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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
31.8.2000
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

QUATRIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 51053/99
présentée par Suphi TUTMAZ et autres
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 31 août 2000 en une chambre composée de

M. G. Ress, président,
M. I. Cabral Barreto,
M. R. Türmen,
M. V. Butkevych,
Mme N. Vajić,
M. M. Pellonpää,
Mme S. Botoucharova, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 26 août 1999 et enregistrée le 20 septembre 1999,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Les requérants, Suphi Tutmaz, Abdullah Turhan et Süleyman Aksoy, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1974, 1960 et 1953. Ils sont représentés devant la Cour par Me Mustafa İşeri, avocat au barreau d’Izmir.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Le 17 janvier 1997, les deux premiers requérants et le 21 janvier 1997, le troisième furent arrêtés par la police pour appartenance au PKK et pour y porter aide et soutien. Ils furent placés en garde à vue.

Le 31 janvier 1997, les requérants furent présentés au juge assesseur près la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir (« la cour de sûreté de l’Etat ») qui ordonna leur détention provisoire.

A une date non précisée, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat inculpa trente-huit personnes, dont les requérants, des chefs d’appartenance à une organisation illégale et d’assistance à cette organisation, infractions prévues aux articles 168 et 169 du code pénal.

Par un arrêt du 29 décembre 1997, la cour de sûreté de l’Etat, composée de deux juges civils et d’un juge militaire ayant grade de capitaine, déclara les requérants coupables du chef d’assistance à l’organisation en question (MM. Turan et Aksoy) ou d’appartenance à celle-ci (M. Tutmaz). Elle condamna MM. Turan et Aksoy à une peine d’emprisonnement de trois ans et neuf mois respectivement et M. Tutmaz à une peine d’emprisonnement de douze ans et six mois.

Afin d’établir leur culpabilité, la cour de sûreté de l’Etat tint compte des déclarations des requérants faites lors de leur garde à vue, lesquelles avaient été réitérées devant le procureur et le juge d’instruction. Nonobstant le fait que les accusés étaient revenus devant la cour de sûreté de l’Etat sur leurs déclarations recueillies durant l’instruction, elle considéra que les accusations pouvaient passer pour établies, étant donné que ces déclarations avaient été confirmées par des preuves matérielles, à savoir entre autres l’identification des intéressés par les autres coaccusés, les procès-verbaux d’arrestation et de reconstitution des faits.

Le 4 mars 1999, la Cour de cassation, statuant sur le dossier soumis par le procureur général avec son avis sur le pourvoi, confirma l’arrêt du 29 décembre 1997.

GRIEFS

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants dénoncent en premier lieu une violation de leur droit à un procès équitable et soutiennent en particulier que la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir qui les a jugés ne saurait passer pour un tribunal indépendant et impartial au sens de cette disposition, dès lors que l’un des trois juges qui y siégeaient était un officier de l’armée.

Les requérants allèguent également plusieurs atteintes à leurs droits énoncés aux paragraphes 1 et 3 de l’article 6 de la Convention, combiné avec son article 14. Ils se plaignent notamment :

- de n’avoir pas bénéficié d’un procès équitable devant la Cour de cassation, dans la mesure où ils n’ont à aucun moment pu répondre à l’avis du procureur général qui ne leur avait pas été communiqué (article 6 § 1) ;

- de ce que les preuves obtenues d’une manière illégale, à savoir les déclarations qu’ils avaient signées sous la contrainte lors de leur interrogatoire, auraient constitué la base de leur condamnation devant la cour de sûreté de l’Etat ;

- de n’avoir pu disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense et bénéficier de l’assistance d’un avocat lors de leur garde à vue et d’avoir subi une discrimination quant à leurs droits de défense (article 6 § 3 combiné avec l’article 14).

Les requérants se plaignent en outre que leur cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants dénoncent en premier lieu une violation de leur droit à un procès équitable et soutiennent en particulier que la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir qui les a jugés ne saurait passer pour un tribunal indépendant et impartial au sens de cette disposition, dès lors que l’un des trois juges qui y siégeaient était un officier de l’armée.

Les requérants allèguent également plusieurs atteintes à leurs droits énoncés aux paragraphes 1 et 3 de l’article 6 de la Convention, combiné avec son article 14. Ils se plaignent notamment de n’avoir pas bénéficié d’un procès équitable devant la Cour de cassation, dans la mesure où ils n’ont à aucun moment pu répondre à l’avis du procureur général qui ne leur avait pas été communiqué (article 6 § 1) ; de ce que les preuves obtenues d’une manière illégale, à savoir les déclarations qu’ils avaient signées sous la contrainte lors de leur interrogatoire, ont constitué la base de leur condamnation devant la cour de sûreté de l’Etat ; de n’avoir pu disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense et bénéficier de l’assistance d’un avocat lors de leur garde à vue et d’avoir subi une discrimination quant à leurs droits de défense (article 6 § 3 combiné avec l’article 14).

En l’état du dossier devant elle, la Cour n’estime pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs, tels qu’exposés par la partie requérante, et juge nécessaire de les porter à la connaissance du gouvernement défendeur en application de l’article 54 § 3 b) de son règlement.

2. Les requérants se plaignent de ce que leur cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable, contrairement à l’article 6 § 1 de la Convention.

La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Richard c. France du 22 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 824, § 57, et Doustaly c. France du 23 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 857, § 39).

La Cour relève que la procédure litigieuse a débuté les 17 (MM. Tutmaz et Turhan) et 21 janvier 1997 (M.Aksoy) respectivement, dates auxquelles les requérants ont été arrêtés pour appartenance au PKK et pour y porter aide et soutien, et s’est terminée le 4 mars 1999, date de l’arrêt de la Cour de cassation. La durée de la procédure est donc de deux ans, un mois et treize jours (M. Aksoy) et de deux an, un mois et dix-sept jours (MM. Tutmaz et Turhan). Eu égard notamment au nombre des accusés jugés pendant la même procédure, la Cour estime que cette durée ne se révèle pas suffisamment importante pour que l’on puisse conclure à une apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Considérant la durée globale de la procédure, la Cour estime que les autorités ont fait preuve de toute la diligence requise dans la conduite de l’affaire des requérants. Dès lors, il échet de rejeter cette partie de la requête pour défaut manifeste de fondement au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

AJOURNE l’examen des griefs des requérants concernant l’indépendance et l’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir et l’équité de la procédure devant cette cour et devant la Cour de cassation ;

DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE pour le surplus.

Vincent Berger Georg Ress
Greffier Président