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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
7.11.2000
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE IL MESSAGGERO S.A.S. c. ITALIE

(Requête n° 45876/99)

ARRÊT

STRASBOURG

7 novembre 2000

DÉFINITIF

07/02/2001

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive.


En l’affaire Il Messaggero S.a.s. c. Italie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

M. J.-P. Costa, président,
M. W. Fuhrmann,
M. B. Conforti,
Mme F. Tulkens,
M. K. Jungwiert,
Sir Nicolas Bratza
M. K. Traja, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section ;

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 octobre 2000,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République italienne et dont une société italienne, Il Messaggero S.a.s. (« la requérante »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme le 18 août 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 2 février 1999 sous le numéro de dossier 45876/99. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.

2. La Cour a déclaré la requête recevable le 26 octobre 1999.

EN FAIT

3. La requérante est une société en comandite simple italienne et a son siège social à Aprilia (Latina).

4. Le 12 mars 1993, la requérante assigna M. C. devant le tribunal de Latina afin d’obtenir le paiement de sommes résultant d’un contrat d’entreprise.

5. La mise en état de l’affaire commença le 23 mars 1993. A cette date, le juge de la mise en état constata que la demande en justice n’avait pas été notifiée à M. C. et ajourna l’audience au 6 juillet 1993. Le 11 janvier 1994, le juge nomma un expert. Les audiences du 12 juillet 1994 et du 11 avril 1995 concernèrent le rapport d’expertise. Les parties présentèrent leurs conclusions le 1er février 1996 et l’audience de plaidoiries fut fixée au 16 mars 1999. Le 13 avril 1996, la requérante demanda que la date de l’audience fût avancée ; le président rejeta sa demande le 15 avril 1996 eu égard à la surcharge du rôle.

6. Entre-temps, la loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Les sezioni stralcio, composées d'un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été créés en vertu de l'article 90 de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d'absorber l'arriéré d'affaires pendantes devant les juridictions civiles. Toutefois, seul quatre des quatorze magistrats prévus ayant pris leurs fonctions, l’audience suivante eut lieu le 8 juillet 1999. A cette date, le juge mit l’affaire en délibéré.

7. Par un jugement du 30 décembre 1999, dont le texte fut déposé au greffe le 31 janvier 2000, le juge fit en partie droit à la demande de la requérante.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

8. La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »

9. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

10. La période à considérer a débuté le 12 mars 1993 et s’est terminée le 31 janvier 2000.

11. Elle a donc duré six ans et dix mois pour une instance.

12. La Cour rappelle avoir constaté dans de nombreux arrêts (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.

13. Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

II. Sur l’application de l’article 41 DE LA Convention

14. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

15. La requérante réclame 3 803 543 lires italiennes (ITL) au titre du préjudice matériel et 50 000 000 ITL au titre du préjudice moral qu'elle aurait subis.

16. La Cour estime qu’il n’y a en l’espèce aucun lien de causalité entre la violation constatée et le préjudice matériel allégué. Elle rejette cette partie de la demande. En revanche, la Cour considère qu’il y a lieu d'octroyer à la requérante 12 000 000 ITL au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

17. La requérante demande également 1 907 500 ITL pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes.

18. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi précité, § 30). En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale.

C. Intérêts moratoires

19. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux dintérêt légal applicable en Italie à la date dadoption du présent arrêt était de 2,5 % lan.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt est devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 12 000 000 (douze millions) lires italiennes pour dommage moral ;

b) que ce montant sera à majorer dun intérêt simple de 2,5 % lan à compter de lexpiration de ce délai et jusquau versement ;

3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 novembre 2000, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président