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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
4.12.2001
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

QUATRIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 59072/00
présentée par Fernando GONZALEZ DORIA DURAN DE QUIROGA
contre l’Espagne

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 4 décembre 2001 en une chambre composée de

Sir Nicolas Bratza, président,
MM. M. Pellonpää,
A. Pastor Ridruejo,
J. Makarczyk,
Mme V. Strážnická,
MM. R. Maruste,
S. Pavlovschi, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 22 avril 2000 et enregistrée le 18 juillet 2000,

Vu la décision d’irrecevabilité du 11 avril 2001,

Vu la lettre du requérant datée du 28 mai 2001, par laquelle il sollicite la réinscription de la requête au rôle de la Cour,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

FAIT

Le requérant, Fernando González Doria Durán de Quiroga, est un ressortissant espagnol, né en 1938 et résidant à Almendralejo (Badajoz).

Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant, avocat expert en droit nobiliaire, entama des procédures tendant à voir réhabiliter, pour lui-même et pour des parents, ainsi que pour ses clients, des titres nobiliaires.

Le 8 juin 1985, le ministère public diligenta une procédure pénale à l’encontre du requérant et d’autres personnes pour faux en écriture. Des accusateurs particuliers se joignirent ensuite à la procédure.

Le 8 novembre 1985, une perquisition eut lieu au domicile du requérant et dans ses locaux professionnels.

Le 10 octobre 1985, le juge d’instruction de Madrid décida de placer le requérant en prison provisoire, en raison des délits de faux en écriture et escroquerie qui lui étaient imputés. Le 9 juin 1985, ce même juge avait toutefois refusé la demande effectuée par le ministère public en ce sens.

Le 13 janvier 1986, le juge rendit une ordonnance d’inculpation et confirma la prison provisoire du requérant.

Le 21 février 1986, le requérant demanda au juge d’instruction que la procédure fût déclarée nulle, en raison du non-respect de la légalité dans les documents saisis lors des perquisitions à son domicile et dans ses locaux professionnels. Sa demande fut rejetée en date du 30 mai 1987. Le requérant fit appel, devant l’Audiencia Provincial qui, par une décision du 3 juin 1988, confirma la décision attaquée et rejeta la demande en nullité. Le requérant fait valoir que M. Serrano était l’un des magistrats qui faisaient partie de la chambre du tribunal qui rejeta son appel.

Par une ordonnance du 27 janvier 1989, le juge d’instruction clôtura l’instruction, expliquant les raisons pour lesquelles cette dernière s’était autant étendue, et remit le dossier à l’Audiencia Provincial.

Toutefois, le 8 octobre 1990, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi organique 7/1988 du 28 décembre 1988, la chambre de l’Audiencia Provincial dont M. Serrano faisait partie, renvoya le dossier au juge d’instruction pour qu’il procédât aux modifications procédurales prévues par la loi.

Le 27 mai 1991, le juge accorda alors un délai de cinq jours aux parties pour qu’elles demandent l’ouverture de la phase orale et formulent des mémoires en accusation ou demandent le non-lieu. Le ministère public sollicita que de nouveaux moyens de preuve eussent lieu, à la suite desquels, il dirigea aussi l’accusation contre d’autres personnes.

Le 13 juillet 1992, le requérant fit valoir, devant la commission permanente du Conseil général de la magistrature, que les délais excessifs de la procédure lui portaient préjudice. Il réitéra sa plainte les 10 décembre 1993 et 9 juin 1994.

Le 20 mai 1996, le requérant sollicita que certains moyens de preuve, dont une expertise, fussent effectués, ainsi que la comparution des témoins à décharge. Par une décision du 20 mai 1996, la chambre de l’Audiencia Provincial, dont M. Serrano faisait partie, refusa de pratiquer certains des moyens de preuve proposés par le requérant. Le 29 mai 1996, il se plaignit de cette décision et du fait qu’un tel refus le privait de ses possibilités de se défendre.

Lors des débats oraux, le requérant fit valoir que les faits qui lui étaient imputés étaient prescrits, et se plaignit de la durée excessive de la procédure. Par une décision du 10 mars 1997, la chambre de l’Audiencia Provincial, dont M. Serrano faisait partie, nota effectivement que le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable n’avait pas été strictement respecté, mais estima qu’une bonne partie des retards était due au comportement des parties. Elle précisa toutefois que l’arrêt devrait, le cas échéant, inclure une référence expresse à cet égard. Concernant la prescription alléguée, l’Audiencia Provincial nota que, dans la mesure où les délits de faux et d’escroquerie imputés au requérant avaient un caractère continu, le délai de trois ans auquel il faisait référence ne pouvait être calculé qu’à partir de la date de présentation du dernier des documents en cause.

Par un arrêt du 5 mai 1997, l’Audiencia Provincial de Madrid, composée, entre autres, de M. Serrano, condamna le requérant à une peine de quatre ans d’emprisonnement et à des amendes, pour délits continus de faux en écriture et escroquerie, et à verser des indemnisations d’un montant total de 987 512 aux victimes. Il fut aussi interdit d’exercer sa profession d’avocat pendant la durée de la peine.

L’Audiencia Provincial confirma d’emblée le caractère public, et non privé, comme le requérant le prétendait, des documents en cause, dans la mesure où ils avaient pour unique finalité d’être incorporés à un dossier administratif afin de créer une apparence de légalité et provoquer un préjudice à des tiers. Le délit de faux en écriture était donc correctement défini. L’Audiencia Provincial prit en compte, pour conclure à la condamnation du requérant, les rapports d’expertise émis par la Diputación permanente de la Grandeza d’Espagne, ainsi que d’autres expertises, concluant au caractère faux des certificats et des arbres généalogiques fournis par le requérant afin d’obtenir la réhabilitation des titres en cause, des témoignages des prêtres des diverses églises et paroisses, auxquels on attribua ces documents, et dans lesquels le requérant avait falsifié la signature et les tampons apposés, des témoignages de certains des clients du requérant qui avaient réclamé les titres litigieux, des documents trouvés lors des perquisitions qui eurent lieu au domicile et dans les locaux professionnels du requérant, etc.

Pour apprécier la commission d’un délit continu, l’Audiencia Provincial constata l’existence d’un plan et d’un seul propos, l’homogénéité du modus operandi, l’identité du sujet actif, et le fait que les différentes actions ont eu lieu dans un même contexte temporaire, ou dans un contexte proche qui ne rend pas indépendantes ces actions. Ainsi, le requérant, entre 1980 et 1985, tenta de réhabiliter les titres nobiliaires en cause et, à cette fin, créa de faux documents tels que certificats de « mérites » attribués à des prêtres, de faux arbres généalogiques, des certificats de mariage, et autres.

Concernant la durée de la procédure, l’Audiencia Provincial estima que cette dernière avait fait l’objet de retards, mais qu’ils n’avaient pas porté atteinte au droit à un procès équitable dans un délai raisonnable. Elle se référa à la compensation qui aurait lieu lors de la fixation de la peine aux faits de la cause, tenant compte du mal que la peine inflige au condamné et la mal que se dernier a causé, ainsi que d’autres facteurs comme le fait d’être repenti moralement et la capacité de commettre à nouveau ces délits.

Le 27 mai 1997, le requérant se pourvut en cassation.

Par un arrêt du 4 décembre 1998, le Tribunal suprême rejeta le pourvoi. Pour ce qui est du grief du requérant tiré du défaut de timbre, numérotation et signature de chacune des pages des documents saisis lors des perquisitions qui eurent lieu à son domicile et dans ses locaux professionnels, le Tribunal se référa au respect absolu de la légalité dans les perquisitions, comme le requérant le reconnaît, effectuées en présence du greffier et d’autres fonctionnaires du tribunal, des témoins et du juge, et considéra que le défaut matériel allégué ne saurait faire conclure à la nullité demandée par le requérant, puisqu’un tel défaut ne l’a aucunement placé dans une situation d’impossibilité de se défendre.

Pour ce qui est da la durée de la procédure, le Tribunal suprême observa que le délai avait été, certes, excessif, mais qu’il était dû à la complexité de l’instruction et au comportement des accusés, et notait que cette question ne pouvait être tranchée qu’à travers une demande de grâce ou au moyen d’une réclamation d’indemnisation pour mauvais fonctionnement de la justice.

Quant aux autres motifs invoqués par le requérant, le Tribunal suprême fit siens les arguments du tribunal a quo. Il écarta par ailleurs, comme sortant du cadre du procès, les considérations du requérant relatives à l’évolution historique des titres nobiliaires et à sa considération par la Constitution.

Le 2 janvier 1999, le requérant saisit le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo.

Par une décision du 13 octobre 1999, notifiée le 7 novembre 1999, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours comme étant dépourvu de fondement constitutionnel.

Tribunal constitutionnel estima que l’Audiencia Provincial avait déclaré irrecevables certains moyens de preuve à décharge sur la base d’une décision motivée et raisonnable, se référant en effet à l’absence de connexion entre les preuves proposées et le fait qu’elles prétendaient prouver, au fait qu’elles n’étaient pas nécessaires puisque le caractère faux des documents pouvait être prouvé par d’autres moyens, et aux retards que l’administration de moyens de preuve si complexes pouvait entraîner dans la procédure, et conclut que le requérant ne s’était pas vu privé de son droit de se défendre.

Pour ce qui est du grief tiré de la durée de la procédure, le Tribunal constitutionnel se référa à la complexité de la cause, étant donné le nombre et les caractéristiques des documents examinés, et au comportement du requérant, pris en compte par les juridictions, qui aurait allongé la procédure au moyen des demandes d’administration de certaines preuves.

Concernant le grief tiré du principe de légalité, le Tribunal constitutionnel nota que l’interprétation du caractère public des documents en cause relevait des juridictions internes, qu’elle n’était pas arbitraire, et que cette considération était indépendante du principe de non-discrimination pour raison de naissance, allégué par le requérant et consacré par la Constitution.

Le 15 décembre 2000, le requérant bénéficia d’une mesure de grâce qui réduisit la peine de privation de liberté de quatre ans qui lui avait été infligée, à la moitié de la peine qui lui restait à accomplir, sous condition de ne plus commettre de délit de façon intentionnelle pendant ce laps de temps.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 §§ 1, 2 et 3 b) de la Convention, le requérant se plaint :

a) de ce qu’il a été condamné en l’absence de preuves suffisantes pour conclure à sa culpabilité et a, par contre, été privé de la possibilité de se défendre, dans la mesure où les moyens de preuve qu’il avait lui-même proposés furent déclarés irrecevables par l’Audiencia Provincial. Le requérant se réfère à l’absence alléguée de vérification des livres et aux déclarations contradictoires de certains témoins.

b) qu’il n’a pas eu droit à un tribunal indépendant et impartial, du fait que l’un des juges faisant partie du tribunal de fond était déjà intervenu lors de la phase d’instruction.

c) de la durée de la procédure pénale diligentée à son encontre, dans la mesure où trois ans s’écoulèrent entre.

2. Invoquant l’article 7 de la Convention, le requérant se plaint qu’il a été condamné pour un délit de faux en écriture, alors que les documents en cause avaient un caractère privé et n’avaient pas d’animus iniuriandi, éléments nécessaires pour constituer le délit en cause. Il ajoute que, dans la mesure où aucune religion n’a le caractère d’étatique en Espagne, les documents et certificats issus des églises et paroisses ne peuvent pas être considérés comme publics.

3. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint du fait que les perquisitions à son domicile et dans ses locaux professionnels ne furent pas conformes à la loi, dans la mesure où les documents saisis ne furent pas tamponnés, numérotés et signés à chaque page.

EN DROIT

1. Par une décision du 11 avril 2001, la Cour a déclaré la requête irrecevable pour tardiveté. Toutefois, sur la base de nouveaux éléments fournis par le requérant le 28 mai 2001, qui démontraient qu’il avait saisi la Cour dans le délai de six mois prévu par l’article 35 de la Convention, et vu les circonstances de l’espèce, la Cour décide exceptionnellement de rouvrir l’examen de la requête.

2. Le requérant se plaint d’une atteinte à son droit à un procès équitable dans un délai raisonnable, au principe de la présomption d’innocence et à ses droits de la défense. Il invoque l’article 6 §§1, 2 et 3 b) de la Convention, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (...) »

a) Dans la mesure où le requérant se plaint d’avoir été condamné en l’absence de preuves concluant à sa culpabilité, et a été privé de la possibilité de se défendre, la Cour estime que les griefs du requérant doivent être examinés sous l’angle de la règle générale du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention, tout en ayant présent à l’esprit les exigences des paragraphes 2 et 3 de cet article. Elle rappelle que la présomption d’innocence que le paragraphe 2 consacre, et les divers droits que le paragraphe 3 énumère en des termes non exhaustifs, constituent des éléments, parmi d’autres, de la notion de procès équitable en matière pénale (voir, notamment, les arrêts Deweer c. Belgique du 27 février 1980, série A n° 35, p. 30, § 56, Minelli c. Suisse du 25 mars 1983, série A n° 62, p. 15, § 27, Allenet de Ribemont c. France du 10 février 1995, série A n° 308, p. 16, § 35, Pullar c. Royaume-Uni du 10 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 796, § 45, et Foucher c. France du 18 mars 1997, Recueil 1997-II, p. 464, § 30 ), et que les garanties du paragraphe 3 de l’article 6 de la Convention représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable, assuré sur le plan général, par le paragraphe 1. C’est pourquoi elle estime approprié d’examiner les griefs du requérant sous l’angle des deux textes combinés.

La Cour rappelle que la question de savoir si une procédure s’est déroulée conformément aux exigences du procès équitable, telles qu’énoncées à l’article 6 § 1 de la Convention, doit être tranchée sur la base d’une appréciation de la procédure en cause considérée dans sa globalité. La Cour renvoie à cet égard à la jurisprudence constante des organes de la Convention (voir, par exemple, l’arrêt Barbera, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988, série A n° 146, p. 31, § 68). Par ailleurs, il n’entre pas dans les attributions de la Cour de substituer sa propre appréciation des faits et des preuves à celle des juridictions internes, sa tâche étant de s’assurer que les moyens de preuve ont été présentés de manière à garantir un procès équitable (voir, mutatis mutandis, les arrêts Edwards c. Royaume-Uni du 16 décembre 1992, série A n° 247-B, pp. 34 et 35, § 34, et Mantovanelli c. France du 18 mars 1997, Recueil 1997-II, pp. 436-437, § 34). Par ailleurs, si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève dès lors, au premier chef, du droit interne et des juridictions nationales (voir les arrêts Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29, §§ 45-46, et García Ruiz c. Espagne [GC], n° 30544/96, § 28,CEDH 1999-I).

Le requérant estime qu’il a été condamné, en l’absence de preuves démontrant sa culpabilité, et qu’il a été privé de la possibilité d’administrer certaines preuves qui auraient fourni des informations importantes.

La Cour relève que les juridictions espagnoles ont déclaré le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés, estimant qu’il avait falsifié des documents afin d’obtenir la réhabilitation de certains titres nobiliaires, et considérant que ces documents avaient un caractère public en raison de leur finalité d’être incorporés à un dossier administratif afin de créer une apparence de légalité et provoquer un préjudice à des tiers.

Pour conclure à la condamnation du requérant, la Cour note que, furent pris en compte des preuves telles que des rapports d’expertise qui conclurent au caractère faux des certificats et des arbres généalogiques fournis par le requérant, ainsi que des témoignages des prêtres auxquels on attribua ces documents et dont les signatures et les tampons apposés avaient été falsifiés, des témoignages de certains des clients du requérant qui avaient réclamé de se voir réhabiliter les titres litigieux, des documents trouvés lors des perquisitions qui eurent lieu au domicile et dans les locaux professionnels du requérant, etc.

La Cour note que le Tribunal constitutionnel s’est référé à l’irrecevabilité de certains moyens de preuve à décharge décrétée par l’Audiencia Provincial sur la base d’une décision motivée et raisonnable, en raison de l’absence de connexion entre les preuves proposées et le fait qu’elles prétendaient prouver, de leur caractère non nécessaire, et afin d’éviter encore de retards inutiles dans la procédure, étant donné que le requérant ne s’était pas vu privé de son droit de se défendre.

La Cour rappelle à cet égard que l’appréciation de la preuve ressort, en premier lieu et de façon prioritaire, de la responsabilité de la juridiction de jugement. Elle estime, au vu de ce qui précède, que la conviction des organes judiciaires sur la culpabilité du requérant était fondée sur les éléments de preuve à charge produits à l’audience, et dont ils ont déduit la culpabilité. Ces éléments de preuve ont été produits, en plus, dans le respect des droits fondamentaux et des garanties de procédure légales et constitutionnelles – égalité, proximité, publicité et contradiction.

La Cour constate, en particulier, que le Tribunal suprême s’est prononcé, au stade de la cassation, sur les preuves examinées par l’Audiencia Provincial, par un arrêt amplement motivé. La Cour n’est pas compétente pour aller au-delà de cette constatation, ni pour réexaminer les preuves ni pour réviser ou remplacer les organes judiciaires internes dans l’interprétation des éléments de preuve sur lesquels la condamnation s’est fondée. La Cour ne relève aucune méconnaissance des droits de défense du requérant imputable aux juridictions concernées, le requérant ayant bénéficié d’une procédure contradictoire. Le fait qu’il ait été condamné à l’issue de cette procédure, ne saurait suffire à conclure à une violation des dispositions de la Convention invoquées par lui.

La Cour rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter les faits et la législation interne (voir, mutatis mutandis, les arrêts Bulut c. Autriche du 22 février 1996, Recueil 1996-II, p. 356, § 29, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2955, § 31, et Edificaciones March Gallego S.A. du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 290, § 33), et elle ne substituera pas sa propre appréciation des faits et du droit à la leur en l’absence d’arbitraire (voir, entre autres, l’arrêt Tejedor García c. Espagne du 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2796, § 31). C’est, en principe, aux juridictions internes d’y veiller dans le déroulement de leurs propres procédures.

A la lumière des principes dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention, la Cour estime que rien dans le dossier ne permet de déceler une apparence de violation par les juridictions espagnoles des droits reconnus à l’article 6 de la Convention.

Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

b) Pour ce qui est du grief tiré de l’absence du tribunal indépendant et impartial, la Cour constate que le requérant a omis, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal constitutionnel, de soulever expressément ou même en substance le grief qu’il présente devant la Cour et n’a, dès lors, pas satisfait à la condition de l’épuisement des voies de recours internes, posée à l’article 35 § 1 de la Convention. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.

c) Concernant le grief tiré de la durée de la procédure, en l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur sa recevabilité et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur, conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

3. Le requérant se plaint qu’il a été condamné pour un délit de faux en écriture alors que les documents en cause avaient un caractère privé et n’avaient pas d’animus iniuriandi, éléments nécessaires pour constituer le délit en cause. Il invoque l’article 7 de la Convention, dont la partie pertinente est libellée comme suit :

« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. »

La Cour observe que la présente affaire a été examinée dans le cadre d’une procédure contradictoire par des organes judiciaires, qui ont fondé en droit leurs décisions. Elle constate que le requérant se borne à montrer son désaccord avec le caractère public des documents litigieux puisque, s’ils avaient été considérés comme privés, le délit de faux en écriture ne pourrait pas être conformé. La Cour estime toutefois que les tribunaux internes ont rendu leurs décisions en se fondant sur la législation en vigueur et considère, à cet égard, qu’il n’apparaît pas qu’ils aient fait montre d’arbitraire dans l’interprétation du caractère public des documents en cause, ni dans l’appréciation de l’existence d’un préjudice pour des tiers, éléments, selon la législation pénale espagnole, nécessaires pour constituer le délit de faux en écriture. Le fait que le requérant ait résulté condamné pour un tel délit à l’issue d’une procédure telle que celle de l’espèce, ne suffit en soi à conclure à une violation de la disposition invoquée de la Convention. Rien dans le dossier ne permet en effet de déceler une quelconque apparence de violation par les juridictions espagnoles du droit reconnu à l’article 7 de la Convention.

4. Le requérant se plaint du fait que les perquisitions à son domicile et dans ses locaux professionnels ne furent pas conformes à la loi et invoque l’article 8 de la Convention, dont la partie pertinente dispose comme suit :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.(...) »

La Cour observe en premier lieu que le requérant ne s’est aucunement plaint, devant le Tribunal constitutionnel, d’une quelconque violation de son droit à la vie privée, au domicile et à la correspondance, de sorte qu’il n’a pas épuisé les voies de recours internes comme l’exige l’article 35 de la Convention. Il a soulevé certes, ce grief, devant le Tribunal suprême dans le cadre de son pourvoi en cassation, insistant su ce que quelques pages des documents saisis n’avaient pas été timbrées, numérotées et signées par le greffe du tribunal d’instruction, ce qui l’aurait privé de son droit de se défendre. La Cour relève que le Tribunal suprême se référa au respect absolu de la légalité dans les perquisitions, effectuées en présence du greffier et d’autres fonctionnaires du tribunal, des témoins et du juge, et conclut que le défaut matériel allégué n’avait aucunement placé le requérant dans une situation d’impossibilité de se défendre. A supposer même que le grief puisse être examiné sous l’angle de l’article 6 de la Convention, la Cour estime que le requérant n’a pas montré en quoi ces irrégularités procédurales commises auraient porté atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective par les juridictions. Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide, vu les circonstances exceptionnelles de l’espèce, la réouverture de l’examen de la requête ;

Ajourne l’examen du grief du requérant concernant la durée de la procédure ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Michael O’Boyle Nicolas Bratza
Greffier Président