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DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 49144/99
présentée par Georgios OUZOUNIS ET 33 AUTRES et autres
contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 22 mars 2001 en une chambre composée de
MM. A.B. Baka, président,
C.L. Rozakis,
G. Bonello,
Mme V. Strážnická,
MM. P. Lorenzen,
M. Fischbach,
A. Kovler, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 18 mai 1999 et enregistrée le 25 juin 1999,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les trente-quatre requérants, dont les noms figurent en annexe, sont des ressortissants grecs, retraités de la Banque Agricole de Grèce. Ils sont représentés devant la Cour par Mes Alexandros Striberis et Georgios Karydis, avocats au barreau d’Athènes.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 29 décembre 1994, les requérants déposèrent une demande auprès de la caisse de retraite et de prévoyance de leur ancien employeur tendant au réajustement de leurs pensions de retraite. Le 30 janvier 1995, le conseil d’administration de la caisse accepta cette demande. Toutefois, le délégué du Gouvernement étant en désaccord avec cette décision, la question fut renvoyée au ministre de la Santé.
Par décision en date du 6 avril 1995, le ministre se prononça en faveur de l’opinion exprimée par le délégué du Gouvernement.
Le 12 mars 1996, les requérants saisirent le tribunal administratif d’Athènes d’une demande tendant à l’annulation de cette décision. Par jugement en date du 31 octobre 1997 (n° 13052/1997), le tribunal fit droit à leur demande et annula la décision ministérielle en cause pour des raisons de forme. Le tribunal considéra que la décision du 30 janvier 1995 n’avait jamais été révoquée et qu’elle était la seule décision en vigueur.
Le 4 février 1998, l’État interjeta appel de cette décision. Les parties contestent le fait de savoir si le délai et l’exercice de ce recours ont un effet suspensif. L’audience eut lieu le 10 février 2000. A ce jour, la cour d’appel d’Athènes n’a pas rendu sa décision.
Le 18 mars 1999, les requérants adressèrent à la caisse de retraite et de prévoyance une mise en demeure, signalant que le refus de procéder au réajustement de leurs pensions, conformément à la décision du tribunal administratif d’Athènes, constitue une violation de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.
Jusqu’à ce jour, les requérants n’ont pas obtenu le réajustement de leurs pensions.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
Aux termes de l’article 20 § 3 de la loi n° 1868/1989, relative aux litiges de la sécurité sociale, le délai et l’exercice de l’appel ont un effet suspensif.
Aux termes de l’article 41 § 11 de la loi n° 2065/1992, l’exécution d’une décision d’une juridiction administrative quant à un litige administratif de fond (διοικητική διαφορά ουσίας) dirigée contre une personne morale de droit public n’est possible que lorsque la décision devient définitive (αμετάκλητη).
Aux termes d’un document soumis par la caisse de retraite et de prévoyance du personnel de la Banque agricole en date du 11 avril 2000, une décision administrative rendue en première instance en matière de sécurité sociale ne peut être exécutée que lorsqu’elle crée pour la première fois un droit de sécurité sociale (πρωτογενής γέννηση ασφαλιστικής παροχής).
Les tribunaux administratifs ont rejeté plusieurs demandes tendant au réajustement de pensions de retraités de la Banque agricole (voir décisions nos 6140/1994, 954/1997, 972/1997, 973/1997, 5689/1998 de la cour administrative d’appel d’Athènes).
GRIEFS
Invoquant les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole n° 1, les requérants se plaignent que le refus des autorités compétentes de se conformer à la décision n° 13052/1997 du tribunal administratif d’Athènes méconnaît leur droit à une protection judiciaire effective, s’agissant des contestations sur leurs droits de caractère civil, et porte atteinte à leur droit au respect de leurs biens.
EN DROIT
1. Les requérants se plaignent que le refus des autorités compétentes de se conformer à la décision n° 13052/1997 du tribunal administratif d’Athènes méconnaît leur droit à une protection judiciaire effective s’agissant des contestations sur leurs droits de caractère civil. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Le Gouvernement affirme que l’administration n’a pas l’obligation de se conformer à la décision n° 13052/1997 du tribunal administratif d’Athènes. Cette décision est en effet frappée d’appel et ne peut donc être exécutée. Cela ressort des dispositions de la loi n° 2065/1992, ainsi que de l’avis exprimé par la caisse de retraite dans son document du 11 avril 2000, aux termes duquel une décision administrative rendue en première instance en matière de sécurité sociale ne peut être exécutée que lorsqu’elle crée pour la première fois un droit de sécurité sociale. Or, en l’espèce, il s’agissait non de la production d’un droit, mais du réajustement du montant de la pension des requérants.
Les requérants répondent que la disposition applicable en l’espèce est l’article 20 § 3 de la loi n° 1868/1989, en vertu duquel le délai et l’exercice de l’appel ont un effet suspensif. Il s’agit là d’une lex specialis en matière de sécurité sociale qui l’emporte sur la réglementation, plus générale, de la loi n° 2065/1992. En tout état de cause, l’article 41 § 11 de cette dernière loi ne peut s’appliquer dans leur affaire, puisqu’il concerne des litiges administratives de fond ; or, leur demande tendait à l’annulation d’un acte administratif. Enfin, les requérants soutiennent qu’à supposer même que l’exécution de la décision ne puisse avoir lieu tant que celle-ci n’est pas devenue définitive, il y aurait encore violation de leur droit à un procès équitable, puisque le délai moyen nécessaire pour l’obtention d’une décision définitive dépasserait cinq ans.
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
2. Les requérants se plaignent en outre que le refus des autorités compétentes de procéder au réajustement de leurs pensions en vertu de la décision n° 13052/1997 du tribunal administratif d’Athènes, porte atteinte à leur droit au respect de leurs biens garanti par l’article 1 du Protocole n° 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
Le Gouvernement estime que l’article 1 du Protocole n° 1 ne s’applique pas en l’espèce, puisque les requérants ne peuvent se prétendre propriétaires d’un « bien » au sens de cette disposition. En effet, la prétendue atteinte ne concerne ni des biens existants, ni même des créances d’indemnité actuelles et exigibles, mais seulement des prétentions. Le Gouvernement relève en outre que la décision n° 13052/1997 a annulé la décision ministérielle attaquée pour des raisons de forme, et non pas parce qu’elle a reconnu aux requérants un droit au réajustement de leurs pensions.
Les requérants combattent les thèses avancées par le Gouvernement.
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête recevable, tous moyens de fond réservés.
Erik Fribergh András Baka
Greffier Président
ANNEXE
1. Georgios OUZOUNIS
2. Thomas KONSTAS
3. Alexandros AKRITIDIS
4. Maria AKRITIDOU
5. Dimitrios ANASTASOPOULOS
6. Constantinos ANAGNOSTOPOULOS
7. Heleni VAKALOPOULOU-KARABATSOU
8. Georgios DELIGIANNIS
9. Petros EFTHIMIOU
10. Andreas ZOGRAFOU
11. Theodoros IOANNIDIS
12. Ekaterini KANDERAKI-THEODOSIOU
13. Matthaios KARAGIANNIS
14. Georgios KARYDAS
15. Vassilios KORDONOURIS
16. Michail KONTOS
17. Dimitrios PANAGIOTIDIS
18. Constantinos VAITSIS
19. Ekaterini GOUZILOPOULOU-CHIOU
20. Georgios DIMOPOULOS
21. Lambros DRAKOS
22. Akrivi KANAVOU-KOUMOUSTE
23. Sophia KARTSONA-LADA
24. Constantinos KARAKOSTAS
25. Heleni KOKKIZA
26. Alexandros SAKELLARIADIS
27. Heleni SAKELLARIADI-SKLIRI
28. Georgios SKABARDONIS
29. Spyridon TSEKOURAS
30. Panayotis STRATIS
31. Vassilios KYRATSIS
32. Aristovoulos KARATZENIS
33. Maria CHRISTODOULOU
34. Christos POULIMENOS
Change if necessary.