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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
22.1.1996
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí



SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 23043/93

présentée par Mohamed SLIMANE KAID

contre la France

La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en

chambre du conseil le 22 janvier 1996 en présence de

MM. S. TRECHSEL, Président

H. DANELIUS

C.L. ROZAKIS

E. BUSUTTIL

G. JÖRUNDSSON

A.S. GÖZÜBÜYÜK

A. WEITZEL

J.-C. SOYER

H.G. SCHERMERS

Mme G.H. THUNE

M. F. MARTINEZ

Mme J. LIDDY

MM. L. LOUCAIDES

J.-C. GEUS

M.P. PELLONPÄÄ

B. MARXER

M.A. NOWICKI

I. CABRAL BARRETO

B. CONFORTI

N. BRATZA

I. BÉKÉS

J. MUCHA

E. KONSTANTINOV

D. SVÁBY

G. RESS

A. PERENIC

C. BÎRSAN

P. LORENZEN

K. HERNDL

M. M. de SALVIA, Secrétaire adjoint de la Commission ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 7 septembre 1993 par Mohamed SLIMANE

KAID contre la France et enregistrée le 6 décembre 1993 sous le N° de

dossier 23043/93 ;

Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de

la Commission ;

Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le

19 juin 1995 et les observations en réponse présentées par le conseil

du requérant le 23 août 1995 ;

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, né en 1941 et de nationalité française, réside à

Montlouet (France). Il exerçait la profession de directeur général de

sociétés. Devant la Commission, il est représenté par Maître Francis

Tissot, avocat au barreau de Paris.

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par les

parties, peuvent se résumer comme suit.

A. Circonstances particulières de l'espèce

Le requérant exerçait les fonctions de président directeur

général des sociétés S. et P., sociétés spécialisées dans la

carrosserie et dans le négoce de véhicules automobiles industriels. Il

était, par ailleurs, cadre commercial au sein de la société I.,

constructeur de véhicules automobiles industriels.

Au début de l'année 1983, les relations commerciales entre les

sociétés S. et P. et leur principal fournisseur, la société I., ont

commencé à se dégrader.

Le 1er août 1984, le directeur général de la société I. déposa

plainte auprès du Service Régional de Police Judiciaire (SRPJ) de

Versailles du chef de faux en écritures privées et usage. Il soutenait

que des documents administratifs relatifs à des ventes de véhicules

industriels dont sa société était importatrice, avaient été signés par

des personnes qui n'appartenaient pas à sa société et qui ne

disposaient pas de l'accréditation nécessaire. Il en concluait que ces

documents étaient des faux.

Le même jour, le procureur de la République près le tribunal de

grande instance de Chartres ordonna l'ouverture d'une enquête

préliminaire.

Le 25 septembre 1984, il prit un réquisitoire introductif contre

personne non dénommée pour abus de confiance, délivrance de documents

administratifs à l'aide de faux renseignements, certificats ou

attestations. Il désigna le même jour un juge d'instruction chargé de

conduire l'information contre X.

Le 27 septembre 1984, une commission rogatoire fut délivrée.

Le 2 octobre 1984, le procureur de la République délivra un

réquisitoire supplétif pour faux en écritures privées, de commerce ou

de banque.

Le même jour, le requérant fut placé en garde à vue au SRPJ de

Versailles.

Le 3 octobre 1984, le SRPJ de Versailles entama une seconde

enquête préliminaire.

Le 4 octobre 1984, le requérant fut inculpé d'abus de confiance,

délivrance de documents administratifs à l'aide de faux renseignements,

certificats ou attestations et placé en détention provisoire. Il fut

remis en liberté sous contrôle judiciaire par ordonnance du juge

d'instruction du 8 janvier 1985.

Le 9 octobre 1984, la société I. se constitua partie civile. Elle

fut entendue le 12 octobre 1984.

Entre le 9 octobre 1984 et le 27 mars 1985, le SRPJ de Versailles

procéda à un certain nombre de perquisitions et de saisies au domicile

du requérant ainsi que dans les locaux de la société P. et dans ceux

d'une autre société proche du requérant, la société U., les 16 et

18 octobre 1984.

Entre le 12 octobre et le 13 décembre 1984, l'avocat du requérant

adressa sept courriers au juge d'instruction portant versement de

pièces au dossier.

Les 12 et 17 octobre 1984, des témoins furent entendus.

Les 15 et 16 octobre 1984, le requérant fut interrogé puis, le

22, confronté avec la partie civile.

Le 31 octobre 1984, la commission rogatoire délivrée le 4 octobre

fut partiellement retournée.

Le 2 novembre 1984, le juge d'instruction prit une ordonnance de

communication du dossier au procureur de la République.

Le 9 novembre 1984, le requérant fut interrogé. Les 12 et

14 novembre et le 10 décembre 1984, des témoins furent entendus.

Le 11 décembre 1984, le procureur de la République de Chartres

prit un réquisitoire supplétif contre le requérant pour abus de biens

sociaux, délits assimilés à la banqueroute simple et frauduleuse,

présentation et publication de bilan inexact et escroquerie.

Le 14 décembre 1984, le requérant fut inculpé pour ces faits

nouveaux.

Le 19 décembre 1984, le juge d'instruction délivra une commission

rogatoire au SRPJ de Versailles. Celle-ci fut retournée le

1er février 1985.

Les 3 et 7 janvier 1985, le requérant fut interrogé.

Le 1er février 1985, après l'inculpation de M. G. pour faux en

écritures privées, de commerce et de banque, une nouvelle commission

rogatoire fut délivrée. Celle-ci fut retournée le 7 février 1985.

Le même jour, Mme R. fut inculpée des chefs de complicité d'abus

de biens sociaux et recel. Le juge d'instruction délivra une nouvelle

commission rogatoire. Celle-ci fut retournée le 31 mai 1985.

Le 25 mars 1985, l'avocat du requérant adressa un courrier au

juge d'instruction portant versement de pièces au dossier.

Le 4 décembre 1985, le requérant fut interrogé. M.G. et Mme R.

furent entendus le 5 décembre 1985 et le 11 février 1986.

Le 25 mars 1986, le juge d'instruction prit une ordonnance de

communication du dossier au procureur de la République.

Le 16 juillet 1986, le requérant adressa au juge d'instruction

un courrier aux fins de versement de pièces au dossier.

Le 21 juillet 1986, le procureur de la République de Chartres

prit un réquisitoire supplétif sollicitant de nouvelles mesures

d'instruction.

Le 29 septembre 1986, il prit un réquisitoire introductif contre

X. pour abus de confiance, faux en écritures de commerce à la suite de

la plainte avec constitution de partie civile déposée le

17 juillet 1986 par la société V.

Le 5 février 1987, après désignation de deux nouveaux juges

d'instruction, les 29 septembre 1986 et 7 janvier 1987, le représentant

de la société V. fut entendu.

Le 16 février et le 18 mars 1987, le requérant et son avocat

adressèrent un courrier au juge d'instruction aux fins de versement de

pièces au dossier.

Le 11 juin et le 8 juillet 1987, le requérant fut interrogé.

Le 10 septembre 1987, l'avocat du requérant adressa un courrier

au juge d'instruction aux fins d'auditions et d'investigations.

Le 7 octobre 1987, une commission rogatoire fut délivrée au SRPJ

de Versailles. Celle-ci fut retournée le 25 avril 1988.

Le 28 octobre 1987, le juge d'instruction rendit une ordonnance

de commission d'experts. Le rapport d'expertise fut déposé le

31 décembre 1987. Il fut notifié à la partie civile le 29 avril 1988.

Entre le 11 avril et le 16 juin 1988, le requérant adressa quatre

courriers au juge d'instruction l'informant de changements d'avocats.

Le 25 mai 1988, le requérant fut inculpé pour abus de confiance

et faux en écritures de commerce dans le cadre de la deuxième procédure

ouverte le 29 septembre 1986 sur plainte de la société V. Il fut

interrogé le 29 juin 1988.

Entre le 7 juillet 1988 et le 26 septembre 1988, le requérant ou

son avocat adressèrent trois courriers au juge d'instruction aux fins

d'investigations supplémentaires ou de versement de pièces au dossier.

Le 5 décembre 1988, le requérant fut confronté au représentant

de la société V.

Entre le 26 décembre 1988 et le 7 mars 1989, le requérant ou son

avocat adressèrent neuf courriers au juge d'instruction aux fins

d'investigations supplémentaires ou de versement de pièces au dossier.

Le 16 mars 1989, le juge d'instruction délivra une commission

rogatoire au commissaire de police de Chartres. Celle-ci fut retournée

le 13 avril 1989.

Le 30 mars 1989, le juge d'instruction auditionna la société I.

Le 26 juin 1989, il interrogea le requérant.

Le 5 juin et le 7 juillet 1989, le requérant et son avocat

adressèrent un courrier au juge d'instruction aux fins de versement de

pièces au dossier.

Par ordonnance du 28 juillet 1989, le juge d'instruction rejeta

les demandes d'expertise comptable déposées le 25 juillet par le

requérant et le 26 juillet par son avocat. Par ordonnance du

26 septembre 1989, le président de la chambre d'accusation de la cour

d'appel de Versailles dit n'y avoir lieu à saisir la chambre

d'accusation de l'appel interjeté par le requérant.

Le 19 septembre 1989, l'avocat du requérant adressa un courrier

au juge d'instruction aux fins de versement de pièces au dossier.

Le 3 novembre 1989, le juge d'instruction nouvellement désigné

le 23 octobre 1989 prit une ordonnance aux fins de jonction des

procédures d'instruction dirigées contre le requérant.

Le 6 novembre 1989, les deux procédures d'instruction furent

jointes et une ordonnance de communication du dossier au procureur de

la République fut prise.

Le 28 novembre 1989, un réquisitoire définitif de renvoi devant

le tribunal correctionnel du requérant, Mme R. et M.G. fut pris.

Par ordonnance du 14 décembre 1989, le juge d'instruction renvoya

le requérant, Mme R. et M.G. devant le tribunal de grande instance de

Chartres.

Le 14 décembre 1989, le requérant fut renvoyé, avec M.G. et Mme

R. devant le tribunal correctionnel de Chartres. Il était prévenu

d'abus de confiance, délivrance de documents administratifs à l'aide

de faux certificats, faux en écritures privées, de commerce ou de

banque, escroqueries, présentation et publication de bilans inexacts

et abus de biens sociaux.

Le tribunal a rendu son jugement le 14 novembre 1990, suivant

audience du 11 juin 1990. Dans un premier temps, il écarta des débats

toutes les pièces saisies par les enquêteurs au siège de la société U.

au motif que ces pièces ne figuraient pas dans les scellés. Il rejeta

cependant toutes les autres exceptions soulevées par le requérant aux

fins de faire déclarer nulle la procédure suivie à son encontre. Il

écarta également des débats toutes les notes qui avaient été

communiquées par les parties après la clôture de ceux-ci.

Le tribunal reconnut le requérant coupable de tous les chefs de

la prévention, à l'exception de celui tiré de la délivrance de

documents administratifs à l'aide de faux certificats pour lequel il

relaxa le requérant. Il le condamna à une peine d'emprisonnement de

cinq ans dont trois avec sursis et prononça à son encontre une

interdiction d'exercer une profession commerciale pendant une durée de

dix ans. Sur l'action civile, le tribunal déclara la société I. et la

société V. irrecevables en leur constitution de partie civile.

A l'audience du 21 mars 1991, le requérant déposa ses

conclusions. L'affaire fut renvoyée au 3 octobre 1991 pour citation de

M. G., puis au 6 février 1992 pour citation de la société V.

Par arrêt du 2 avril 1992, suivant audience du 6 février 1992,

la cour d'appel de Versailles confirma le jugement du 14 novembre 1990

sur l'action publique, à l'exception des faits d'abus de biens sociaux

pour lesquels il bénéficia d'une relaxe. Sur l'action civile, la cour

d'appel confirma le jugement en toutes ses dispositions.

A propos des exceptions de nullité soulevées par le requérant,

la cour d'appel décida notamment que :

"Considérant que S.K. (le requérant) soutient qu'en exécution

d'une commission rogatoire délivrée le 27 septembre 1984, il a

été entendu le 3 octobre de la même année en qualité de témoin

alors qu'il aurait existé contre lui des indices graves et

concordants de culpabilité ;

Mais considérant, ainsi que cela a été relevé par les Premiers

Juges, que l'information judiciaire avait été ouverte contre

personne non dénommée et que c'est à la suite de ses déclarations

faites devant la police que le magistrat instructeur a décidé,

le 4 octobre 1984, de lui notifier une inculpation ('afin qu'il

puisse bénéficier immédiatement de tous les droits reconnus à la

défense')".

La cour d'appel écarta des débats les documents saisis lors de

la perquisition au siège de la société U., ainsi que l'avait fait le

tribunal correctionnel.

Le 3 avril 1992, le requérant forma un pourvoi en cassation

contre l'arrêt de la cour d'appel. M. G., Mme R. et la société I.

formèrent également un pourvoi.

Le 2 juin 1992, le dossier fut transmis au conseiller rapporteur.

Celui-ci déposa son rapport le 20 novembre 1992.

Le 12 octobre 1992, l'avocat aux conseils du requérant déposa un

mémoire en défense et un mémoire complémentaire. Le 30 novembre 1992,

l'avocat général fut désigné. Les 18 février, 9 et 15 mars 1993,

l'avocat aux conseils du requérant déposa un mémoire en réplique, un

mémoire complémentaire et un mémoire de production.

Le 15 mars 1993, la Cour de cassation, se fondant sur le rapport

du conseiller rapporteur, les observations des parties et les

conclusions de l'avocat général, rejeta le pourvoi formé par le

requérant. La Cour s'exprima en ces termes :

"Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité régulièrement

présentée par S.K. (le requérant) et tirée de ce que, pendant le

cours de l'instruction, des enquêtes ont été effectuées d'office

par la police judiciaire, sans commission rogatoire du magistrat

instructeur, la cour d'appel énonce qu'en l'espèce, les enquêtes

préliminaires critiquées ne portaient pas sur les faits relevant

de la saisine du juge d'instruction, tels qu'ils sont précisés

dans le réquisitoire introductif ;

Attendu qu'en l'état des contestations et énonciations, d'où ne

résulte aucune irrégularité de la procédure d'instruction, la

cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs

allégués ;"

Quant au fond, la Cour de cassation décida :

"Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour

de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des

motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant

aux articulations essentielles des conclusions dont elle était

saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant

matériels qu'intentionnels, les délits dont elle a déclaré les

prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en

question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des

faits et circonstances de la cause contradictoirement débattue

devant eux, ne sauraient être accueillis".

Sur le pourvoi de la partie civile, la société I., la Cour de

cassation cassa et annula l'arrêt de la cour d'appel en ses seules

dispositions civiles et renvoya la cause dans les limites de la

cassation devant la cour d'appel de Paris.

B. Eléments de droit interne pertinent

L'article 590 du Code de procédure pénale, qui réglemente le

dépôt des mémoires devant la chambre criminelle de la Cour de

cassation, dispose à son deuxième alinéa :

"(...) Aucun mémoire additionnel n'y peut être joint,

postérieurement au dépôt de son rapport par le conseiller commis.

Le dépôt tardif d'un mémoire proposant des moyens additionnels

peut entraîner son irrecevabilité."

L'article 602 du Code de procédure pénale, qui règle le

déroulement de l'audience devant la chambre criminelle de la Cour de

cassation, dispose :

"Les rapports sont faits à l'audience. Les avocats des parties

sont entendus dans leurs observations après le rapport, s'il y

a lieu. Le ministère public présente ses réquisitions."

Le conseiller désigné comme rapporteur rédige un rapport écrit

dans lequel il procède à une étude approfondie de l'espèce, développe

les déductions juridiques tirées de l'examen des moyens proposés, fait

état des recherches de doctrine et de jurisprudence que l'étude de ces

moyens l'a amené à faire, puis indique quelles sont ses conclusions.

Il met également au point un projet d'arrêt qui sera distribué

à chacun de ses collègues pour servir de base à la discussion tant de

forme que de fond au cours du délibéré.

Le dossier déposé par le conseiller rapporteur est transmis par

le greffe, accompagné du rapport et du projet d'arrêt, à l'avocat

général désigné par le procureur général pour suivre l'affaire.

L'avocat général procède à un examen au terme duquel il prend ses

réquisitions. Celles-ci sont portées à la connaissance du conseiller

rapporteur quelques jours avant l'audience.

Les débats oraux en audience publique sont exceptionnels devant

la chambre criminelle de la Cour de cassation et dans la très large

majorité des cas, la procédure écrite ne s'accompagne pas

d'explications orales. Les avocats n'ont en effet pas l'obligation de

se présenter aux audiences. Pour que les affaires soient plaidées

devant la chambre criminelle, il faut que les avocats des parties en

aient exprimé la volonté expresse (voir observations du Gouvernement

français dans l'affaire Melin, rapp. Comm. du 9.4.92, p. 19, par. 59,

Cour eur. D.H., arrêt du 22 juin 1993, série n° 261-A, p. 14).

En cas de débats oraux en séance publique, le conseiller

rapporteur a la parole en premier pour la lecture de son rapport au

cours duquel il examine les moyens, mais sans faire connaître son avis.

La parole est ensuite donnée à l'avocat des parties. La procédure étant

dans son essence une procédure écrite, les débats oraux ne permettent

aucunement aux avocats de présenter un nouveau moyen. L'avocat général

a la parole en dernier pour présenter ses réquisitions. Il peut

conclure à la prise d'un moyen d'office.

L'audience publique suspendue, les magistrats se retirent pour

délibérer en chambre du conseil. Prennent part au délibéré le

conseiller rapporteur, le président, les conseillers et conseillers

référendaires. L'arrêt est, le plus souvent, rendu le même jour en

audience publique.

GRIEFS

1. Le requérant se plaint de ce que sa cause n'a pas été entendue

dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6 par. 1 de la

Convention.

2. Le requérant estime ne pas avoir disposé des facilités

nécessaires à la préparation de sa défense devant la Cour de cassation

en raison du fait que le rapport du conseiller rapporteur près la Cour

de cassation et les conclusions de l'avocat général près cette Cour

n'ont pas été mis à sa disposition et qu'il n'a pu y répondre. Il

invoque l'article 6 par. 1 et 3 b) de la Convention.

3. Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire.

Il allègue la violation de l'article 5 par. 3 de la Convention.

4. Le requérant se plaint de ne pas avoir été informé dans les plus

courts délais des raisons de son arrestation et de toutes les

accusations portées contre lui, au mépris de l'article 5 par. 2 de la

Convention. Il se plaint également de ne pas avoir été confronté aux

témoins à charge et de ne pas avoir été présent lors des auditions de

témoins. Il soulève la violation de l'article 6 par. 3 d) de la

Convention.

5. Le requérant fait état de vices de procédures ayant affecté la

phase de l'instruction, en méconnaissance du droit à un procès

équitable garanti par l'article 6 par. 1 de la Convention.

6. Le requérant estime qu'il n'a pas été jugé par un tribunal

indépendant et impartial, au sens de l'article 6 par. 1 et 3 b) de la

Convention.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

La requête a été introduite le 7 septembre 1993 et enregistrée

le 6 décembre 1993.

Le 30 novembre 1994, la Commission a décidé de porter la requête

à la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter

par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé des

griefs tirés de la durée de la procédure pénale et du fait que le

requérant n'a eu connaissance ni du rapport du conseiller rapporteur

près la Cour de cassation ni des conclusions de l'avocat général près

cette Cour.

Le Gouvernement a présenté ses observations le 19 juin 1995,

après prorogation du délai imparti, et le conseil du requérant y a

répondu le 23 août 1995.

Le 16 janvier 1996, la Commission Plénière a décidé d'évoquer la

requête.

EN DROIT

1. Le requérant se plaint de ce que sa cause n'a pas été entendue

dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6 par. 1

(art. 6-1) de la Convention qui prévoit notamment que :

"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...)

dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera

(...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée

contre elle (...)".

Le Gouvernement défendeur estime qu'aucun dépassement du délai

raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) ne saurait être

constaté. Il estime que la procédure a débuté le 4 octobre 1984, date

de l'inculpation et du placement en détention provisoire du requérant,

pour s'achever le 15 mars 1993, par l'arrêt de la Cour de cassation,

et a donc duré huit ans, cinq mois et onze jours.

S'appuyant sur une chronologie de la procédure visant à établir

qu'elle n'a pas connu une durée excessive, il ajoute que l'affaire

était complexe en raison de sa nature économique et financière et de

la multiplicité des infractions reprochées. Ainsi, le requérant a fait

l'objet de trois inculpations dans le cadre de deux procédures et a été

condamné pour six infractions distinctes. En outre, la procédure a

nécessité sept commissions rogatoires, plusieurs perquisitions et

saisies.

Le Gouvernement est d'avis que les juges d'instruction successifs

ont conduit les deux procédures d'instruction sans lacunes ni temps

mort. De plus, la décision de joindre les deux procédures par acte du

6 novembre 1989 a répondu, de l'avis du Gouvernement, à l'objectif

d'une bonne administration de la justice, conformément à la

jurisprudence de la Cour (arrêt Boddaert du 12 octobre 1992, série A

n° 235-D). Quant à la phase de jugement, il soutient qu'elle n'accuse

aucun délai qui serait imputable aux autorités judiciaires. Il met

notamment l'accent sur les délais nécessaires à la citation de

l'ensemble des parties.

Le Gouvernement explique que le comportement du requérant, lequel

aurait recouru à des moyens dilatoires, a concouru très largement à

l'allongement de la durée de la procédure. Il relève que le requérant

et son conseil ont adressé, entre le 16 février 1987 et le 6 novembre

1989, vingt-quatre courriers au juge d'instruction accompagnés

fréquemment de volumineuses pièces et sollicité à dix reprises des

investigations supplémentaires en 1988 et 1989, dont une expertise

comptable le 25 juillet 1989.

Le requérant estime quant à lui que la procédure a débuté le

21 juillet 1984, date figurant sur les documents remis au SRPJ de

Versailles par le greffe du tribunal de commerce de Chartres. Il

reconnaît que cette date n'a eu aucune conséquence immédiate sur sa

situation mais constitue l'acte portant atteinte à ses droits.

Il considère que la procédure a excédé le délai raisonnable prévu

à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il est d'avis que

l'affaire ne présentait aucun caractère complexe.

Il insiste sur le fait que les juges d'instruction successivement

désignés n'ont pas fait preuve de la célérité requise dans la conduite

des procédures d'instruction. Il observe qu'il n'a pas été interrogé

ni confronté à d'autres personnes entre le 4 décembre 1985 et le 11

juin 1987 et entre le 5 décembre 1988 et le 14 décembre 1989, date de

l'ordonnance de renvoi devant les juridictions de jugement. Il relève

un délai de plus de trente mois entre la cinquième commission

rogatoire, délivrée le 7 février retournée le 31 mai 1985, et la

sixième, délivrée le 7 octobre 1987. Il dénombre seize actes

d'instruction entre le 27 septembre 1984 et le 7 janvier 1985 et dix-

neuf entre le 1er février 1985 et le 28 juillet 1989 dans le cadre de

la première procédure d'instruction. Parallèlement, il dénombre six

actes d'instruction entre le 5 février 1987 et le 14 décembre 1989,

dans le cadre de la seconde procédure d'instruction.

Le requérant estime également que les autorités judiciaires n'ont

pas fait diligence durant la phase de jugement et que les explications

fournies par le Gouvernement ne sont pas satisfaisantes.

Le requérant s'oppose enfin à la thèse du Gouvernement selon

laquelle il aurait contribué à l'allongement de la procédure du fait

des nombreuses lettres adressées au juge d'instruction. Il fait

observer que ces envois correspondent aux intervalles d'inactivité de

l'instruction. Il ajoute qu'il s'agissait de remettre des pièces

indispensables à la conduite impartiale de l'instruction ou de

solliciter des mesures d'investigation qui n'ont jamais été conduites.

La Commission relève que le requérant se plaint de l'aspect pénal

de la procédure diligentée contre lui qui s'est achevée par l'arrêt de

la Cour de cassation du 15 mars 1993. La Commission estime qu'à la

lumière des critères dégagés par la jurisprudence des organes de la

Convention en matière de "délai raisonnable" (complexité de l'affaire,

comportement du requérant et des autorités compétentes), et compte tenu

de l'ensemble des éléments en sa possession, ce grief doit faire

l'objet d'un examen au fond.

2. Le requérant estime ne pas avoir disposé des facilités

nécessaires à la préparation de sa défense devant la Cour de cassation

en raison du fait que le rapport du conseiller rapporteur près la Cour

de cassation et les conclusions de l'avocat général près cette Cour,

n'ont pas été mis à sa disposition et qu'il n'a pu y répondre. Il

invoque l'article 6 par. 1 et 3 b) (art. 6-1, 6-3-b) de la Convention,

ainsi libellés :

"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial,

établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute

accusation en matière pénale dirigée contre elle.

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la

préparation de sa défense ;"

Le Gouvernement défendeur estime que le grief est irrecevable

pour défaut manifeste de fondement. Il indique tout d'abord que le

pourvoi en cassation ne constitue qu'une voie de recours extraordinaire

dont l'objet est de censurer une violation de la règle de droit.

Il précise que le ministère public n'exerce pas l'action publique

devant la chambre criminelle. En effet, devant celle-ci, l'avocat

général a pour mission de conclure en toute indépendance sur les

problèmes juridiques soulevés par le recours par des conclusions qui

ne visent qu'à la stricte application de la loi. Le Gouvernement en

conclut que le fait que les conclusions de l'avocat général n'aient pas

été transmises au requérant préalablement à l'audience ne porte pas

atteinte en soi au principe de l'égalité des armes, dans la mesure où

son intervention n'a pas pour objet de s'opposer à celui qui forme le

pourvoi en cassation.

Le Gouvernement explique que le rôle du conseiller rapporteur

consiste, d'une part, à vérifier la recevabilité du pourvoi et la

régularité des pièces transmises et, d'autre part, à rédiger un projet

d'arrêt qu'il présentera à la chambre. Il est ainsi d'avis que le

rapport du conseiller rapporteur ne constitue qu'une aide à la décision

qui ne préjuge pas de l'issue du délibéré. Il en conclut que sa

communication à l'avocat général, préalablement à l'audience, ne porte

pas atteinte en soi au principe de l'égalité des armes.

Le Gouvernement relève qu'en vertu de l'article 602 du Code de

procédure pénale précité, le conseiller rapporteur donne lecture de son

rapport et l'avocat général de ses conclusions. Or, ajoute-t-il, dans

la mesure où le conseil du requérant a eu la possibilité d'assister à

l'audience de la chambre criminelle, en sa qualité d'avocat aux

conseils, il ne saurait se plaindre de n'avoir pas eu connaissance du

contenu du rapport du conseiller rapporteur et des conclusions de

l'avocat général.

Le Gouvernement insiste également sur l'existence d'une pratique

de la chambre criminelle de la Cour de cassation selon laquelle les

avocats aux conseils présents à l'audience sont systématiquement

invités par le président de la chambre à prendre la parole après les

conclusions de l'avocat général, s'ils le souhaitent. Il ajoute qu'en

pratique les avocats aux conseils sont informés, préalablement à

l'audience, de l'orientation finale du ou des projets établis par le

conseiller rapporteur et peuvent ainsi orienter leur mémoire et leur

éventuelle plaidoirie à l'audience en toute connaissance de cause.

Le Gouvernement estime dès lors qu'en tout état de cause, le

conseil du requérant pouvait prendre connaissance, lors de l'audience,

aussi bien du rapport du conseiller rapporteur et des conclusions de

l'avocat général et disposait en outre de la possibilité de répliquer

aux réquisitions de l'avocat général.

Le requérant combat cette thèse. Il indique tout d'abord que son

conseil n'a pas eu connaissance du rapport du conseiller rapporteur

déposé le 20 novembre 1992. Il en veut pour preuve qu'aucun des

mémoires déposés ultérieurement à cette date ne comporte une quelconque

mention de ce rapport.

Il relève en revanche que le Gouvernement reconnaît dans ses

observations que le rapport du conseiller rapporteur est transmis à

l'avocat général préalablement à l'audience.

Le requérant ajoute qu'il demeure dans l'ignorance du contenu

tant du rapport du conseiller rapporteur que des conclusions de

l'avocat général. Il affirme à cet égard que, présent à l'audience de

la chambre criminelle de la Cour de cassation du 15 mars 1993, il n'a

entendu ni le conseiller rapporteur en son rapport ni l'avocat général

en ses conclusions. Il en veut pour preuves les visas de l'arrêt rendu

par la Cour de cassation, lesquels ne mentionnent ni plaidoirie, ni

lecture des conclusions de l'avocat général ou du rapport du conseiller

rapporteur. Il en conclut que sa cause avait déjà été entendue

préalablement à l'audience du 15 mars 1993, date du prononcé de

l'arrêt.

La Commission estime, à la lumière d'un examen préliminaire de

l'argumentation des parties, de sa propre jurisprudence et de la

jurisprudence de la Cour européenne, que le grief soulevé par le

requérant pose des problèmes de fait et de droit suffisamment complexes

pour que leur solution doive relever d'un examen du bien-fondé de

l'affaire et, partant, que le grief ne saurait être déclaré

manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de

la Convention. Par ailleurs, le grief ne se heurte à aucun autre motif

d'irrecevabilité.

3. Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire.

Il allègue la violation de l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la

Convention.

La Commission n'est toutefois pas appelée à se prononcer sur le

point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent

l'apparence d'une violation de cette disposition. En effet, l'article

26 (art. 26) in fine de la Convention prévoit que la Commission ne peut

être saisie que "dans le délai de six mois, à partir de la date de la

décision interne définitive".

La Commission relève que le requérant a été mis en liberté sous

contrôle judiciaire par ordonnance du juge d'instruction du 8 janvier

1985, qui doit être considérée en l'espèce comme la décision interne

définitive, alors que la requête a été soumise à la Commission le

7 septembre 1993, soit en dehors du délai de six mois.

Il s'ensuit que le grief est tardif et doit être rejeté, en

application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la

Convention.

4. Le requérant se plaint de ne pas avoir été informé dans les plus

courts délais des raisons de son arrestation et de toutes les

accusations portées contre lui, au mépris des articles 5 par. 2 et 6

par. 3 a) (art. 5-2, 6-3-a) de la Convention. Il se plaint également

de ne pas avoir été confronté aux témoins à charge et de ne pas avoir

été présent lors des auditions de témoins, en violation de l'article

6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention.

La Commission rappelle sa jurisprudence selon laquelle, pour

avoir épuisé les voies de recours internes, l'intéressé doit avoir fait

valoir explicitement ou au moins en substance devant les instances

nationales les griefs qu'il soumet à la Commission (voir notamment

N° 11798/85, déc. 7.11.89, D.R. 63 p. 89 et N° 12164/86, déc. 12.10.88,

D.R. 58 p. 63).

En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que le requérant ait

invoqué les présents griefs devant les juridictions internes et

notamment devant la Cour de cassation et ait ainsi épuisé les voies de

recours à sa disposition en droit français, conformément à l'article

26 (art. 26) de la Convention.

Il s'ensuit que ces deux griefs doivent être rejetés, en

application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la

Convention.

5. Le requérant fait état de vices de procédure ayant affecté la

phase de l'instruction, en méconnaissance du droit à un procès

équitable et du principe de l'égalité des armes garantis par l'article

6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention et des droits de la défense

reconnus à l'article 6 par. 3 b) (art. 6-3-b) de la Convention.

Il se plaint tout d'abord d'erreurs de fait et de droit dans la

conduite des investigations par les enquêteurs et dans la conduite de

l'instruction par le juge d'instruction.

Il critique également le manque d'investigations pour vérifier

la véracité de déclarations de témoins et de documents produits par la

partie civile ainsi que la conduite de perquisitions hors de sa

présence.

Il se plaint en outre de la disparition de documents saisis, du

fait que les documents saisis au siège de la société U. n'ont pas été

mis à sa disposition et que les documents portés à sa connaissance et

à celle de son conseil l'ont été plusieurs années après son

inculpation.

Il reproche ensuite au juge d'instruction de ne pas avoir procédé

à tous les actes nécessaires selon lui à la manifestation de la vérité,

de n'avoir pas répondu à toutes ses demandes et à celles de son

conseil, du refus de convocation de témoins pour confrontation et du

refus d'expertise en date du 26 septembre 1989.

Il se plaint enfin de ce qu'il a été maintenu en garde à vue

entre le 2 et le 4 octobre 1984 alors que l'enquête était conduite

contre X et que son inculpation ne lui a été notifiée qu'à l'issue de

celle-ci, soit le 4 octobre.

La Commission a examiné le grief au regard de la notion générale

de procès équitable garantie au paragraphe 1er de l'article 6

(art. 6-1) tout en ayant à l'esprit le paragraphe 3 b), qui en

constitue un aspect particulier.

La Commission note d'emblée qu'elle n'est pas compétente pour

examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit

prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la

mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une

atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention.

A cet égard, elle rappelle que, selon sa jurisprudence constante,

l'équité d'une procédure doit être examinée par référence à l'ensemble

de la procédure et non d'un élément isolé (voir notamment N° 12002/86,

déc. 8.3.88, D.R. 55 p. 218). Pour déterminer si le droit à un procès

équitable garanti par ce paragraphe a été respecté, il convient donc

de prendre en considération l'ensemble de la procédure.

Or, la Commission estime que le requérant se borne

essentiellement à critiquer la conduite de l'instruction sans toutefois

démontrer en quoi les faits dont il se plaint auraient pu, d'une

quelconque façon, porter atteinte à l'équité de la procédure examinée

dans sa globalité. De son côté, au vu des éléments versés au dossier,

la Commission ne décèle aucune apparence de violation de cette

disposition notamment pour les raisons suivantes.

S'agissant des documents saisis lors de la perquisition au siège

de la société U., la Commission observe que le tribunal correctionnel

et la cour d'appel ont écarté ces documents des débats, de sorte

qu'aucun de ces éléments n'a pu être utilisé au cours du procès.

D'autre part, le requérant a pu contester devant les juges du fond les

autres pièces régulièrement saisies lors des perquisitions. De plus,

le requérant n'a pas expliqué en quoi le seul fait que des documents

aient été portés à sa connaissance après son inculpation ait pu porter

atteinte à la préparation de sa défense devant les juridictions du

fond.

S'agissant des demandes formulées lors de l'instruction et

notamment de la confrontation et du rejet de sa demande d'expertise

comptable, la Commission note que le requérant a pu solliciter de

telles mesures devant les juges du fond, lesquels sont chargés de

l'administration définitive des preuves.

S'agissant de la garde à vue, la Commission observe que le

tribunal correctionnel et la cour d'appel ont relevé que l'instruction

avait été ouverte contre X faute d'éléments suffisants qui auraient

permis de retenir dans les liens de prévention une personne dénommée

et que c'est suite aux déclarations du requérant, lors de son audition,

que ces éléments ont été suffisants pour permettre son inculpation

"afin qu'il puisse bénéficier immédiatement de tous les droits reconnus

à la défense".

En outre, la Commission relève que le requérant, qui était

assisté par un avocat, a pu exposer tous les moyens de défense et

produire tous les éléments qu'il a jugé utiles à la défense de sa cause

dans le cadre de débats contradictoires devant les juridictions de

jugement. De même, sa culpabilité a été établie sur le fondement de

preuves matérielles et de témoignages et aucun élément apporté au

dossier ne vient étayer son allégation selon laquelle la procédure

aurait été inéquitable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la

Convention.

Dès lors, eu égard à l'ensemble de la procédure, la Commission

n'aperçoit aucune apparence de violation du droit à un procès équitable

garanti par l'article 6 par. 1 (art. 6-1) ou des droits de la défense

reconnus à l'article 6 par. 3 b) (art. 6-3-b) de la Convention. Ce

grief doit donc être rejeté comme étant manifestement mal fondé, au

sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

6. Le requérant estime qu'il n'a pas été jugé par un tribunal

indépendant et impartial au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de

la Convention. Il se plaint également de ne pas avoir disposé du temps

et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense devant les

juges du fond, au sens de l'article 6 par. 3 b) (art. 6-3-b) de la

Convention.

Il invoque à cet égard le refus de prendre en considération des

documents comptables, pièces et analyses qu'il avait versés aux débats,

le refus de l'utilisation d'un rétroprojecteur lors de l'audience

publique du tribunal correctionnel du 11 juin 1990 pour examiner les

pièces versées aux débats, du rejet des débats des documents versés au

cours du délibéré du tribunal correctionnel. Il ajoute que la cour

d'appel a passé sous silence certaines pièces figurant au dossier pénal

et que la Cour de cassation n'aurait pas pris en compte l'ensemble des

mémoires et pièces déposés devant elle.

Le requérant se plaint également d'erreurs de fait et de droit

dans la phase de jugement.

La Commission a examiné le grief au regard de la notion générale

de procès équitable, garantie au paragraphe 1er de l'article 6

(art. 6-1), tout en ayant à l'esprit le paragraphe 3 b), qui en

constitue un aspect particulier.

La Commission note d'emblée que le requérant n'a nullement

soulevé le présent grief, expressément ou même en substance, devant les

juridictions internes et notamment devant la Cour de cassation.

Dans la mesure où il se plaint d'erreurs de fait et de droit dans

la phase de jugement, la Commission rappelle qu'elle n'est pas

compétente pour en connaître, sauf si et dans la mesure où ces erreurs

lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et

libertés garantis par la Convention. Or, elle relève au vu de

l'ensemble de la procédure que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Pour autant que le requérant se plaint de l'absence de motivation

des arrêts de la cour d'appel et de la Cour de cassation, la Commission

rappelle que l'article 6 (art. 6) n'exige pas que dans sa motivation

le juge, qui dispose en la matière d'un certain pouvoir

discrétionnaire, traite de tous les éléments à lui soumis par les

parties. Ainsi, lorsqu'une juridiction expose ses motifs, il y a

présomption que les exigences de l'article 6 (art. 6) sont respectées

(voir N° 10857/84, déc. du 15.7.86, D.R. 48 p. 106).

En l'espèce, la Commission relève que les juridictions en cause

ont longuement motivé leurs arrêts. En outre, le requérant n'a pas

démontré que la cour d'appel ou la Cour de cassation, eu égard aux

particularités de la procédure devant elle (voir notamment Cour eur.

D.H., arrêt Delcourt précité, p. 15, par. 26 et Axen du 8 décembre

1983, série A n° 72, p. 12, par. 22), ont méconnu un moyen de défense

essentiel.

Il s'ensuit que le présent grief doit être rejeté en partie pour

non-épuisement des voies de recours internes et en partie pour défaut

manifeste de fondement, par application de l'article 27 par. 2 et 3

(art. 27-2, 3) de la Convention.

Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

DECLARE RECEVABLES, tous moyens de fond réservés, le grief

relatif à l'absence de communication du rapport du conseiller

rapporteur près la Cour de cassation et des conclusions de

l'avocat général et le grief relatif à la durée de la procédure

pénale achevée par l'arrêt de la Cour de cassation du

15 mars 1993 ;

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.

Le Secrétaire adjoint Le Président

de la Commission de la Commission

(M. de SALVIA) (S. TRECHSEL)