Přehled
Rozhodnutí
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 22093/93
présentée par Dominique LOISEAU
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 6 avril 1995 en présence
de
M. H. DANELIUS, Président
Mme G.H. THUNE
MM. G. JÖRUNDSSON
S. TRECHSEL
J.-C. SOYER
H.G. SCHERMERS
F. MARTINEZ
L. LOUCAIDES
J.-C. GEUS
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
J. MUCHA
D. SVÁBY
M. K. ROGGE, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 23 avril 1993 par Dominique LOISEAU
contre la France et enregistrée le 18 juin 1993 sous le N° de dossier
22093/93 ;
Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de
la Commission ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le
19 avril 1994 et les observations en réponse présentées par le
requérant le 16 juin 1994 ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant français, né en 1951, et
résidant à Paris. Il est représenté devant la Commission par Maître
Jacques Vergès, avocat au Barreau de Paris.
Les faits, tels qu'ils ont été présentés par les parties, peuvent
se résumer comme suit (voir également la chronologie des actes de la
procédure annexée à la présente décision).
A. Circonstances particulières de l'espèce
En date respectivement des 14 mai, 27 juillet et 4 octobre 1985,
trois informations furent ouvertes contre diverses personnes dont pour
la plupart des officiers de police judiciaire de la circonscription
judiciaire de Paris. Ces informations concernaient divers vols aggravés
commis entre avril 1982 et juillet 1985 à Paris et en région
parisienne. Elles étaient étroitement liées dans la mesure où les
révélations et investigations de l'information précédente avaient
permis d'ouvrir la suivante et impliquaient en partie les mêmes
inculpés et en partie d'autres du même milieu. Ainsi, les première et
troisième informations avaient conduit à l'inculpation de M., officier
de police judiciaire de la circonscription judiciaire de Paris.
a. L'instruction
Suite aux révélations de D. sur les confidences qu'il avait
reçues de M., lequel partageait la même cellule, le requérant, officier
de police judiciaire à la brigade de recherche et d'intervention de la
préfecture de police de Paris, fut mis en cause dans d'autres vols
aggravés. Informé par ses collègues des investigations en cours, le
requérant se présenta spontanément auprès de l'Inspection Générale des
Services, déclarant n'avoir rien à se reprocher. Il fut placé en garde
à vue le 21 janvier 1986.
Etant donné que le requérant était officier de police judiciaire,
il incombait à la Cour de cassation, en vertu de l'article 687 du Code
de procédure pénale, de désigner la juridiction d'instruction ou de
jugement. Saisie le 23 janvier 1986, la Cour de cassation désigna le
tribunal de grande instance de Paris comme tribunal compétent, par
arrêt du 5 février 1986, signifié le 7 mars 1986 au requérant.
Par réquisitoire introductif en date du 23 janvier 1986, présenté
postérieurement à la requête en désignation de juridiction, une
information fut ouverte contre le requérant et d'autres personnes dont
des officiers de police judiciaire déjà inculpés dans le cadre des
trois précédentes informations.
Le 23 janvier 1986, le requérant fut inculpé par le juge
d'instruction, avec huit autres personnes dont des officiers de police
judiciaire déjà inculpés dans le cadre des précédentes informations,
du chef de vols aggravés, arrestations illégales et séquestrations de
personnes avec prises d'otages. Il fut placé sous mandat de dépôt le
même jour.
Les 24 et 30 janvier 1986, des commissions rogatoires furent
délivrées à l'Inspection Générale des Services. Celles-ci furent
retournées le 31 janvier 1986.
Le 14 mars 1986, une nouvelle commission rogatoire fut délivrée
à l'Inspection Générale des Services, qui fut retournée le
9 décembre 1986.
Le 4 avril 1986, le requérant et son conseil furent convoqués par
le juge d'instruction. Le 9 avril 1986, le requérant fut interrogé.
Le 15 avril 1986, des ordonnances d'examen médico-psychologique,
d'examen psychiatrique et d'enquête de personnalité du requérant et de
deux coïnculpés furent rendues à la suite desquelles des rapports
furent déposés le 9 juin, les 4 et 29 août 1986, les 9 et
13 janvier 1987.
Le 21 avril 1986, le requérant fut interrogé.
Le 22 avril 1986, une commission rogatoire fut délivrée à la
police judiciaire, laquelle fut retournée partiellement le 25 juin, les
12 et 24 novembre 1986.
Le 20 mai 1986, une commission rogatoire internationale en
Yougoslavie fut délivrée et le 4 juin 1986, une nouvelle commission
rogatoire fut délivrée à l'Inspection Générale des Services. Celles-ci
furent retournées le 26 juin et le 9 décembre 1986.
Le 20 août 1986, le requérant et son conseil furent convoqués et
le requérant fut interrogé le 24 août 1986.
Le 20 septembre 1986, une nouvelle commission rogatoire fut
délivrée à l'Inspection Générale des Services, qui fut retournée le
13 novembre 1986.
Le 26 septembre 1986, le conseil du requérant déposa un mémoire.
Le 2 octobre 1986, le juge ordonna la jonction de l'information
aux quatre informations ouvertes entre le 14 mai 1985 et le
14 octobre 1985.
Le 13 novembre 1986, le requérant et son conseil furent convoqués
et le requérant fut interrogé le 18 novembre 1986.
Le 17 novembre 1986, une nouvelle commission rogatoire fut
délivrée à l'Inspection Générale des Services, qui fut retournée les
4 et 18 décembre 1986.
Le 10 mars 1987, le requérant et son conseil furent convoqués et
le requérant fut interrogé le 17 mars 1987. Le 13 mars 1987, le conseil
du requérant annonça son retrait au juge d'instruction.
Les investigations menées jusqu'alors permirent d'identifier la
participation du requérant à une autre infraction. Sur réquisitoire
supplétif du Procureur de la République, le requérant et son conseil
furent convoqués, le 24 mars 1987. Le requérant fut interrogé et
inculpé le 7 avril 1987 pour l'infraction connexe d'association de
malfaiteurs du fait de son entente avec quatre officiers de police
judiciaire déjà inculpés et trois autres personnes et du but de cette
entente, la préparation de faits criminels.
Le même jour, un rapport d'expertise lui fut notifié.
Les 26 et 30 mars 1987, de nouvelles commissions rogatoires
furent délivrées à l'Inspection Générale des Services, qui furent
retournées le 1er juillet, le 16 octobre, le 16 novembre et le
17 décembre 1987.
Le 24 avril 1987, l'état signalétique et de service du requérant
fut transmis.
Le 11 juin 1987, le requérant et son conseil furent convoqués et
un procès-verbal de report de confrontation entre celui-ci et cinq
personnes, dont deux coïnculpés en raison du refus d'extraction d'un
de ces derniers, fut dressé.
Le 22 juin 1987, le requérant fut confronté à diverses personnes.
Le 1er juillet 1987, le requérant sollicita le report d'une
audition.
Le 2 juillet, les 2 et 21 octobre 1987, une nouvelle commission
rogatoire fut délivrée à l'Inspection Générale des Services.
Le 10 juillet 1987, le requérant fut convoqué avec son conseil
et, le 12 août 1987, des ordonnances de commission d'experts furent
rendues, notamment aux fins d'expertise balistique, à la suite
desquelles des rapports furent déposés le 4 décembre 1987 et le
25 février 1988.
Le 21 octobre 1987, une commission rogatoire fut délivrée à
l'Inspection Générale des Services, qui fut retournée le 18 décembre
1987.
Suite aux révélations de M., une cinquième information fut
ouverte, le 18 novembre 1987, au sujet d'un douzième fait criminel.
Elle donna lieu à trois inculpations dont celles de deux personnes déjà
inculpées dans le cadre des quatre informations ouvertes précédemment.
Le 19 novembre 1987, le requérant et son conseil furent à nouveau
convoqués et le requérant fut interrogé le 26 novembre 1987. Le même
jour, un rapport d'expertise lui fut notifié.
Le 2 décembre 1987, le requérant et son conseil furent à nouveau
convoqués et le 11 décembre 1987, le requérant fut confronté à deux
témoins.
Le 9 mars 1988, une ordonnance de commission d'un expert
graphologue fut rendue, dont les conclusions furent déposées le
12 avril 1988.
Le 11 mars 1988, une commission rogatoire fut délivrée à
l'Inspection Générale des Services, qui fut retournée le
23 septembre 1988.
Les 18 et 31 mars et le 8 juin 1988, le requérant et son conseil
furent convoqués et, en dépit du report d'interrogatoire demandé par
le conseil du requérant le 9 juin 1988, ce dernier fut interrogé le
16 juin 1988.
Le 28 mars 1988, un rapport d'expertise fut notifié au requérant.
Le 17 juin 1988, le requérant fut confronté à une personne.
Le 22 juin 1988, le requérant et son conseil furent convoqués et
celui-ci fut interrogé le 1er juillet 1988.
Le 6 décembre 1988, la cinquième information ouverte le
18 novembre 1987 fut jointe aux précédentes par ordonnance du juge
d'instruction.
En outre, entre le 14 mai 1985 et le 16 février 1988, onze
réquisitoires supplétifs furent délivrés par le Procureur de la
République pour des infractions connexes aux faits criminels visés par
les cinq informations. La procédure portait ainsi sur onze vols
aggravés et deux infractions connexes commis entre avril 1982 et
juillet 1985 à Paris et en région parisienne et impliquait, outre le
requérant, treize autres personnes dont quatre officiers de police
judiciaire de la circonscription judiciaire de Paris.
Le 26 décembre 1988, le juge d'instruction prit une ordonnance
de non-lieu en faveur de deux inculpés et de transmission de pièces au
Procureur général près la cour d'appel de Paris, clôturant ainsi
l'instruction. Le 25 janvier 1989, le Procureur général dressa un
réquisitoire de mise en accusation de onze personnes dont le requérant.
b. La procédure de mise en accusation et de jugement
Par mémoire du 2 février 1989, les deux avocats du requérant
soulevèrent devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris
des nullités absolues d'ordre public relevant de la violation de
l'article 687 du Code de procédure pénale en ce que le parquet avait
tardé à demander à la Cour de cassation de désigner la juridiction
compétente pour instruire sur les faits reprochés au requérant.
Par arrêt du 23 février 1989, la chambre d'accusation de la cour
d'appel de Paris rejeta les exceptions de nullité soulevées par le
requérant et le renvoya, avec dix coïnculpés, devant la cour d'assises
de Paris sous l'accusation de vols aggravés, arrestation illégale et
séquestration de personnes prises comme otages et association de
malfaiteurs. Le onzième coïnculpé fut renvoyé devant le tribunal
correctionnel.
Par arrêt du 23 août 1989, la Cour de cassation rejeta le pourvoi
formé par le requérant. Celui-ci soulevait trois moyens de cassation
tirés du défaut de motif et manque de base légale, de la violation de
l'article 687 précité du Code de procédure pénale et de la violation
des droits de la défense en ce que l'arrêt attaqué avait omis d'annuler
une commission rogatoire.
La Cour de cassation cassa et annula l'arrêt du 23 février 1989
en ses dispositions relatives à deux coïnculpés du requérant, R. et M.,
officiers de police judiciaire, pour violation de l'article 687 du Code
de procédure pénale et renvoya la cause sur ces faits devant la chambre
d'accusation de Paris autrement composée.
Le 8 septembre 1989, le requérant fut remis en liberté sous
contrôle judiciaire.
Le 6 novembre 1989, la chambre d'accusation de Paris rejetait les
demandes en annulation formées par R. et M. Ceux-ci formèrent un
pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Le 31 mai 1990, la Cour de cassation, statuant en assemblée
plénière, cassa et annula partiellement l'arrêt de renvoi à la chambre
d'accusation et renvoya la cause devant la même chambre d'accusation
différemment composée.
Le 16 octobre 1990, la chambre d'accusation de la cour d'appel
de Paris annula une partie de la procédure. A nouveau, R. et M.
formèrent un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Avant que la Cour de cassation ait statué sur le nouveau pourvoi,
la cour d'assises de Paris audiença l'affaire le 5 novembre 1990 au
motif que seule une partie de la procédure avait été cassée et qu'une
autre partie demeurait définitive. L'audience fut toutefois renvoyée
à une session ultérieure, l'avocat commis d'office en remplacement du
conseil de R. qui s'était déporté du dossier, ne disposant pas du temps
nécessaire à l'étude du dossier dans le délai de renvoi.
Une nouvelle audience eut lieu le 4 février 1991 mais fut
renvoyée le troisième jour, l'avocat commis d'office en remplacement
du conseil habituel de R. qui était hospitalisé, ne disposant pas du
temps nécessaire à l'étude du dossier dans le délai de renvoi.
L'affaire fut inscrite à la session d'assises du mois d'octobre 1991.
Le 12 février 1991, la Cour de cassation cassa l'arrêt de renvoi
de la chambre d'accusation et renvoya la cause devant la chambre
d'accusation de la cour d'appel de Versailles.
Le 12 juillet 1991, la chambre d'accusation de la cour d'appel
de Versailles annula une partie supplémentaire du dossier et ordonna
un supplément d'information sur certains faits.
R. et M., estimant que tous les actes visés par la Cour de
cassation n'avaient pas encore été annulés, se pourvurent derechef en
cassation et présentèrent une requête tendant à faire déclarer leur
pourvoi immédiatement recevable.
Par ordonnance du 2 août 1991, le Président de la chambre
criminelle de la Cour de cassation dit n'y avoir lieu à recevoir en
l'état les pourvois de R. et M. formés à l'encontre de l'arrêt de la
cour d'appel de Versailles.
La cour d'assises tint sa nouvelle audience du 2 au
16 octobre 1991. Par ordonnance du 2 octobre 1991, le Président de la
cour d'assises décida de disjoindre une partie des accusations dirigées
contre R. et M. relatives à la procédure qui avait été cassée.
Par arrêt du 16 octobre 1991, la cour d'assises déclara le
requérant coupable de vols avec port d'arme, d'association de
malfaiteurs et d'arrestation illégale et séquestration de personnes
prises comme otages et le condamna à douze années de réclusion
criminelle.
Le 17 octobre 1991, le requérant forma un pourvoi en cassation
qui fut joint aux cinq autres pourvois introduits par des co-condamnés.
Le requérant soulevait d'une part, la violation de l'article 6 par. 1
et 3 a) de la Convention en raison de la lecture partielle et
imparfaite de l'arrêt de renvoi du 23 février 1989 et, d'autre part,
la violation des dispositions du Code de procédure pénale relatives à
la formulation des questions posées au jury. Le requérant invoquait
d'autre part la violation du droit à un procès équitable en ce que de
nombreuses personnes présentes au procès, tant des avocats que des
policiers, avaient vu à plusieurs reprises des témoins, dont l'un des
témoins principaux, assister dans la salle aux audiences avant d'être
entendus comme témoins.
Par arrêt du 28 octobre 1992, la Cour de cassation rejeta les
pourvois. Elle déclara :
"le procès-verbal des débats constate que le greffier a lu à
haute et intelligible voix l'arrêt de renvoi 'à l'exception des
faits (reprochés à R. et M.) qui ont fait l'objet d'une
ordonnance de disjonction, en date du 2 octobre 1991' et que le
président a indiqué qu'en raison de la disjonction intervenue à
l'égard de tous les accusés de ces chefs, ces faits ne seraient
pas évoqués et que les actes de la procédure les concernant ne
seraient pas opposés à la défense ;
que ces mentions, qui font foi jusqu'à inscription de faux, ne
sont contredites par aucune constatation contraire, les demandes
de donner acte de la défense auxquelles il a été entièrement fait
droit par la Cour ne contenant aucune référence aux faits
disjoints."
Le 24 mars 1993, le requérant forma un recours en grâce auprès
de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de
la Justice. Le 18 mai 1993, il fut gracié par le Président de la
République.
B. Droit interne pertinent
Articles du Code de procédure pénale
Article 687 (ancien)
"Lorsqu'un officier de police judiciaire est susceptible d'être
inculpé d'un crime ou d'un délit, qui aurait été commis dans la
circonscription où il est territorialement compétent, hors ou
dans l'exercice de ses fonctions (...), le procureur de la
République saisi de l'affaire présente sans délai requête à la
chambre criminelle de la Cour de cassation, qui procède et statue
en matière de règlement de juges et désigne la juridiction
chargée de l'instruction ou du jugement de l'affaire.
La chambre criminelle se prononce dans la huitaine qui suit le
jour auquel la requête lui est parvenue.
Les dispositions des articles 680 et 681 (alinéa 5) sont
applicables."
Article 680 (ancien)
"Le juge d'instruction désigné conformément aux dispositions de
l'article 83 doit procéder personnellement aux auditions, aux
interrogatoires et aux confrontations des personnes visées aux
articles 679 et 687 en considération desquelles sa désignation
a été provoquée."
Article 378
"Le greffier dresse, à l'effet de constater l'accomplissement des
formalités prescrites, un procès-verbal qui est signé par le
président et ledit greffier.
Le procès-verbal est dressé et signé dans le délai de trois jours
au plus tard du prononcé de l'arrêt."
Jurisprudence relative à l'article 378 du Code de procédure
pénale
"La preuve des faits survenus au cours des débats résulte des
mentions du procès-verbal des débats, insérées, le cas échéant,
après une demande de donner acte" (Crim. 8 février 1977, Bull.
crim. n° 48).
"Aucune contradiction ne peut être opposée aux constatations du
procès-verbal des débats si ce n'est par la voie de l'inscription
de faux" (Crim. 9 décembre 1987, Bull. crim. n° 453).
GRIEFS
1. Le requérant se plaint tout d'abord de la durée de la procédure
au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention.
2. Il se plaint également de la durée de la détention provisoire au
sens de l'article 5 par. 3 de la Convention.
3. Il expose ensuite que la Cour de cassation a désigné la
circonscription judiciaire de Paris comme juridiction d'instruction et
de jugement, alors qu'il était officier de police judiciaire exerçant
ses activités sous le contrôle de la chambre d'accusation de la cour
d'appel de cette même circonscription. Il estime que, dans ces
conditions, sa cause ne pouvait être entendue équitablement par un
tribunal indépendant et impartial.
4. Il soutient que l'instruction aurait été conduite exclusivement
à charge, le juge refusant d'entendre les témoins à décharge et de
procéder aux vérifications demandées. Il invoque l'article 6 par. 1 et
3 d) de la Convention.
5. Il se plaint de la lecture partielle et imparfaite de l'arrêt de
renvoi en violation de l'obligation de présentation précise et
détaillée de la nature et de la cause de l'accusation. Il soulève la
violation de l'article 6 par. 1 et 3 a) de la Convention.
6. Sous l'angle du même article de la Convention, le requérant se
plaint de la présence des témoins à charge dans la salle d'audience
avant leur comparution et la collusion de ces mêmes témoins avec les
enquêteurs chargés de l'enquête.
7. En dernier lieu, le requérant invoque l'article 3 du Protocole
No 7 à la Convention pour autant que la grâce lui aurait été accordée
après que son dossier eut été instruit, par la Direction des Affaires
Criminelles et des Grâces de la Chancellerie, dans le sens d'une erreur
judiciaire.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La requête a été introduite le 23 avril 1993 et enregistrée le
18 juin 1993.
Le 12 janvier 1994, la Commission (Deuxième Chambre) a décidé,
en application de l'article 48 par. 2 b) de son Règlement intérieur,
de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, en
l'invitant à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité
et le bien-fondé de la requête.
Le Gouvernement a présenté ses observations le 19 avril 1994,
après prorogation du délai imparti, et le requérant y a répondu le
16 juin 1994.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure. Il invoque
sur ce point l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui dispose
que :
"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle."
Le Gouvernement estime qu'aucune violation de l'article 6 par.
1 (art. 6-1) ne saurait être constatée. S'appuyant sur une chronologie
détaillée de la procédure (voir annexe), il expose que celle-ci n'a pas
connu une durée excessive, compte tenu de la multiplicité des faits,
du nombre des inculpés ainsi que de leur qualité d'officiers de police
judiciaire, de l'attitude dilatoire de plusieurs coaccusés et des
difficultés juridiques soulevées par la procédure.
Le Gouvernement souligne le caractère complexe de l'affaire.
Ainsi, entre mai 1985 et novembre 1987, cinq informations furent
ouvertes sur douze faits criminels et entraînèrent l'inculpation de
quatorze personnes. Les faits criminels en cause ne furent révélés,
pour la plupart, que successivement, au cours de la procédure
d'instruction, par suite à la fois des investigations ordonnées par le
juge d'instruction et des déclarations des inculpés et témoins. Cette
révélation successive des faits donna ainsi lieu à cinq réquisitoires
introductifs et douze réquisitoires supplétifs. S'agissant de la phase
d'accusation et de jugement, le Gouvernement relève la complexité
juridique des problèmes de droit soulevés par deux coaccusés, R. et M.
Le Gouvernement expose que l'instruction s'est déroulée de
manière soutenue en dépit de la multiplicité des actes d'instruction
à accomplir (commissions rogatoires, confrontations, expertises,
enquêtes de personnalité) et de l'obligation pour le juge
d'instruction, au titre de l'article 680 du Code de procédure pénale,
de procéder personnellement aux auditions, interrogatoires et
confrontations des officiers de police judiciaire. Il fait également
observer la célérité particulière des autorités judiciaires lors de la
phase d'accusation eu égard au caractère volumineux du dossier (1500
pièces).
Le Gouvernement expose par ailleurs que les faits furent commis
au cours d'une action concertée et collective et que le juge était
saisi d'une pluralité d'infractions interdépendantes et également
notamment du crime d'association de malfaiteurs. L'appréciation portée
sur la responsabilité du requérant pouvait en conséquence difficilement
être isolée de l'appréciation portée sur la responsabilité des autres
inculpés. Un délai d'un an, deux mois et douze jours s'est écoulé entre
le renvoi définitif du requérant devant la cour d'assises par arrêt du
23 août 1989 et la première comparution de celui-ci devant la cour
d'assises le 5 novembre 1990. Ce délai s'explique par les procédures
introduites par deux coaccusés, R. et M.
Le Gouvernement estime, se référant à l'affaire Boddaert (arrêt
du 12 octobre 1992, série A n° 235-D, pp. 82-83, par. 39), qu'il
convenait en l'espèce, dans un souci de bonne administration de la
justice, de conduire l'instruction dans le cadre d'une seule procédure
et de juger ensemble le requérant et les autres accusés.
Il ajoute que leur première comparution devant la cour d'assises
date du début novembre 1990 et que la cour d'assises n'a pu statuer que
le 16 octobre 1991 en raison du renvoi par deux fois de l'affaire,
suite à la demande du conseil de R. Ainsi, le retard apporté au
jugement de l'affaire est directement imputable au comportement
dilatoire des deux coaccusés, R. et M., ce dernier ayant par deux fois
argué d'une hospitalisation pour ne pas assister aux débats devant la
cour d'assises.
Le requérant conteste le caractère complexe de la procédure. Il
fait observer qu'il n'était pas concerné par les cinq informations
ouvertes sur les douze faits criminels puisqu'il n'avait été inculpé
que deux fois pour quatre faits criminels. La complexité des problèmes
de droit soulevés dans la phase d'accusation et de jugement n'exonérait
pas les autorités françaises de la responsabilité du préjudice qui en
est résulté pour lui.
Le requérant expose par ailleurs que, contrairement à certains
coaccusés, il n'a jamais bénéficié d'une mesure de disjonction, alors
même que depuis son inculpation il ne cessa de clamer son innocence.
Le requérant relève d'autre part que si le Gouvernement impute
les renvois successifs au comportement dilatoire des coaccusés, il
reconnaît en même temps, par une contradiction de motifs, leur bien-
fondé au regard de la complexité juridique des problèmes soulevés.
Le requérant soutient en outre qu'il a été le seul coaccusé à
avoir sollicité un jugement rapide, en refusant notamment une
intervention chirurgicale importante prescrite par une expertise
médicale du 23 janvier 1991, dont il joint copie. Il en conclut
qu'aucune manoeuvre dilatoire ne saurait lui être reprochée.
Enfin, le requérant estime, au vu des faits et procédures en
cause, qu'il était concevable de le juger séparément de ses coaccusés
et que la durée de la procédure est imputable aux autorités judiciaires
dans la mesure où une bonne administration de la justice ne justifiait
pas que son cas ne fut pas disjoint de celui de ses coaccusés.
La Commission constate que le requérant a été placé en garde à
vue le 21 janvier 1986 puis inculpé le 23 janvier 1986, que
l'instruction s'est achevée le 26 décembre 1988, qu'il a été renvoyé
devant la cour d'assises de Paris le 23 février 1989. Le pourvoi formé
contre l'arrêt de renvoi a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation
en date du 23 août 1989. La cour d'assises a tenu sa première audience
le 5 novembre 1990 et rendu son arrêt de condamnation le
16 octobre 1991. Entre-temps, l'audience avait été renvoyée par deux
fois à la demande d'un coaccusé du requérant. Le pourvoi du requérant,
formé contre cet arrêt le 17 octobre 1991, fut rejeté par un arrêt de
la Cour de cassation du 28 octobre 1992, arrêt qui marque la fin de la
procédure. Celle-ci a donc duré six ans, neuf mois et sept jours.
La Commission rappelle que le caractère raisonnable de la durée
de la procédure doit s'apprécier eu égard notamment à la complexité de
l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités
judiciaires (voir Cour eur. D.H., arrêt Kemmache du 27 novembre 1991,
série A n° 218, p. 27, par. 60). Par ailleurs, seules les lenteurs
imputables à l'Etat peuvent amener à conclure à l'inobservation du
"délai raisonnable" (voir Cour eur. D.H., arrêt Eckle du
15 juillet 1982, série A n° 51, p. 35, par. 80).
La Commission note tout d'abord que la procédure en cause était
relative à douze infractions criminelles, dont des vols aggravés et
séquestration de personnes avec prises d'otages, et deux infractions
connexes dont celle d'association de malfaiteurs commises entre 1982
et 1985 et qu'elle avait occasionné l'ouverture successivement de cinq
informations qui furent jointes et douze réquisitoires supplétifs. Elle
concernait, outre le requérant, treize autres inculpés dont quatre
officiers de police judiciaire. La Commission est ainsi d'avis que
l'affaire présentait un caractère complexe.
Elle relève ensuite qu'aucun délai ne peut être imputé au
requérant dans la mesure où il n'a fait qu'exercer certains recours à
sa disposition en droit interne et n'est pas responsable des délais
occasionnés par les recours de certains de ses coaccusés.
S'agissant du comportement des autorités judiciaires, la
Commission considère qu'il ressort de la chronologie de la procédure
fournie par le Gouvernement (voir annexe) que le juge d'instruction a
mené celle-ci sans discontinuer. Le nombre des personnes impliquées,
la nature des faits et les circonstances de leur commission ont rendu
nécessaires de nombreux actes, notamment des commissions rogatoires
dont une à l'étranger, des commissions d'experts et de multiples
auditions, interrogatoires et confrontations. En outre, plusieurs
inculpations, telle que la seconde inculpation du requérant, eurent
lieu au cours de l'instruction.
La Commission observe certes que, bien que le requérant ait été
renvoyé définitivement devant la cour d'assises le 23 août 1989, celle-
ci n'a rendu son arrêt que le 16 octobre 1991. Elle relève toutefois
qu'en dépit des recours exercés par R. et M. à l'encontre de l'arrêt
de renvoi, la cour d'assises a tenu sa première audience dès le
5 novembre 1990 au motif que seule une partie de la procédure avait été
cassée et qu'une autre partie demeurait définitive. Le retard survenu
ensuite dans l'ouverture et la réouverture des débats a été causé
essentiellement par la nécessité de laisser aux avocats commis d'office
en remplacement de l'avocat défaillant de R. le temps de prendre
connaissance du dossier volumineux, et ce afin d'assurer le respect des
droits de la défense (voir mutatis mutandis Cour eur. D.H., arrêt
Neumeister du 27 juin 1968, série A n° 8, p. 43, par. 21). En outre,
par ordonnance du 2 octobre 1991, le Président de la cour d'assises
décida de disjoindre une partie des accusations dirigées contre R. et
M. relatives à la procédure qui avait été cassée.
La Commission note par ailleurs que le requérant, placé en
détention provisoire le 23 janvier 1986, a été mis en liberté sous
contrôle judiciaire le 8 septembre 1989.
Or, la Commission rappelle que l'article 6 (art. 6) de la
Convention "prescrit la célérité des procédures judiciaires, mais il
consacre aussi le principe, plus général, d'une bonne administration
de la justice" (Cour eur. D.H., arrêt Boddaert précité, p. 82, par. 39
et arrêt Neumeister précité, p. 42, par. 21). Elle ajoute qu'il
appartient en premier lieu aux autorités nationales de décider si les
intérêts d'une bonne administration de la justice exigent de conduire
une affaire dans le cadre d'une seule procédure ou, au contraire, de
disjoindre cette procédure.
Dans la présente affaire, la Commission est d'avis que
l'interdépendance des poursuites et des accusations, résultant des
faits de l'espèce, pouvait raisonnablement paraître imposer que les
autorités usent de leur pouvoir discrétionnaire et décident de ne pas
disjoindre la procédure en tant qu'elle concernait le requérant sans
que l'équilibre entre les intérêts de la justice et ceux de l'accusé
ait été rompu.
La Commission considère que, dans les circonstances de la cause,
"le comportement des autorités se révèle compatible avec le juste
équilibre à ménager" entre les divers aspects de l'exigence d'une bonne
administration de la justice (voir mutatis mutandis Cour eur. D.H.,
arrêt Boddaert précité, p. 82, par. 39), y compris le respect des
droits de la défense.
La Commission relève certes un délai d'un an et une semaine entre
l'arrêt de la cour d'assises du 16 octobre 1991 et l'arrêt de la Cour
de cassation du 28 octobre 1992. Elle considère toutefois que ce délai
n'est pas assez important pour constituer une violation de l'article 6
par. 1 (art. 6-1) de la Convention et qu'il s'explique tant par la
complexité du dossier soumis à la haute juridiction que par le nombre
de demandeurs en cassation (six avec le requérant).
A la lumière de ces considérations, la Commission est d'avis que
la procédure dans son ensemble n'a pas excédé le délai raisonnable visé
par l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de
la Convention.
2. Le requérant se plaint en second lieu de la durée de sa détention
provisoire au sens de l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention,
libellé comme suit :
"Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues
au paragraphe 1.c du présent article (...) a le droit d'être
jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure
(...)".
La Commission n'est toutefois pas appelée à se prononcer sur le
point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent
l'apparence d'une violation de cette disposition. En effet, l'article
26 (art. 26) in fine de la Convention prévoit que la Commission ne peut
être saisie que "dans le délai de six mois, à partir de la date de la
décision interne définitive".
La Commission relève que le requérant a été mis en liberté sous
contrôle judiciaire le 8 septembre 1989, alors que la requête a été
introduite le 23 avril 1993, soit en dehors du délai de six mois. En
outre, l'examen de l'affaire ne permet de déceler aucune circonstance
particulière qui ait pu interrompre ou suspendre le cours dudit délai.
Il s'ensuit que le grief est tardif et doit être rejeté,
conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
3. Le requérant expose ensuite que la Cour de cassation a désigné
la circonscription judiciaire de Paris comme juridiction d'instruction
et de jugement, alors qu'il était officier de police judiciaire
exerçant ses activités sous le contrôle de la chambre d'accusation de
la cour d'appel de cette même circonscription. Il estime que, dans ces
conditions, sa cause ne pouvait être entendue équitablement par un
tribunal indépendant et impartial au sens de l'article 6 par. 1
(art. 6-1) de la Convention.
La Commission rappelle tout d'abord qu'il existe une relation
fonctionnelle entre indépendance et impartialité, la première étant
essentiellement destinée à assurer la seconde (Bramelid et Malmström
c/Suède, rapport Comm. 12.12.1983, D.R. 38 p. 27).
Toutefois, la Commission observe que le requérant ne fait valoir
aucun argument permettant de mettre en doute l'indépendance des
juridictions et elle estime dès lors que le grief invoqué doit être
uniquement analysé sous l'angle de la prétendue partialité des
juridictions d'instruction et de jugement.
La Commission rappelle que la garantie d'impartialité prévue à
l'article 6 (art. 6) de la Convention présente un aspect subjectif et
un aspect objectif (Cour eur. D.H., arrêt Piersack du 1er octobre 1982,
série A, n° 53, p. 14, par. 30).
Concernant l'aspect subjectif, la Commission estime qu'aucune
preuve n'a été présentée qui permettrait de soulever des doutes sur ce
point. La Commission rappelle d'ailleurs que l'impartialité d'un juge
et d'un jury doit être présumée jusqu'à preuve du contraire (Cour eur.
D.H., arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 23 juin 1981, série
A, n° 43, p. 25, par. 58 ; Cour eur. D.H., arrêt Piersack, précité,
p. 14, par. 30).
Quant à l'aspect objectif, la Commission note que le requérant
n'a soumis aucun élément prouvant une allégation de parti pris effectif
et rien n'indique, dans les faits de la cause, que les juridictions en
cause n'ont pas respecté la condition d'impartialité prescrite à
l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. A cet égard notamment,
l'examen de la procédure ne fait état d'aucune circonstance qui
pourrait inspirer un doute légitime quant à cette impartialité.
Dans ces circonstances, la Commission ne décèle aucun élément
susceptible d'étayer les allégations du requérant et estime, en
conséquence, que ce grief est manifestement mal fondé au sens de
l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. Le requérant ajoute que l'instruction aurait été conduite
exclusivement à charge, le juge refusant d'entendre les témoins à
décharge et de procéder aux vérifications demandées. Il invoque
l'article 6 par. 1 et 3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de la Convention.
La Commission n'est toutefois pas appelée à se prononcer sur le
point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent
l'apparence d'une violation de ces dispositions. En effet, aux termes
de l'article 26 (art. 26) de la Convention, elle "ne peut être saisie
qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est
entendu selon les principes de droit international généralement
reconnus". Cette condition ne se trouve pas réalisée par le seul fait
que le requérant a soumis son cas aux différents tribunaux compétents.
Il faut encore que les griefs présentés devant la Commission aient été
soulevés, au moins en substance, pendant la procédure en question (voir
notamment n° 10307/83, déc. 6.3.84, D.R. 37 pp. 113, 127 ; N° 12164/86,
déc. 12.10.88, D.R. 58 pp. 63, 71).
En l'espèce, le requérant n'a soulevé ni formellement, ni même
en substance, au cours de la procédure devant la Cour de cassation, les
griefs qu'il fait à présent valoir devant la Commission. De plus,
l'examen de l'affaire, telle qu'elle a été présentée, n'a permis de
déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu dispenser le
requérant, selon les principes de droit international généralement
reconnus en la matière, de soulever ce grief dans la procédure
susmentionnée.
Il s'ensuit que le requérant n'a pas satisfait à la condition
relative à l'épuisement des voies de recours internes et que le grief
doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la
Convention.
5. Le requérant se plaint par ailleurs de la lecture partielle et
imparfaite de l'arrêt de renvoi à l'audience de la cour d'assises en
violation de l'obligation de présentation précise et détaillée de la
nature et de la cause de l'accusation. Il soulève la violation de
l'article 6 par. 1 (précité) et 3 a) (art. 6-1, 6-3-a) de la Convention
qui se lit comme suit :
3. Tout accusé a droit notamment à :
a. être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il
comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause
de l'accusation portée contre lui (...)".
La Commission rappelle que l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) de
la Convention, qui constitue un aspect particulier de la notion
générale de procès équitable garantie au paragraphe 1er de cet article,
donne à l'accusé le droit d'être informé de la cause, c'est-à-dire des
faits matériels mis à sa charge et qui sont à l'origine de son
inculpation, mais aussi de la nature de l'accusation, c'est-à-dire de
la qualification juridique des faits. En raison d'un lien logique entre
les paragraphes 3 a) et 3 b) de l'article 6 (art. 6-3-a, 6-3-b), cette
information doit contenir les éléments nécessaires permettant à
l'accusé de préparer sa défense en conséquence (voir notamment
N° 8490/79, déc. 12.3.81, D.R. 22 p. 140 ; N° 10857/84, déc. 15.7.86,
D.R. 48 p. 106).
En l'espèce, le requérant n'a nullement allégué une lacune dans
son information qui l'aurait privé de la possibilité de préparer
efficacement sa défense devant la cour d'assises et rien dans le
dossier, en particulier l'allégation d'une lecture partielle de l'acte
d'accusation à l'audience de la cour d'assises, ne permet de tirer une
telle conclusion.
Il ressort par ailleurs du procès-verbal des débats devant la
cour d'assises, non contesté par une procédure d'inscription de faux,
que le greffier à lu à haute et intelligible voix l'arrêt de renvoi à
l'exception des faits imputés à R. et M. qui firent l'objet d'une
ordonnance de disjonction. La Commission ne voit pas en quoi pareille
lecture aurait pu entacher la procédure d'iniquité.
Il s'ensuit que le grief est manifestement mal fondé et doit être
rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la
Convention.
6. Le requérant se plaint également de la présence des témoins à
charge dans la salle d'audience avant leur comparution et de la
collusion de ces mêmes témoins avec les enquêteurs chargés de
l'enquête. Il soulève la violation de l'article 6 par. 1
(art. 6-1) de la Convention.
La Commission note que le requérant a développé à l'appui de son
pourvoi le seul grief relatif à la présence des témoins à charge dans
la salle d'audience avant leur comparution. Il n'a en revanche pas
soulevé, même en substance, le grief tiré de la collusion de ces mêmes
témoins avec les enquêteurs chargés de l'enquête. Il s'ensuit que le
requérant n'a pas satisfait, sur ce point, à la condition relative à
l'épuisement des voies de recours internes et que cet aspect du grief
doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la
Convention.
La Commission a donc examiné la question de savoir si l'audition
de témoins à charge nonobstant leur présence préalable dans la salle
d'audience avait porté atteinte au droit à un procès équitable. Elle
estime toutefois que rien dans le dossier, tel qu'il lui a été soumis,
ne permet de conclure que la procédure, vue dans son ensemble, ait été
inéquitable pour cette raison.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de
la Convention.
7. En dernier lieu, le requérant invoque l'article 3 du Protocole
No 7 (P7-3) à la Convention pour autant que la grâce lui aurait été
accordée après que son dossier eut été instruit, par la direction des
affaires criminelles et des grâces du Ministère de la Justice, dans le
sens d'une erreur judiciaire.
L'article 3 du Protocole N° 7 (P7-3) à la Convention est ainsi
libellé :
"Lorsqu'une condamnation pénale définitive est ultérieurement
annulée, ou lorsque la grâce est accordée, parce qu'un fait
nouveau ou nouvellement révélé prouve qu'il s'est produit une
erreur judiciaire, la personne qui a subi une peine en raison de
cette condamnation est indemnisée, conformément à la loi ou à
l'usage en vigueur dans l'Etat concerné, à moins qu'il ne soit
prouvé que la non-révélation en temps utile du fait inconnu lui
est imputable en tout ou en partie."
La Commission note que si que le requérant a bénéficié d'une
mesure de grâce, celui-ci n'a produit aucun élément propre à indiquer
que la grâce lui a été accordée en raison d'un fait nouveau ou
nouvellement révélé prouvant l'existence d'une erreur judiciaire. En
conséquence, la Commission n'a décelé aucune apparence de violation de
l'article 3 du Protocole N° 7 (P7-3) à la Convention.
Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant
manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de
la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire de la Le Président de la
Deuxième Chambre Deuxième Chambre
(K. ROGGE) (H. DANELIUS)