Přehled
Rozhodnutí
SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 20860/92
présentée par Robert TOURNEUR
contre la France
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La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 5 mai 1993 en présence de
MM. S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre
G. JÖRUNDSSON
A. WEITZEL
J.-C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
MM. F. MARTINEZ
L. LOUCAIDES
J.-C. GEUS
M.A. NOWICKI
M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 26 août 1992 par Robert TOURNEUR
contre la France et enregistrée le 28 octobre 1992 sous le No de
dossier 20860/92 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, de nationalité française, est né en 1951 à Bethune.
Il exerce la profession d'artisan marinier et réside à Conflans-Sainte-
Honorine. Dans la procédure devant la Commission, il est représenté par
Me Gaschignard, avocat au barreau de Paris.
Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent
être résumés comme suit.
En se rendant au commissariat de police de Saint-Germain-en-Laye
pour s'enquérir du sort de son frère, entendu sur des faits distincts
de la présente affaire, le requérant se vit notifier, le 11 avril 1990
à 14 heures 50, une mesure de garde à vue pour vingt-quatre heures. Une
infirmière scolaire avait, en effet, fait part à la police des
accusations de viols portées contre le requérant par sa nièce. La garde
à vue fut prolongée pour une nouvelle période de vingt-quatre heures.
Au cours de ces deux jours, le requérant fut interrogé deux fois et
confronté deux fois également avec sa nièce.
Le 13 avril 1990, le requérant fut présenté au juge d'instruction
de Versailles. Il fut inculpé des chefs de viols et tentatives de viols
sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité et placé sous mandat
de dépôt le 13 avril 1990. Le 29 novembre 1990, il fut mis en liberté
sous contrôle judiciaire.
Par un arrêt du 16 octobre 1991, la chambre d'accusation de la
cour d'appel de Versailles prononça la mise en accusation du requérant,
le renvoya devant la cour d'assises des Yvelines et ordonna sa prise
de corps.
Le 21 octobre 1991, le requérant se pourvut en cassation contre
cet arrêt, invoquant notamment l'article 5 par. 1 et 3 et l'article 6
par. 3 de la Convention. Son pourvoi fut rejeté par un arrêt de la Cour
de cassation en date du 28 janvier 1992. La Cour considéra que
l'article 77 du Code de procédure pénale avait été exactement appliqué
et que ses prescriptions n'étaient pas incompatibles avec la
Convention. Selon l'avocat du requérant, "il ne résulte d'aucune pièce
du dossier que cet arrêt ait été notifié, signifié, ou même simplement
déposé" à son casier "plus de six mois avant la date du recours
introduit devant la Commission".
GRIEFS
1. Le requérant se plaint d'avoir été maintenu en état d'arrestation
pendant quarante-huit heures à des fins autres que celles prévues par
la Convention en ce qu'il aurait été interrogé et confronté à sa nièce
dans le but d'obtenir des aveux et non en vue d'être conduit devant un
magistrat. Il allègue donc la violation des paragraphes 1 c) et 3 de
l'article 5 de la Convention.
2. Le requérant estime également avoir été "accusé" sans bénéficier
de l'assistance d'un conseil et sans disposer du temps et des facilités
nécessaires à la préparation de sa défense. Il allègue ainsi la
violation de l'article 6 par. 3 b) de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint tout d'abord d'avoir été détenu à des fins
autres que celles prévues par la Convention et invoque les paragraphes
1 c) et 3 de l'article 5 (art. 5-1-c, 5-3) de la Convention.
Cet article dispose :
"1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul
ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas
suivants et selon les voies légales :
...
(c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit
devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des
raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une
infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire
à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou
de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci;"
"3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions
prévues au paragraphe 1 c du présent article, doit être
aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat
habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et
a le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, ou
libérée pendant la procédure (...)."
La Commission constate tout d'abord que le requérant a été arrêté
et détenu en garde à vue selon les voies légales, en l'occurrence
l'article 77 du Code de procédure pénale, c'est à dire pendant
quarante-huit heures, délai jugé raisonnable par les organes de la
Convention et qui n'est pas contesté par le requérant.
En l'espèce, la Commission relève que le requérant conteste le
but de sa garde à vue qui aurait consisté uniquement à le faire avouer
et non à le conduire devant l'autorité compétente.
La Commission rappelle que selon sa jurisprudence, "l'objectif
de l'article 5 par. 1 c) (art. 5-1-c) est essentiellement conditionnel
en ce que l'arrestation ou la détention ont pour but de traduire la
personne arrêtée ou détenue devant l'autorité judiciaire compétente.
La condition ne se matérialise que si l'interrogatoire de la personne
arrêtée ou détenue, ou l'enquête générale, confirment les soupçons"
(voir Terence Brogan et autres c/Royaume-Uni, rapport Comm. 14.5.87,
par. 96, Cour eur.D.H., série A n° 145, p.61). Par ailleurs, "l'enquête
a précisément pour but de recueillir les preuves nécessaires et la
détention facilite la conduite de l'enquête" (voir Terence Brogan et
autres, rapport précité, par. 93) .
Sur ce point, le requérant ne démontre pas en quoi le seul but
de sa garde à vue aurait été de le faire avouer et non de le conduire,
comme le prévoit la Convention, devant l'autorité judiciaire
compétente. La Commission note à cet égard que le requérant a bel et
bien été conduit devant le juge d'instruction qui a délivré un mandat
de dépôt en date du 13 avril 1990, à l'issue de la garde à vue.
La Commission relève par ailleurs qu'au cours de sa garde à vue,
le requérant fut entendu deux fois sur les faits qui lui étaient
reprochés et que deux confrontations furent organisées avec sa nièce.
Or le requérant ne démontre pas en quoi ces actes n'auraient pas eu
pour but de recueillir les preuves nécessaires à la poursuite de
l'enquête.
La Commission n'aperçoit donc en l'espèce aucune apparence de
violation de l'article 5 (art. 5) de la Convention .
Il s'ensuit que la requête est à cet égard manifestement mal
fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant allègue par ailleurs la violation de l'article 6
par. 3 b) (art. 6-3-b) de la Convention.
Cet article dispose :
"Tout accusé a droit notamment à :
...
b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense (...)".
Le requérant estime que la personne gardée à vue est en fait
"accusée" au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention et
doit dès lors bénéficier des garanties d'un procès équitable dès le
début de la garde à vue.
La Commission rappelle que la question de savoir si un procès est
conforme aux exigences de l'article 6 (art. 6) de la Convention,
s'apprécie sur la base d'un examen de l'ensemble de la procédure. 0r,
le requérant n'ayant pas encore été jugé, la requête est prématurée sur
ce point. En l'état de l'affaire, il n'est donc pas possible
d'entrevoir une violation de l'article 6 par. 3 b) (art. 6-3-b) de la
Convention.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est également
manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de
la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE
Le Secrétaire de la Le Président de la
Deuxième Chambre Deuxième Chambre
(K. ROGGE) (S. TRECHSEL)