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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
18.9.2001
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 49104/99
présentée par Alfons PUELINCKX
contre la Belgique

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 18 septembre 2001 en une chambre composée de

MM. J.-P. Costa, président,
W. Fuhrmann,
P. Kūris,
Mme F. Tulkens,
M. K. Jungwiert,
Sir Nicolas Bratza,
M. K. Traja, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 20 janvier 1999 et enregistrée le 24 juin 1999,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Le requérant, Alfons Puelinckx, est un ressortissant belge, né en 1937 et résidant à Grimbergen. Il est avocat et est représenté devant la Cour par Maîtres Defourny et Kuty, avocats à Liège.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Dans le cadre d’une instruction pour assassinat, le juge d’instruction A. a découvert des indices d’éventuelles infractions de corruption dans des marchés publics. Sur réquisition du ministère public, ce juge a ouvert un autre dossier en 1993, afin d’instruire sur ces nouveaux faits.

a. Le 13 octobre 1994, le juge d’instruction A. a délivré un mandat d’arrêt international à l’encontre d’un homme d’affaires syrien, B., dans le dossier de corruption. Un nouveau mandat a été délivré, en remplacement du premier, le 13 janvier 1995 et fut levé le 27 juillet 1995 au motif que la « mesure de détention préventive [n’était] plus absolument nécessaire à la sécurité publique ».

Le 21 septembre 1995, le juge d’instruction A. a convoqué B. à comparaître en personne à son cabinet le 12 octobre 1995. B. n’a pas donné suite à cette convocation, mais fourni divers documents par l’intermédiaire de son avocat suisse le 5 octobre 1995. Deux nouveaux mandats d’arrêt international ont été délivrés le 17 janvier 1995 et le 5 mars 1996. Par lettre du 18 décembre 1996, B. a signalé qu’il n’avait pu donner suite aux convocations antérieures en raison de son état de santé, mais expliquait qu’il était à la disposition des enquêteurs à Damas. Il exposait également qu’il pourrait se rendre volontairement en Belgique et y rester durant 2 mois à la disposition des enquêteurs, mais qu’il désirait éviter de séjourner en prison.

B. est décédé dans un accident de circulation à Genève fin mai 1998.

b. Le 13 janvier 1995, le Procureur général à la Cour de cassation a dénoncé au procureur de la Cour d’appel de Bruxelles de « fuites » d’informations en direction de la presse intervenues dans le dossier de corruption. Il s’exprimait notamment en ces mots :

« Vous avez peut-être eu l’attention attirée sur des informations diffusées hier, 12/01/1995, sur les antennes de la RTBF (Radio-Télévision belge de langue française), au cours du journal télévisé de 19 h 30, concernant l’affaire AGUSTA. Vous n’ignorez pas qu’il y a dans cette affaire saisine parallèle de la Cour de cassation et de Madame le Juge d’Instruction A. de Liège.

Il a été déclaré en substance que l’affaire avançait, que des commissions avaient effectivement été payées à des Belges et qu’étaient notamment intervenus un homme d’affaires arabe et un avocat.

Ces informations sont révélatrices de nouvelles « fuites » dont je crains que l’origine se trouve nécessairement chez des personnes tenues au secret professionnel. (...) Je vous prie de faire procéder aux investigations requises avec minutie, diligence et discrétion et de me tenir au courant des résultats ».

c. Le 16 février 1995, le requérant fut interrogé par le juge d’instruction A. A l’issue de son interrogatoire, il fut inculpé et placé sous mandat d’arrêt A. Il fut remis en liberté par un arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Liège du 19 mai 1995.

Le 4 avril 1996, il fut interrogé par le juge d’instruction P. Celui-ci prit, le même jour, une ordonnance de libération sous condition où, après avoir mentionné divers éléments justifiant la délivrance d’un mandat d’arrêt, il décida que le requérant serait laissé en liberté à condition de constituer une caution de 5 000 000 francs belges (BEF) et de fournir avant certains documents bancaires. Par une seconde ordonnance du 23 avril 1996, ce juge imposa, comme condition au maintien en liberté la « fourniture, au plus tard le 21 mai 1996, aux enquêteurs de la Cellule COOLS, de tous les justificatifs leur permettant de vérifier que les comptes zurichois et luxembourgeois de l’inculpé ne contiennent, comme il le prétend, aucun élément de nature à révéler l’existence de versements illicites au profit de tiers, familiers exceptés ».

d. Au cours de l’instruction, il est apparu que des ministres ou anciens ministres pouvaient être liés à ces faits. En application de la loi du 17 décembre 1996, un conseiller à la Cour de cassation, F., fut alors désigné pour instruire le dossier de corruption.

A la demande du procureur général près la Cour de cassation, la chambre du conseil de Liège a prononcé le dessaisissement du juge A. par une ordonnance du 27 juin 1997.

Le 10 mars 1998, le requérant a été cité à comparaître à l’audience du 2 septembre 1998 de la Cour de cassation pour y être jugé du chef de corruption passive dans des marchés publics, en même temps que divers coïnculpés dont deux anciens ministres.

Le requérant expose qu’il a à cette occasion appris l’existence de la décision de dessaisissement. Il a formé opposition de l’ordonnance du 27 juin 1997. Après débats contradictoire, la chambre du conseil de Liège a déclaré l’opposition irrecevable par ordonnance du 27 février 1998.

Par arrêt du 29 juin 1998, la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Liège a déclaré l’appel du requérant irrecevable au motif qu’il n’existait aucune disposition légale de droit interne prévoyant la possibilité de pareil recours.

Par arrêt du 27 juillet 1998, la Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi du requérant contre l’arrêt du 29 juin 1998. Elle a rappelé que l’article 416 du code d’instruction criminelle n’autorisait un recours en cassation contre les arrêts préparatoires ou d’instruction qu’après l’arrêt ou le jugement définitif, hormis le cas des arrêts ou jugements rendus sur la compétence.

e. Le 2 septembre 1998, dès l’ouverture de l’audience de la Cour de cassation chargée de se prononcer sur le bien-fondé des poursuites contre le requérant et ses coïnculpés, le procureur général a reconnu qu’il n’existait pas, dans ce cas, de loi réglant la procédure à suivre. Il choisit dès lors de s’en référer à un arrêt interlocutoire rendu par la Cour de cassation le 12 février 1996 dans le cadre de l’examen du bien-fondé de poursuites pénales dirigées notamment contre un ministre. Il y était entre autres mentionné :

« Attendu qu’en donnant à la Cour le pouvoir de juger les ministres « dans les cas visés par les lois pénales », le Constituant s’est référé nécessairement, quant au mode de procéder, à celui qui est prévu par le législateur pour ces cas, à savoir au Code d’instruction criminelle, pour autant qu’il soit compatible avec les dispositions réglant la procédure devant la Cour de cassation siégeant en chambres réunies. »

Au cours des débats devant la Cour de cassation, la défense a déposé des conclusions mettant en cause certains aspect de la procédure. La Cour de cassation y a répondu dans un arrêt du 16 septembre 1998.

La défense mit en cause le fait que les prévenus non-ministres soient traduits devant la Cour de cassation en application des règles de la connexité. Elle ajouta que cette situation constituait, pour ces personnes, une double discrimination.

La Cour de cassation s’est exprimée à ce propos en ces termes :

« Attendu que la connexité prévue aux articles 226 et 227 du Code d’instruction criminelle n’est pas l’expression d’un principe du droit mais constitue une règle commune et applicable à toute procédure pénale ;

Attendu que cette règle a pour effet que tous les coauteurs ou complices d’infractions connexes sont jugés ensemble par la même juridiction ;

Attendu que l’article 147 de la Constitution, qui ne délimite les pouvoirs de la Cour que lorsqu’elle statue sur les pourvois en cassation, ne fait pas obstacle à l’extension de compétence qui résulte de la connexité ;

Que cette extension de compétence a pour conséquence à l’égard des justiciables non-ministres que la Cour est, en cette circonstance, à l’exclusion de tout autre, le juge que la loi leur assigne conformément à l’article 13 de la Constitution coordonnée ;

Attendu que pour le surplus, la Cour aura à apprécier, lors de l’examen du fond, s’il existe un lien de connexité ; (...) »

« 1. Attendu que le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne garantissent ni le droit de comparaître devant une juridiction d’instruction ni le droit à un double degré de juridiction ou celui d’exercer un recours en cassation ;

Attendu que, d’une part, si l’article 2 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention prévoit en son paragraphe 1er que toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation, encore ce protocole, n’ayant pas été signé par la Belgique, n’a-t-il pas d’effet dans l’ordre juridique interne ;

Attendu que, d’autre part, la Belgique, lors du dépôt, le 21 avril 1983, de l’instrument de ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a fait la réserve que le paragraphe 5 de l’article 14 de ce Pacte ne s’appliquera pas aux personnes qui, en vertu de la loi belge, sont directement déférées à une juridiction supérieure telle que la Cour de cassation, la cour d’appel, la cour d’assises ;

2. Attendu que, contrairement à l’affirmation de Johan Delanghe, les prévenus sont en vertu de la loi, en l’occurrence les articles 103 de la Constitution, 226 et 227 du Code d’instruction criminelle, directement déférés à la plus haute juridiction ;

Attendu que si les inconvénients et désavantages dont se plaignent certaines des personnes poursuivies sont réels, ils n’entravent pas le plein exercice de leur droit de contester la recevabilité des poursuites et le bien-fondé des préventions, de faire valoir tout moyen de défense et de présenter à la Cour toutes demandes utiles au jugement de la cause ;

Attendu qu’aucune des circonstances invoquées par les prévenus ne peut constituer une atteinte irréparable à leurs droits de défense ou à leur droit à un procès équitable ; que considérées dans leur ensemble, ces circonstances ne peuvent pas davantage constituer une telle atteinte, dès lors qu’ils ont devant la Cour la possibilité de contredire librement les éléments produits contre eux ;

3. Attendu que le régime spécial de responsabilité pénale des ministres institué par la Constitution est dicté par le souci d’assurer le bon exercice de la fonction ministérielle ; qu’il a donc un fondement objectif et raisonnable ; que, dès lors, ce système n’entraîne pas de distinction arbitraire dans le traitement des accusés Willy Claes et Guy Coëme au sens de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que l’application de la règle de la connexité a pour conséquence que les prévenus sont jugés par la Cour de cassation sans avoir, ou sans avoir eu, la qualité de ministre ; que cette extension de compétence est légale, ne crée pas une distinction arbitraire au sens de l’article 14 précité dans le traitement des prévenus mais repose sur un fondement objectif et ne méconnaît pas les droits de la défense ;

Que la distinction de traitement poursuit un but légitime et qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. »

Certains prévenus se sont aussi interrogés sur le mode de procéder. Exposant qu’aucune loi ne réglait la procédure devant la Chambre des représentants et devant la Cour de cassation, ils ont soutenu qu’en fixant les règles applicables au procès, la Cour de cassation contrevenait au principe de la légalité de la procédure pénale et violait de la sorte l’article 6 § 2 de la Convention. La Cour de cassation a, pour sa part, estimé qu’en appliquant les règles existantes, elle ne faisait pas œuvre de législateur mais se conformait à l’intention du constituant. En lui donnant par la disposition transitoire de l’article 103 de la Constitution le pouvoir de juger les ministres « dans les cas visés par la loi pénale », le constituant s’était référé nécessairement, quant au mode de procéder, à celui qui est prévu par le législateur pour ces cas, à savoir le Code de l’instruction criminelle et le Code judiciaire, pour autant qu’il soit compatible avec les dispositions réglant la procédure devant la Cour de cassation siégeant en chambres réunies. La Cour de cassation en a déduit que ces règles de procédures étaient légales, accessibles et prévisibles et garantissaient donc le plein exercice des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Reprenant l’argumentation qu’elle avait adoptée dans son arrêt précité du 12 février 1996, elle a conclu qu’elle ne méconnaissait pas le principe de légalité de la procédure pénale, dès lors qu’elle ne faisait qu’appliquer au jugement d’un ministre des règles préexistantes issues de la Convention européenne des Droits de l’Homme, du Pacte des droits civils et politiques, du Code judiciaire, des dispositions communes aux procédures pénales, des principes généraux du droit et du Code d’instruction criminelle.

Le requérant avait en outre demandé à poser une question préjudicielle à la cour d’arbitrage sur ce point. La Cour de cassation s’est prononcée sur cette demande en ces termes :

« Attendu qu’en ses premières conclusions, le prévenu Alfons Puelinckx demande que soient posées à la Cour d’arbitrage les questions suivantes :

- « Le Code d’instruction criminelle de 1808, en ce qu’il n’organiserait aucun règlement de la procédure au bénéfice d’un inculpé cité devant la Cour de cassation pour cause de connexité, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu’il organise, en ses articles 127 et suivants, un règlement de la procédure au bénéfice de tous les inculpés ? » ;

- « Le code d’instruction criminelle de 1808, en ce qu’il ne prévoit aucune possibilité de débats contradictoires avant le renvoi devant la Cour de cassation pour les prévenus non-ministres, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution dès lors que la loi du 17 décembre 1996 portant exécution temporaire et partielle de l’article 103 de la Constitution (...), modifiée par la loi du 18 février 1997 (...) et prolongée par la loi du 19 décembre 1997 (...), organise en son article 4, § 2, au bénéfice des accusés ministres, des débats contradictoires avant qu’une éventuelle décision de renvoi devant la Cour de cassation ne soit adoptée ? » ;

Attendu que les griefs soulevés par le prévenu ne sont pas imputables aux dispositions légales attaquées mais concernent le principe même du pouvoir souverain reconnu au législateur par le Constituant ;

Que les cours et tribunaux ne peuvent demander à la Cour d’arbitrage d’examiner si l’abstention de légiférer en la matière est conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution, cette question étant étrangère aux matières énumérées par l’article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage ;

Attendu qu’en ses conclusions additionnelles, le prévenu sollicite que soit posée à la Cour d’arbitrage la question suivante :

« La loi du 17 décembre 1996 portant exécution temporaire et partielle de l’article 103 de la Constitution (...), modifiée par la loi du 28 février 1997 (...) et prolongée par la loi du 19 décembre 1997 (...), en ce qu’elle organise en son article 4, § 2, au bénéfice des accusés ministres, des débats contradictoires avant qu’une éventuelle décision de renvoi devant la Cour de cassation ne soit adoptée, viole (telle) les articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu’elle ne prévoit pas au bénéfice des prévenus non-ministres une telle faculté de débats contradictoires ? » ;

Attendu que l’article 26, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage dispose que cette Cour statue, à titre préjudiciel, par voie d’arrêt, sur les questions relatives à la violation par une loi, un décret ou une règle visés à l’article 134 de la Constitution, des articles 10, 11 et 24 de celle-ci ;

Attendu que ni la loi du 17 décembre 1996, ni celle du 28 février 1997, ni celle du 19 décembre 1997 ne sont applicables aux personnes qui ne sont pas ministres ;

Qu’aux personnes qui ne sont pas ministres s’applique, en règle, l’article unique, XV, de la loi du 25 octobre 1919 modifiant temporairement l’organisation judiciaire et la procédure devant les cours et tribunaux, qui prévoit aussi des débats contradictoires lors du règlement de la procédure ;

Attendu que la circonstance que le prévenu Alfons Puelinckx n’a pas bénéficié de débats contradictoires lors d’un règlement de la procédure résulte de l’application de l’article 103 de la Constitution coordonnée ;

Que la Cour ne peut poser à la Cour d’arbitrage une question qui implique, fût-ce indirectement, (...) »

Dans un arrêt du 14 octobre 1998, la Cour de cassation a également répondu à des conclusions déposées le 8 octobre 1998 et portant sur la présomption d’innocence. Elle s’est exprimée en ces termes :

« Attendu que les prévenus Alfons Puelinckx et Johan Delanghe font état de la publication par les médias, au mépris de la présomption de leur innocence, d’indices de culpabilité puisés dans l’instruction préparatoire ; qu’ils demandent à la Cour d’ordonner la jonction, au dossier de la procédure dont elle est saisie, de différentes instructions ouvertes en raison de violations du secret professionnel qui les privent, selon eux, de leur droit à un procès équitable ;

Attendu que, d’une part, la Cour est sans pouvoir tant pour ordonner la communication de dossiers dont elle n’est pas saisie que pour donner des injonctions au ministère public ;

Attendu que, d’autre part, le respect du principe de la présomption d’innocence s’impose aux juges appelés à statuer sur le bien-fondé de l’accusation et ne s’apprécie qu’au regard de l’ensemble de la procédure ;qu’il est donc prématuré d’examiner si la divulgation d’informations qui eussent dû rester confidentielles porte atteinte au caractère équitable du procès ; (...) »

La Cour de cassation s’est prononcée au fond par un arrêt du 23 décembre 1998. Après un bref rappel des principes généraux réglant l’appréciation des preuves, la corruption et la participation criminelle, elle a procédé à l’examen des préventions. En ce qui concerne le requérant, elle s’est notamment exprimée comme suit :

« 1. L’offre de la société A. et son acceptation.

Attendu que, selon ses déclarations, Alfons Puelinckx a, par l’intermédiaire de l’homme d’affaires syrien B., rencontré G., vice-président de la société A. et l’a revu par la suite ; qu’Alfons Puelinckx expose que, si ces rencontres avaient pour objet le renouvellement d’un contrat de B. ou d’une des sociétés dans les Emirats arabes unis, G. lui a néanmoins demandé lors d’une desdites rencontres s’il avait une pratique des marchés publics en Belgique et s’il connaissait des hommes politiques belges ; qu’il situe d’abord en 1987, ensuite en 1987-1988 et enfin à la mi-1988, l’époque de ces premiers contacts avec G. ;

Qu’il soutient qu’un mois environ après cette rencontre, il a fait part de la démarche de G. à Luc Wallyn qui, ultérieurement, lui a signalé qu’il serait intéressé par un contact avec la société A. ; qu’Alfons Puelinckx explique qu’alors que G. se trouvait dans son cabinet, il l’a mis en contact avec Luc Wallyn par téléphone et qu’il a perçu de la conversation entre les deux hommes qu’il était question d’un « cadeau » ; que, par la suite, Luc Wallyn lui ayant demandé s’il disposait d’une structure pour faire transiter ces fonds, Puelinckx s’est adressé à B. ;

Attendu que Luc Wallyn a confirmé lors de l’instruction d’audience qu’Alfons Puelinckx lui avait signalé avoir été contacté par les responsables de la société A., qui avaient manifesté leur intérêt pour le marché des hélicoptères ; que lors d’une rencontre ultérieure, il lui fit part que cette société était prête à faire un don au S.P. ; qu’alors qu’il se trouvait au cabinet d’Alfons Puelinckx, celui-ci l’avait mis en contact téléphonique avec G. que avait confirmé l’offre, sur quoi Luc Wallyn s’était engagé à faire parvenir la proposition aux instances de son parti ; qu’il a précisé que le don devait représenter 1 % du marché ;

Attendu que Luc Wallyn ajoute que n’ayant lui-même plus d’activités au sein du S.P., il a consulté sans tarder le trésorier du parti, [coïnculpé du requérant] qui, peu de temps après, lui a fait part de son accord et qu’ils ont, tous deux, convenu que la solution la plus prudente était d’utiliser un intermédiaire, l’acceptation de l’offre de la société A. étant gênante pour le parti ;

Attendu qu’Alfons Puelinckx nie avait fait part à Luc Wallyn d’une offre de don de la part de la société A. ; qu’il soutient s’être borné à lui demander des renseignements au sujet de l’attribution des marchés publics en Belgique, ce qui a suscité l’intérêt de Luc Wallyn et que ce n’est que lors du premier contact entre ce dernier et G. qu’il a été question d’un don ;

Attendu que Luc Wallyn doit être cru lorsqu’il déclare qu’Alfons Puelinckx lui a signalé la volonté de la société A. de faire un don au S.P. ;

Que, dans ses sixièmes conclusions, Alfons Puelinckx admet d’ailleurs avoir transmis l’offre de la société A. à Luc Wallyn, même s’il allègue que cette offre lui a été communiquée par l’intermédiaire d’A.B. à la demande de son frère [ B.] ;

Qu’Alfons Puelinckx a, certes, déclaré aux enquêteurs, le 18 octobre 1996, que c’est d’abord B. qui lui a demandé s’il avait des contacts avec le monde politique en Belgique ; que, toutefois, les entretiens qu’il reconnaît avoir eus avec G. démontrent que c’est bien celui-ci qui lui a fait part de l’offre de la société A. au S.P. ;

Attendu que M. [coïnculpé du requérant] a déclaré à plusieurs reprises au cours de l’instruction préparatoire qu’à la fin de 1988 ou au début de 1989, il a rencontré Luc Wallyn dans les bureaux du Sevi, le service d’études du S.P., et que ce dernier lui a fait part de la proposition de la société A. de faire un don au S.P. ; que, selon M., Luc Wallyn a proposé de reparler de cette offre avec Johan Delanghe qu’ils ont rencontré une semaine plus tard environ et qu’à cette occasion, il a informé ses deux interlocuteurs que le don serait d’un peu moins de 100 millions de francs payables en trois tranches ; sur quoi Johan Delanghe a exprimé l’idée qu’il était préférable d’obtenir un paiement unique ; que, toujours selon M., on convint de se revoir après le prochain comité exécutif du S.P. ; qu’à cette occasion, Luc Wallyn leur apprit que la société A. avait marqué son accord pour un don unique de 50 millions de francs ; que M. précise encore avoir informé ses interlocuteurs du désaccord de Claes, Tobback et V., mais que Wallyn, Delanghe et lui-même avaient été d’avis qu’il serait opportun d’accepter l’offre, eu égard aux échéances électorales prochaines, qu’il ajoute que Johan Delanghe, loin de manifester une désapprobation quelconque, a recommandé d’être prudent et de prévoir un écran entre la société A. et le S.P. ; que c’est ainsi que M. a donné son accord à Luc Wallyn ;

Que cet accord implique que M. a souscrit à l’idée d’établir des écrans entre la société A. et le S.P. afin d’assurer la discrétion des paiements ;

Attendu qu’au cours de ses premières auditions du 27 février 1995, Johan Delanghe a affirmé n’avoir jamais eu connaissance d’un don d’argent mais a admis lors des auditions des 3 et 30 mars et du 11 avril 1995 qu’en 1989, Luc Wallyn lui avait confié qu’A. lui avait fait don de dizaines de millions de francs pour le S.P. ; qu’étant embarrassé par cette confidence et croyant que Luc Wallyn était déjà en possession des fonds, il lui avait dit de s’adresser à M. lequel lui a également parlé de ce don ; qu’il ajoute avoir recommandé à Luc Wallyn de veiller, s’il acceptait, à ce que les dons ne s’étalent pas sur plusieurs années et à prendre la précaution de ne pas faire transiter l’argent par les comptes du S.P. , qu’il se souvient d’une ou de deux réunions avec les précités au cours desquelles le don proposé par al société A. fut évoqué, qu’il ajoute qu’au cours de ces discussions, il conseilla de préférer un seul versement ;

Attendu que, contrairement à ce qu’il soutient, Johan Delanghe ne pouvait pas croire que Luc Wallyn était déjà en possession de l’argent offert par la société A. car, dans ce cas, ses recommandations étaient dépourvues de sens ;

Qu’au cours de l’instruction d’audience, Luc Wallyn a soutenu ne pas se souvenir de la présence de Johan Delanghe lors de ses conversations avec M. et lors de la discussion au cours de laquelle il aurait été question du montant du don et des modalités de paiement, même s’il ne l’exclut pas ;

Attendu que si ces explications de Luc Wallyn montrent son embarras à impliquer Johan Delanghe dans les discussions relatives à l’acceptation de l’offre de la société A. elles n’énervent en rien celles de M. qui indiquent avec certitude que Johan Delanghe a participé activement au moins à deux réunions ;

Que Johan Delanghe lui-même admet dans ses déclarations des 3 et 30 mars et du 11 avril 1995, même s’il s’est rétracté par après, que Luc Wallyn s’est adressé directement lui pour parler de l’offre ;

Attendu qu’il est ainsi établi qu’Alfons Puelinckx a fait part à Luc Wallyn d’une offre de don de la société A. au S.P. et que Luc Wallyn a transmis cette offre à M. et à Johan Delanghe ; que ce dernier n’a manifesté aucune désapprobation mais a, au contraire, recommandé de prévoir un seul paiement et d’établir des écrans entre la société A. et le S.P. ; qu’ainsi Luc Wallyn, M. et Johan Delanghe ont accepté l’offre ; que Luc Wallyn en a fait part à Alfons Puelinckx en lui demandant son aide pour établir les écrans ; (...)

d) La structure mise en place à la suite de l’acceptation de l’offre et l’exécution des paiements.

Attendu que le 7 février 1989, B. écrivit à la société A. que les montants dus en vertu du contrat de consultance devaient être versés au compte de la société K. ;

Que le 3 mars 1989, la société A. donna instruction à la [banque α] de transférer l’équivalent de 22 831 981 francs belges au sous-compte de la société K. auprès de la [banque β], montant dont ce sous-compte fut crédité le 8 mars ;

Que le 10 mars 1989, Luc Wallyn ouvrit auprès de la [banque β] un compte à son nom, dénommé « Kater », sur lequel procuration fut donnée à Alfons Puelinckx ; que ce compte fut immédiatement crédité à la demande de ce dernier de la somme de 22 830 000 francs provenant du compte de la société K. ;

Que le 8 juin 1989, Luc Wallyn ouvrit un second compte, dénommé « Kattin », toujours auprès de la [banque β] ;

Que par lettre du 18 septembre 1989 signée par Puelinckx pour compte de B. la société K. demanda à A. le paiement du solde de la commission, soit 28 500 000 francs belges, somme qui fut virée sur le compte [de la société] K. auprès de la [banque β] le 6 octobre suivant ; que le 10 octobre 1989, cette somme fut transférée à raison de 18 500 000 francs au compte de Kater et de dix millions de francs au compte Kattin ;

Attendu que M. reconnaît avoir reçu une somme de 51 millions de francs provenant du don de la société A. ; (...)


II.- Les responsabilités individuelles.

A.- Puelinckx, Wallyn et la prévention B.

Attendu que le prévenu Puelinckx a paraphé « pour acceptation » le document du 18 novembre 1988 ; qu’ainsi, il s’est approprié le contenu de l’écrit, en a attesté la sincérité et en a assumé la responsabilité ;

Attendu que le prévenu Wallyn s’est entretenu avec le prévenu Puelinckx de ce document ; que celui-ci lui a signalé qu’il fallait signer ce document sans que Wallyn, qui n’a pas pu le rejoindre, s’en étonne ;

Qu’en participant à la construction juridique qui a abouti à un projet de contrat de consultance constituant un faux en écritures, il a, au même titre qu’Alfons Puelinckx et dans le mêmes limites, agi comme auteur du faux et de l’usage de faux visés à la prévention B. ;

B.- Claes, Delanghe, M. et la prévention B.

Attendu que si, pour qu’un prévenu puisse être condamné comme auteur ou complice d’un faux, il n’est pas requis que les actes de participation contiennent tous les éléments de l’infraction, encore faut-il qu’il soit constaté que le coauteur ou le complice a coopéré sciemment à l’exécution de l’infraction par l’un des modes de participation définis par les articles 66, alinéas 2 et 3, et 67 du Code pénal ;

Attendu que l’accusé Claes et les prévenus Delanghe et M. n’ont ni rédigé ni signé le document daté du 18 novembre 1988 ; qu’il subsiste un doute sur le point de savoir s’ils ont fait rédiger ou signer cette pièce ;

Que la prévention B. n’est pas établie dans leur chef ;

C.- Puelinckx et la prévention C1.

Attendu qu’Alfons Puelinckx a transmis sciemment l’offre de la société A. à Luc Wallyn qui l’a acceptée au nom du S.P. en connaissance de cause ;

Que si les dirigeants de la société A. se sont adressés à Alfons Puelinckx, alors qu’ils disposaient déjà d’un intermédiaire en Belgique en la personne de C., c’est à l’évidence parce qu’ils ont jugé que leur interlocuteur était à même d’établir les contacts nécessaires pour influencer l’attribution du marché ;

Que dès qu’il reçut l’accord de Luc Wallyn, Alfons Puelinckx mit en place la structure permettant l’acheminement des fonds ;

Que l’aide dont il a bénéficié à cette occasion de la part de B., qui a ouvert le compte K. en lui confiant une procuration sur celui-ci, ne diminue pas l’importance du rôle qu’il a joué lui-même dans la mise en place de cette structure ;

Attendu que G. s’est adressé à Alfons Puelinckx pour lui faire parapher le projet de contrat de consultance avec la société K. ce qui démontre que, dans l’esprit du premier, Alfons Puelinckx était, plus qu’un simple messager, un rouage essentiel de la mise en oeuvre du pacte de corruption et de son exécution ;

Que les procurations dont Alfons Puelinckx disposait tant sur le compte de la société K. auprès de la [banque β] que sur les comptes de Luc Wallyn auprès de la même banque démontrent le rôle clé qu’il jouait dans l’exécution du pacte ; qu’il a, en effet, veillé à ce que les fonds versés par la société A. sur le compte [de la société] K. soient transférés sur les comptes Kater et Kattin de Luc Wallyn, permettant ainsi leur acheminement vers M. ;

Attendu que la qualité d’avocat d’Alfons Puelinckx et les sommes d’argent qu’il aurait perçues à ce titre n’excluent pas qu’il a, dès le départ, par des actes positifs de participation dépassant de loin la simple intervention ponctuelle ou la complicité, offert à la conclusion du pacte de corruption et à son exécution une aide telle que, sans elle, ce pacte n’aurait pas vu le jour ;

Que, partant, la prévention C1 est établie dans le chef d’Alfons Puelinckx en tant qu’elle vise la corruption du ministre des Affaires économiques Willy Claes ; (...)

A. L’offre de Serge Dassault et le moment où elle a été faite.

Attendu que, selon Alfons Puelinckx, Luc Wallyn lui avait laissé entendre qu’en parallèle avec les offres d’A., le S.P. était prêt à accepter d’autres offres semblables ; que Puelinckx lui a donc confié qu’il était en rapport professionnel avec le groupe D. depuis longtemps en qualité de conseil de B. qu’il savait que ce groupe développait une stratégie consistant à financer les partis politiques pour s’assurer leur faveur ; que Puelinckx a informé B., intermédiaire des entreprises D. au Moyen-Orient, de l’intérêt manifesté par Wallyn ; qu’à l’occasion d’un entretien entre Serge Dassault et B. auquel il était associé, l’industriel français a évoqué le marché ECM.F16 ; que cette entrevue doit se situer en toute hypothèse après l’ouverture, le 2 décembre 1988, du compte de la société K. ; que c’est au cours de cet entretien que Serge Dassault a demandé à Puelinckx s’il était introduit dans les milieux politiques belges et qu’il apprit de ce dernier le nom de Wallyn ; que, dans ce contexte, Puelinckx considère avoir été autorisé à informer Wallyn de l’intention de Serge Dassault ;

Attendu que, selon Puelinckx toujours, une seconde réunion s’est tenue en février ou en mars 1989, à laquelle assistaient D. et Cl., respectivement président-directeur général et directeur général de la société D. ; qu’au cours de cette réunion, Serge Dassault lui a présenté P.B. comme le banquier chargé du transfert des fonds selon certaines modalités ;

Attendu que ces modalités prévoyaient que les fonds seraient bloqués sus la double signature d’Alfons Puelinckx et de P.B. jusqu’à ce que Serge Dassault autorise leur libération ;

Attendu qu’effectivement, le 7 juin 1989, jours de la signature du contrat, Puelinckx et P.B. se trouvaient à Zurich et que ce dernier a libéré les fonds après avoir attendu des instructions de Paris ;

Attendu qu’il est vrai que Wallyn, conteste avoir laissé entendre à Puelinckx que le S.P. était d’accord d’accepter un don mais qu’il admet avoir été informé d’une proposition d’un don de dix millions de francs français ; qu’au moment où ce renseignement lui était donné, Wallyn a eu l’impression que tout était déjà réglé ;

Attendu que Wallyn affirme avoir fait part de cette promesse à M. dès le début de l’année 1989 ; que ce dernier le conteste, prétendant n’avoir appris que bien plus tard l’existence du don de [la société] D., soit dans la première moitié de l’année 1994 ;

Attendu que Wallyn réplique qu’il est logique qu’il ait informé M. comme il l’avait fait dans le contexte A. et relève en outre que, contrairement à ce qui fut le cas lors de la proposition italienne, il n’a pas ressenti la moindre hésitation dans le chef de M. ; qu’il précise encore que Delanghe devait être au courant ; qu’en effet Puelinckx, M. et lui-même se réunissaient régulièrement et qu’ils ont toujours parlé entre eux de deux dons sans la moindre objection de quiconque, ce qui fait croire que Delanghe était informé dès le début ; que d’ailleurs, les deux conventions de commissions ont été évoquées lors de la réunion à Ostende au début du mois de janvier 1993 où tous étaient présents ;

B. L’acceptation de l’offre et son exécution.

Attendu que Puelinckx a admis qu’outre les deux entrevues à Paris, il a eu plusieurs entretiens téléphoniques avec Serge Dassault lui-même en l’appelant à un numéro attribué à ses bureaux du rond-point des Champs-Elysées ; qu’il déclare encore que Wallyn l’avait informé que le S.P. (Socialistische Partij) ne voulait accepter pareil don qu’à la condition que la plus grande discrétion fût assurée et que le versement en fût effectué en une seule fois ;

Attendu qu’en effet, l’enquête a révélé l’existence, depuis la fin du mois de mars jusque dans la seconde moitié du mois d’avril 1989, des contacts téléphoniques répétés, d’une part, entre Puelinckx et, tantôt Cl., tantôt [la société D.], d’autre part, entre Puelinckx et P.B., et enfin entre Puelinckx et Wallyn ;

Attendu que 3 912 000 CHF, convertis en 15 millions de francs français, ont été versés le 25 avril 1989 au crédit de la société K. par le débit, pour l’essentiel, des comptes Sophie I et Sophie II, dont [la] mère de Serge Dassault, était l’ayant droit économique et qui étaient gérés par P.B. ; que ces fonds sont restés bloqués jusqu’au 7 juin 1989 ;

Attendu qu’après l’ouverture, le 10 mars 1989, du compte « Kater » réservé au don d’A., Wallyn a ouvert, le 8 juin 1989, un autre compte « Kattin », destiné à recevoir les devises venant de Dassault ; que Puelinckx avait procuration sur les deux comptes ;

Attendu qu’il est significatif de constater que le contrat ECM.F16 a été signé le 7 juin 1989 et que le même jour les fonds bloqués sur le compte de K. ont été mis à la disposition de Puelinckx ; que, dès le 8 juin 1989, a été effectué le transfert de 4 868 367 FF sur le compte Kater et de 5 131 632 FF sur le compte Kattin ; que le total des sommes ainsi libérées s’élève à quelque dix millions de francs français ;

C. La destination des fonds.

Attendu qu’à plusieurs reprises, Wallyn a affirmé avoir transmis à M. l’intégralité d’un don litigieux, soit quelque 60 millions de francs belges que M. nie avoir reçu cette somme, dénégation peu vraisemblable dès lors qu’elle a fait l’objet des discussions d’Ostende sans que sa réception soit contestée ;

Attendu qu’à cette réunion d’Ostende, Puelinckx a proposé de s’ouvrir spontanément à la Justice des faits entourant le don de [la société] A. avec l’espoir que celui de [la société] D. demeure ainsi ignoré ; qu’il a renouvelé cette proposition à plusieurs reprises lors de différents entretiens avec Wallyn et M. qui ont suivi les perquisitions opérées chez lui ; qu’à aucune de ces occasions, M. n’a contesté avoir reçu les versements des deux entreprises ;

Attendu que Puelinckx précise encore qu’une réunion, tenue à l’hôtel Conrad, avait singulièrement pour objet d’obtenir de M. la confirmation qu’il avait bien reçu l’argent de [la société] D., inquiet qu’il était de la destination définitive donnée à ces fonds qui devaient alimenter la caisse du S.P. ;

Attendu que Puelinckx a déclaré qu’au cours d’une autre réunion, de peu antérieure à son arrestation, il avait à nouveau exprimé son intention de tout révéler au juge d’instruction ; que ce projet semblait emporter l’assentiment de Wallyn mais se heurtait à l’opinion de M. qui désirait consulter préalablement ceux dont, au sein du S.P., il recevait des instructions ; qu’il ne s’est est pas étonné autrement, considérant que M. était un homme prudent prenant soin de se couvrir ;

Attendu qu’en dépit de tous ces éléments, M. persiste à nier avoir connu que des sommes avaient été versées par Dassault et que, s’il a rencontré les deux autres au Conrad, c’est qu’il voulait convaincre Puelinckx de poursuivre en Suisse la procédure d’opposition ; qu’il prétend avoir tu cette procédure aux dirigeants du parti, bien qu’il en était, d’après Puelinckx, l’élément moteur ;

Attendu que Wallyn dénie que M. n’aurait pas été au courant du don de D. avant la signature de l’attestation qui s’y rapporte et qui était destinée à la procédure en Suisse que M. lui-même avait proposée et qu’il finançait ;

Attendu qu’outre l’attestation concernant les fonds de [la société] A., M. a signé un document attestant la réception de dix millions de francs français ;

Attendu que M. conteste avoir reçu cette somme et prétend n’avoir signé le document qu’après y avoir été encouragé par Johan Delanghe ; que cette explication n’est pas crédible ;

Attendu qu’en janvier 1995, M. s’est rendu à Zurich en compagnie de Wallyn pour y rencontrer les avocats chargés de la procédure d’opposition que, pour Puelinckx et Wallyn, les directives données par M. concernant cette procédure, sa présence et la prise en charge des honoraires ne pouvaient résulter de sa seule initiative mais devaient émaner des instances supérieures du S.P. ;

Attendu que Puelinckx et Wallyn déclarent avoir été surpris par les dénégations de M., après leur arrestation, dénégations dont ils soulignent l’invraisemblance et qui ne s’expliquent que par un ordre donné par le parti ;

Attendu que c’est vainement que Delanghe nie avoir été au courant des propositions de dons et prétend qu’il n’a été consulté par M. qu’en sa qualité d’homme de bon conseil et qu’il n’a conduit celui-ci à la réunion d’Ostende que parce que ce dernier ne disposait pas d’un moyen de transport que, toutefois, ces assertions n’expliquent ni sa participation active à cette réunion ni l’absence de tout embarras que, dans sa thèse, sa présence eût dû susciter ; qu’aussi, Puelincks affirme que l’intervention de Delanghe a été provoquée par la frayeur qui avait saisi les dirigeants du S.P. après certaines relations dans la presse et que Delanghe se disait alors délégué par la direction du parti pour évaluer la situation, dissuader chacun d’aller tout révéler au juge d’instruction et les décider à poursuivre jusqu’à bonne fin leurs recours en Suisse ; qu’à ce sujet, M. se rappelle que Delanghe s’est étonné que les comptes suisses fussent toujours et qu’il a conseillé de les clôturer ; qu’il a, de plus, été convenu au cours de cette réunion que Delanghe éviterait tout contact et avec Wallyn, si ce n’est par l’intermédiaire de M. ; (...)

II.- Dassault, Puelinckx et la prévention C2.

Attendu que le prévenu Dassault ne peut être cru lorsqu’il se prétend étranger au pacte corrupteur tendant à assurer le marché à la société D. ;

Attendu qu’il résulte des pièces soumises à la Cour par Alfons Puelinckx à l’audience du 28 septembre 1998 que des liens étroits d’agence unissaient B. aux entreprises de [la société] D. ; que Puelinckx a, comme il le déclare, été présenté par B. à Serge Dassault, qui l’a notamment mis en présence de son collaborateur, Cl, et de P.B. ;

Attendu que le 19 janvier 1998, Da. a déclaré, en réponse à la quatrième question du conseiller instructeur, non écartée des débats par l’arrêt du 16 septembre 1998, que le patrimoine de la famille [de Serge Dassault] était, à la connaissance des principaux dirigeants du groupe, géré par P.B. qui était très fréquemment à Paris ; que Da. déclare encore l’avoir rencontré à plusieurs reprises, du vivant du [père de Serge Dassault], lors de réceptions ; qu’il est inconcevable que Serge Dassault n’ait pas connu P.B. à l’époque des faits ;

Attendu que, comme il a été dit, Puelinckx a été en contact téléphonique aussi bien avec Cl qu’avec P.B. en vue de l’exécution du pacte corrupteur conclu avec le S.P. ;

Que, de même, Hermanus s’est fréquemment entretenu par téléphone avec ces deux hommes et a même rencontré C. dans le cadre des négociations liées à la gratification que Serge Dassault a déclaré à Puelinckx vouloir accorder au P.S. ;

Attendu que l’intervention diligente de ces hommes de confiance de Serge Dassault exclut que la décision de payer des sommes importantes aux partis politiques auxquels appartiennent les ministres intéressés ait pu être prise à l’insu de Serge Dassault mais établit au contraire que celui-ci avait lui-même conclu ces pactes dont il a délégué les mesures d’exécution ;

Attendu qu’en offrant à Serge Dassault les introductions dont il disposait au S.P. ainsi que la structure financière déjà mise en place pour recevoir le don [de la société] A. et en veillant personnellement et directement à la transmission de l’offre à ses destinataires et au transfert des fonds, le prévenu Puelinckx a apporté à la réalisation de l’infraction une aide sans laquelle celle-ci n’eût pu être commise telle qu’elle l’a été ;

Que, partant, la prévention C2 est établie dans le chef de ces deux prévenus. »

La Cour de cassation a condamné le requérant à une peine d’emprisonnement de deux ans, avec sursis pour la partie qui excédait la durée de la détention préventive.

Dans des conclusions au fond le requérant a notamment mis en cause la régularité des moyens de preuve et la recevabilité des poursuites. La Cour de cassation s’est exprimée à ce propos en ces termes :

« I. L’irrégularité de la preuve et la recevabilité des poursuites.

Attendu que le prévenu Puelinckx soutient que l’action publique exercée contre lui est irrecevable en raison de multiples violations, au stade de l’instruction préparatoire, de ses droits de défense et des règles du procès équitable ; qu’il allègue que les irrégularités commises sont à ce point graves que le juge appelé à statuer au fond ne pourrait plus former sa conviction sur des éléments étrangers à ces violations, ceux-ci seraient-ils irréprochables en eux-mêmes ;

Attendu que l’illégalité ou l’irrégularité des preuves apportées à l’appui de l’action publique n’entraînent pas l’irrecevabilité de celle-ci mais peuvent en saper le fondement ; que les règles relatives à l’administration de la preuve commandent que les preuves entachées d’irrégularité soient écartées des débats en même temps que les éléments qui en sont la suite mais admettent que le juge se prononce sur la base d’autres éléments de preuve qui, sans être affectés d’un vice, ont été soumis à la libre discussion des parties ;

II. L’absence d’un double degré de juridiction.

Attendu qu’au moyen selon lequel l’absence d’un double degré de juridiction méconnaîtrait les droits de la défense et violerait les dispositions des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14, P 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Cour a répondu dans son arrêt du 16 septembre 1998 ;

Qu’il n’y a, dès lors, plus lieu d’examiner ce moyen ; (...) »

Section première. - Les commissions rogatoires en Suisse.

Attendu que, par commission rogatoire internationale du 25 avril 1994, complétée le 28 juillet 1994, le juge d’instruction A. a adressé une demande d’entraide judiciaire à la Justice suisse avec mandat de procéder au blocage du compte numéro 280.518 ouvert auprès de la [banque β], d’en transmettre l’historique et d’en identifier le ou les titulaires et mandataires ; que le 3 mai 1994, la mise en œuvre des mesures requises a été autorisée par ordonnance confirmée par l’Obergericht du canton de Zurich le 23 décembre 1994 ; que contre cette dernière décision des recours furent déposés par la société K. et par B., Puelinckx et Wallyn auprès du Tribunal fédéral suisse à Lausanne qui n’eut pas à se prononcer en raison de la renonciation des intéressés à leurs recours.

Attendu que les prévenus P. et W. relèvent qu’en dépit de l’anonymat garanti par le droit suisse et en violation de son secret de fonction, le juge R., président du Tribunal fédéral, a par sa lettre du 10 février 1995 adressée au conseiller F., révélé les noms des personnes qui exerçaient un recours ;

Attendu que le prévenu Puelinckx affirme, d’une part, que sa détention préventive était la conséquence de cette information irrégulièrement obtenue et, d’autre part, que cette détention, que les magistrats liégeois savaient illégale, avait pour objectif de faire pression sur lui, afin de le forcer à violer son secret professionnel en fournissant certaines informations sur les activités d’un de ses clients ; que sa détention visait en fait à le sanctionner du silence qu’il s’imposait ; que tous ses interrogatoires réalisés lors de sa détention préventive, ainsi que leurs conséquences directes et indirectes, doivent être considérés comme illégaux et, partant, ne peuvent servir de fondement aux poursuites.

Attendu que l’État requis exécute les commissions rogatoires internationales qui lui sont adressées selon la procédure prévue par sa propre législation ; que le juge pénal belge doit apprécier la régularité de la preuve obtenue à l’étranger en examinant, d’une part, si la loi étrangère autorise le mode de preuve utilisé et si, en outre, ce mode de preuve n’est pas contraire à l’ordre public belge, lequel est aussi déterminé par des normes juridiques internationales et supranationales, d’autre part, si la preuve a été obtenue à l’étranger conformément à la loi étrangère ;

Attendu que le juge pénal ne peut déclarer une infraction établie si la preuve en a été obtenue à la suite d’un acte punissable ou de toute autre manière irrégulière, soit de la part de l’autorité chargée de la recherche, de la constatation ou des poursuites, soit de la part du dénonciateur de l’infraction ;

Attendu que le fait reproché au juge R., qui est étranger à l’exécution de la commission rogatoire n’a, en aucune manière, pu affecter la régularité des actes d’exécution de celle-ci ; qu’il n’a pu, théoriquement, affecter que les actes d’instruction exécutés en Belgique à la suite de la communication prématurée de l’identité des personnes qui avaient engagé des recours administratifs ;

Attendu que la divulgation de l’identité des opposants n’est pas un acte d’instruction mais acte de la fonction du juge R., qu’il n’a pu avoir d’incidence que sur la détention préventive des prévenus Puelinckx et Wallyn ;

Attendu que l’illégalité de cette détention préventive est en l’espèce sans conséquence sur l’appréciation de la régularité de la preuve ;

Attendu que c’est à tort que le prévenu Puelinckx se plaint de la pression exercée sur lui par ladite détention préventive ;

Attendu que, d’une part, Puelinckx avait déjà révélé le nom de Wallyn avant que le juge d’instruction ne l’interroge et délivre le mandat d’arrêt à sa charge ; que d’autre part, Luc Wallyn n’étant pas un client d’Alfons Puelinckx, la divulgation de son nom n’était pas protégée par le secret professionnel ;

Attendu que les indiscrétions reprochées au juge R., étant étrangères à l’instruction, ne peuvent davantage entacher d’irrégularité ni la commission rogatoire internationale délivrée le 22 février 1995 par le conseiller F. ni les informations qu’elle a permis de recueillir.

Section 2. - Les commissions rogatoires au Luxembourg

Attendu que le prévenu Puelinckx soutient que les documents saisis dans les banques luxembourgeoises, à la suite de la commission rogatoire internationale délivrée par le conseiller F. le 19 février 1995, ont été communiqués aux autorités belges alors qu’il exerçait des recours et sans que leur transmission n’ait été autorisée par la chambre du conseil du tribunal compétent conformément à l’article 20.2 du Traité Bénélux d’extradition et d’entraide judiciaire ; qu’il n’a abandonné ses recours que vers la fin du mois d’avril 1996 sous la contrainte des conditions dont le juge d’instruction P. a assorti son maintien en liberté provisoire ; que, dès lors, les actes d’instruction qui se fondent de manière directe ou indirecte sur les documents saisis sont illégaux et doivent être écartés des débats ;

Attendu qu’à la demande du conseiller instructeur, le juge d’instruction du tribunal de Luxembourg a, par sa lettre du 24 mars 1995 transmise à la police judiciaire luxembourgeoise, autorisé la présence des enquêteurs belges lors de l’exécution des mesures qu’il avait ordonnées, sauf pour ce qui concerne les opérations à effectuer à l’intérieur des banques ;

Attendu qu’il ressort du procès-verbal du 29 mai 1995 de l’officier de police judiciaire auxiliaire Be. que celui-ci et l’expert De. ont été autorisés par la gendarmerie de Luxembourg à examiner les documents saisis à la [banque β] de Luxembourg relatifs aux comptes ouverts au nom de Puelinckx ; qu’il ressort en outre de son procès-verbal du 6 juillet 1995 que cet enquêteur a été autorisé à examiner les pièces justificatives des opérations enregistrées sur les comptes de Puelinckx et de son épouse à la banque M. ;

Attendu que le Traité Bénélux d’extradition et d’entraide judiciaire prévoit en son article 26 la faculté pour l’Etat requérant, moyennant l’accord de l’officier du ministère public compétent, de déléguer des agents en vue d’assister sur le territoire de l’Etat requis aux opérations de recherche et de constatation des infractions ; que ces agents peuvent faire usage dans leur pays des renseignements ainsi obtenus même si ceux-ci ont trait à des objets saisis pour lesquels une procédure ultérieure d’extradition mobilière est requise par le Traité ;

Attendu que, dès lors, les auditions de Puelinckx et le rapport de l’expert D. ne sont entachés d’aucune irrégularité ;

Section 3. - L’utilisation de la détention préventive comme moyen de pression.

Attendu que le prévenu Puelinckx allègue que les juges d’instruction A. et P. ont exercé sur lui une contrainte morale en le menaçant d’un mandat d’arrêt et en soumettant son maintien en liberté à la condition expresse qu’il fournisse certains documents, renversant ainsi la charge de la preuve ;

Attendu que ne constitue par une pression l’avertissement imposé par l’article 16, par. 2, de la loi relative à la détention préventive ;

Attendu que l’ordonnance du 4 avril 1996 du juge d’instruction P. mentionne différentes circonstances qui justifient la délivrance d’un mandat d’arrêt à charge de Puelinckx, que ce juge d’instruction ordonne cependant que Puelinckx sera laissé en liberté à condition, notamment, de constituer, au plus tard le 22 avril 1996, une caution de cinq millions et de fournir, au plus tard le 23 avril 1996, les pièces justifiant l’origine et la destination de certaines sommes reprise au compte privé numéro 20995008 ouvert à son nom et à celui de son épouse ;

Attendu que la contrainte morale dont se plaint Puelinckx n’a trait qu’à l’exigence de produite les pièces justificatives précitées sans attendre l’autorisation de transmission de la chambre du conseil du tribunal de Luxembourg ; que Puelinckx a, lors de son interrogatoire du 4 avril 1996 par la police judiciaire, expliqué, en alléguant des raisons fiscales, qu’il ne souhaitait pas que les informations demandées soient transmises en dehors de la voie légale ;

Attendu que, dès lors, si contrainte il y eut, elle n’affecte pas la régularité de la preuve en la présente cause ; qu’en outre, la Cour ne retient de ces pièces aucun élément à charge de Puelinckx ;

Attendu que le prévenu Puelinckx soutient que le juge d’instruction A. a exercé sur B. des pressions inacceptables à la suite desquelles ont été obtenues toutes les informations que celui-ci a apportées ;

Que la promesse de lever un mandat d’arrêt international ou la menace d’un décerner un autre constituent des mesures coercitives licites à l’égard de personnes qui se soustraient à la Justice ;

Attendu qu’enfin, les contraintes qu’impose le secret professionnel s’effacent, en règle, devant les impératifs de la défense ; (...) »

Le requérant a aussi fait valoir des atteintes à ses droits fondamentaux. A cet égard, la cour s’est exprimée comme suit :

« Section première. - La présomption d’innocence.

Attendu que, ni les déclarations de responsables de l’Etat lors des conférences de presse, ni les prétendues fuites qui auraient été organisées à Liège en violation du secret de l’instruction, ni les images transmises par la presse audiovisuelle ou écrite n’ont pu prévenir la juridiction de jugement contre les comparants ou créer une présomption de culpabilité dans le chef de chacun d’eux ;

Section 2. - L’impartialité du juge et l’égalité des parties.

Attendu que l’instruction diligentée par P.M., alors conseiller à la cour d’appel de Bruxelles, s’est terminée par un classement sans suite.

Attendu qu’il résulte des explications du procureur général et de la défense qu’il s’agissait d’une instruction pour violation du secret professionnel et donc de faits de nature différente de ceux dont la Cour est saisie ;

Attendu que l’impartialité personnelle subjective du conseiller instructeur F. n’est pas mise en doute ; que Puelinckx voit cependant difficulté dans le fait que l’autorité qui l’a désigné n’est autre que le premier président de la Cour ;

Attendu que l’on discerne mal comment un doute sur l’indépendance d’un magistrat pourrait naître du fait qu’il est, selon la loi, désigné par son chef de corps ; qu’on n’aperçoit pas plus les raisons de douter de l’aptitude de la juridiction du fond d’apprécier, en toute liberté, la valeur probante des éléments qui lui sont soumis par l’instruction, en annulant même, le cas échéant, des actes d’instruction qui seraient contraires à l’exigence de loyauté dans la recherche des preuves ;

Attendu que le prévenu Johan Delanghe prend prétexte de divergence de vues relatées par la presse entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire à l’occasion desquelles le premier président de la Cour et le procureur général près celle-ci ont été amenés à soutenir des opinions communes, pour d’une part, alléguer une rupture de l’égalité des armes entre le ministère public et la défense, d’autre part, mettre en doute l’impartialité, au moins apparente, de la Cour ;

Attendu que, d’une part, la circonstance que le procureur général a arrêté avec d’autres représentants du pouvoir judiciaire, et notamment avec le premier président de la Cour, des positions communes sur des questions étrangères à la présente cause n’a entraîné dans l’instruction de celle-ci aucune rupture de l’égalité des armes ;

Que, d’autre part, les prises de position du pouvoir judiciaire évoquées par le prévenu sont étrangères au présent procès et ne sauraient en rien altérer, fût-ce en apparence, l’impartialité de la cour appelée à le juger ;

Section 3. - Le droit de faire entendre des témoins.

Attendu que l’article 6, paragraphe 3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel tout accusé a droit notamment à interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la convocation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge, a pour but d’assurer à la défense, dans le domaine qu’il définit, une entière égalité de traitement par rapport à l’accusation ; que ce droit, qui n’est applicable que devant la juridiction du fond, n’est pas méconnu lorsque, comme en l’espèce, le parquet général a offert, avec l’assentiment de la Cour, de convoquer les témoins souhaités par la défense, sans pouvoir toutefois, pour certains d’entre eux, les contraindre à se présenter ; qu’il importe d’ailleurs de souligner que rien n’empêchait les comparants de citer eux-mêmes leurs témoins à décharge ou ceux avec lesquels ils souhaitaient être confrontés ; (...) »

La défense avait aussi contesté le fait qu’une audition de Ma., un des coïnculpés, effectuée le 27 septembre 1991 puisse interrompre valablement la prescription de l’action publique, en faisant valoir qu’elle avait été faite avant que le juge d’instruction A. n’ait été requise d’informer par le ministère public. La Cour en a décidé autrement, en s’expliquant en ces mots :

« Sans doute, l’audition précitée a été recueillie avant que le Procureur du Roi n’eût requis le Juge d’instruction d’informer au sujet des faits de corruption, de faux et d’usage de faux faisant l’objet des présentes poursuites ;

Attendu que, toutefois, un acte peut produite un effet interruptif de la prescription de l’action publique relative à des faits déterminés avant que le Juge d’instruction ne soit requis d’informer à leur sujet ;

Attendu que, d’une part, le Juge d’instruction régulièrement saisi de faits pouvant constituer un assassinat respecte les limites de sa saisine en prescrivant des devoirs ayant pour objet de découvrir le mobile de cet acte ;

Attendu que, d’autre part, la circonstance que le Juge d’instruction découvre à cette occasion des indices de faits punissables de nature à excéder les limites de sa saisine n’a pas pour effet de frapper de nullité les actes par lesquels ce Juge, en sa qualité d’Officier de Police Judiciaire, recueille tous les éléments utiles qui concernent ces faits pour autant qu’il n’accomplisse pas des actes relevant de la compétence juridictionnelle propre au Juge d’Instruction (...) ;

Attendu qu’enfin l’article 29 du Code d’Instruction Criminelle ne prescrit pas de délai de rigueur dans lequel le Juge d’instruction doit donner vis au Procureur du Roi des indices relatifs à d’autres infractions que son instruction révèle. »

La Cour de cassation s’est enfin exprimée de la sorte en ce qui concerne les frais de l’action publique :

« Attendu qu’une partie des frais de l’action publique est étrangère aux poursuites dont la Cour est saisie ou a trait au prévenu décédé. Qu’eu égard à l’impossibilité d’opérer une ventilation des frais exposés pour instruire la cause, il convient d’imputer ex aequo et bono à celle-ci 60 % de la totalité des frais ;

Attendu que tous les frais ont, à concurrence de cette quotité, été causés par l’instruction et le jugement des infractions déclarées établies par la Cour à charge des accusés et des prévenus ;

Attendu que les frais occasionnés par les affaires A. et D., volet S.P., s’élèvent à deux tiers ;

Que les frais occasionnés par l’affaire D., volet P.S. (Parti Socialiste), s’élèvent à un tiers ;

Attendu qu’eu égard à l’impossibilité d’opérer une ventilation des frais exposés pour instruire telle ou telle prévention, il serait inéquitable d’imposer aux parties déclarées ou à certaines d’entre elles une condamnation solidaire aux frais ;

Qu’il y a lieu de répartir la charge des frais ainsi qu’il sera dit au dispositif. (...)

Condamne (...) Alfons Puelinckx à dix centièmes (...) des frais de l’action publique, taxés au total actuel de 21 311 391 francs [belges]. »

Le 23 décembre 1998, le requérant a introduit un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 29 juin 1998 et l’arrêt de condamnation.

Le 3 mars 1999, le requérant communiqua son mémoire en cassation au ministère public près la Cour de cassation. Le 16 novembre 1999, il lui demanda de lui communiquer copie des conclusions que le ministère public se proposait d’adopter dans ce dossier. Cette demande est restée sans réponse.

Par arrêt du 1er décembre 1999, la Cour de cassation a déclaré le pourvoi contre l’arrêt du 29 juin 1998 irrecevable, rappelant qu’une partie dont un pourvoi contre une décision a déjà été rejeté ne peut plus se pourvoir contre la même décision, sauf exception. En ce qui concerne l’arrêt de condamnation, elle estima que les arrêts rendus par elle, statuant chambres réunies comme juridiction de fond, n’étaient pas susceptibles d’un pourvoi en cassation, en raison de la nature de la juridiction qui s’était prononcée. La Cour de cassation rejeta aussi une demande de question préjudicielle à la Cour d’arbitrage, en reprenant le raisonnement de ses arrêts précédents.


B. Le droit interne pertinent

Jusqu’en 1998, la législation en matière de responsabilité pénale des ministres prévoyait la compétence de la Cour de cassation pour les juger. En effet, l’article 103, alinéa 1er, de la Constitution coordonnée du 17 février 1994 (ancien article 90 de la Constitution du 7 février 1831), disposait :

« La Chambre des représentants a le droit d’accuser les ministres et de les traduire devant la Cour de cassation, qui seule a le droit de les juger, chambres réunies, sauf ce qui sera statué par la loi, quant à l’exercice de l’action civile par la partie lésée et aux crimes et délits que les ministres auraient commis hors l’exercice de leurs fonctions. »

Toutefois l’article 103 alinéa 2 de la Constitution disposait que la loi détermine les cas de responsabilité, les peines à infliger aux ministres et le mode de procéder contre eux, soit sur l’accusation admise par la Chambre des représentants, soit sur la poursuite des parties lésées.

Dans l’attente d’une loi de procédure et pour éviter que la justice pénale ne soit paralysée à l’égard des ministres pendant le temps nécessaire à l’adoption de la loi, le Congrès national avait adopté une disposition transitoire donnant un pouvoir discrétionnaire à la Chambre des représentants pour accuser un ministre et à la Cour de cassation pour le juger. Différentes lois d’applications, de circonstances et temporaires, de l’article 103 de la Constitution ont été adoptées. Le 17 décembre 1996, le législateur a adopté une loi portant exécution temporaire et partielle de l’article 103 de la Constitution. Elle autorisait la Chambre des représentants à ordonner que des actes d’instructions soient accomplis à l’égard d’un ministre. Elle est restée en vigueur jusqu’au 1er janvier 1998.

La loi du 12 juin 1998 a modifié l’article 103 de la Constitution. La compétence pour juger les ministres pour les infractions qu’ils auraient commises est désormais confiée aux cours d’appel.

La modification constitutionnelle du 12 juin 1998 est assortie d’une disposition transitoire :

« Le présent article n’est pas applicable aux faits qui ont fait l’objet d’actes d’information ni aux poursuites intentées avant l’entrée en vigueur de la loi portant exécution de celui-ci.

Dans ce cas la règle suivante est d’application : la Chambre des représentants a le droit de mettre en accusation les ministres et de les traduire devant la Cour de cassation. Cette dernière a seule le droit de les juger, chambres réunies, dans les cas visés dans les lois pénales. La loi du 17 décembre 1996 portant exécution temporaire et partielle de l’article 103 de la Constitution reste d’application en la matière. »

La loi du 17 décembre 1996 portant exécution temporaire et partielle de l’article 103 de la Constitution, modifiée par la loi du 28 février 1997 et prolongée par la loi du 19 décembre 1997, dispose que seul un conseiller à la Cour de cassation désigné par le Premier président de cette cour dispose des pouvoirs du juge d’instruction pour instruire relativement à des faits qui auraient été commis par des ministres ou anciens ministres dans l’exercice de leurs fonctions.

En vertu de l’article 26 § 1 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la cour d’arbitrage statue, à titre préjudiciel, par voie d’arrêt, sur les questions relatives, d’une part, à la violation par une loi, un décret ou une règle visés à l’article 26 bis (134) de la Constitution, des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l’Etat, des Communautés et des Régions, d’autre part, à tout conflit entre décret ou entre règles visées à l’article 26 bis (134) de la Constitution émanant de législateurs distincts et, enfin, à la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l’article 26 bis de la Constitution, des articles 6, 6 bis et 17 de la Constitution. Les articles 6 et 6 bis de la Constitution, devenus les articles 10 et 11 en vertu de la modification du 17 février 1994, sont ceux qui reconnaissent le principe de l’égalité des Belges devant la loi ainsi que la jouissance sans discrimination des droits et libertés reconnus.

En vertu de l’article 26 § 2 de la même loi, lorsqu’une question préjudicielle est soulevée devant une juridiction, celle-ci doit en principe demander à la cour d’arbitrage de statuer sur cette question. Toutefois, la juridiction n’y est pas tenue lorsque l’action est irrecevable pour des motifs de procédure tirés de normes ne faisant pas elles-mêmes l’objet de la demande de question préjudicielle. De même, n’y est pas tenue non plus la juridiction dont la décision est susceptible, selon le cas, d’appel, d’opposition, de pourvoi en cassation ou encore de recours en annulation devant le Conseil d’Etat soit lorsque la cour d’arbitrage a déjà statué sur une question ou un recours qui a le même objet, soit lorsqu’elle estime que la réponse à la question préjudicielle n’est pas indispensable pour rendre sa décision, soit encore si la loi, le décret ou la règle visée à l’article 26 bis (134) ne viole manifestement pas une règle ou un article de la Constitution visés à son paragraphe 1.

Dans les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 1989, le ministre de la Justice a justifié le caractère obligatoire de la question préjudicielle par la nécessité d’éviter tout risque d’arbitraire dans les appréciations que les juridictions pourraient porter à cet égard.

L’article 16 §§ 1 et 2 de la loi du 20 juillet 1990 relatif à la détention préventive est ainsi libellé :

« En cas d’absolue nécessité pour la sécurité publique seulement, et si le fait est de nature à entraîner pour l’inculpé un emprisonnement correctionnel principal d’un an ou une peine plus grave, le juge d’instruction peut décerner un mandat d’arrêt.

Cette mesure ne peut être prise dans le but d’exercer une répression immédiate ou toute autre forme de contrainte.

Si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas quinze ans de réclusion, le mandat ne peut être décerné que s’il existe de sérieuses raisons de craindre que l’inculpé, s’il était laissé en liberté, commette de nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l’action de la justice, tente de faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers. »

Par ailleurs, l’article 35, §§ 1 à 4, se lit comme suit :

« §1er. Dans les cas où la détention préventive peut être ordonnée ou maintenue dans les conditions prévues à l’article 16, § 1er, le juge d’instruction peut, d’office, sur réquisition du ministère public ou à la demande de l’inculpé, laisser l’intéressé en liberté en lui imposant de respecter une ou plusieurs conditions, pendant le temps qu’il détermine et pour un maximum de trois mois.

§2. Toutes les décisions qui imposent une ou plusieurs conditions à l’inculpé ou au prévenu sont motivées, conformément aux dispositions de l’article 16, § 5, premier et deuxième alinéas.

§3. Le juge arrête les conditions à imposer. Elles doivent viser l’une des raisons énoncées à l’article 16, § 1er, troisième alinéa, et être adaptées à cette raison, compte tenu des circonstances de la cause.

§4. Le juge peut également exiger le paiement préalable et intégral d’un cautionnement, dont il fixe le montant. »

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les frais d’interprète et de traducteur ne peuvent être mis à charge de la personne condamnée (Cass. 17/09/1974, PAS., 1974, I, p. 59 ; Cass. 14/03/1972, PAS., 1972, I, p. 653 ; Cass. 20/04/1970, PAS., 1970, I, p. 723 ; Cass. 07/10/1968, PAS. 1969, I, p. 138.). Se fondant sur l’article 6 § 3 e), cette juridiction a ainsi à diverses reprises, dans certains cas par des moyens soulevés d’office, cassé des décisions de condamnation lorsqu’il n’apparaissait d’aucune de ses énonciations que les frais de traduction avaient été exclus des frais mis à charge du condamné.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention, le requérant fait valoir que l’ordonnance de dessaisissement du 27 juin 1997 a porté atteinte à ses droits de la défense et, en particulier, à l’exigence du contrôle effectif de la cause par les juridictions nationales, au principe de l’égalité des armes et du contradictoire. Il ajoute qu’en refusant de connaître de son appel, la chambre des mises en accusation a violé le principe de la légalité de la procédure pénale. Il met aussi en cause la motivation de ces décisions.

2. Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant se plaint que, faute d’adoption de la loi d’exécution prévue expressément par l’article 103 alinéa 2 de la Constitution, l’absence de règles régissant la procédure devant être suivie par la Cour de cassation pour juger les ministres portait atteinte au droit à un procès équitable. Le requérant relève que, faute d’adoption de la loi d’exécution prévue expressément par l’article 103, le régime constitutionnel régissant les poursuites pénales contre les ministres est incomplet. La loi du 17 décembre 1996 portant exécution temporaire et partielle de l’article 103 de la Constitution ne prévoit le mode de procéder devant la Cour de cassation. Elle a donc dû suppléer à la carence du législateur et définir des règles de procédure, remplissant à la foi le rôle de législateur et de juge de la régularité des règles. Le requérant fait valoir qu’à défaut de loi déterminant le mode de procéder contre les ministres, sa cause n’a pas été entendue par un tribunal établi par la loi et n’a pas été tranchée par la Cour de cassation sur la base de normes de droit suffisamment accessibles et prévisibles et à l’issue d’une procédure préalablement organisée, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Il ajoute que cette situation est de nature à mettre en cause l’impartialité de la Cour de cassation.

3. Invoquant l’article 6 combiné avec l’article 14 de la Convention, le requérant se plaint que ses droits de la défense n’ont pas été respectés du fait du dessaisissement du juge A. et de la jonction, fondée sur le principe de la connexité, des affaires le concernant et celles concernant les ministres devant la Cour de cassation.

Le requérant soutient qu’ordonnant dessaisissement du juge A. en arguant de la connexité, la chambre du conseil l’a privé des garanties habituelles de la défense, de même que la Cour de cassation qui a décidé de se déclarer compétente pour connaître de l’action publique intentée à sa charge en raison de la connexité. En omettant de prendre en considération le respect des droits de la défense, les juridictions belges ont créé un déséquilibre injustifié entre celui-ci et l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Il ajoute que la jonction a entravé, en sa défaveur, une différence de traitement par rapport aux justiciables ordinaires et par rapport aux ministres. Il relève d’abord que, contrairement aux autres justiciables, il a été privé de la possibilité de comparaître en chambre du conseil chargée du règlement de la procédure et de faire appel puis cassation de sa condamnation. Il relève en outre une discrimination par rapport aux ministres, qui ont pu participer à la procédure préalable, contradictoire, devant la Chambre des représentants. Il conclut qu’en n’agençant pas son système judiciaire de manière à éviter les violations susmentionnées, l’Etat a violé l’article 6 en violation avec l’article 14 de la Convention.

4. Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant se plaint de ce que la Cour de cassation a refusé, par ses arrêts des 16 septembre 1998 et 1er décembre 1999, de poser à la cour d’arbitrage les questions préjudicielles. Elle a en effet estimé que le jugement du requérant a été déféré devant elle en vertu de l’article 103 de la Constitution et que la cour d’arbitrage n’était pas compétente pour connaître de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Le requérant en conclut que la Cour de cassation a méconnu le prescrit obligatoire de l’article 26 § 2 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 qui lui intimait de saisir la cour d’arbitrage d’une question préjudicielle.

5. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant soutient que la Cour de cassation n’est pas un tribunal indépendant et impartial.

a. Il expose d’abord qu’il éprouvait des doutes légitimes sur l’impartialité de P.M., qui a connu comme conseiller à la Cour de cassation du bien-fondé des poursuites dirigées contre lui, alors qu’il avait eu en charge l’instruction des dossiers des fuites organisées vers la presse. Il soutient qu’il avait déposé plainte en 1995 à l’encontre de ces fuites.

b. Il explique ensuite qu’il éprouvait les mêmes craintes à l’égard du conseiller F., dans la mesure où il avait été désigné par son chef de corps pour instruire le dossier. Sa situation organique était de nature à faire naître un doute légitime sur son aptitude à instruire de la cause et sur l’indépendance de la Cour de cassation amenée à se prononcer sur base de son travail.

c. Il fait enfin valoir que la proximité qui existe entre la Cour de cassation et son ministère public était de nature à faire naître, dans son chef, un doute légitime sur son indépendance. Il expose que l’habit de ces différents magistrats, leur place dans la salle d’audience, le fait qu’ils y entraient par la même porte et le fait qu’il aient fait des déclarations communes sur les projets de réforme de la justice que le Gouvernement envisageait à l’époque pouvaient légitimement lui donner l’impression d’une trop grande proximité entre magistrats du siège et du parquet, et d’une situation privilégiée du procureur général par rapport aux avocats de la défense. En outre, la Cour de cassation ne lui a, en apparence, fourni aucune garantie qu’il aurait été dérogé de manière effective à la pratique traditionnelle de participation du parquet à la rédaction des arrêts de la Cour.

6. Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant se plaint d’une atteinte à la présomption d’innocence. Il met en cause les déclarations du ministre de l’Intérieur, M. Tobback, ainsi que l’attitude des médias qui étaient alimentés par des fuites constantes leur permettant de divulguer des informations directement issues du dossier de l’instruction en cours. Les médias ont également pu, à de nombreuses reprises, fournir au public des images (photographies ou film) de nature à instiller l’idée de sa culpabilité, du fait de la négligence des gendarmes qui l’escortaient pour ses transferts lors de sa détention. Il se plaint aussi des motifs, qu’il juge par trop laconiques, de la décision rendue sur ce point par la Cour de cassation.

7. Le requérant expose qu’il avait au cours de l’instruction demandé à être confronté à MM. Dassault, M., Wallijn, Delanghe, M., Tobback, et B. Il explique également, sans plus de précision, avoir réclamé une confrontation avec le « banquier Doswald ». Il constate qu’à l’époque du procès devant la Cour de cassation B., T. (un des responsables de la société A.) et T.B. étaient décédés et qu’alors qu’il avait « formulé la demande qu’il soit procédé à l’audition de trois témoins », un seul de ceux-ci, M. Tobback, s’est présenté à la barre. Il ajoute sans en préciser, qu’il aurait aussi personnellement fait citer le juge R. du Tribunal fédéral suisse (voir supra p. 19), mais la Cour de cassation se serait opposée à son audition dans un de ses arrêts. Il avait enfin fait citer A.B., mais ce dernier ne s’est pas présenté. A défaut d’audition de ces témoins, le requérant allègue la violation de l’article 6 § 3 d).

8. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d’une atteinte à l’égalité des armes et à l’effectivité de sa défense, ainsi qu’à son droit à des débats contradictoires. Il explique qu’en soulevant la question de l’atteinte à la présomption d’innocence dans ses conclusions du 8 octobre 1998, il entendait s’assurer que ce droit n’avait pas été violé par des magistrats et/ou des fonctionnaires. Il avait en effet appris que de tels dossiers avaient été instruits et avaient fait l’objet d’un non-lieu. Sachant que l’instruction avait été faite par un conseiller de la cour d’appel, P.M., qui avait ultérieurement été nommé à la Cour de cassation et qui siégeait en l’espèce, il sollicitait que lui-même et la Cour de cassation soient parfaitement informés de tous les aspects de cette affaire. Or, tel n’a pas été le cas, puisque la Procureure générale près la Cour de cassation s’est opposée à une telle communication au motif qu’ils étaient sans intérêt pour juger des poursuites engagées contre lui.

9. Le requérant soutient encore que les autorités judiciaires n’ont pas respecté son droit au silence dans la mesure où son maintien en liberté était lié, dans les ordonnances des 4 et 23 avril 1996, à la production de documents bancaires susceptibles de servir d’éléments de preuve à charge. Il expose que l’avertissement imposé par l’article 16 de la loi du 20 juillet 1990 combiné avec la demande de documents méconnaît les dispositions de l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention.

10. Le requérant estime que la Cour de cassation a porté atteinte à l’article 6 § 1 de la Convention en considérant que l’audition du 27 septembre 1991 avait pu interrompre valablement la prescription de l’action publique.

11. Il se plaint aussi que la Cour de cassation ait eu égard aux auditions et au rapport d’expertise réalisés sur base des renseignements obtenus à la suite de la commission rogatoire transmise aux autorités luxembourgeoises, en violation de l’article 6 de la Convention et de l’article 20 du traité Bénélux d’extradition et d’entraide judiciaire.

12. Le requérant dénonce enfin le fait que la Cour de cassation ait mis à sa charge une partie des frais de l’action publique, sans préciser si les frais d’interprètes et de traducteurs jurés, nécessaires pour la traduction du dossier répressif et l’instruction de la cause à l’audience, étaient exclus de cette condamnation. Il invoque à cet égard l’article 6 § 3 e) de la Convention.

13. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant soutient enfin que la Cour de cassation n’a pas légalement motivé la décision de rejet de son moyen relatif à l’absence d’un double degré de juridiction et des arguments mettant en cause la régularité de la preuve du fait de la violation du secret professionnel par le président du Tribunal fédéral suisse qui avait révélé, par un courrier adressé au conseiller F., le nom des personnes s’opposant à la transmission de documents saisis en Suisse.

14. Invoquant le principe de l’égalité des armes garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir eu copie des conclusions que le ministère public se proposait d’adopter à propos de son recours en cassation du 23 décembre 1998. S’il a eu la parole en dernier à l’audience après l’exposé oral du ministère public, il n’a pas eu l’occasion de bénéficier du support écrit de cet exposé pour en prendre connaissance et préparer une réplique avant l’audience.

EN DROIT

1. Le requérant fait valoir que la procédure pénale poursuivie à son encontre a porté atteinte aux articles 6, 13 et 14 de la Convention, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

Article 6

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à : (...)

d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

e. se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

Article 14

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

2. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention, le requérant se plaint de la procédure de desaisissement et, en particulier, du caractère non contradictoire de l’ordonnance du 27 juin 1997.

La Cour observe cependant que la procédure de dessaisissement n’avait pas pour objet de trancher des contestations sur des droits et obligations de caractère civil ou une accusation pénale dirigée contre le requérant. En effet, seule était en cause la question de la compétence du juge d’instruction saisi à poursuivre l’instruction de l’affaire (Comm. eur. D.H., X. c. Autriche 5334/72, décision 20.6.72, Recueil 42 p. 108 ; Saussez c. Belgique, n 13090/87, décision 14.4.89 et Hody c. Belgique, n 21703/93, décision 2.7.93). L’article 6 de la Convention ne trouve donc pas à s’appliquer à cette procédure.

Il s’ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et qu’elle doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention, le requérant expose qu’à défaut de loi déterminant le mode de procéder contre les ministres, sa cause n’a pas été entendue par un tribunal établi par la loi et n’a pas été tranchée par la Cour de cassation sur la base de normes de droit suffisamment accessibles et prévisibles et à l’issue d’une procédure préalablement organisée.

En l’état actuel du dossier, la Cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et estime nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) du règlement de la Cour.

4. Le requérant affirme que la décision de joindre les poursuites en raison de l’existence d’un lien de connexité l’a distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne, au mépris de l’article 6 § 1 de la Convention, ce qui constitue une discrimination contraire à l’article 14 de la Convention combiné avec son article 6 § 1.

En l’état actuel du dossier, la Cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et estime nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) du règlement de la Cour.

5. Le requérant se plaint également du refus de la Cour de cassation de poser à la cour d’arbitrage des questions préjudicielles, estimant qu’il est entaché d’arbitraire et porte atteinte aux articles 6 § 1 et 13 de la Convention.

Saisie d’un grief identique dans l’affaire Coëme (Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96 [Section 2], CEDH 2000VII [22.6.00]), la Cour s’était prononcée, dans son arrêt, en ces termes :

« 114. La Cour observe, tout d’abord, que la Convention ne garantit pas, comme tel, un droit à ce qu’une affaire soit renvoyée, à titre préjudiciel, par une juridiction nationale devant une autre instance nationale ou internationale. Elle rappelle aussi sa jurisprudence selon laquelle un « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’Etat, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation (voir, parmi d’autres, l’arrêt Brualla Gómez de la Torre c. Espagne du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2955, § 33). Le droit de saisir un tribunal par voie de question préjudicielle ne peut pas non plus être absolu, même lorsqu’une législation réserve un domaine juridique à la seule appréciation d’un tribunal et prévoit pour les autres juridictions l’obligation de lui soumettre, sans réserves, toutes les questions qui s’y rapportent. Comme le soutient le Gouvernement, il est conforme au fonctionnement de pareil mécanisme que le juge vérifie s’il peut ou doit poser une question préjudicielle, en s’assurant que celle-ci doit être résolue pour permettre de trancher le litige dont il est appelé à connaître. Cela étant, il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, le refus opposé par une juridiction nationale, appelée à se prononcer en dernière instance, puisse porter atteinte au principe de l’équité de la procédure, tel qu’énoncé à l’article 6 § 1 de la Convention, en particulier lorsqu’un tel refus apparaît comme entaché d’arbitraire (Dotta c. Italie (déc.), n° 38399/97, 7 septembre 1999 (non publiée) ; Predil Anstalt S.A. c. Italie (déc.), n° 31993/96, 8 juin 1999 (non publiée)).

115. La Cour estime que tel n’est pas le cas dans la présente affaire. En effet, la Cour de cassation a pris en compte les griefs des requérants relatifs à l’application des règles de la connexité et de la loi du 24 décembre 1993 ainsi que leur demande de voir poser des questions préjudicielles à la Cour d’arbitrage. Elle s’est ensuite prononcée par des décisions suffisamment motivées et qui n’apparaissent pas entachées d’arbitraire. La Cour rappelle, en outre, que l’interprétation de la législation interne incombe au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux (voir arrêt Brualla Gómez de la Torre précité, p. 2955, § 31, et Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 288, § 29).

116. En conclusion, la Cour estime que le refus de poser des questions préjudicielles n’a pas porté atteinte à l’article 6 § 1.»

Dans la mesure où les questions préjudicielles que le requérant entendait voir poser sont proches de l’une de celles dont il est question dans les considérations reprises ci-avant et que la Cour de cassation s’est fondée sur un raisonnement identique pour fonder sa décision de refus, la Cour constate, à la lumière des explications et documents produits par le requérant, qu’il n’existe en l’espèce aucun motif permettant d’aboutir à une conclusion différente.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée conformément aux dispositions de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

6. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant soutient que la Cour de cassation n’est pas un tribunal indépendant et impartial.

La Cour rappelle qu’en matière d’impartialité, il faut distinguer entre une démarche subjective, tendant à déterminer ce qu’un juge pense dans son for intérieur, et une démarche objective, amenant à rechercher si celui-ci offre des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime à cet égard. Si l’impartialité subjective se présume jusqu’à preuve du contraire, même les apparences peuvent revêtir une certaine importance en matière d’impartialité objective. L’optique du justiciable entre alors en ligne de compte, « mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si l’on peut considérer les appréhensions de l’intéressé comme objectivement justifiées » (arrêt Fey c. Autriche du 24 février 1993, série A n° 255, p. 12, § 30).

a. Dans la mesure où il met en cause l’impartialité de P.M., la Cour rappelle qu’un problème d’impartialité peut se poser lorsqu’un magistrat du siège se trouve saisi d’une affaire dans laquelle il a déjà antérieurement joué un rôle qui l’a amené à acquérir une connaissance particulière du dossier (arrêt Piersack c. Belgique du 1er octobre 1982, série A n° 53, § 31). Toutefois, le fait qu’un juge ait déjà eu à connaître de l’affaire avant le procès ne saurait en soi justifier des appréhensions quant à son impartialité (arrêt Hauschildt c. Danemark, 24 février 1989, série A n° 154, § 50 ; arrêt Nortier c. Pays-Bas du 24 août 1993, série A n° 154, §§ 49-53 ; arrêt Bulut c. Autriche du 22 février 1996, Recueil des arrêts et décisions, 1996-II, § 33).

La Cour observe qu’en l’espèce, le conseiller P.M. n’est jamais intervenu dans l’affaire en litige avant d’avoir été saisi, comme membre de la Cour de cassation siégeant chambres réunies, de la question du bien-fondé des poursuites dirigées contre le requérant. Il ressort en effet des explications du requérant que l’instruction dont il a été chargé ne concernait que d’éventuelles divulgations d’informations, qui auraient dû rester secrètes, concernant les faits de corruption. La Cour n’y distingue comme tel aucun élément de nature à créer un doute quant à l’impartialité du conseiller P.M. Même si celui-ci a pu être amené à connaître certains éléments de l’affaire de corruption, il n’apparaît pas qu’il ait pu acquérir, à cette occasion, une « connaissance particulière » du dossier à charge du requérant.

b. Quant aux craintes que le requérant dit éprouver à l’égard du conseiller F. chargé de l’instruction de l’affaire, la Cour est d’avis que les seuls faits que ce magistrat ait été chargé de l’instruction par son chef de corps et que les magistrats composant la Cour de cassation aient été appelés à se prononcer sur base de l’instruction effectuée en partie par un magistrat avec qui ils travaillent habituellement ou occasionnellement, ne sauraient justifier des appréhensions quant à l’impartialité de ce magistrat ou de cette Cour (Thoma c. Luxembourg [décision], n° 38432/97, 25.5.00).

c. Quant aux doutes que le requérant éprouve du fait de la proximité existant entre la Cour de cassation et son ministère public, la Cour rappelle que, dans son arrêt Coëme précité (§ 122), elle a estimé qu’aucune circonstance ne justifiait les appréhensions de l’existence de certains liens de sujétion ou de dépendance de la Cour de cassation à son ministère public que les requérants déduisaient des éléments tels que la mission traditionnellement dévolue au ministère public près la Cour de cassation et notamment la pratique traditionnelle de participation du parquet à la rédaction des arrêts de la cour en matière de cassation. Elle estime par ailleurs que les autres éléments présentés par le requérant à l’appui de cet aspect du grief ne sont pas non plus de nature à créer un doute quant à l’impartialité de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée conformément aux dispositions de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

7. Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant se plaint d’une atteinte à la présomption d’innocence du fait des déclarations du ministre de l’Intérieur et de l’attitude des médias.

a. En l’état actuel du dossier, la Cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité du grief tiré spécifiquement sur l’article 6 § 2 et estime nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) du règlement de la Cour.

b. Quant à l’allégation de motivation insuffisante de la décision rendue sur ce point par la Cour de cassation, la Cour estime plus opportun de procéder à l’examen de cet aspect du grief lors de son examen des autres plaintes que le requérant dirige contre la motivation des décisions de la Cour de cassation (voir infra, point 14).

8. Rappelant qu’il avait au cours de l’instruction et du procès demandé l’audition ou une confrontation avec diverses personnes, le requérant se plaint du défaut d’audition de ceux-ci, en violation de l’article 6 § 3 d). Il relève plus particulièrement que la Cour de cassation s’est opposée à l’audition du juge R. du Tribunal fédéral suisse.

La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de l’article 6 de la Convention représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti au plan général par le paragraphe 1. C’est pourquoi elle estime approprié d’examiner les griefs du requérant sous l’angle des deux textes combinés (voir notamment les arrêts Pullar c. Royaume-Uni du 10 juin 1996, Recueil 1996-III, p. 796, § 45, et Foucher c. France du 18 mars 1997, Recueil 1997-II, p. 464, § 30). La Cour rappelle en outre que la question de savoir si une procédure s’est déroulée conformément aux exigences du procès équitable, telles que prévues à l’article 6 § 1 de la Convention, doit être tranchée sur la base d’une appréciation de la procédure en cause considérée dans sa globalité. La Cour renvoie à cet égard à la jurisprudence constante (cf. par exemple, Pélissier et Sassi c. France [GC] du 17 mars 1999, n° 25444/94, § 46, CEDH 1999-II ; arrêt Barbera, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988, série A n° 146, p. 31, § 68). Par ailleurs, il n’entre pas dans les attributions de la Cour de substituer sa propre appréciation des faits et des preuves à celle des juridictions internes, sa tâche étant de s’assurer que les moyens de preuve ont été présentés de manière à garantir un procès équitable ((voir García Ruiz c. Espagne [GC] du 21 janvier 1999, n° 30544/96, § 26, CEDH 1999-I ; Schuler-Zgraggen c. Suisse du 24 juin 1993, série A n° 263, p. 21, § 66 ; Tejedor Garcia c. Espagne du 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2796, § 31).

La Cour rappelle que l’administration des preuves relève au premier chef des règles du droit interne et qu’il revient en principe aux juridictions nationales d’apprécier les éléments recueillis par elles. La tâche que lui attribue la Convention consiste à rechercher si la procédure examinée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (voir, entre autres, l’arrêt Edwards c. Royaume-Uni du 16 décembre 1992, série A n° 247-B, pp. 34-35, § 34). Par ailleurs, le principe de l’égalité des armes - l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable - exige que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire (voir notamment l’arrêt Bulut c. Autriche du 22 février 1996, Recueil 1996-II, p. 359, § 47). Les éléments de preuve doivent normalement être produits devant l’accusé en audience publique, en vue d’un débat contradictoire, mais l’emploi de dépositions remontant à la phase de l’enquête préliminaire et de l’instruction ne se heurte pas en soi aux paragraphes 3 d) et 1 de l’article 6, sous réserve du respect des droits de la défense ; en règle générale, ils commandent d’accorder à l’accusé une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d’en interroger l’auteur, au moment de la déposition ou plus tard (arrêts Saïdi c. France du 20 septembre 1993, série A n° 261-C, p. 56, § 43, et Isgrò c. Italie du 19 février 1991, série A n° 194-A, p. 12, § 34).

En ce qui concerne la non-audition de témoins, la Cour rappelle également que l’article 6 § 3 d) ne reconnaît pas à l’accusé un droit illimité d’obtenir la convocation de témoins en justice (Diaz-Llanos Gonzales c. Espagne [décision], n° 40180/98, 15.12.98) et qu’« il incombe en principe au juge national de décider de la nécessité de citer un témoin » (arrêt Bricmont c. Belgique du 7 juillet 1989, série A n° 158, p. 31, § 89).

En l’espèce, la Cour observe d’abord qu’au cours du procès, le requérant a pu à loisir confronter son point de vue avec celui de MM. Dassault, M., Wallijn, Delanghe, ses coïnculpés, ainsi qu’avec M. Tobback, qui a déposé comme témoin selon les dires mêmes du requérant. Elle note par ailleurs que B., T. et T.B. étaient décédés lorsque la Cour de cassation a eu à connaître des poursuites dirigées contre le requérant et que les magistrats chargés de l’instruction de l’affaire n’ont pas ménagé leurs efforts pour entendre B., qui vivait à l’étranger et dont il n’est pas possible de déterminer, à la lecture des informations fournies par le requérant, s’il a fait des déclarations aux autorités judiciaires belges et s’il peut en conséquence être considéré comme « témoin au sens de l’article 6 § 3 d) de la Convention » (Lucà c. Italie, n° 33354/96, 27.2.01). Quant au « banquier Doswald », le requérant n’a fourni aucune information permettant de comprendre en quoi son témoignage aurait pu être déterminant.

Par ailleurs, le requérant n’a guère fourni d’informations permettant de comprendre en quoi l’audition du juge R. aurait pu être déterminante. Il semble toutefois qu’il entendait, par cette audition, appuyer les exceptions concernant la régularité des poursuites entachées, selon lui, par une violation du secret professionnel commise par R. De l’avis de la Cour, on ne saurait considérer que son témoignage, qui ne pouvait porter que sur la réalité de ses déclarations et leur régularité au regard du droit suisse, eût pu être déterminant en l’espèce. En effet, la Cour de cassation le constate, dans la mesure où les indiscrétions reprochées à cette personne ne pouvaient, en droit interne, entacher d’irrégularité la commission rogatoire et les informations recueillies. La Cour rappelle que les juridictions internes sont « mieux placées que les organes de la Convention pour vérifier le respect du droit interne » (cf. arrêt Quinn c. France du 22 mars 1995, série A n° 311, p. 19, § 47) et se prononcer sur les questions d’admissibilité des preuves (Pélissier et Sassi c. France précité, § 62).

La Cour estime enfin que l’on ne saurait rendre les juridictions belges responsables de la non-comparution de A.B. qui, comme son frère B., séjournait à l’étranger. Elle relève qu’il ne peut pas non plus être établi si A.B. avait fait des déclarations aux autorités judiciaires belges et que le requérant n’a en outre pas démontré en quoi son témoignage aurait pu être déterminant.

La Cour observe par ailleurs que pour retenir la culpabilité du requérant, la Cour de cassation s’est fondée sur un ensemble d’éléments de preuves recueillis tant au stade de l’instruction que pendant les audiences tenues devant elles. La condamnation du requérant ne repose pas uniquement sur les déclarations personnes qui ne purent être entendues et en rien sur les déclarations du juge R. dont la Cour de cassation refusa la comparution. Cette dernière s’est en effet fondée sur un faisceau d’éléments de preuve dont le requérant a eu connaissance et qu’il a pu contester. En effet, il ressort de l’arrêt du 23 décembre 1998 que cette juridiction a essentiellement utilisé comme éléments de preuve de nombreuses autres dépositions et principalement celles des personnes poursuivies devant elle. Ces dépositions ont été faites en présence du requérant de sorte que celui-ci, qui était assisté par son avocat, a eu tout le loisir d’interroger leurs auteurs et de contredire les divers témoignages effectués. La Cour de cassation s’est aussi fondée sur les propres déclarations faites par le requérant, tant pendant la phase d’instruction que lors de l’audience tenue par la juridiction en question.

L’on ne saurait considérer que la condamnation du requérant ait été fondée uniquement, ou dans une mesure déterminante, sur les déclarations d’un témoin qu’il n’a pas eu l’occasion adéquate et suffisante d’interroger, ni que les dépositions remontant à la phase de l’instruction aient été employées au détriment des droits de la défense de façon contraire à l’esprit de l’article 6. La Cour estime en conséquence que le grief, tel qu’il a été exposé, ne permet de déceler aucune apparence d’atteinte aux droits de la défense ou au principe du procès équitable (arrêt Asch c. Autriche du 26 avril 1991, série A n° 203, p. 11, §§ 30-31).

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

9. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d’une atteinte à l’égalité des armes et à l’effectivité de sa défense, ainsi qu’à son droit à des débats contradictoires, faute d’avoir pu avoir connaissance des éléments des dossiers instruits par le conseiller P.M.

Se pose la question de savoir si le requérant a sur ce point satisfait aux conditions de l’épuisement des voies de recours internes. La cour n’estime pas nécessaire de répondre à cette question, le grief étant, tel qu’il a été présenté par le requérant, manifestement mal fondé.

La Cour rappelle qu’elle a pour tâche de rechercher si la procédure envisagée dans son ensemble a revêtu un caractère « équitable » au sens de l’article 6 § 1. Elle rappelle à ce titre que l’exigence de « l’égalité des armes », c’est-à-dire d’un « juste équilibre » entre les parties, vaut aussi dans les litiges opposant des intérêts privés : « l’égalité des armes » implique alors l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause - y compris ses preuves - dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (arrêt Ankerl c. Suisse du 23 octobre 1996, Recueil 1996-V, n°19, p. 1565, § 38). En outre il appartient au premier chef aux juridictions internes de se prononcer sur l’opportunité de mesures d’instruction. Par conséquent, il incombe aux juridictions nationales devant lesquelles le procès se déroule de décider des moyens de preuve qui leur paraissent nécessaires, voire indispensables pour leur permettre de statuer sur une affaire déterminée.

En l’espèce, la Cour constate que le requérant et ses représentants ont pu avoir accès à toutes les pièces du dossier soumis à la Cour de cassation et ont eu, de la sorte, la possibilité de combattre de manière appropriée les arguments et thèses du ministère public concernant les poursuites engagées dans l’affaire de corruption. Le seul fait que le requérant et ses conseils n’ont pas eu l’occasion de vérifier de visu si les éléments des dossiers de l’instruction qui avait été confiée au juge M. était sans intérêt pour juger des poursuites engagées contre lui, ne saurait emporter une atteinte à l’égalité des armes entre les parties à l’instance. La Cour rappelle, à cet égard, que le but de la Convention « consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » (arrêt Artico c. Italie du 13 mai 1980, série A n° 37, pp. 15-16, § 33).

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

10. Le requérant soutient encore que les autorités judiciaires n’ont pas respecté son droit au silence en conditionnant son maintien en liberté à la production de documents bancaires susceptibles de servir d’éléments de preuve à charge. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention.

La Cour rappelle que le droit de ne pas témoigner contre soi-même, c’est-à-dire le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, est au cœur de la notion de procès équitable (arrêts John Murray, op. cit., et Funke c. France du 25 février 1993, série A n° 256-A, p. 22, § 44 ; voir aussi Saunders c. Royaume-Uni du 17 décembre 1996, Recueil 1996-VI, pp. 2064-2065, §§ 68 et 71).

La Cour a examiné le grief à la lumière des informations et documents fournis par le requérant et, en particulier, des considérations développées à ce propos par la Cour de cassation. Elle en conclut que rien dans le dossier ne permet de déceler une apparence de violation du droit du requérant de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

11. Le requérant estime que la Cour de cassation a porté atteinte à l’article 6 § 1 de la Convention en considérant que l’audition du 27 septembre 1991 avait pu interrompre valablement la prescription de l’action publique.

Rappelant que les juridictions internes sont « mieux placées que les organes de la Convention pour vérifier le respect du droit interne » (cf. arrêt Quinn c. France, op. cit.), la Cour ne voit aucune raison de mettre en doute l’appréciation faite par la Cour de cassation quant au fait de savoir si l’audition du 27 septembre 1991 constituait ou non en droit interne un acte interruptif de prescription régulier.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

12. Il se plaint aussi que la Cour de cassation ait eu égard aux auditions et au rapport d’expertise réalisés sur base des renseignements obtenus à la suite de la commission rogatoire transmise aux autorités luxembourgeoises, en violation de l’article 6 de la Convention et de l’article 20 du traité Bénélux d’extradition et d’entraide judiciaire.

a. La Cour rappelle d’abord qu’en vertu de l’article 19 de la Convention, sa compétence consiste à « assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes de la (...) Convention et de ses protocoles », et qu’elle n’est nullement compétente pour connaître de violations d’autres conventions internationales (cf J.F. c. France [décision], n° 39616/98, 20.4.99).

Il s’ensuit que cet aspect du grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

b. La Cour relève que le grief vise pour l’essentiel les autorités luxembourgeoises, non visées par la présente requête. La Cour rappelle enfin que la Convention ne réglemente pas l’admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui relève au premier chef du droit interne et des questions d’admissibilité des preuves (Pélissier et Sassi, op.cit.). La Cour ne saurait donc exclure par principe et in abstracto l’admissibilité d’une preuve, même si celle-ci aurait été recueillie de manière illégale (arrêt Schenk c. Autriche du 12 juillet 1988, série A n° 140, § 46). Or, la Cour constate au contraire que la Cour de cassation, plus à même pour se prononcer sur le respect du traité Bénélux d’extradition et d’entraide judiciaire directement applicable en droit interne (voir arrêt Quinn c. France, op. cit), a estimé que la commission rogatoire vers le Luxembourg et son exécution n’était entachés d’aucune irrégularité. Il n’apparaît enfin pas que cette conclusion soit arbitraire ou que la Cour de cassation aurait dépassé les limites d’une interprétation raisonnable des textes applicables.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

13. Invoquant l’article 6 § 3 e) de la Convention, le requérant dénonce encore le fait que la Cour de cassation ait mis à sa charge une partie des frais de l’action publique, sans préciser si les frais d’interprètes et de traducteurs jurés étaient exclus de cette condamnation.

La Cour rappelle d’abord que le paragraphe 3 e) de l’article 6 implique que l’accusé ne comprenant ou ne parlant pas la langue employée dans le prétoire a droit aux services gratuits d’un interprète afin que lui soit traduit ou interprété tout acte de la procédure engagée contre lui dont il lui faut, pour bénéficier d’un procès équitable, saisir le sens ou le faire rendre dans la langue du tribunal (arrêt Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A n° 168, pp. 36-37, § 79), sans pouvoir se voir réclamer après coup le paiement des frais résultant de cette assistance (arrêt Luedicke, Belkacem et Koç du 28 novembre 1978, série A n° 29, p. 20, § 46).

La Cour constate d’abord que le requérant n’a jamais soutenu ne pas parler ou comprendre la langue parlée à l’audience ou avoir dû recourir aux services d’un interprète. Par ailleurs, l’examen du grief à la lumière des informations et documents fournis par le requérant ne permet de déceler aucune apparence de violation du droit garanti par l’article 6 § 3 e) de la Convention.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

14. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant soutient enfin que la Cour de cassation n’a pas légalement motivé la décision de rejet de ses exceptions relatives à l’absence d’un double degré de juridiction, ainsi qu’à la régularité de la preuve du fait de la violation du secret professionnel par le président du Tribunal fédéral suisse, des déclarations du ministre de l’Intérieur et l’attitude des médias (voir supra, point 7).

La Cour rappelle que « l’article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, mais qu’il ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (voir l’arrêt Van de Hurk c. Pays-Bas du 19 avril 1994, série A n° 288, p. 20, § 61). L’étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision. Il faut, en outre, tenir compte notamment de la diversité des moyens qu’un plaideur peut soulever en justice et des différences dans les Etats contractants en matière de dispositions légales, coutumes, conceptions doctrinales, présentation et rédaction des jugements et arrêts. C’est pourquoi la question de savoir si un tribunal a manqué à son obligation de motiver découlant de l’article 6 de la Convention ne peut s’analyser qu’à la lumière des circonstances de l’espèce » (arrêt Ruiz Torija c. Espagne du 9 décembre 1994, série A n° 303-A, p. 12, § 29). La Cour ne saurait entrer dans les détails de la motivation, mais est seulement appelée à examiner si la juridiction saisie a bien eu égard à tous les moyens pertinents et s’ils ont eu une réponse (arrêt Ruiz Torija, op. cit., p. 12, § 30).

En l’espèce, la Cour constate que si les motifs donnés par la Cour de cassation sur les diverses exceptions soulevées par le requérant sont certes concis, il est toutefois clair que cette juridiction a bien eu égard aux arguments présentés et y a répondu, en se référant le cas échéant aux arrêts qu’elle avait antérieurement rendus dans une affaire similaire. Si les réponses sont brèves et ont pu paraître peu satisfaisants au requérant, elles n’apparaissent pas insuffisantes dans le cas d’espèce. La Cour rappelle aussi qu’elle n’est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne (voir notamment arrêt Garcia et Ruiz c. Espagne précité).

L’examen de ce grief ne permet pas en conséquence de déceler une atteinte à l’équité de la procédure en violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

15. Invoquant le principe de l’égalité des armes garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir eu copie des conclusions que le ministère public se proposait d’adopter à propos de son recours en cassation du 23 décembre 1998.

Rappelant que l’article 6 de la Convention n’astreint pas les Etats contractants à créer des juridictions d’appel ou de cassation (arrêt Delcourt c. Belgique du 17 janvier 1970, série A n° 11, § 25), la Cour estime que cette disposition ne saurait trouver application dans le cadre de recours non prévus par la législation nationale qu’intenterait un requérant. Or, les arrêts rendus par la Cour de cassation statuant chambres réunies comme juridiction de fond, ne sont pas susceptibles d’un pourvoi en cassation, en raison de la nature de la juridiction qui s’était prononcée. De même, l’introduction d’un second pourvoi en cassation contre la décision de dessaisissement du juge d’instruction A. n’était pas possible en droit belge. La Cour rappelle en outre que l’article 6 de la Convention ne trouvait pas à s’appliquer à la procédure de dessaisissement (voir point 2 ci-avant). Dans ces conditions, l’article 6 n’était pas applicable à la procédure d’examen du pourvoi introduit le 23 décembre 1998.

Il s’ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et qu’elle doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs du requérant concernant l’absence de lois d’application régissant la procédure d’examen du bien-fondé des poursuites dirigées contre les ministres en application de l’article 103 de la Constitution, l’examen par la Cour de cassation du bien-fondé des poursuites dirigées contre le requérant qui n’a jamais exercé les fonctions de ministre et l’éventuelle atteinte à la présomption d’innocence ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. DolléJ.-P. Costa
Greffière Président