Přehled
Rozhodnutí
PREMIÈRE SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 53051/99
présentée par Hariklia, Georges et Evangelos LIVANOS
contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 6 décembre 2001 en une chambre composée de
Mme F. Tulkens, présidente,
MM. C.L. Rozakis,
P. Lorenzen,
Mme N. Vajić,
MM. E. Levits,
A. Kovler,
V. Zagrebelsky, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22 novembre 1999 et enregistrée le 30 novembre 1999,
Vu la décision partielle du 18 janvier 2001,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont des ressortissants grecs, nés respectivement en 1942, 1964 et 1966, et résidant au Pirée. La première requérante est la veuve de Constantinos Livanos, père des deux autres requérants. Ils sont représentés devant la Cour par Me Ch. Tagaras, avocat au barreau d’Athènes.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 21 octobre 1994, Constantinos Livanos périt dans un accident routier. Son véhicule fut emporté par les eaux suite à de fortes précipitations et projeté dans un puits non couvert.
Le 27 juin 1995, les requérants déposèrent une plainte avec constitution de partie civile contre huit membres de la société de construction « Kataskevi AE », chargée du chantier où eut lieu l’accident, et contre deux mécaniciens du ministère de l’Environnement et des Travaux Publics qui supervisaient le chantier. Une information fut alors ouverte pour homicide involontaire.
Le 29 juillet 1997, le procureur soumit son rapport devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes, proposant de ne pas inculper les personnes mises en cause. Le procureur exposa aussi oralement sa proposition devant la chambre d’accusation, le 11 août 1997.
Par ordonnance n° 111 du 13 janvier 1998, la chambre d’accusation décida qu’il n’y avait pas lieu d’inculper les dix personnes visées par la plainte des requérants.
Le 25 février 1998, les requérants interjetèrent appel de cette ordonnance.
Le 28 mars 1998, le procureur soumit son rapport devant la chambre d’accusation, dans lequel il proposait le rejet de l’appel. Le procureur exposa aussi oralement sa proposition devant la chambre d’accusation, le 16 avril 1998.
Par ordonnance n° 1198 du 25 mai 1999, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Athènes rejeta l’appel formé par les requérants et confirma l’ordonnance attaquée. Les requérants ne se pourvurent pas en cassation.
GRIEF
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée de la procédure.
EN DROIT
Les requérants se plaignent de la durée de la procédure relative à l’instruction de leur plainte avec constitution de partie civile. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A titre principal, le Gouvernement soutient que la procédure en cause s’est terminée par un non-lieu et n’a donc pas porté sur « des droits et obligations de caractère civil » des requérants. Le Gouvernement expose que les juridictions saisies ont exclusivement examiné la responsabilité pénale des personnes visées par les requérants dans leur plainte et ne se sont à aucun moment prononcés sur le droit de ceux-ci à indemnisation. La constitution de partie civile des requérants aurait pu conduire à faire trancher une contestation sur leurs droits et obligations de caractère civil si l’infraction avait été établie et si les juridictions d’instruction avaient renvoyé l’affaire devant les juridictions pénales, devant lesquelles les requérants auraient pu demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
A titre subsidiaire, le Gouvernement affirme que, compte tenu de la complexité de l’affaire, la durée globale de la procédure n’a pas été déraisonnable.
Les requérants combattent les thèses avancées par le Gouvernement. Ils affirment que, selon la jurisprudence constante de la Cour, l’article 6 s’applique en l’espèce et que leur affaire connut une durée excessive.
La Cour rappelle que selon les principes dégagés par sa jurisprudence, elle doit rechercher s’il y avait une « contestation » sur un « droit » que l’on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit s’agir d’une contestation réelle et sérieuse ; elle peut concerner aussi bien l’existence même d’un droit que son étendue ou ses modalités d’exercice ; enfin, l’issue de la procédure doit être directement déterminante pour un tel droit.
En l’espèce, la Cour constate qu’en choisissant la voie pénale, les requérants déclenchèrent des poursuites judiciaires afin d’obtenir une déclaration de culpabilité, qui est une condition préalable à toute indemnisation. Le non-lieu auquel aboutit la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Athènes les priva de tout droit d’agir en réparation. L’issue de la procédure fut donc directement déterminante aux fins de l’article 6 § 1 de la Convention pour l’établissement de leur droit à réparation (voir l’arrêt Acquaviva c. France du 21 novembre 1995, série A n° 333–A, pp. 14–15, §§ 45–48). Par conséquent, l’article 6 § 1 s’applique en l’occurrence.
La Cour estime, à la lumière des critères dégagés par sa jurisprudence en matière de « délai raisonnable », et compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, que ce grief doit faire l’objet d’un examen au fond.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare le restant de la requête recevable, tous moyens de fond réservés.
Erik Fribergh Françoise Tulkens
Greffier Présidente