adoptée la formation plénière de la Cour des comptes quant au bien-fondé de leurs demandes ne saurait dispenser les requérants de l’obligation de se pourvoir en cassation pour attirer ainsi l’attention de la haute juridiction sur le problème d’accès à un tribunal dont ils saisissent actuellement la Cour.

Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

4. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, tous les requérants se plaignent enfin de la durée de la procédure.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief des requérants tiré de la durée de la procédure ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Søren Nielsen Françoise Tulkens
Greffier adjoint Présidente


ANNEXE

Liste des requérants

  1. BELAOUSOF Vassilios
  2. SAVVAKIS Apostolos
  3. TSOPANELIS Aristidis
  4. FAVATAS Ioannis
  5. VRAKAS Vassilios
  6. GOUGOULAS Ioannis
  7. GRAVANIS Stergios
  8. DREPANIAS Konstantinos
  9. ELEFTHERIOU Nikolaos
  10. KOUZIGIANNIS Theodoros
  11. MARKOMANOLAKIS Georgios-Paris
  12. MOUMOURIS Spyridonas
  13. BEKATOROS Athanasios
  14. PAPAKOUNADIS Stamatios
  15. PATSOURAKOS Dimitrios
  16. PROTOPAPAS Georgios
  17. RIGAS Agisilaos
  18. STATHOPOULOS Ioannis
  19. TZOUMAS Konstantinos
  20. TSIGONIAS Antonios
  21. TSOURIS Konstantinos
  22. TSEKOURAS Vlasios
  23. FILIPPOU Ilias
  24. CHRISTIDIS Ilias
  25. CHRISTOGEORGOS Konstantinos
  26. DRAGONAS Sotirios
  27. KAGGOS Aristidis
  28. KONSTANTOPOULOS Georgios
  29. LYKARTSIS Nikolaos
  30. TSOUBA Margarita
  31. SOUSOURAS Christos
  32. TOMARAS Dimitrios
  33. TRANAKIDIS Petros
  34. CHRONOPOULOS Grigorios
  35. VIDALIS Orestis
  36. MOURGELAS Grigorios
  37. PAPADAKIS Nikolaos
  38. ATHANASOPOULOU Efthymia
  39. PIKOULAKI Niovi
  40. KIKILIA Rodami
  41. KONSTANTARA Georgia
  42. KONSTANTARA Panagiota
  43. PAPATHANASOPOULOU Potoula
  44. VADIKOLIA Maria
  45. KETSEA Aspasia
  46. BELLIA Eleni-Spyridoula
  47. BOUZA Vassiliki
  48. SKANAVI Sophia
  49. CHAMAKIOTI Maria
  50. PANAGIOTAKOU Foula-Georgia
  51. PAPAGIANNOPOULOU Fotini-Romaia
  52. LYTARIS Andreas
  53. KARDIAKAFTITIS Sotirios
  54. DREKOLIAS Dimitrios
  55. KANELLEAS Panagiotis
  56. KOURTIS Georgios
  57. MELLIOS Nikolaos
  58. ATHANASIADIS Ilias
  59. GARGAS Christos
  60. GOUTAS Ioannis
  61. GRIVAS Konstantinos
  62. MILAS Gerasimos-Stelios
  63. DEMESTICHAS Dimitrios
  64. MAVRAGANIS Georgios
  65. BIKOS Dimitrios
  66. TZAVELLA Eleni
  67. VAVOUGIOS Evaggelos
  68. GIATZIBALI Michail
  69. GEROLYBOS Georgios
  70. GEORGITSI Kleopatra
  71. INEBOLIDIS Stavros
  72. IOANNOU Fotiou
  73. KARLIS Panagiotis
  74. KARTERIS Konstantinos
  75. KRANIAS Ilias
  76. MALAKOS Georgios
  77. PAPASIMAKOPOULOS Nikolaos
  78. PANAGIOTOPOULOS Nikolaos
  79. PLOCHORAS Konstantinos
  80. PAPATHEODOROU Vassilios
  81. PAPIA Parisiou
  82. SKOURTIS Dimitrios
  83. SOFATASOS Apostolos
  84. TSITAKIS Gerasimos
  85. TSOGGAS Efthymios
  86. ZAFIROULIS Grigorios
  87. MORAITIS Sotirios
  88. MANOUSOPOULOS Athanasios
  89. NIARCHOS Diamantis
  90. NANOPOULOS Achilleas
  91. ORFANOUDAKIS Anastasios
  92. PAPADOPOULOS Konstantinos
  93. PANAS Epaminondas
  94. POLITIS Charilaos
  95. CHATZOPOULOS Ioannis
  96. VAGIAS Ioannis
  97. VIBLIS Kimonas
  98. GRYLLAKIS Nikolaos
  99. GIANNOPOULOS Agisilaos
  100. KATSARELIS Athanasios
  101. LEVENTIS Georgios
  102. MANOUSAKIS Ioannis
  103. MANTHOPOULOS Dimitrios
  104. MATSOUKI Panagoula
  105. MATSOUKI Marina
  106. MATSOUKI Trisevgeni
  107. PAPATHANASIOU Periklis
  108. PLEVRAKIS Emmanouil
  109. SANIDAS Evaggelos
  110. TOPOUZI Nikolaos
  111. PANAGOPOULOS Dimitrios
  112. DAMVOUNELI Eleni
  113. VALANDREAS Panagiotis
  114. EMMANOUILIDIOU Kleopatra
  115. ERMOGENIS Konstantinos
  116. ZAVAKOS Nikolaos
  117. KAPETANAKIS Konstantinos
  118. KOUMENTAKOS Dimitrios
  119. LAZAROU Georgios
  120. MAKEDON Vassilios
  121. MARGARITIS Charalambos
  122. MARKOS Ioannis
  123. OIKONOMOU Styliani
  124. PAPAIOANNOU Georgios
  125. SYRMOPOULOS Charalambos
  126. GEORGARAS Nikolaos
  127. PISTIKIDI Anastasia
  128. ANDRIKOPOULOS Andreas
  129. DIAMANTI Maria
  130. PAPANAGIOTOU Nikolaos
  131. DOUVARA Anna et Areti
  132. PAPPAS Efstathios
  133. VAITSIS Eleftheronikos
  134. MYLONAS Chrysostomos
  135. SAFARIKAS Nikiforos
  136. SEREMETAKIS Spyridon
  137. TSIABALIS Achilleas
  138. XENOULI Aggeliki
  139. AVGEROPOULOS Themistoklis
  140. ZABETAKIS Andreas
  141. ISKOS Ioannis
  142. KOLIOPOULOS Ioannis
  143. KORNIOTAKIS Michail
  144. KOLOUMVAKIS Nikolaos
  145. LABATHAKIS Panagiotis
  146. MINOPOULOS Georgios
  147. PAPANIKOLAOU Kosmas
  148. PEPPAS Georgios
  149. CHRYSIKOS Konstantinos
  150. ILIAKOPOULOU Vassiliki
  151. LIAPAKIS Nikolaos
  152. NIKIFORIADIS Vyronas-Stylianos
  153. PAPALEXANDROU Panagiotis
  154. SKLIVAGGOS Christos
  155. SYNTELI Irini
  156. KOLOKOURIS Petros
  157. KAFKAS Georgios
  158. SARCHANIS Christos
  159. SOUPOS Georgios
  160. LOUKAS Spyridon
  161. VASSILAKIS Konstantinos
  162. KYRIAKOULAKOS Efstathios
  163. ROUBAS Ioannis
  164. STEFANAKIS Theodoros
  165. FROUTZOS Christos
  166. MICHAS Pantelis
  167. AVGERINOS Tilemachos
  168. PERROSTIS Aimilios
  169. IATRIDOU Eleni